
ECONOTE | N°32 – JUILLET 2016
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INTRODUCTION
Depuis deux ans, le rééquilibrage de l’économie
chinoise au profit de la consommation et au détriment
de l’investissement et des exportations a débuté. Mais,
il s’est fait au prix d’une croissance économique plus
faible. Compte tenu du modèle économique de la
Chine fortement intensif en matières premières et de
l’importance croissante de ce pays dans l’économie
mondiale, un ralentissement et un changement dans la
structure de l’économie chinoise pourraient avoir des
répercussions importantes sur les autres économies.
Les canaux de transmission d’un ralentissement
chinois à l’économie mondiale sont multiples et
incluent le commerce, les matières premières, et les
marchés financiers. Un ralentissement chinois
entraînerait une baisse des exportations pour les
partenaires commerciaux de la Chine; les prix des
matières premières baisseraient également, affectant
les pays exportateurs de matières premières. La
dépréciation de la devise chinoise impacterait les pays
concurrents de la Chine sur leur marché domestique
et/ou sur des marchés tiers, alimentant des pressions
baissières sur leurs taux de change. Enfin, les
incertitudes sur la capacité des autorités chinoises à
réussir une transition en douceur vers le nouveau
modèle de croissance pourraient peser sur la confiance
des investisseurs et accroître l’aversion au risque, se
traduisant par une volatilité accrue sur les marchés
financiers mondiaux.
L’objectif de cette étude est d’évaluer dans quelle
mesure un choc sur la croissance chinoise affecterait
l’économie mondiale. En premier lieu, l’article présente
le nouveau modèle de croissance de la Chine et
l’impact observé sur l’économie mondiale. Puis, il
décrit la méthodologie utilisée pour quantifier cet
impact et détaille le modèle utilisé. Enfin, il présente les
répercussions qu’un choc négatif sur le PIB réel de la
Chine pourrait avoir sur le PIB réel des pays du reste
du monde, sur les prix des matières premières, et sur
les variables financières.
LE NOUVEAU MODELE DE CROISSANCE
DE CHINOIS ET SON IMPACT SUR
L’ECONOMIE MONDIALE
LA « NOUVELLE NORME »
Entre 1980 et 2006, l’économie chinoise a bénéficié
d’une croissance économique élevée, avec une hausse
du PIB réel de 10 % en moyenne par an — une
success-story due en grande partie à un modèle
économique reposant sur l’investissement et les
exportations. Au cours de cette période, les taux
d’investissement et d’exportation ont augmenté de
30 % et 5 % du PIB à 40 % et 36 % respectivement.
Ce fort taux d’investissement s’explique par trois
distorsions importantes de prix dans l’économie
chinoise. En premier lieu, les faibles taux d’intérêt ont
joué un rôle clé dans la hausse de l’investissement. Au
travers de la répression financière, les banques
publiques pouvaient financer l’investissement à
moindres coûts. En second lieu, le faible niveau des
salaires a dopé les exportations chinoises. L’offre
excédentaire de main-d’œuvre rurale et la politique des
« hukou »3 ont permis de maintenir des coûts salariaux
bas. Enfin, la sous-évaluation du renminbi (RMB) a
permis à la Chine de renforcer la compétitivité de ses
exportations et de gagner des parts de marché dans le
cadre de sa stratégie mercantiliste.
Depuis la crise financière mondiale de 2008, le modèle
de croissance de la Chine a subi d’importants
changements4. Tout d’abord, les exportations ont
considérablement ralenti et ne devraient pas fortement
rebondir à court terme. Une demande plus faible de la
part des économies développées ainsi que la perte de
compétitivité-prix liée à l’appréciation du RMB et à la
hausse des coûts salariaux ont pesé sur les
exportations chinoises. Par ailleurs, en réponse à la
crise financière de 2008, le gouvernement chinois a mis
en œuvre un important programme de relance
budgétaire, qui a entrainé une hausse du taux
d’investissement à 45 % du PIB en 2009. Ces
investissements massifs se sont traduits par des
surcapacités croissantes dans certains secteurs
industriels (tels que le cuivre, le charbon, etc.), comme
en témoigne la baisse des indices de prix à la
production, mais aussi dans le secteur immobilier, qui
accuse une forte hausse des surfaces vacantes depuis
2012. Enfin, la hausse des investissements, parfois
dans des projets inefficaces en raison d’une mauvaise
allocation des ressources, a été financée par une
croissance rapide et soutenue du crédit bancaire,
faisant croître le niveau d’endettement de l’économie
chinoise de 150 % du PIB en 2007 à 250 % en 2015.
Au cours du troisième plénum de 2013, reconnaissant
les limites du modèle de croissance, les autorités
chinoises ont annoncé un ensemble de réformes
destinées à rééquilibrer l’économie en axant la
croissance davantage sur la consommation et moins
sur l’investissement. Les réformes les plus poussées
ont été la libéralisation financière et l’ouverture du
compte de capital, mais toutes deux ont été rendues
3 Le Hukou est un système d’enregistrement des ménages
donnant accès à tous les services publics (éducation, santé,
logement) et à la protection sociale (maladie et soins pour les
personnes âgées) d’une région/province donnée.
4 Voir O. De Boysson et S Sa : « Chine : débat sur la croissance »,
Econote Société Générale, 2013.