Questions Approfondies de Psychologie Sociale

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Université Libre de Bruxelles
Faculté des Sciences Psychologiques et de l'Education
Questions Approfondies de Psychologie Sociale :
Les mécanismes psychologiques du nationalisme
Assaad E. AZZI
Traduction de l'anglais par Stéphanie Vandervoorde, 1998
De l'original :
Azzi, A. (1998). From competitive interests, perceived injustice, and identity needs to
collective action : Psychological mechanisms in ethnic nationalism.
In C. Dandeker (Ed.), Violence and nationalism. New York : Transaction Press.
INTRODUCTION
Un aperçu des événements contemporains indique que les conflits entre groupes ethnoculturels
faisant partie d'une catégorie sociale plus vaste, en particulier l'"Etat-nation", deviennent plus
fréquents et intenses. Dans la plupart des pays en voie de développement, en Europe de l'Est,
ainsi que dans les pays occidentaux, le regain du sentiment d'appartenance et d'identification à
l'ethnie ainsi que l'émergence (ou la résurgence) du nationalisme ethnique deviennent un défi
considérable à la légitimité des frontières internationales actuelles et sont les signes
annonciateurs de l'hostilité et de la violence intergroupes. Quelles sont les sources de ce
nationalisme ? La valorisation d'une identité ethnique distincte est-elle une motivation
suffisante pour que des individus organisent, soutiennent l'action collective structurée ou y
participent ? Ou bien existe-t-il des motivations rationnelles liées à un intérêt matériel
personnel qui conduisent des individus à agir au nom de leur groupe ethnique ? Le présent
chapitre vise principalement à démontrer comment les théories et recherches psychosociales
contribuent au développement d'une compréhension globale du nationalisme et des conflits
entre groupes ethniques et ce, en cernant les processus et mécanismes qui relient les variables
individuelles aux variables groupales et institutionnelles1.
Ce chapitre se divise en trois sections principales. La première passe en revue les théories ainsi
que les recherches antérieures et actuelles mettant en lumière trois motivations psychologiques
qui sont supposées inciter les membres individuels d'un groupe à engager ou soutenir
l'affrontement collectif avec un autre groupe : (1) la poursuite rationnelle des intérêts
compétitifs du groupe, (2) la perception d'une forme d'injustice dans les systèmes de
répartition des ressources rares et (3) le besoin d'une identité positive et distincte. La deuxième
partie consiste en une analyse critique de la manière dont ces trois motivations se manifestent
dans le nationalisme ethnique. La troisième section traite des mécanismes qui servent de
médiateurs entre les motivations individuelles et l'action collective organisée, soit la forme qui
revêt le plus souvent le nationalisme ethnique.
QUELQUES PROBLEMES DE DEFINITION
Le nationalisme, qui se caractérise par une revendication collective d'"appartenance à la
nation", entraîne la remise en question des structures existantes au niveau des relations
intergroupes et provoque le désir soit de se désengager d'une relation d'interdépendance avec
d'autres groupes, soit d'y exercer une hégémonie. D'un point de vue psychologique, la
revendication d'appartenance à la nation implique que "le groupe constitue une entité sociale"1 ,
ce qui, comme indiqué dans d'autres chapitres de ce volume2 , s'articule généralement dans le
cadre d'une certaine idéologie qui (a) rend plus ou moins explicites une définition et une
légitimation subjectives du groupe et de ses frontières, basées sur l'interdépendance historique,
territoriale, linguistique, religieuse ou culturelle entre ses membres, (b) diffuse un message de
1
2
N.d.T. : (AZZI).
N.d.T. : DANDEKER, Ch. (King's College London), "Nationalism and Violence"; DANDEKER, Ch., "Nationalism,
Nation-States and Violence at the End of the Twentieth Century"; JAMES, H. (Princeton University), "The
Economics of Nationalism and Violence"; UEDA, R. (Tufts University), "Status Changes and Ethnic Conflict in
Twentieth-Century America"; GOW, J. (King's College London), "Nations States and Sovereignty : Meanings and
Challenges in Post-Cold War International Security".
2
distinction endogroupe3 et de différenciation intergroupe et (c) avance des revendications
territoriales.
Le processus psychologique de différenciation catégorielle sous-tend la définition sociale de
groupes nationaux et de leurs frontières (Bruner, 1957; Tajfel, 1959, 1981; Turner et al., 1987).
Au cours des deux dernières décennies, les recherches en psychologie ont révélé le rôle
essentiel e ce processus dans la représentation que se font les individus de leurs
environnements physique et social. Compte tenu du volume et de la complexité considérables
des données qui affectent les sens de l'être humain ainsi que des limitations de sa mémoire
comme de sa capacité de traitement de l'information, le processus de différenciation catégorielle
fournit un moyen simplifié de traiter l'information en réduisant son format et en la classant
dans le plus petit nombre de catégories possible. Par exemple, malgré les différences physiques
entre des chaises qui font de chacune d'elles un objet distinct, notre concept de chaise ne
s'attache pas toujours à ces différences mais inclut plutôt un ensemble de caractéristiques
partagées par les chaises en les distinguant des autres objets. Le processus de catégorisation
d'objets ou de personnes entraîne la maximisation des différences entre les membres de
catégories différentes (la différenciation) et la minimisation des différences entre les membres
d'une même catégorie (l'homogénéisation). Il est facile d'imaginer comment ce processus se
concrétiserait dans la construction sociale de catégories nationales.
Le fait que la catégorisation entraîne une accentuation des différences et des similitudes
suppose que les identités de groupe sont, du moins en partie, "construites" socialement. Cela
ne signifie cependant pas que les représentations catégorielles et les groupes eux-mêmes,
d'ailleurs, soient le produit de l'imagination pure, thème sur lequel bon nombre
d'anthropologues ont débattu (p. ex. Anderson, 1983; Leach, 1957). Au contraire, il est
probable que le processus de construction sociale s'appuie au départ sur les différences entre
les catégories sociales. Ces différences pourraient être physiques (p. ex. la couleur de la peau,
la taille, les traits du visage), institutionnelles (les différentes institutions religieuses, sociales
ou politiques), linguistiques, territoriales, etc. Il existe parfois des différences socioculturelles
subtiles (dans les coutumes, les normes et les règles qui régissent l'interaction et la
communication sociales quotidiennes). En l'absence de constructions sociales explicites, ces
différences peuvent engendrer des sentiments d'appartenance à un groupe et des différences
intergroupes, sans devenir nécessairement des éléments de représentations cognitives ou
collectives élaborées du groupe. Certains peuvent se sentir Basques, Cinghalais ou Slovaques
seulement par le partage et l'adoption des valeurs, des coutumes et des institutions de ces
communautés. Cette forme d'identification est différente de celle engendrée par les processus
de construction sociale concrétisés dans les idéologies nationalistes (Gellner, 1987). Le
nationalisme implique un processus de construction sociale qui confère une signification
psychologique aux différences entre les catégories sociales. Ainsi, ces catégories font
progressivement partie d'une "représentation" cognitive collective dans laquelle le groupe
constitue alors une "unité" 2 perceptive distincte des autres unités. Les facteurs qui influent sur
la transition d'une forme d'identification à l'autre seront analysés plus loin dans ce chapitre.
Cette définition établie, on peut se demander si le nationalisme entraîne nécessairement le
conflit intergroupe. Notre définition opératoire du conflit intergroupe est la suivante : il s'agit
3
N.d.T. : groupe de personnes partageant un sentiment
d'appartenance, une impression d'identité commune (MYERS &
LAMARCHE (1992 : 330)).
3
d'un affrontement collectif déclaré, déclenché par une ou plusieurs parties (c'est-à-dire les
groupes sociaux ou leurs représentants) dans le but d'assurer la réalisation, la mise en valeur ou
la préservation des intérêts particuliers de groupe. Cette définition implique qu'il faut faire une
distinction entre le conflit et des concepts tels que l'ethnocentrisme, le préjugé et le stéréotype,
concepts que les psychologues sociaux emploient souvent comme s'ils étaient synonymes du
conflit. Alors que ces concepts se rapportent à des états, des sentiments, des connaissances et
des croyances intrapsychiques qui, dans le cadre d'une relation causale, peuvent être impliqués
dans le conflit, le fait d'établir la nécessité de ces processus dans le conflit intergroupe relève
plutôt de recherches empiriques que d'une question de définition. Il est possible que ces états
psychologiques soient des sources importantes de conflit sans être toutefois nécessaires ou
suffisantes pour l'engendrer. En effet, ils peuvent tant en être les conséquences que les
déterminants (Sherif et al., 1961, 1988)3.
Comme il remet en question les structures existantes au niveau des relations intergroupes, le
nationalisme porte en lui les germes du conflit intergroupe. Le présent chapitre vise à expliquer
comment les mécanismes psychosociaux - impliqués généralement dans le conflit intergroupe se manifestent dans la détermination des conflits nationalistes.
CONDITIONS DE DECLENCHEMENT DU CONFLIT INTERGROUPE : INTERETS
REALISTES ET COMPETITIFS
Deux courants se dessinent parmi les diverses disciplines qui étudient les motivations
impliquées dans le conflit intergroupe, en général; et dans le conflit ethnique, en particulier.
L'un met en évidence la motivation liée à la poursuite et à la maximisation des intérêts
"rationnels" ou réalistes, l'autre souligne le rôle des motivations symboliques ancrées dans les
liens affectifs, les besoins émotionnels ou expressifs et l'identification et l'attachement au
groupe4. Après le survol des interprétations psychosociales de ces courants, nous montrerons
que ceux-ci ne s'excluent pas mutuellement.
Intérêts réalistes incompatibles et conflit
Selon la théorie des conflits réels (Sherif, 1966; Sherif, Harvey, White, Hood & Sherif, 1961,
1988; Sherif & Sherif, 1953; Simmel, 1955; Coser, 1956, 1957; Campbell, 1965; Le Vine &
Campbell, 1972), les individus et les groupes sont des acteurs rationnels dont les actions sont
motivées par la maximisation de leur propre intérêt. A partir de ces prémisses, il ressort
théoriquement que le conflit intergroupe dépend de la structure objective des relations qu'ils
ont entre eux : si ces relations sont compétitives, le conflit est alors inévitable, c'est par la
création d'une structure de relations coopérative que le conflit est évité ou résolu. La
compétition et la coopération sont respectivement définies comme l'incompatibilité et la
compatibilité des objectifs "réalistes" (ou matériels) de groupe. Deux groupes ont des buts
incompatibles lorsque les objectifs de l'un ne peuvent être atteints qu'aux dépens de ceux de
l'autre. Dans cette situation à somme nulle, les relations entre les groupes sont compétitives et
conflictuelles. On parle de buts supra-ordonnés ou compatibles quand les objectifs d'un groupe
ne peuvent être atteints que si ceux de l'autre le sont aussi. Par conséquent, ces buts
nécessitent des relations coopératives pour leur réalisation. Selon la théorie des conflits réels,
les conséquences psychologiques des incompatibilités d'objectifs (qui sont elles-mêmes
déterminées objectivement/socialement) se manifestent par une accentuation (1) de la
perception qu'une menace est dirigée contre l'endogroupe, (2) des sentiments d'hostilité à
l'égard de l'exogroupe qui est perçu comme la source de cette menace, (3) de la solidarité au sein
4
de l'endogroupe, (4) de la saillance4 de l'identité endogroupale, ainsi que par un renforcement
(5) de la perception des frontières intergroupes, (6) des stéréotypes négatifs envers
l'exogroupe et (7) du comportement ethnocentrique (Le Vine & Campbell, 1972).
Les données expérimentales qui corroborent les arguments de cette théorie proviennent des
expériences menées sur le terrain par Sherif. Au cours de ces expériences (Sherif et al., 1961,
1988), Sherif a réparti en deux groupes les garçons de onze ans recrutés dans les camps d'été.
Ces groupes ont été isolés l'un de l'autre pendant deux jours (afin d'observer les processus
relatifs à la formation de groupes). Il a ensuite présenté ces groupes l'un à l'autre dans une série
de situations de compétition, de simple contact et de coopération. On peut brièvement
résumer les résultats, bien que complexes, de la manière suivante : la compétition (introduite
sous la forme de jeux compétitifs) a augmenté la solidarité de l'endogroupe, les stéréotypes
négatifs vis-à-vis de l'exogroupe et les exemples d'actions hostiles spontanées envers les
membres de l'exogroupe, ses symboles et ses biens. Le fait de mettre les groupes en contact n'a
réduit ni la tension ni l'hostilité. Ce n'est qu'après une série d'activités comprenant des buts
supra-ordonnés (coopératifs) que l'hostilité, de même que les stéréotypes négatifs de
l'ethnocentrisme, ont décru. Diverses expériences réalisées sur le terrain et en laboratoire ont
donné les mêmes résultats (Blake, Shepard & Mouton, 1964; Diab, 1970; Wilson & Miller,
1961; Wilson & Kayatani, 1968).
Les critiques de la théorie des conflits réels ont progressé grâce à l'accumulation de résultats
expérimentaux montrant que certains symptômes du conflit - en particulier le comportement
ethnocentrique sous la forme d'un biais pro-endogroupe dans l'évaluation des performances et
attributs de groupe ou dans la répartition des ressources - apparaissent dans les situations
coopératives ou lorsqu'aucune compétition explicite n'est présente. Selon certains auteurs, ces
résultats indiquent que le conflit intergroupe ne nécessite pas l'interdépendance compétitive et
que la saillance de la catégorisation endogroupe-exogroupe suffit à faite apparaître certains
symptômes du conflit, à savoir le comportement ethnocentrique (Brewer, 1979; Tajfel &
Turner, 1986; Turner, 1981). Les critiques soulignent que les études réalisées par Sherif
confondent le passage de l'interdépendance compétitive à l'interdépendance coopérative avec
une modification dans la saillance de la catégorisation en groupes (Brewer, 1979; Turner,
1981). Ainsi, le contact compétitif a lieu lors de situations qui marquent très nettement les
frontières intergroupes (p. ex. les groupes sont répartis à des endroits différents sur les plaines
de jeux); en revanche, les situations impliquant des buts supra-ordonnés permettent aux
individus de se confondre au-delà des frontières intergroupes (Brewer, 1979; Brown, 1988).
Afin de mettre en évidence le rôle de la catégorisation en groupes, de nombreux chercheurs
citent le rapport de Sherif dans lequel l'ethnocentrisme apparaît dans les expériences sur le
terrain dès que la présence de l'endogroupe est signalée (avant l'introduction explicite de la
situation compétitive par les expérimentateurs). Cette explication de l'ethnocentrisme - à
savoir, résultat de la catégorisation saillante plutôt que des intérêts compétitifs - suppose que
la résolution du conflit n'est possible que lorsque les sujets interagissent les uns avec les autres
en qualité d'individus et non comme membres de catégories différentes (cfr. Brewer & Miller,
1984). Selon ce point de vue, il est peu probable que la coopération aboutisse à l'atténuation
du conflit, sauf à abolir les frontières intergroupes. Toutefois, certaines découvertes récentes
ne confirment pas cette conclusion. En effet, elles montrent que l'introduction de buts supraordonnés qui entraînent la dissolution des frontières intergroupes peut augmenter plutôt que
4
N.d.T. : quelque chose qui vient à l'esprit, qui est actif dans la
mémoire (AZZI).
5
diminuer la probabilité du comportement ethnocentrique (Brown, 1978, 1988; Brown & Wade,
1987; Deschamps & Brown, 1983).
Comme il se peut que l'on ait confondu les effets de la catégorisation sociale avec ceux de
l'interdépendance des objectifs et que cette dernière puisse ne pas être nécessaire à l'apparition
de l'ethnocentrisme, Tajfel et ses collaborateurs (Tajfel, Flament, Billig & Bundy, 1971) ont
mis au point un paradigme qui sépare ces effets : le "paradigme des groupes minimaux" (le
PGM). Dans l'étude type du PGM, les sujets sont répartis en deux groupes arbitraires (sur la
base d'une préférence pour telle ou telle peinture, d'un tirage au sort, etc.). Ensuite, on a
demandé aux sujets de décerner des récompenses à deux individus en cochant des matrices de
choix spécialement conçues pour ces études du PGM. En outre, l'interaction frontale est
interdite et les individus ne sont identifiés que par leur appartenance à un groupe (de cette
façon, leur identité individuelle reste anonyme). Les groupes sont donc "minimaux" en ce sens
qu'il n'existe aucun antécédent d'interdépendance au sein des groupes ou entre eux. Les
résultats des études utilisant le PGM, bien que peu probants, se sont révélés cohérents tout au
long des expériences : étant donné d'une part, une distribution entre un membre de
l'endogroupe et un membre de l'exogroupe et d'autre part, des options diverses proposées sur
les matrices de choix (profit maximum de l'endogroupe, différenciation maximale entre
l'endogroupe et l'exogroupe, équité et profit commun maximum), le choix dominant des sujets
porte sur la différenciation maximale. Contrairement à l'intuition, la découverte mise en lumière
par les chercheurs montre que les sujets choisissent de maximiser la différence entre
l'endogroupe et l'exogroupe même si ce choix sacrifie le gain monétaire absolu de l'endogroupe.
Bien que les constatations de ces études remettent en cause les grands principes de la théorie
des conflits réels, elles ne permettent pas de conclure qu'une structure de relations compétitive
ne soit pas nécessaire au déclenchement du conflit. Si l'on se penche sur les ouvrages écrits à ce
sujet, on comprend la difficulté qu'il y a de nier le rôle fondamental d'une structure compétitive
dans le conflit intergroupe.
Premièrement, certaines données montrent que la perception d'une structure compétitive
apparaît dans les études relatives à la catégorisation sociale (les groupes minimaux). Une
catégorisation sociale saillante, liée à un travail de distribution entre des individus identifiés
uniquement en termes d'appartenance catégorielle, peut créer une "orientation compétitive
implicite " (Brewer & Silver, 1978). En effet, qu'ils se trouvent dans des conditions
compétitives ou non, les sujets perçoivent de telles situations expérimentales comme
compétitives (Ferguson & Kelly, 1964; Rabbie, Schot & Visser, 1989; de telles attentes
peuvent contribuer à la perception d'une situation compétitive.
Deuxièmement, la plupart des études sur les groupes minimaux ont analysé les circonstances
responsables de l'apparition du "favoritisme pro-endogroupe" et non celles qui engendrent le
"conflit intergroupe".
Ces études peuvent donc justifier la conclusion selon laquelle une catégorisation saillante serait
suffisante pour susciter l'ethnocentrisme sous la forme d'un favoritisme pro-endogroupe dans
la répartition des ressources. Elles ne permettent cependant pas de conclure qu'une
catégorisation saillante suffise à provoquer le conflit intergroupe. Le fait d'assimiler le conflit
au favoritisme pro-endogroupe est trompeur, surtout parce que, dans les études
expérimentales et sur le terrain, les mesures du favoritisme pro-endogroupe indiquent parfois
une évaluation positive de l'endogroupe qui n'est pas nécessairement accompagnée d'un
évitement de l'exogroupe (Brewer, 1979, 1986; Brewer & Campbell, 1976). La critique
concluante de la théorie des conflits réels - qui pourrait s'appuyer fermement sur les
fondements de ces ouvrages - est qu'il faudrait également considérer les interdépendances
subjective et symbolique comme des médiateurs potentiels du comportement conflictuel.
6
Un défaut considérable de la théorie des conflits réels est qu'elle accentue la structure
"objective" des relations. Même si cette accentuation n'est en aucun cas trompeuse, elle passe
sous silence le rôle joué par les membres du groupe dans la définition des objectifs de groupe
et, par conséquent, dans la détermination de la structure des relations intergroupes. Elle
considère simplement comme acquis les objectifs de groupe et le consentement que les
individus leur accordent (Billig, 1976; Taylor and Moghaddam, 1987). Cette conception
comprend trois hypothèses qui ne sont pas développées dans la théorie : (1) les objectifs
incompatibles sont dépourvus et sont reconnus par les membres des groupes rivaux, (2) ces
objectifs sont les plus importants ou saillants et ils figurent au premier rang sur la liste des
objectifs de groupe et (3) l'établissement de ces objectifs et leur classement font l'objet d'un
consensus parmi les membres du groupe. Le fait que les définitions subjective et objective des
buts et des rétributions (c'est-à-dire les coûts et les profits) sous-tendues par la poursuite de
ces objectifs peuvent ne pas coïncider, souligne l'importance des processus impliqués dans la
définition des objectifs (cfr. Blalock & Wilken, 1979, pp. 29-30; Kelley & Thibaut, 1978).
C'est surtout dans de telles situations qu'il est nécessaire de considérer la composante
subjective des objectifs de groupe (Le Vine & Campbell, 1972).
Toutefois, même l'interdépendance compétitive subjective peut ne pas suffire à engendrer le
conflit intergroupe. Comme on le verra plus loin, un groupe ou ses dirigeants ne peuvent se
limiter à définir leurs objectifs et leur ordre de priorité, ils doivent également - pour les
atteindre - faire des choix parmi des moyens divers : l'affrontement direct, ouvert ou violent
pour ne citer que ceux-là. De plus, dans des groupes sociaux vastes, l'élaboration d'un
consensus sur les objectifs de groupe ne doit pas être considéré comme acquis. Habituellement,
la déclenchement d'un conflit se produit après des efforts de mobilisation complexes entrepris
par un nombre restreint de membres du groupe qui, à ce moment, peuvent ne représenter qu'un
même point de vue minoritaire au sein du groupe. La théorie des conflits réels n'a pas pris en
compte la multiplicité des objectifs, leur hiérarchisation, la diversité des moyens pour atteindre
tout objectif, l'élaboration d'un consensus sur les objectifs de groupe ainsi que les moyens
appropriés pour les atteindre. Ces processus seront analysés plus en détail dans la troisième
partie de ce chapitre qui aborde les processus impliqués dans l'action collective.
Privation de ressources, perception d'une forme d'injustice et conflit
La relation symétrique entre les deux parties représente une hypothèse problématique qui est
implicite dans la théorie des conflits réels (Billig, 1976). Cette hypothèse ignore la structure de
pouvoir qui existe souvent entre les groupes. Le degré de dépendance du groupe A envers le
groupe B peut être différent de celui du groupe B envers le groupe A; surtout lorsque les deux
groupes font partie d'une unité supra-ordonnée commune comme l'"Etat-nation". Le degré de
dépendance peut varier non seulement en fonction des objectifs, mais aussi en fonction des
ressources disponibles pour les atteindre (Blalock, 1967, 1989; Blalock & Wilken, 1979; Tilly,
1978). Dans le contexte d'unités sociales supra-ordonnées dotées d'une organisation et d'une
autorité centralisées, des différences de pouvoir entre groupes confèrent au groupe dominant
un plus grand contrôle non seulement sur le processus de distribution des ressources (Billig,
1976; Cohen, 1986). Dans ce cas, les membres des groupes subordonnés et désavantagés
peuvent ou non s'engager dans un conflit visant à atteindre, améliorer ou maximiser leur part.
Comment la théorie des conflits réels pourrait-elle prendre en compte les situations dans
lesquelles le statu quo prive certains groupes des ressources auxquelles ils aspirent
(probablement), alors que ces groupes ne font rien pour modifier ce statu quo ? Les recherches
7
sur la privation relative5 et sur les critères de justice indiquent que la tendance à s'engager dans
l'action conflictuelle pour accomplir un but particulier dépend de la perception du caractère
illégitime ou injuste des systèmes de distribution. Contrairement à la théorie des conflits réels
qui envisage le conflit de manière symétrique (c'est-à-dire engendré bilatéralement), les théories
de la privation relative et de la justice conçoivent le comportement conflictuel (p. ex. les
émeutes, les révolutions) comme suscité unilatéralement par les individus et les ensembles qui
se sentent privés des choses auxquelles ils pensent avoir droit.
Les théories de la privation relative se concentrent particulièrement sur les processus
psychologiques qui servent d'intermédiaires entre les asymétries de statut et de pouvoir
intergroupes et le déclenchement de la violence collective et politique. Ces théories postulent
implicitement ou explicitement que la violence collective - p. ex. les émeutes, les révolutions et
les guerres civiles - est, du moins en partie, le produit (1) de l'ensemble des sentiments
individuels de privation, de frustration et de colère et (2) d'événements "déclencheurs"
situationnels. Cette conception implique que plus le nombre d'individus qui éprouvent
(indépendamment et sans coordination) des sentiments de privation semblables est élevé et
plus le nombre de griefs accumulés est important, plus grande est la probabilité qu'un
événement "déclencheur" conduise à l'émergence de la violence collective. Le sentiment de
privation relative en tant que tel est considéré comme le résultat de comparaisons
psychologiques. Selon la forme de privation suscitée, les diverses théories proposent des
processus de comparaison différents. Les théories de la privation égoïste ou personnelle
(Crosby, 1976; Davis, 1959; Gurr, 1970) considèrent que la privation relative est le résultat
d'une comparaison intra-individuelle; les éléments particuliers qui sont comparés varient d'une
théorie à l'autre : les résultats antérieurs et les résultats actuels (Davis, 1959), les résultats réels
et les résultats attendus (Gurr, 1970), ou les résultats réels et les résultats mérités (Crosby,
1976). Les théories partagent l'hypothèse selon laquelle les accroissements de la divergence
entre les deux paramètres de comparaison engendrent des sentiments de privation relative et de
mécontentement, ce qui augmente la violence politique potentielle. Selon les théories de la
privation fraternelle6 (Runciman, 1966; Vanneman et Pettigrew, 1972; Walker & Pettigrew,
1984), les processus de comparaison intra-individuelle qui mènent au sentiment de privation
égoïste ne suffisent pas à provoquer la violence politique collective. Ces théories considèrent
également que la privation fraternelle, qui provient de la comparaison des résultats d'un groupe
avec ceux d'un autre, est un médiateur nécessaire à cette violence. En effet, certaines recherches
montrent que, comparée à la privation égoïste, la privation fraternelle est un meilleur élément
prédictif de la participation à des émeutes (Caplan, 1970), de l'élection de candidats noirs au
poste de maire par des Américains blancs (Vanneman & Pettigrew, 1972), du militantisme et
du soutien pour des manifestations violentes parmi les Américains noirs (Abeles, 1976;
Dibble, 1981), de l'appui au nationalisme québécois par les Canadiens francophones (Dubé &
Guimond, 1986) et des attitudes des Musulmans à l'égard des Hindous en Inde (Tripathi &
Srivastava, 1981).
Il se peut cependant que les sentiments de privation fraternelle seuls ne contraignent pas les
individus à s'engager dans l'action collective. Selon un certain nombre de recherches récentes,
5
N.d.T. : perception qu'on est moins bien nanti que les gens avec
qui l'on se compare.
6
N.d.T. : les privations relatives interpersonnelle et intergroupe
correspondent à ce qui est souvent appelé respectivement privations
égoïste et fraternelle (BOURHIS & LEYENS (1994 : 10)).
8
les individus qui perçoivent une discrimination à l'égard de leur groupe - ils éprouvent donc
vraisemblablement de la privation fraternelle - peuvent nier qu'ils fassent eux-mêmes l'objet de
discrimination (Crosby, 1982; Nagata & Crosby, 1990; Taylor, Wright, Moghaddam &
Lalonde, 1990). De telles constatations augmentent la probabilité que, même s'ils pensent que
leur groupe est victime de privations et cible de discrimination, ces individus peuvent encore
croire qu'il existe des moyens d'ascension sociale individuelle permettant de contourner la
discrimination du groupe.
Considérons
les
implications
d'une
telle
croyance
sur
le
conflit
intergroupe : les individus qui pensent que la privation personnelle et la privation groupale
sont indépendantes l'une de l'autre peuvent ne pas être disposés à participer à l'action
collective. Dans une telle situation, l'action collective est plus probable lorsque les privations
égoïste et fraternelle sont subjectivement élevées ou quand l'intérêt groupal est perçu comme
étroitement lié à l'intérêt personnel, plutôt que lorsque l'une est perçue comme forte et l'autre
faible ou quand elles sont perçues comme indépendantes. Les processus de mobilisation sont
davantage susceptibles de créer une relation subjective positive entre la privation personnelle
et la privation groupale. Les ouvrages consacrés à la privation relative (Kinder & Sears, 1985)
ont négligé ces processus. Ils seront analysés dans la section consacrée à l'action collective.
Il est raisonnable de considérer qu'en général, les théories de la privation relative supposent la
primauté de la privation des ressources matérielles plutôt que symboliques comme la
motivation qui incite à participer à l'action politique collective. En effet, la plupart des études
sur la privation relative (voir Runciman, 1966; Crosby, 1982; Martin & Murray, 1984;
Muller, 1980) utilisent des indicateurs ou les mesures économiques de la privation économique
pour tirer des conclusions sur la présence de la privation relative; très peu d'études, pour ne
pas dire aucune, abordent les griefs identitaires ou culturels, à savoir ceux qui sont
explicitement exposés dans un nombre considérable de conflits ethnoculturels (Horowitz,
1985; McCready, 1983; Montville, 1990; Oberschall, 1973; D. Rothchild, 1986; A.D. Smith,
1981; Tajfel, 1982b; Williams, 1982).
En outre, même si des versions plus anciennes de cette théorie, influencées par la théorie de la
frustration-agression (Berkowitz, 1962; Freud, 1930; Dollard, Doob, Miller, Mowrer & Sears,
1939) ont souligné les motivations émotionnelles (la frustration, la colère) ainsi que la
spontanéité et l'impulsivité de la violence collective, des formulations récentes (Crosby, 1976,
1982; Gurr, 1970; Muller, 1980) ont mis l'accent sur l'importance des processus de médiation
"rationnels", comme la perception de résultats mérités et la responsabilité attribuée à la source
de la privation. Cependant, aucune de ces formulations n'accorde suffisamment d'attention (a)
aux processus qui permettent aux individus de considérer une divergence, une privation ou une
aspiration non réalisée comme injuste ou illégitime; (b) ni aux justifications rationnelles sur la
participation à l'action collective (Muller, 1980). Pour répondre au point (a), nous devons
nous tourner vers les théories de la justice. Quant au point (b), il sera analysé dans la section
traitant de l'action collective.
Selon les théories de la justice, la perception d'une forme d'injustice est sous-tendue par deux
processus : la comparaison sociale de valeurs (p. ex. les résultats ou les apports) et une règle
psychologique utilisée pour juger de l'"équité" des valeurs comprises dans une comparaison.
Selon l'approche psychosociale dominante des critères de justice, à savoir la théorie de l'équité
(Adams, 1965; Berkowitz & Walster, 1976; Homans, 1961; Walster, Berscheid & Walster,
1973; Walster, Walster & Berscheid, 1978), la justice et l'équité sont déterminées par le calcul
d'un coefficient des apports (p. ex. les contributions, les investissements, les coûts) par
rapport aux résultats (p. ex. les récompenses, les profits) pour un individu et la comparaison
9
de ce coefficient à celui d'un autre individu. Bien que les formules mathématiques données pour
saisir ce processus cognitif varient légèrement d'un auteur à l'autre, elles supposent toutes
l'intervention d'un principe de proportionnalité (p. ex. les résultats d'un individu devraient être
proportionnels à ses contributions). La perception d'une forme d'iniquité est supposée
conduite à des tensions internes qui poussent à agir pour réduire cette iniquité. On a proposé
un certain nombre de stratégies cognitives et comportementales utilisées pour réduire l'iniquité
- p. ex. la diminution (ou l'augmentation) réelle (ou psychologique) de ses apports (ou
résultats) propres (ou de ceux de l'autre). Les circonstances qui sélectionnent ou activent ces
stratégies n'ont cependant pas été précisées (Deutsch, 1985; Taylor & Moghaddam, 1987;
mais voir Walster et al. 1973).
Conformément à l'approche réaliste, la plupart des théories de l'équité et de la justice
supposent que l'intérêt personnel joue un rôle majeur dans la sélection du groupe de
comparaison, des apports et résultats à comparer, de la nature des sentiments éprouvés et du
type de réaction comportementale obtenue. Un groupe qui est avantagé par un résultat
disproportionné et inéquitable éprouverait donc des sentiments de culpabilité qui motiveraient
les actions visant à rétablir l'équité comme la dévalorisation cognitive de son résultat ou la
revalorisation de sa contribution. En revanche, le groupe désavantagé éprouve habituellement
des sentiments de colère et serait contraint de restaurer l'équité de façon comportementale (en
exigeant des compensations ou en réduisant sa contribution ultérieure) ou, si cette solution est
impossible ou coûteuse, de manière cognitive (en adaptant des valeurs perçues des apports et
des résultats).
Malgré la richesse de ces formulations, le principe de proportionnalité supposé, selon les
théoriciens de l'équité, sous-tendre les perceptions et jugements de justice, s'est avéré n'être
qu'un des principes distributifs à l'origine d'un sentiment de justice ou d'injustice. Les critiques
ont attribué l'intérêt presque exclusif des recherches en matière d'équité pour le principe de
proportionnalité aux contextes culturel, économique et politique particuliers (c'est-à-dire
occidental, capitaliste, individualiste) dans lequel a été élaborée la théorie (Martin & Murray,
1983; Pepitone & Triandis, 1988; Sampson, 1975, 1983, 1986). Les recherches réalisées
jusqu'à présent indiquent que l'égalité, le besoin ainsi que d'autres principes normatifs non
réductibles à une formulation en termes de proportionnalité, sont utilisés dans divers contextes
et pour différentes ressources (Deutsch, 1975, 1985; Foa et Foa, 1980; Reis, 1986; Schwinger,
1980, 1986). La préférence pour l'un ou l'autre de ces principes se fait en fonction de la classe
ou de l'activité socio-économique (Langsberg, 1984), le genre (Leventhal & Lane, 1970; Major
& Adams, 1983; Major & Deaux, 1982), la culture et l'idéologie politique (Törnblom, Jonsson
& Foa, 1985; Leung & Bond, 1984), l'utilité attendue d'un principe (Leventhal, 1980), la nature
de la ressource distribuée (Foa & Foa, 1980; Törnblom, 1988; Törnblom et al., 1985) et le
type de relation entre les parties impliquées (Clark, 1984; Deutsch, 1985; Greenberg, 1983;
Mills & Clark, 1982; Watts, Messé & Vallacher, 1982). En outre, la justice distributive n'est
qu'un des nombreux processus qui déterminent l'injustice perçue; un autre, tout aussi
important, est la justice procédurale (Folger, 1977; Lerner, 1975; Leventhal, 1980; Lind &
Tyler, 1988).
Les éléments procéduraux qui interviennent dans la distribution des ressources sont
habituellement liés au processus qui mène à la prise de décision quant à la distribution. Les
recherches en matière de justice procédurale indiquent que les éléments procéduraux ont au
moins autant d'importance que l'évaluation des résultats et des apports dans la détermination
de la justice perçue (Folger, 1977; Barrett-Howard & Tyler, 1986), en particulier dans le
domaine juridique (Thibaut & Walker, 1975; Austin & Tobiasen, 1984) et dans le domaine
10
politique (Tyler, 1984). La participation au processus décisionnel est un élément procédural
crucial. Certaines recherches montrent que la participation au processus décisionnel relatif à la
distribution influe sur l'évaluation de l'équité de la décision, indépendamment de l'effet des
appréciations du résultat. Par exemple, les individus qui participent à un processus décisionnel
juridique jugent les verdicts plus justes que ceux qui n'ont pas eu l'occasion d'y participer (La
Tour, 1978; Walker, La Tour, Lind & Thibaut, 1974). Les chercheurs (Thibaut & Walker,
1975; Lind & Tyler, 1988) font une distinction entre deux formes de participation ou de
contrôle7 : (1) le contrôle expressif8 (c'est-à-dire la participation par la présentation du point
de vue de chacun et (2) le contrôle décisionnel9 (c'est-à-dire le contrôle sur le résultat de la
décision). Il est possible d'atteindre le premier par l'"expression" du point de vue de chacun, ce
qui constitue un droit très valorisé dans les démocraties occidentales (Lane, 1988). Le second
peut être obtenu par le droit de vote. Selon Tyler (1989, 1990; Lind et Tyler, 1988), le
contrôle expressif ou l'"expression du point de vue de chacun" suffit à faire percevoir la
justesse des résultats, même dans le groupe qui est désavantagé par la décision. Tyler propose
également un modèle de justice procédurale fondé sur la valeur du groupe et selon lequel
l'appartenance et l'identification à un système politico-juridique conduisent les individus et les
citoyens à accepter les procédures formalisées du système et, indirectement, à adhérer (sans
réserve) aux résultats de la décision auxquels aboutissent ces procédures. Il est cependant
possible qu'une condition nécessaire à ces effets soit que les parties concernées estiment être
traitées de la même façon (Azzi, sous presse).
Contrairement aux théories des conflits réels ou de la privation relative, les théories de la
justice ne contiennent rien qui définisse comme nécessairement "matérielles" les ressources ou
les procédures pour lesquelles les personnes sont en concurrence. En effet, certains chercheurs
(p. ex. Foa et Foa, 1980, Törnblom et al., 1985; Reis, 1986) distinguent explicitement les
ressources matérielles et non matérielles (p. ex. le statut, l'amour, l'information). De plus, la
distinction entre la justice distributive et la justice procédurale oppose les intérêts distributifs,
"orientés vers un résultat", aux intérêts procéduraux, plus "expressifs" (Folger, 1986; Lind et
Tyler, 1988). Ces distinctions correspondent à celles établies par certains sociologues et
politologues entre les ressources tangibles et non tangibles (p. ex. Horowitz, 1985; Oberschall,
1973; D. Rothchild, 1986). Ces distinctions prennent en compte l'éventualité selon laquelle
certains des intérêts poursuivis par les individus sont symboliques, en ce sens que leur valeur
est abstraite et psychologique plutôt que concrète et mesurable. Le besoin d'acquérir une
identité sociale positive ou distincte, souligné par des psychologues (Tajfel & Turner, 1986),
des sociologues et des historiens (Bourdieu, 1979; Horowitz, 1985; A.D. Smith, 1981),
constitue un intérêt symbolique qui semble dominant dans le nationalisme ethnique.
CONDITIONS DE DECLENCHEMENT DU CONFLIT :
INTERETS IDENTITAIRES ET SYMBOLIQUES
Besoin d'une identité sociale et conflit
Afin de prendre en compte l'ethnocentrisme dans le comportement intergroupe, Tajfel et ses
collaborateurs ont élaboré la "théorie de l'identité sociale" (Hogg & Abrams, 1988; Tajfel,
1974, 1981; Tajfel & Turner, 1986; Turner, 1975, 1981, 1987). Selon l'argument principal de
7
N.d.T. : il faut comprendre "contrôle" au sens anglais du terme
(AZZI).
8
N.d.T. : (BOURHIS & LEYENS (1994 : 301)).
9
N.d.T. : (BOURHIS & LEYENS (1994 : 301)).
11
cette théorie, le besoin d'une identité sociale positive sert d'intermédiaire entre la catégorisation
intergroupe et le comportement ethnocentrique d'un individu. Une catégorisation sociale
saillante crée une dépendance entre l'identité sociale d'un individu à un moment donné et son
appartenance catégorielle. Dans de telles circonstances, l'individu pourrait acquérir une identité
sociale positive par une différenciation positive entre son groupe et l'exogroupe saillant. Selon
cette théorie, la seule saillance de la catégorisation endogroupe-exogroupe suffit à activer le
besoin d'une différenciation positive. Ainsi, dans les groupes minimaux créés dans les études
expérimentales et dénués de toute valeur identitaire préexistante, la saillance des catégories
sociales est supposée activer, chez les individus, le besoin de définir positivement leur identité
de groupe par rapport à l'exogroupe. Dans les études où les deux groupes ne sont pas
minimaux mais où préexiste plutôt la situation expérimentale qui induit leur saillance (p. ex.
les groupes ethniques, le genre), les différences préexistantes entre les groupes (p. ex. les
différences de pouvoir ou de statut) peuvent affecter le degré d'activation du besoin d'une
différenciation positive. En général, compte tenu de l'association entre le statut d'un groupe et
la valence de son identité (c'est-à-dire le statut inférieur confère une identité sociale négative),
les membres des groupes à statut inférieur ont un besoin plus marqué d'acquérir une identité
sociale positive que ceux des groupes à statut supérieur.
La théorie de l'identité sociale précise un certain nombre de moyens auxquels les membres des
groupes à statut inférieur peuvent recourir pour acquérir une identité sociale positive : (1)
l'évaluation ou le comportement individuel ethnocentrique, (2) le départ individuel du groupe
évalué négativement pour un groupe évalué positivement; (3) une redéfinition collective
positive des attributs de l'endogroupe, (4) la définition de nouveaux attributs permettant à
l'endogroupe de se différencier de façon positive de l'exogroupe; (5) un changement
d'exogroupe de comparaison; et (6) l'engagement dans l'action collective pour changer le statu
quo et éliminer les fondements (socio-économiques et politiques) responsables de l'identité
négative de l'endogroupe. Selon cette théorie, le choix d'un ou de plusieurs de ces moyens
dépend des croyances en la stabilité par rapport aux différences entre les groupes. Si la
mobilité sociale au-delà des frontières intergroupes (c'est-à-dire quitter le groupe à statut
inférieur et rejoindre celui à statut supérieur) est possible, le départ individuel est alors un
choix probable. Si cette mobilité sociale est impossible (ou s'il ne s'agit pas d'un choix
disponible cognitivement) et si le statu quo est légitime et stable, les reconstructions cognitives
collectives de l'identité du groupe sont alors probables (p. ex. la réévaluation des attributs du
groupe d'une façon plus positive comme "Black is beautiful"1 0 , la définition de nouveaux
attributs ou un changement d'exogroupe de comparaison), l'alternative étant l'acceptation
passive de l'identité sociale négative du groupe. Cependant, si la mobilité sociale est perçue
comme impossible et le statu quo comme illégitime et instable, l'action collective est alors
probable. Quant aux membres des groupes à statut supérieur, la théorie prévoit qu'ils
éprouveraient le besoin d'une différenciation positive s'ils s'apercevaient que leur supériorité
est menacée, illégitime ou instable. Ils peuvent combler ce besoin par chacun des moyens cités
ci-dessus7 (Giles & Johnson, 1981; Hogg & Abrams, 1988; Tajfel, 1981; Tajfel & Turner,
1986).
La théorie de l'identité sociale accentue le rôle de l'illégitimité perçue dans la médiation de
l'action collective. Dès lors, cette théorie est proche de celle de la privation relative et de la
10
N.d.T. : on pense que ce slogan est apparu en 1966 et qu'il a
probablement été inventé par les Musulmans noirs et plus
particulièrement par Malcolm X. (FARREN & CANTRAINE : 1994).
12
justice. Ces deux théories soulignent cependant des motivations différentes : la première met
en évidence le besoin d'une identité sociale et la seconde insiste sur les sentiments issus de la
privation de ressources. Elles diffèrent également dans les types de processus qu'elles
choisissent d'inclure ou d'exclure.
D'une part, la théorie de l'identité sociale ne précise ni les processus qui engendrent la
perception d'une forme d'illégitimité, ni ceux qui définissent et servent de médiateurs à l'action
collective. En effet, très peu de recherches ont été menées dans le but d'étudier les
circonstances qui provoquent la perception d'une illégitimité et qui sélectionnent les divers
moyens d'acquérir une identité positive. A quelques exceptions près (p. ex. Blair & Azzi,
1992; Ellemers, 1991; Skevington, 1980; Wright, Taylor & Moghaddam, 1990), la plupart des
recherches menées dans le cadre de cette théorie se concentrent sur l'examen des situations
propices au favoritisme pro-endogroupe dans la répartition des ressources ou dans l'évaluation
des traits, ce qui ne représente qu'une des options stimulant l'identité. Ainsi, bien que les
recherches qui dérivent de la théorie de l'identité sociale explicitent des dynamiques de
certaines formes du comportement ethnocentrique, elles donnent peu d'informations sur les
dynamiques du conflit et sur le rôle de la perception d'une forme d'injustice et des sentiments
de privation dans ce processus (voir Tajfel, 1984 et Walker & Pettigrew, 1984, pour les
approches conceptuelles). D'autre part, bien que les recherches sur la justice distributive et
procédurale s'opèrent dans un large domaine et même si elles dépassent les frontières des
disciplines comportementales, la plupart d'entre elles se concentrent sur la justice dans les
relations interpersonnelles et accordent relativement peu d'attention à l'examen des principes
de la justice distributive et procédurale intervenant dans la gestion des relations intergroupes
ainsi qu'à la façon dont l'injustice perçue émerge dans de telles relations.
Les recherches récentes qui tentent de relier les deux approches se sont principalement
concentrées sur le poids relatif de la justice par rapport aux motivations liées à l'identité sociale
dans le cadre du comportement adopté au sujet de la répartition des ressources dans les
situations de "groupes minimaux". Par exemple, dans leur analyse critique de ces expériences,
Branthwaite et Jones (1975) font remarquer que la plupart des résultats reflètent en réalité un
équilibre entre une motivation qui cherche à établir l'équité et une motivation suscitée par
l'ethnocentrisme (provenant vraisemblablement du besoin d'une identité sociale). Cet argument
est confirmé par bon nombre d'études montrant que les orientations ethnocentriques et de
justice interviennent dans les situations de groupes minimaux (Bornstein, Crum, Wittenbraker,
Harring, Insko & Thibaut, 1983; Branthwaite, Doyle & Lightbown, 1979; Caddick, 1980;
Commins & Lockwood, 1979; Ng, 1984, 1986; Platow, McClintock & Liebrand, 1990). Ng
(1981) fournit des arguments et des indications détaillés indiquant que la répartition
discriminatoire observée dans ces expériences peut être elle-même motivée par le principe de
justice et d'équité. Cependant, les résultats expérimentaux ne concordent généralement pas
avec ce point de vue. Certaines études indiquent que la maximisation des résultats de
l'endogroupe l'emporte sur l'équité et sur l'orientation vers une différenciation maximale
(Bornstein et al., 1983). Selon d'autres études, cette orientation tend à prévaloir sur les
motivations fondées sur la justice et sur les motivations relatives à l'intérêt de groupe
(Commins & Lockwood, 1979; Ng, 1984). L'une des études montre que les effets de l'équité
peuvent prédominer sur ceux de l'identité sociale (Messé, Hymes & MacCoun, 1986), mais le
fait que cette étude utilise une ressource purement économique (la distribution des salaires)
peut avoir engendré cet effet puisque les transactions économiques constituent le domaine
prototypique d'activation des processus d'équité (Clark, 1984; Deutsch, 1975, 1985; Mills &
Clark, 1982; Ng, 1984). En effet, dans ce domaine, les normes opposées à la discrimination sur
la base de l'appartenance à un groupe sont explicites et saillantes, surtout au sein des cultures
individualistes occidentales. De telles recherches ne prennent généralement pas en
13
considération l'effet provoqué par le type de ressources réparties (p. ex. tangible par rapport à
symbolique; distributif par rapport à procédural) sur la pertinence et la saillance de principes
distributifs particuliers (Jost & Azzi, 1992).
Selon un certain nombre d'études, les principes de justice sont parfois utilisés de façon
stratégique, ce qui produit indirectement dans certains cas le favoritisme pro-endogroupe et à
d'autres moments le favoritisme exogroupe (van Knippenberg, 1978; van Knippenberg et van
Oers, 1984). Le fait que les favoritismes endogroupe et exogroupe peuvent être le résultat de
motivations stratégiques est confirmé par une des explications que Taylor et al. (1990)
proposent pour la divergence entre la discrimination personnelle/groupale - à savoir que les
individus reconnaissent l'existence d'une discrimination envers leur groupe, mais nient qu'ils
soient personnellement les cibles de discrimination. Au lieu de représenter une négation de la
discrimination personnelle, cette divergence peut être provoquée par une exagération de la
discrimination envers l'endogroupe. L'approche du "comportement stratégique" est également
confirmée par certains résultats sur les perceptions et attributions intergroupes : en dépit des
prévisions de la théorie de l'identité sociale selon lesquelles les individus se dissocieraient de
leur groupe si on lui attribuait des traits négatifs, un certain nombre d'études ont constaté qu'ils
se dissocient aussi des traits "positifs" du groupe (Hewstone et Ward, 1985; Jaspars et
Waernen, 1982; il semble que cet effet se produit surtout quand ces traits sont considérés avec
ressentiment ou envie par les membres d'exogroupes puissants). En effet, un des moyens
fourni par la théorie de l'identité sociale pour acquérir une identité sociale positive - à savoir
quitter un groupe et s'assimiler à un autre - peut être impliqué par le favoritisme exogroupe ou
par l'évitement de l'endogroupe. Bien que ces recherches n'aient pas envisagé explicitement
cette éventualité, d'autres séries de recherches indiquent que les membres de groupes
désavantagés peuvent manifester un favoritisme exogroupe (Clark & Clark, 1947; Corenblum
& Annis, 1992; Vaughan, 1964) et que les différences au sein des groupes immigrés et entre
eux à propos du désir d'assimilation peuvent se traduire par des divergences dans les
perceptions d'une forme de discrimination de leurs membres (Nagata & Crosby, 1990;
Robinson, 1984).
Valeurs symboliques/culturelles et conflit
La distinction entre les motivations symboliques et réalistes est également apparue dans les
résultats des sondages d'opinion sur les attitudes raciales aux Etats-Unis. Au cours des deux
dernières décennies, des recherches ont mis en lumière deux types d'attitudes paradoxalement
contradictoires. D'une part, on a observé un recul constant des attitudes racistes des
Américains blancs au cours des trois dernières décennies, alors que, d'autre part, ces derniers
sont fermement opposés à la mise en oeuvre d'une politique d'action positive (p. ex. la
déségrégation et le ramassage scolaire). On a considéré que ces attitudes contradictoires étaient
le reflet d'une nouvelle forme de racisme, appelé "racisme symbolique" (Sears, 1988; Kiner et
Sears, 1981; Mc Conahay, 1986). Le racisme symbolique est une forme déguisée du racisme
ancré dans un conflit culturel de valeurs (cfr. Myrdal, 1944) : d'un côté, les Américains blancs
valorisent l'équité et l'égalité des chances mais, de l'autre, ils ont développé des attitudes
racistes au cours de leur socialisation. Certaines critiques de cette approche estiment que
l'opposition à cette politique provient de la perception d'un conflit réel entre les Blancs et les
Noirs. Toujours selon cette approche, les Blancs peuvent considérer la violence et les
revendications collectives des mouvements politiques noirs, en particulier, comme une menace
pour leurs intérêts (Bobo, 1983, 1988).
D'autres critiques font remarquer que les résultats de ces sondages d'opinion n'ont abordé que
le domaine des attitudes et non celui du comportement. Lorsque les comportements sont
14
analysés (p. ex. la participation et le soutien à des organisations opposées au ramassage
scolaire), c'est l'intérêt personnel et non les attitudes du racisme symbolique qui apparaît
comme le facteur prédictif principal, alors que les attitudes raciales prévoyaient toujours des
attitudes opposées au ramassage scolaire (Citrin et Green, 1990). Il faut encore souligner que
ces recherches examinent les réactions d'une partie (les Blancs) face aux changements issus d'un
conflit déclenché par une autre partie (les Noirs). Par conséquent, ces résultats ne fournissent
pas d'informations qui permettent de déterminer si le déclenchement de ce conflit (par les
Noirs et le mouvement des droits civils dans ce cas-ci) était fondé sur des intérêts réalistes ou
symboliques. Il est probable que tant les griefs réalistes que les besoins symboliques ont joué
un rôle important dans le comportement conflictuel des Américains noirs (voir Sears &
McConahay, 1973). Il est toutefois vraisemblable que les intérêts symboliques sont à l'origine
de la réaction des Blancs face aux revendications des Noirs. En effet, selon Ueda (dans ce
volume), les gouvernements américains ont généralement adhéré à une tradition historique de
non-engagement dans les programmes qui assurent la protection des groupes ethnoculturels ou
qui favorisent l'ascension socio-économique de groupe. Cependant, depuis le mouvement des
droits civils, les dirigeants des minorités ont de plus en plus insisté sur les revendications de
reconnaissance du statut "corporatif" des minorités ethniques ainsi que sur les revendications
de reconnaissance d'un même statut culturel. Il est probable que le racisme symbolique des
Américains blancs, dont on a observé l'apparition après le mouvement des droits civils, est une
réaction à ce qu'ils considèrent comme une violation, par les mouvements afro-américains et les
autres mouvements d'affirmation culturelle, de la vieille tradition du "laisser-faire" à l'égard des
relations entre groupes ethniques.
Une autre approche, anthropologique, du rôle des valeurs culturelles et symboliques met
l'accent sur les incompatibilités potentielles des institutions et des valeurs qui émergent lors de
la réunion de groupes culturels différents au sein d'une entité politique, juridique et
économique supra-ordonnée (Furnivall, 1948; M.G. Smith, 1965, 1986). A l'instar de la théorie
des conflits réels, les prémisses de cette approche considèrent que le conflit est inévitable
lorsque des groupes qui ont des institutions ou des valeurs culturelles incompatibles sont
rassemblés dans une société commune. Dans ces circonstances, la préservation de l'unité
inclusive impliquerait nécessairement la subordination (culturelle, économique et politique)
d'un groupe à un autre. La seule différence par rapport à la théorie des conflits réels est
l'attention prêtée aux incompatibilités des valeurs et des institutions qui dans les premiers
ouvrages de Furnivall, étaient supposées être liées aux incompatibilités économiques. Dans les
travaux de Smith, les incompatibilités culturelles sont cependant supposées apparaître et
mener à un conflit, indépendamment des incompatibilités économiques. Les critiques de cette
dernière version font remarquer que, sans le concours des incompatibilités économiques, il
n'est pas possible de prévoir exactement quand et comment des différences intergroupes dans
les valeurs culturelles aboutissent à un conflit (Horowitz, 1985). En effet, certains
anthropologues ont affirmé que la diversité culturelle en elle-même (c'est-à-dire en l'absence de
divergences économiques) peut tout aussi bien engendrer des relations de pouvoir symétriques
ou asymétriques (voir Jenkins, 1986) et ne mène donc pas toujours à des relations
conflictuelles.
Une autre approche de recherches, sociologiques, oppose les origines des conflits ethniques en
rapport avec l'identité culturelle à leurs fondements rationnels et instrumentaux (voir mCKay,
1982; Meadwell, 1989). Les protagonistes de l'approche instrumentale (c'est-à-dire le choix
rationnel) soulignent la nature variable et adaptative des identités de groupe ainsi que le
manque de netteté des frontières intergroupes (voir Barth, 1969; Le Vine & Campbell, 1972).
Les identités ethnoculturelles deviennent donc saillantes et prégnantes lorsque l'action
15
collective ethnique peut satisfaire les besoins matériels et statutaires des membres de groupes
ethniques (Banton, 1983; Hechter, 1987; Oberschall, 1973). Autrement, les individus peuvent
choisir d'agir individuellement ou sur la base d'autres identités de groupe (p. ex. la profession,
la classe sociale). D'autres sociologues rétorquent que les conflits ethniques contemporains
(surtout dans les pays non occidentaux) éclatent quand les identités "primordiales"
traditionnelles et les valeurs culturelles sont menacées par l'apparition de pressions
économiques et politiques visant à la modernisation (voir Esman & Rabinovich, 1988; Geertz,
1973; Horowitz, 1985; McKay, 1982; Montville, 1990; J. Rothchild, 1981; Shils, 1957).
INTERETS REALISTES ET IDENTITAIRES DANS LE NATIONALISME ET LE
CONFLIT ETHNIQUES
Comme indiqué dans l'analyse précédente, les psychologues sociaux et d'autres chercheurs
dans le domaine des sciences sociales ont souvent décrit les motivations réalistes et
symboliques comme des motivations mutuellement exclusives dans le cas de conflits
intergroupes. Un examen plus approfondi des conflits intergroupes contemporains indique
néanmoins que les conflits pourraient impliquer des intérêts matériels, des intérêts identitaires
ou les deux. De plus, une interdépendance entre ces deux types d'intérêts dans la détermination
de conflits intergroupes peut exister. Les paragraphes suivants clarifieront progressivement
cette interdépendance. La prochaine section tente de préciser (1)les intérêts réalistes
particuliers de la justice (distributive et procédurale et (2) les intérêts identitaires particuliers
qui apparaissent dans les relations entre les groupes ethnoculturels qui font partie d'une
catégorie supra-ordonnée.
Intérêts distributifs et procéduraux dans les relations entre groupes ethniques
Considérées dans leur ensemble, les approches des conflits réels, de la privation relative et de
la justice indiquent que les conflits intergroupes pourraient être engendrés par la perception
selon laquelle soit les systèmes de distribution des ressources sont injustes et discriminatoires,
soit les intérêts de groupe sont menacés, soit leur réalisation est déjouée par les actions d'un
autre groupe. Une question sans réponse dans cette littérature concerne les critères ou les
principes particuliers que les gens considèrent comme justes dans la répartition des ressources
entre groupes et dont la violation mènerait à la perception d'une forme d'injustice et produirait
un mécontentement collectif potentiel. Etant donné le manque de recherches empiriques en
psychologie sociale sur les principes particuliers de la justice distributive et procédurale
utilisés par certains groupes (ou revendiqués par d'autres) pour la distribution des ressources
entre groupes, nous nous reporterons sur des observations et des analyses comparatives de
conflits ethniques contemporains8 afin de tirer des conclusions sur ces principes.
Ce qui suit représente une liste provisoire (et non exhaustive) des principes distributifs qui
semblent sous-tendre les revendications des groupes ethniques : (1) l'autodétermination9 (p.
ex. les républiques baltes dans l'ancienne Union soviétique; les Palestiniens en Israël, les Ibos
au Nigéria pendant la guerre du Biafra, les cantons suisses, le Québec au Canada); (2) le droit
des peuples indigènes, qui implique la possession d'un territoire (p. ex. les revendications des
Malais en Malaisie, des Maoris en Nouvelle-Zélande, des populations indigènes nordaméricaines); (3) la règle selon laquelle un groupe a le droit de gouverner le pays qui constitue
sa seule patrie (p. ex. les Juifs en Israël, les Cinghalais au Sri Lanka); (4) la règle de la majorité
(p. ex. le Congrès national africain en Afrique du Sud); (5) la représentation proportionnelle
dans les fonctions administratives et gouvernementales (on peut évaluer la proportionnalité sur
16
la base de la taille du groupe, de son statut, de son prestige, etc. : p. ex. les Chiites au Liban;
(6) la parité sui suppose la même représentation, le bilinguisme, etc. (p. ex. la Belgique); (7) le
besoin (p. ex. une considération particulière et les programmes d'action positive; p. ex. les
Etats-Unis, l'Inde, la Malaisie); (8) la contribution proportionnelle ou l'équité (au plan
individuel) en précisant un minimum (ou un maximum) pour chaque groupe ou en garantissant
des chances égales (au plan groupal); (9) sur la base d'une contribution proportionnelle au plan
groupal (p. ex. une représentation plus importante du groupe qui contribua le plus à la
formation, à la préservation, au développement et à la prospérité de l'unité supra-ordonnée; p.
ex. mes Maronites au Liban); (10) selon une définition de ce qui est requis pour le bien
commun (p. ex. la souveraineté et l'unité de la nation; la sécurité nationale; la préservation des
cultures constitutives distinctes; (11) sur la base de la réciprocité ou de l'alternance (p. ex. la
présidence attribuée à tour de rôle aux principaux groupes constitutifs; p. ex. l'ancienne
Yougoslavie).
En général, et contrairement aux principes de la justice interpersonnelle, il est peu probable que
les principes procéduraux et distributifs intergroupes soient les produits de l'évolution
culturelle. En effet, ils proviennent d'affrontements (cfr. Moscovici, 1976) et de négociations
intergroupes actifs qui se produisent habituellement lorsque de nouvelles institutions se
forment (cfr. Leventhal et al., 1980). Une analyse des compatibilités et des incompatibilités
inhérentes entre ces principes (et d'autres) est nécessaire à l'élaboration d'hypothèses
particulières concernant la probabilité de conflits intergroupes à propos de leur mise en oeuvre.
Une incompatibilité inhérente entre deux principes pour lesquels deux groupes ont des
préférences divergentes conduirait à la prévision d'un conflit imminent entre eux. Considérons,
par exemple, les incompatibilités potentielles entre les principes d'équité et du besoin. Alors
que l'équité suppose que les résultats devraient être répartis proportionnellement aux
contributions, le principe du besoin recommande une distribution en fonction du besoin. Des
désaccords intergroupes sur ces deux principes sont fréquents, en particulier lorsque les
groupes ont un statut socio-économique différent parce que, dans ces circonstances, un groupe
réclamerait une part plus importante du résultat sur la base de ses contributions plus élevées
(p. ex. sous la forme de taxes) alors que l'autre le ferait sur la base de ses besoins plus
considérables (voir Törnblom, 1988, pour une analyse similaire sur les conflits induits par des
incompatibilités dans les relations interpersonnelles).
Il faudrait procéder à une analyse supplémentaire pour examiner les facteurs qui conduisent les
membres d'un groupe à choisir ou à valoriser un principe particulier. Par exemple, les
préférences d'un groupe peuvent être liées à la nature de la ressource (p. ex. la représentation
politique, les ressources économiques, les symboles culturels tels que la langue enseignée et les
fêtes religieuses), au niveau des ressources (c'est-à-dire individuelles par rapport à groupales),
à la nature des bénéficiaires (les caractéristiques des groupes concernés, p. ex. le genre, la race,
la religion, l'ethnolinguistique), aux objectifs prioritaires du groupe, à la valeur accordée à la
préservation d'une identité de groupe distincte et à la justice perçue quant aux procédures
utilisées pour déterminer le principe distributif.
Un point important à propos duquel les groupes peuvent avoir des préférences divergentes
pour les principes de justice apparaît quand un groupe met en évidence la justice au plan
individuel, alors qu'un autre accorde plus d'importance à la justice au plan groupal. Dans
certaines circonstances, les principes de répartition impliqués par chacun de ces plans sont
incompatibles. Ainsi, comme la formation ou l'imposition d'institutions d'Etat-nation
modernes a été associée à la diffusion d'une idéologie individualiste séculaire, les revendications
des groupes ethniques pour l'emploi de la justice au plan groupal sont en désaccord avec les
17
principes de justice au plan individuel prônés par cette idéologie. Par exemple, le fait de donner
la priorité à un groupe indigène pour accéder aux fonctions gouvernementales peut violer le
principe du droit méritoire aux fonctions haut placées de prise de décision politique. Les
membres qualifiés des communautés "immigrées" (p. ex. les Malais face aux Chinois en
Malaisie) peuvent ressentir cette violation.
La saillance relative de la justice au plan individuel par rapport à celle au plan groupal dépend
du niveau de comparaison qui est activé soit en fonction de prédispositions individuelles, soit
à cause de facteurs contextuels. On pourrait établir quatre niveaux de comparaison à partir des
diverses analyses présentées antérieurement. Les individus pourraient procéder à des
comparaisons intra-individuelles, ce qui signifie qu'ils comparent leurs résultats au cours du
temps ou leurs résultats réels par rapport à leurs résultats attendus. On a proposé ce type de
comparaison pour sous-tendre le sentiment de privation égoïste. Les comparaisons
interpersonnelles sont celles qui interviennent dans les évaluations de justice : elles impliquent
la comparaison des résultats d'un individu (qui pourrait être soi-même) avec un autre individu.
Le choix du partenaire avec qui l'individu se compare est un facteur important dans la
détermination du jugement définitif de justice. En général, ces comparaisons s'opèrent entre des
individus qui se ressemblent (Festinger, 1954), surtout en ce qui concerne les aspects
pertinents à la ressource en question (Goethals & Darley, 1987). Par exemple, il est probable
que l'évaluation de la justice des salaires ou des promotions entraîne des comparaisons entre
des individus qui exercent la même profession et qui ont le même niveau hiérarchique. Il
s'ensuit que les comparaisons interpersonnelles rendent saillants la justice et les principes au
plan individuel. Par conséquent, elles peuvent ne pas être impliquées dans l'activation des
intérêts de la justice au plan groupal. Parfois, elles peuvent cependant entraîner une
comparaison (que ce soit par inadvertance ou délibérément) entre des individus qui se
différencient sur la base d'une dimension catégorielle et sociale particulière (p. ex. le genre, la
race). Elles peuvent également occasionner la comparaison du résultat individuel moyen au sein
d'un groupe avec celui d'un autre groupe. Ces comparaisons interpersonnelles
intercatégorielles peuvent aider les individus à juger si les résultats des personnes, qui sont
semblables sur la base de dimensions considérées comme pertinentes au résultat mais
dissemblables sur celles jugées non pertinentes, sont justes ou injustes. Ces jugements peuvent
intervenir dans les intérêts de la justice au plan groupal en ce sens que certains peuvent signaler
l'éventualité d'une discrimination de groupe, mais l'intérêt ultime suscité par ces comparaisons
concerne la mise en oeuvre de la justice au plan individuel (qui est violée par une discrimination
envers des individus sur la base de leur appartenance groupale). Par conséquent, il est peu
probable que ces comparaisons soient impliquées dans les intérêts de la justice au plan
groupal, intérêts qui sont exprimés dans le nationalisme ethnique et qui mettent en évidence
l'emploi de la justice au plan groupal. Celle-ci implique des comparaisons intergroupes, c'està-dire la comparaison des résultats du groupe en tant que groupe. Même si les comparaisons
interpersonnelles intergroupes et les comparaisons intergroupes sont comprises dans le
contexte des relations intergroupes, elles sont différentes en ce sens que les premières sont
essentiellement associées aux intérêts de la justice au plan individuel alors que les secondes le
sont à ceux de la justice au plan groupal.
Mises à part les particularités des conflits - en termes de la ressource particulière en question
et du contexte historique, culturel et sociopolitique spécifique - la nature des exigences et des
revendications formulées par les groupes ethniques en conflit est généralement ancrée dans des
intérêts procéduraux. Ces revendications ethniques se concentrent sur le degré de participation
et de représentation politiques du groupe; sur l'élimination des pratiques et des institutions
discriminatoires, sur l'institution des droits de groupe; sur la reconnaissance de la culture, de la
18
langue ou de la religion, etc. distinctes du groupe. Le fondement procédural des revendications
de groupe est lié au fait que les conflits se produisent presque toujours entre des groupes qui
ont un pouvoir politique différent et lorsque cette inégalité de pouvoir est essentiellement une
inégalité procédurale- c'est-à-dire qu'un groupe a plus de pouvoir et de contrôle aussi bien sur
les ressources principales que sur le processus de distribution (Blolock, 1989; Cohen, 1986;
Cook & Hegtvedt, 1986; Tilly, 1978).
C'est surtout le cas dans le contexte du système d'Etat-nation dans lequel les groupes
ethniques sont asymétriquement interdépendants (Horowitz, 1985). En effet, selon Dandeker
(ce volume), les nationalismes d'Etat-nation et ethnique ont généralement été associés à la
violence, précisément parce qu'ils entraînent des revendications de souveraineté territoriale
exclusive (ce qui signifie le contrôle exclusif de la gestion publique du territoire). La
représentation politique est également un problème prédominant dans les conflits ethniques
car le degré de représentation politique obtenu par chaque groupe (par ex. dans les branches
exécutive et législative du gouvernement) détermine le pouvoir et le contrôle que le groupe
détient sur la prise de décision en ce qui concerne la distribution de la plupart des autres
ressources et, finalement, sur son destin en tant qu'unité culturelle et sociale distincte. En effet,
le degré de représentation d'un groupe dans les organes décisionnels détermine si ce groupe fait
partie ou s'il est exclu du processus décisionnel (Azzi, sous presse; McDonald & Engstrom,
1991). Contrairement à la question procédurale relative à la participation individuelle, analysée
antérieurement, la signification phénoménologique de la participation groupale est donc
inséparable du degré de représentation - c'est-à-dire le nombre de représentants - que le groupe
compte dans le processus décisionnel.
Ce fait implique que, dans les relations intergroupes, l'"expression de l'opinion de chacun" peut
ne pas être suffisante et le "contrôle décisionnel" peut être nécessaire pour faire percevoir la
justesse de la répartition du pouvoir au niveau supra-ordonné. Il est très probable que les
intérêts relatifs à la représentation de groupe prédominent dans le contexte des relations
majorité-minorité (Azzi, sous presse). Ici, l'emploi d'un système électoral fondé sur la "règle de
la majorité" suppose l'exclusion des minorités du processus décisionnel. De même, l'emploi de
la représentation proportionnelle au gouvernement associée à une règle décisionnelle qui repose
sur le "vote à la majorité" prive les minorités du "contrôle décisionnel" (cfr. Lijphart, 1977).
Ces deux systèmes engendrent des inégalités procédurales : un groupe majoritaire qui détient le
contrôle décisionnel et un groupe minoritaire qui n'en a pas. En effet, des recherches indiquent
que les membres du groupe minoritaire penchent pour la même répartition au niveau de la
représentation politique, alors que ceux du groupe majoritaire préfèrent la répartition
proportionnelle (Azzi, sous presse; Azzi & Jost, 1992). Ces différences entre le groupe
majoritaire et le groupe minoritaire reflètent une accentuation différente de la justice au plan
individuel par rapport à la justice au plan groupal. La règle de la majorité et celle de la
représentation proportionnelle constituent donc les prémisses d'une idéologie qui souligne la
justice au plan individuel alors que la même représentation vise à atteindre la justice au plan
groupal.
Cependant, le degré de contrôle détenu par un groupe ne dépend, en général, pas seulement du
nombre de représentants qu'il compte dans les organes décisionnels. En effet, ce degré dépend
aussi de la règle décisionnelle en vigueur dans ces organes décisionnels (Azzi & Jost, 1992;
Lijphart, 1977, 1984). Ce qui représente un intérêt particulier ici, ce sont les deux règles
décisionnelles reprises dans les recherches relatives à la prise de décision groupale : le vote à
l'unanimité et à la majorité (Davis, 1980; Falk, 1981; Hare, 1980; Hastie, Penrod &
Pennington, 1983; Saks, 1977). L'unanimité suppose qu'avant de prendre une décision, tous les
19
participants au processus décisionnel se sont mis d'accord et sont arrivés à un consensus. Par
conséquent, chaque participant a le "contrôle décisionnel". Le vote à la majorité, qui peut
varier d'un organe décisionnel à l'autre quant aux conditions requises pour constituer une
majorité appropriée, ne nécessite pas un consensus et implique que l'on pourrait prendre une
décision aux dépens d'une opposition minoritaire. Même si, en principe, les participants
considérés individuellement dans le cadre d'un vote à la majorité détiennent le même contrôle
(parce qu'ils ont chacun le même droit de vote), en pratique, les représentants d'un groupe
minoritaire ont moins de contrôle décisionnel que ceux d'un groupe majoritaire. Dès lors, la
représentation proportionnelle dans les organes décisionnels associée à l'emploi d'une règle
décisionnelle à la majorité dans le processus décisionnel, tout en respectant les principes de la
justice au plan individuel, viole la justice au plan groupal en créant une inégalité procédurale
entre le groupe majoritaire et le groupe minoritaire. Azzi & Jost (1992) ont proposé un modèle
mathématique qui décrit la "répartition du contrôle" entre groupes ethniques comme une
fonction de la représentation de groupe et de la règle décisionnelle. Ils ont également apporté
des données expérimentales qui indiquent que les individus placés dans un groupe minoritaire
jugent injuste la combinaison de la représentation proportionnelle et du vote à la majorité, alors
que ceux qui font partie d'un groupe majoritaire la trouvent juste. Ils montrent également que
les procédures qui requièrent un vote à l'unanimité sont perçues comme justes, quels que
soient le principe de représentation et la taille du groupe. Ces données concordent avec les
résultats des recherches issues des ouvrages consacrés à la prise de décision du jury. Ceux-ci
indiquent que les participants sont habituellement davantage satisfaits avec un processus
fondé sur l'unanimité qu'avec un processus fondé sur la règle de la majorité. Cette satisfaction
se rencontre surtout chez les participants qui occupent des positions minoritaires dans le
groupe décisionnel (Saks, 1977; Hastie et al., 1983). Il existe également des indications
expérimentales selon lesquelles la règle de l'unanimité est généralement considérée comme plus
juste que celle de la majorité dans les groupes restreints (surtout ceux qui sont confrontés à des
questions de jugement; Kaplan & Miller, 1987; Miller, 1989).
En général, les intérêts procéduraux relatifs à la représentation de groupe dans les organes
décisionnels ont plus de chances de prédominer au sein des organes décisionnels représentatifs
d'une population hétérogène (c'est-à-dire composée de plus d'un groupe) qu'à l'intérieur des
organes décisionnels supra-ordonnés représentatifs d'une population homogène, surtout quand
les groupes constitutifs sont de taille différente. On pourrait proposer plusieurs autres
facteurs susceptibles d'influer sur l'émergence des intérêts de la justice procédurale dans les
relations intergroupes, tels que le degré de pertinence de la décision par rapport aux intérêts
vitaux d'un ou de tous les groupes concernés et le côté matériel ou symbolique de ces intérêts.
Besoins identitaires individuels et intérêts identitaires de groupe
Comme suggéré auparavant, une connaissance plus approfondie de l'action collective nécessite
la clarification des différences et des rapports entre les motivations individuelles et les intérêts
de groupe. Nulle part, cette distinction n'est à ce point cruciale que dans l'analyse des intérêts
identitaires. Ici, les questions primordiales sont : comment sont définis les intérêts identitaires
de groupe ? Sont-ils la seule agrégation des mêmes besoins identitaires individuels ? Les
intérêts identitaires de groupe coïncident-ils toujours avec les besoins identitaires de chacun de
ses membres ?
Avant d'analyser ce problème, il importe cependant de soulever une question plus élémentaire
concernant les besoins identitaires, à savoir si le besoin fondamental est d'acquérir une identité
sociale distincte ou positivement distincte. Selon la théorie de l'identité sociale, l'acquisition
20
d'une identité sociale positivement distincte constitue le besoin identitaire individuel essentiel.
Selon Mummenday & Simon (1989), les individus peuvent toutefois se contenter d'acquérir
une identité sociale distincte par une accentuation de ses attributs différents mais pas
nécessairement meilleurs. Bon nombre d'études, citées auparavant, mentionnent des résultats
qui concordent avec ce dernier point de vue : une évaluation positive de l'endogroupe n'entraîne
pas nécessairement une évaluation négative de l'exogroupe (p. ex. voir Brewer, 1979; Brewer &
Campbell, 1976). Dans les recherches actuelles, rien ne permet de déterminer quelle est la
motivation identitaire fondamentale, ni de connaître le nombre de ces motivations. Il est
possible que chacune de ces diverses motivations (c'est-à-dire le favoritisme pro-endogroupe,
la recherche de différences mais pas de différences positives, le favoritisme exogroupe, etc.)
soit importante dans un contexte particulier.
Revenons à la question relative au rapport entre les besoins identitaires individuels et les
intérêts identitaires de groupe. A partir de la théorie de l'identité sociale, on peut établir deux
orientations identitaires individuelles (opposées) qui ont des implications sur l'intensité du
désir des individus à conserver une identité de groupe distincte : (1) l'orientation vers une
assimilation individuelle suppose une forte identification à un exogroupe ou à une catégorie
supra-ordonnée et, par conséquent, un faible désir de valoriser la différenciation de l'identité
endogroupale; et (2) l'orientation qui a pour objectif la réaffirmation de l'identité endogroupale.
La première orientation s'exprime de façon comportementale par la mobilité individuelle audelà des frontières de groupe (c'est-à-dire quitter le groupe), alors que la seconde se manifeste
par la participation à des tentatives collectives dans le but de modifier la définition de l'identité
de l'endogroupe.
De toute évidence, l'orientation vers une assimilation individuelle est incompatible avec la
valorisation de l'identité du groupe. L'analyse des conditions qui affectent l'inclination des
individus pour l'une ou l'autre orientation identitaire permet à la théorie de l'identité sociale de
supposer implicitement que l'intérêt des individus pour leur propre identité sociale prévaut sur
leur intérêt pour l'identité de groupe. Les arguments avancés par cette théorie pour relier les
croyances en une mobilité et en un changement sociaux au choix des moyens pour acquérir une
différenciation positive, impliquent que l'orientation vers une assimilation (sous la forme d'un
départ) constitue l'inclination individuelle naturelle qui, seulement si elle est forcée, céderait la
place à l'orientation qui a pour objectif la réaffirmation. Cette hypothèse implicite limite la
capacité de cette théorie à expliquer pourquoi beaucoup d'individus pour lesquels la mobilité
sociale est possible, refusent toujours de s'assimiler et au lieu de cela valorisent explicitement
des revendications soit d'intégration, soit de séparation (par ex. les Canadiens francophones,
les Sikhs en Inde; voir Williams, 1982, pour les cas séparatistes). Les limitations de cette
théorie proviennent fondamentalement de sa focalisation sur l'intérêt des individus pour leur
propre identité sociale et non pour leur identité de groupe. Ces deux types d'intérêts peuvent
être liés mais sont essentiellement distincts.
Une taxinomie plus perfectionnée des orientations identitaires est donnée par Berry (1984). En
effet, il propose quatre orientations identitaires possibles dont la détermination dépend de la
volonté ou non des membres d'un groupe (1) à garder leur identité de groupe distincte et (2) à
entretenir des relations positives avec le(s) exogroupe(s). Une réponse affirmative à ces deux
questions engendre l'orientation vers une intégration. Une réponse négative est rare et donne
des groupes marginaux (voir Fordham, 1988 et Robinson, 1984, pour des analyses de cas). Le
désir de conserver une identité de groupe distincte sans avoir des relations positives avec
l'exogroupe crée l'orientation vers une séparation. Enfin, le désir d'entretenir une relation
positive avec l'exogroupe sans conserver une identité de groupe distincte donne lieu à
21
l'orientation vers une assimilation. Quant aux déterminants de ces orientations identitaires,
Berry met en évidence les conditions initiales du contact entre les groupes (c'est-à-dire si le
contact est volontaire ou involontaire). D'autres déterminants pourraient provenir
d'observations de conflits ethniques. Ces déterminants comprennent des facteurs tels que le
degré d'institutionnalisation de la culture du groupe, l'idéologie dominante (par ex.
individualiste), la taille numérique du groupe, sa position relative dans la structure du pouvoir,
sa dispersion ou sa concentration géographique à l'intérieur d'un territoire particulier, son
"degré d'indigénéïté", etc.
Contrairement à la théorie de l'identité sociale, le modèle de Berry aborde explicitement les
intérêts des individus pour l'identité du groupe. A l'instar de la théorie de l'identité sociale, il
n'explique cependant pas comment les objectifs identitaires de groupe exprimés explicitement
apparaîtraient à partir des orientations identitaires individuelles. Ces deux théories supposent,
vraisemblablement, que l'ensemble des mêmes orientations individuelles produiraient des
revendications identitaires de groupe. Cette hypothèse est néanmoins entravée par le même
problème qui mine la théorie des conflits réels, à savoir l'élaboration d'un consensus. Ce
problème est central en raison des incompatibilités potentielles entre les orientations
identitaires individuelles et les intérêts identitaires de groupe. Prenons, par exemple,
l'orientation vers une assimilation. Si l'on examine de plus près les nombreux conflits ethniques
qui font rage dans le monde, il est presque impossible d'en trouver un qui est marqué par des
revendications collectives explicites d'assimilation. En revanche, l'intégration et le séparatisme
sont des objectifs de groupe exprimés clairement dans bon nombre de conflits ethniques. Cela
vaut la peine d'analyser les facteurs idéologiques et culturels qui font de l'assimilation une
orientation essentiellement individualiste.
L'orientation vers une assimilation apparaît surtout dans les groupes culturels dotés
d'idéologies individualistes qui mettent l'accent sur la citoyenneté individuelle et minimisent
l'identification à un groupe ethnique (comme illustré dans l'analyse d'Ueda relative aux relations
ethniques aux Etats-Unis, dans ce volume). Cette orientation a peu de chances de survenir dans
les groupes culturels ayant une idéologie moins individualiste, à moins qu'ils n'y soient forcés
ou contraints par un groupe dominant. Une idéologie individualiste confère aux individus la
liberté de quitter un groupe ethnique et d'accéder à une catégorie supra-ordonnée vaste et
parfois apathique sur le plan culturel. En effet, une idéologie individualiste, par définition, met
en évidence les accomplissements et les succès individuels. Son implication psychologique
consiste en un degré élevé de désir d'accomplissement associé à une croyance selon laquelle il
ne devrait pas y avoir de limite supérieure à l'ascension sociale. Etant donné un plafond
supérieur à l'ascension sociale dans les groupes à statut inférieur, le fait de quitter ces groupes
ou de s'assimiler à un groupe à statut supérieur peut devenir le moyen unique ou le plus rapide
pour accéder totalement aux ressources disponibles au niveau supra-ordonné. Dans de telles
circonstances, les membres des groupes à statut inférieur percevraient la limite supérieure de la
mobilité au sein de leur propre groupe comme une contrainte illégitime à un désir légitime
d'ascension sociale et percevraient la mobilité intergroupe comme un choix légitime potentiel.
En revanche, il se peut que les individus qui font partie de cultures moins individualistes
acceptent les limites supérieures à l'ascension sociale et recherchent même la stabilité à un
certain niveau dans la hiérarchie sociale. Autrement, ils peuvent chercher collectivement à
désengager leur groupe de l'unité supra-ordonné. Par conséquent, pour les membres des
groupes supra-ordonnés de ces cultures, la mobilité intergroupe peut ne pas constituer un
choix disponible cognitivement, sanctionné socialement ou légitime.
22
Dès
lors,
l'orientation
vers
une
assimilation
individuelle
est
probable
quand : (1) les individus pensent qu'il ne devrait pas y avoir de plafond supérieur à leur
ascension sociale, (2) ils perçoivent un plafond supérieur à l'ascension sociale au sein de
l'endogroupe, (3) ce plafond est inférieur à celui qui est perçu à l'intérieur de l'exogroupe et (4)
la mobilité intergroupe constitue un choix disponible cognitivement, sans contrainte sociale et
légitime. La présence des conditions (1) et (4) est plus vraisemblable dans les cultures
individualistes que dans celles qui le sont moins. Par conséquent, l'orientation vers une
assimilation est plus probable dans les premières que dans les secondes.
En plus de démontrer l'interaction étroite entre les motivations réalistes et identitaires, cette
analyse montre comment l'orientation vers une assimilation s'oppose aux intérêts identitaires
de groupe. En effet, dans des situations qui rendent l'émergence de l'assimilation probable, des
différences intragroupes dans les orientations identitaires sont aussi susceptibles d'apparaître :
les membres du groupe qui possèdent les aptitudes nécessaires (par ex. les facilités
linguistiques, l'enseignement, la formation) à rivaliser pour les ressources supra-ordonnées sont
plus susceptibles de choisir l'orientation vers une assimilation que ceux qui sont démunis de
ces compétences (Taylor & McKirnan, 1984). Compte tenu des différences intragroupes dans
les aptitudes individuelles à rivaliser pour l'ascension sociale, il est peu probable que
l'assimilation soit un choix consensuel menant à l'expression d'une revendication de groupe
formelle. En outre, il est vraisemblable que l'orientation vers une assimilation prive le groupe
des individus hautement qualifiés de même que doués et réduise, par conséquent, la probabilité
de l'action collective (cfr. Giles & Johnson, 1981; Taylor & McKirnan, 1984) tout en
augmentant celle du conflit intragroupe.
Une autre orientation individuelle non susceptible de devenir une orientation de groupe est la
marginalité. Il est raisonnable de considérer que la marginalité, comme définie par Berry
(1984), est une conséquence de facteurs situationnels plutôt qu'un choix personnel ou collectif.
Ainsi, elle pourrait même survenir quand les réponses aux deux questions de Berry sont
positives (c'est-à-dire le désir de garder une identité de groupe et d'entretenir des relations
positives avec l'exogroupe). Dans ce cas, par exemple, le fait que l'exogroupe ne permette pas à
l'endogroupe de préserver son identité distincte et de réaliser son intégration peut provoquer la
marginalité. Il s'ensuit que seules l'intégration et la séparation pourraient être exprimées
explicitement en tant que revendications de groupe.
Il faudrait encore différencier une autre orientation identitaire de l'"intégration". Alors que
Berry (1984) définit l'intégration comme le désir de garder une identité de groupe distincte
associé au désir d'avoir un contact positif avec l'exogroupe, il n'aborde pas les implications
culturelles du contact positif désiré. Les membres de certains groupes peuvent simplement
refuser d'entretenir des relations positives avec un autre groupe ou avec un groupe supraordonné mais ils peuvent également désirer adopter certaines des valeurs et des coutumes
culturelles qui reflète un désir de conserver certaines valeurs ou symboles culturels propres à
l'endogroupe tout en substituant au reste des valeurs empruntées à la culture de l'autre groupe.
Cette orientation identitaire se nomme le "hiculturalisme". Une question empirique à examiner
est celle qui consiste à déterminer si le biculturalisme pourrait être envisagé comme un "choix"
personnel ou collectif plutôt que comme le produit du développement graduel des conditions
sociostructurelles (voir Giles & Johnson, 1981; Haarmann, 1987; Jones, 1986; Yinger, 1981,
1986).
Les orientations identitaires tant individuelles que groupales sont influencées par des facteurs
sociopolitiques et socio-économiques. En psychologie sociale, la théorie de l'identité sociale
23
reconnaît le rôle de ces facteurs en présentant les croyances en une mobilité et en un
changement sociaux comme des médiateurs importants dans les choix identitaires. Le modèle
de Berry introduit des facteurs tels que les circonstances du contact initial. D'autres sciences
sociales ont proposé diverses analyses relatives aux interdépendances économique et culturelle
et leurs incidences sur la préservation d'identités de groupe distinctes. Gordon (1964, 1981),
en particulier, distingue le pluralisme culturel du pluralisme structurel. Le pluralisme culturel
est une caractéristique des sociétés nationales qui permet aux divers groupes de conserver leurs
institutions et symboles culturels distinctifs. Le pluralisme structurel marque une ségrégation
socio-économique entre les groupes, pouvant ou non impliquer la préservation d'une
différenciation culturelle. Dans cette analyse, le pluralisme culturel n'est pas nécessairement
incompatible avec l'intégration socio-économique. Les idéologies politiques dominantes dans
les Etats-nations modernes ont cependant tendance à supposer qu'il n'est possible de réaliser
l'intégration socio-économique que par l'assimilation culturelle.
Cette supposition concorde avec les arguments présentés dans la théorie de la catégorisation de
soi, une élaboration récente de la théorie de l'identité sociale (Turner et al., 1987). Turner
considère qu'il existe trois niveaux de catégorisation : personnelle, groupale et humaine. La
catégorisation personnelle implique les caractéristiques personnelles qui distinguent le soi des
autres individus. La catégorisation groupale repose sur des comparaisons endogroupeexogroupe et, de là, tente de définir la différenciation de l'endogroupe en comparaison avec
l'ensemble des autres groupes sociaux. La catégorisation humaine englobe les catégorisations
personnelle et groupale en ce sens que les ressemblances entre les humains au-delà des groupes
sont accentuées et les dissemblances s'opèrent entre l'espèce humaine et les autres espèces.
Cette théorie considère aussi qu'il existe un antagonisme fonctionnel entre la saillance de deux
niveaux de catégorisation différents. Cet antagonisme fonctionnel entre ces niveaux signifie que
la saillance d'un niveau de catégorisation diminue nécessairement celle des autres niveaux. La
saillance de la catégorisation en groupes engendre donc une accentuation des ressemblances
intragroupes et des dissemblances intergroupes qui réduit ou inhibe la perception de
différences intragroupes (qui s'appliquerait si la catégorisation personnelle était saillante) ou de
similitudes intergroupes (qui s'appliquerait si la catégorisation humaine était saillante). Le
principe de l'antagonisme fonctionnel s'applique, vraisemblablement, à tout ensemble de
catégories emboîtées hiérarchiquement et peut, par conséquent, s'appliquer à la relation entre
les identités ethniques et les identités d'"Etat-nation" supra-ordonnées.
Il est possible de trouver dans l'analyse de Turner l'implication selon laquelle les identités
ethniques et les identités nationales supra-ordonnées devraient s'exclure mutuellement, en ce
sens que seule l'une d'entre elles pourrait être saillante ou forte à un moment donné. Beaucoup
de sociologues (p. ex. Geertz, 1975; Gellner, 1987) et de responsables politiques soutiennent
ce point de vue. Ils estiment que le processus de formation d'une nation entraîne l'éradication
des identifications ethnoculturelles ou "primordiales" et leur substitution par l'identification
civique à l'Etat supra-ordonné 10 . Ils pensent aussi que le processus de mondialisation de la
société entraîne la fin de l'"Etat-nation" lui-même (Hobsbawm, 1990, voir Dandeker, ce
volume).
Il se peut que l'antagonisme fonctionnel entre l'identité ethnique et l'identité d'"Etat-nation"
provienne de la conception selon laquelle les deux identités se trouvent aux extrémités
opposées d'un continuum psychologique hypothétique si bien que si l'une est forte, l'autre doit
être faible. En revanche, notre analyse montre qu'il est préférable de concevoir les deux
identités comme fondées sur deux continuums psychologiques séparés, échelonnés chacun de
faible à fort. La conception d'identités emboîtées situées sur des échelles séparées permet de
prévoir de façon précise les orientations identitaires. Pour illustrer ce propos, considérons que
24
les continuums varient de 1 (faible) à 10 (fort). Supposons que l'individu A se trouve au point
3 pour l'identité supra-ordonnée et au point 8 pour l'identité ethnique, l'individu B aux points
8 et 8 (respectivement), l'individu C aux points 8 et 3 et l'individu D aux points 3 et 3. La
connaissance des positions de ces individus sur les deux échelles permet de prévoir leur
identification à un groupe. Ainsi, l'individu A est plus enclin que les autres à soutenir un
mouvement ethnique séparatiste, l'individu B à être biculturel, l'individu C à quitter
l'endogroupe et à s'intégrer dans le groupe supra-ordonné et l'individu D à être marginal. Selon
cette conception, une condition de l'action collective et du nationalisme ethnique serait une
plus forte identification à un groupe ethnique qu'à la catégorie supra-ordonnée. Il est important
de noter que lorsque les deux niveaux d'identification sont placés sur des échelles séparées,
l'éventualité d'une identification forte (ou faible) apparaît sur les deux niveaux. Un individu
peut donc s'identifier fortement tant à son groupe ethnique qu'au groupe supra-ordonné 11 .
A ce stade, il faut souligner qu'il est possible que l'antagonisme entre les deux niveaux
d'identification ne soit pas inhérent à la structure cognitive qui intervient dans le processus de
catégorisation mais puisse plutôt être le produit des idéologies et structures politiques qui les
opposent mutuellement. En effet, en référence à d'autres chapitres de ce volume ainsi qu'à
l'analyse initiale de la définition du nationalisme, des représentations collectives explicites des
deux types d'identité (ethnique et d'Etat-nation) semblent apparaître à des moments
déterminés dans l'histoire en fonction de la formation de structures politiques et économiques
particulières. James (ce volume) donne un aperçu des changements économiques qui ont
engendré les premiers nationalismes (p. ex. en Allemagne, en Russie, au Japon). Tant Dandeker
qu'Ueda étayent le point de vue selon lequel la formation de l'"Etat-nation" associée à la
culture civique nécessite une séparation entre la nationalité et la culture ethnique. Il est
toutefois important de constater que cette séparation n'a pas toujours entraîné une fusion ou
union des groupes constitutifs en une culture supra-ordonnée (Haarmann, 1987). En effet,
cette séparation signifiait fréquemment un processus d'homogénéisation (par l'enseignement
universel et la communication de masse) par lequel les membres de certains groupes (en
particulier de groupes subordonnés) devaient s'assimiler au groupe dominant dont la culture
définissait la culture de l'unité supra-ordonnée. Il est intéressant de noter que les nationalismes
ethniques semblent avoir les mêmes exigences, comme l'illustrent les attitudes et les politiques
antiminoritaires hégémoniques qui surgissent dans les Etats récemment créés en Europe de
l'Est (c'est-à-dire la Lituanie, la Géorgie, la Croatie). Ces deux récentes unités d'organisation et
d'identification politiques (c'est-à-dire l'Etat-nation et le groupe ethnique) ont introduit un
"discours" social de catégorisation qui explicite les identités de groupe en termes d'entités
cognitives définies sans ambiguïté selon des dimensions territoriales et culturelles12 .
Il est possible que les processus d'homogénéisation intragroupe et de différenciation
intergroupe qui se manifestent dans les nationalismes ethnique et d'"Etat-nation" soient, dans
le cadre d'une relation causale, associés aux inclinations hégémoniques de ces nationalismes.
Par exemple, les nationalismes ethniques qui émergent en Europe de l'Est, alimentés par une
quête de liberté nationale, de droits de groupe et d'autodétermination, sont néanmoins
hégémoniques envers les groupes "non nationaux" qui se retrouvent dans leurs enclaves. Il se
peut que cette tendance hégémonique soit liée au besoin d'homogénéiser et, en conséquence, de
légitimer le statut corporatif du groupe nationaliste. En effet, tant James que Dandeker (ce
volume) affirment que les premiers nationalismes (p. ex. allemand, français, russe, japonais),
associés à la violence politique, étaient aussi accompagnés de ces deux processus.
En conclusion, bien que le besoin de diminuer les distinctions sous-catégorielles semble
provenir des processus de différenciation catégorielle inhérents aux structures mentales
25
humaines, les catégorisations explicites issues de discours nationalistes semblent fortement
amplifier ce besoin. La superposition du processus de construction sociale relatif à la
catégorisation et du processus cognitif de différenciation catégorielle est probablement la cause
des formes extrêmes et violentes par lesquelles les processus d'homogénéisation et de
différenciation se manifestent dans le nationalisme.
CONDITIONS DU CONFLIT INTERGROUPE :
DES MOTIVATIONS INDIVIDUELLES A L'ACTION COLLECTIVE
La reconnaissance sociale des acteurs collectifs
Comme le montre l'analyse précédente, les revendications de reconnaissance des groupes en
tant qu'acteurs politiques légitimes dotés d'un statut corporatif font partie intégrante des
programmes nationalistes. L'hypothèse idéologique largement répandue qui avance que les
identités ethniques et les identités d'"Etat-nation" supra-ordonnées sont fonctionnellement
antagonistes constitue cependant un obstacle à ces revendications nationalistes.
L'un de ces obstacles provient de l'implication selon laquelle les individus plutôt que les
groupes seraient perçus comme les acteurs politiques légitimes13 . Il est probable que
l'identification supra-ordonnée est associée aux croyances qui considèrent que les similitudes
entre les individus au-delà des groupes ethniques l'emportent sur leurs différences. Par
conséquent, les individus devraient se rattacher à la structure supra-ordonnée en qualité de
citoyens individuels et non comme membres d'un groupe. De telles croyances portent atteinte
à la légitimité de l'action collective au plan groupal et, par conséquent, empêchent les individus
de se joindre à une telle action. Il existe aussi une circonstance indirecte qui peut restreindre les
chances d'aboutir à l'action collective : l'absence de reconnaissance sociale du statut corporatif
des groupes ethnoculturels. L'absence d'une telle reconnaissance (surtout pour les groupes à
statut inférieur et les groupes minoritaires) influe sur les orientations identitaires des individus
et, en conséquence, sur leur disposition à approuver l'action collective ou à y participer. Les
valeurs culturelles ainsi que les symboles identitaires des groupes dominants (p. ex. lalangue, le
style de vie, les coutumes, les valeurs morales) sont plus susceptibles d'être inclus dans
l'identité et la culture définies par l'unité supra-ordonnée que ceux des groupes subordonnés.
Dès lors, les membres des groupes non dominants ressentiraient en réalité des pressions plus
fortes que ceux des groupes dominants pour subir des changements culturels et identitaires s'ils
désiraient affirmer leur identification supra-ordonnée ou avoir accès aux ressources rares (p. ex.
les fonctions politiques et administratives) disponibles dans la bureaucratie supra-ordonnée.
Puisque ces dilemmes identitaires peuvent engendrer des différences intragroupes au sujet des
orientations identitaires, ils constituent un obstacle considérable à l'élaboration d'un consensus
de groupe à propos des objectifs de groupe, consensus nécessaire au déclenchement de l'action
collective.
La légitimation des acteurs individuels par opposition aux acteurs groupaux affecte aussi les
croyances des gens à propos des causes individuelles de succès ou d'échec lors de tentatives de
mobilité sociale. En particulier, cette légitimation oriente davantage les explications causales
des individus à propos de leurs succès et échecs vers des facteurs personnels que situationnels
ou institutionnels. Ainsi, puisque les membres des groupes à statut inférieur sont davantage
susceptibles d'échouer que ceux des groupes à statut supérieur, l'idéologie prédominante
attribuerait les explications causales de l'échec plus à des déficiences personnelles (p. ex. le
manque d'aptitude) qu'à des obstacles institutionnels (p. ex. la discrimination, la manque
d'occasions). Il est probable que de telles attributions diminuent à leur tour leur désir
26
d'accomplissement, surtout si les membres de groupe à statut inférieur estiment que les
déficiences personnelles sont stables et incontrôlables (d'où, difficilement modifiables par
l'apprentissage ou la formation). Les attributions portant sur les causes personnelles sont
également susceptibles de réduire la disposition des individus à déclencher l'action collective ou
à y participer. En effet, une telle action nécessite la prise de conscience que quelque chose dans
les institutions doit être modifié pour valoriser leur ascension sociale.
Croyances en l'efficacité de l'action individuelle par rapport à l'action collective
Le fait que les dirigeants de groupe fassent valoir des croyances différentes en l'efficacité
relative de l'action individuelle par rapport à l'action collective serait un moyen de contourner
ces obstacles idéologiques à l'action collective. En persuadant les individus que l'action
collective est susceptible de donner de meilleurs résultats que les tentatives individuelles de
mobilité sociale, les dirigeants de groupe peuvent augmenter la probabilité du succès de la
mobilisation. En raison de la complexité des croyances en l'efficacité, il ne s'agit toutefois pas
d'une tâche aisée. On peut distinguer au moins trois types de croyances en l'efficacité qui
jouent un rôle crucial dans la détermination de la disposition des individus à agir
individuellement plutôt qu'à soutenir l'action collective.
Premièrement, les individus peuvent avoir une croyance forte ou faible en l'efficacité collective.
Une croyance forte en l'efficacité collective (1) qu'il est probable que l'action collective donne
au moins certains des résultats auxquels le groupe aspire, (2) que d'autres membres du groupe
sont disposés à participer à l'action et (3) que le groupe possède les ressources (p. ex. la
richesse, les armes, la persistance) pour résister aux contre-attaques potentielles de
l'exogroupe. La force des croyances en l'efficacité collective dépend, par conséquent, de la
perception du pouvoir de l'exogroupe (Blalock, 1989; Tiily, 1978). Cette force est également
fonction de la ligne de conduite particulière proposée par les dirigeants du groupe : les
dirigeants et les membres du groupe sont susceptibles d'évaluer l'efficacité d'une ligne de
conduite particulière par rapport aux efficacités des autres lignes de conduite (Tilly, 1978).
Deuxièmement, les individus peuvent avoir une croyance forte ou faible en l'efficacité de
l'action personnelle. Une croyance forte en l'efficacité de l'action personnelle signifie que
l'individu pourrait agir seul. Une telle croyance prédispose les individus à choisir de quitter
leur groupe et de s'intégrer dans le groupe dominant. En revanche, une croyance faible réduit le
choix dirigé vers le départ, même si cette option n'implique pas pour autant que l'individu
décidera automatiquement de déclencher ou de soutenir l'action collective. Pour que l'action
collective ait lieu, le troisième type de croyance en l'efficacité est requis.
Les croyances en l'efficacité de la participation personnelle dans l'action collective constitue le
troisième type de croyances. Une croyance forte signifie que la participation d'un individu est
perçue come ayant un effet d'augmentation potentiel sur l'action collective. En d'autres termes,
les membres du groupe devraient croire que leur participation individuelle ferait une différence.
Cette croyance, associée à la croyance en l'efficacité collective (impliquant que les autres
membres du groupe vont aussi participer), est une condition nécessaire de l'action collective.
Sans elle, même des croyances fortes en l'efficacité collective peuvent ne pas suffire à entraîner
27
la participation. Une prépondérance de croyances faibles en l'efficacité de la participation
personnelle dans l'action collective peut amener les individus à faire un tour gratuit1 1 .
L'analyse précédente indique que, pour contrer les obstacles individualistes à la mobilisation de
groupe, il faut que les dirigeants de groupe (1) mettent en évidence la légitimité du statut
"corporatif" du groupe, (2) éloignent les membres individuels du choix dirigé vers le départ en
affaiblissant leurs croyances en l'efficacité de l'action personnelle, (3) renforcent leurs
croyances en l'efficacité collective en les persuadant de la nécessité et de l'efficacité de l'action
collective ainsi que de la disposition des autres membres à se joindre et (4) induisent la
croyance selon laquelle la participation individuelle de chacun est nécessaire au succès de
l'action collective.
L'organisation intragroupe comme ressource de mobilisation
La construction sociale des objectifs de groupes ethniques et la détermination de la meilleure
ligne de conduite pour les atteindre impliquent vraisemblablement des processus d'influence
sociale complexes. Ceux-ci le sont sans doute plus que les processus qui interviennent dans la
formation d'un consensus à l'intérieur des petits groupes décisionnels (p. ex. Davis, 1980;
Stasser, Kerr & Davis, 1989).
Une distinction conceptuelle entre les sous-groupes organisés et leur masse constituante
apporte néanmoins une solution simple au problème. Les objectifs de groupe sont
habituellement définis par des petits groupes de "représentants". On pourrait étudier le
processus décisionnel par lequel un petit groupe de représentants définit les objectifs du
groupe séparément des processus d'influence et de persuasion qui se produisent entre ces
sous-groupes organisés et leur masse constituante. Il se peut que les dynamiques
décisionnelles de ces petits groupes de représentants ne soient pas identiques aux dynamiques
rencontrées dans les groupes restreints qui font l'objet de recherches psychosociales (p. ex.
Davis, 1980; Stasser, Kerr & Davis, 1989). A quelques exceptions près (p. ex. Janis, 1982), le
groupe restreint expérimental ne représente habituellement pas la masse constituante. Les
chercheurs spécialisés dans le domaine des négociations intergroupes (Stephenson, 1978, 1981,
1984) ont souligné que le comportement en groupe des individus qui représentent les groupes
est différent à de nombreux égards du comportement des individus qui ne sont pas des
représentants de groupe.
L'importance des petits groupes de représentants ou des "mouvements de contestation
sociale", mise en évidence par un certain nombre de chercheurs en divers domaines (Mc Carthy
& Zald, 1977; Oberschall, 1973; Olzak, 1989; Tilly, 1978), provient du fait que la formulation
des objectifs de groupe ainsi que les moyens de les atteindre requièrent une capacité de
rassembler l'information pertinente sur les problèmes affectant le groupe, sur la situation et les
moyens de l'exogroupe et sur les coûts et les profits potentiels des diverses lignes de conduite.
Etant donné qu'un degré élevé d'incertitude entoure les individus qui recherchent ces
informations (voir Blalock & Wilken, 1979, pp. 442-450; Tilly, 1978), la coordination et le
regroupement des ressources deviennent des conditions cruciales pour la sélection des buts et
des moyens. Il est essentiel d'avoir des groupes organisés pour rassembler et articuler
l'information pertinente afin de définir les objectifs du groupe ainsi que pour donner et activer
11
N.d.T. : gens qui profitent du groupe et donnent peu en retour
(MYERS & LAMARCHE (1992 : 284)).
28
les justifications utilitaires et normatives au sujet du choix des lignes de conduite propres à
l'action collective - en particulier pour la violence politique (Muller, 1980).
La conception de l'action collective incitée par les groupes organisés ou par les "mouvements
de contestation sociale" s'oppose à la conception implicite dans les théories de la privation
relative - c'est-à-dire que l'action collective est une action spontanée suscitée par l'ensemble des
sentiments de privation (à travers le temps et les individus) et obtenue par des événements
"déclencheurs". La première conception correspond à ce que Eckstein (1980) appelle
l'approche "inhérente", qui accentue l'aspect réfléchi et rationnel de l'action collective, alors que
la seconde répond à ce que Eckstein appelle l'approche "contingente", qui met en évidence
l'aspect émotionnel, affectif, spontané et "non agentique"1 2 du comportement collectif (pour
une distinction similaire, voir Tilly, 1978). Cette opposition n'implique cependant pas
nécessairement que les deux conceptions de l'action collective s'excluent mutuellement. En
effet, l'action collective déclenchée dans les conflits intergroupes peut revêtir différentes
formes qui pourraient facilement se diviser en catégories : l'action collective organisée et
l'action collective non organisée (Oberschall, 1973). L'action collective organisée est obtenue et
coordonnée par un groupe relativement petit d'individus qui définissent les objectifs et les
intérêts du groupe ainsi que les moyens pour les atteindre. L'action collective non organisée
apparaît "spontanément" dans des situations de foule particulières et n'implique ni l'émergence
de revendications claires ni la détermination d'objectifs de groupe consensuels. En l'absence
d'un groupe organisé, il est peu probable qu'une foule d'individus qui se rassemblent en un
certain endroit et à un moment particulier (p. ex. les personnes mêlées aux émeutes de Los
Angeles au printemps 1992) élaborent des objectifs de groupe bien articulés, s'engagent dans
une action collective caractérisée par une continuité temporelle et une idéologie cohérente et
soutiennent des tentatives d'influence dans le but de mobiliser les autres membres du groupe en
vue de l'action collective (Killian, 1984; Oberschall, 1973). Ces résultats nécessitent une
coordination et une organisation qui ont peu de chance d'apparaître spontanément dans une
foule. Vu cette distinction, on pourrait considérer que des événements "déclencheurs" peuvent
être requis pour obtenir l'action collective non organisée précisément en raison de l'absence
d'une organisation de groupe dotée d'une définition idéologique (ou morale) de ses objectifs
bien articulée. La distinction conceptuelle entre l'action collective organisée et non organisée
indique que les deux approches (inhérente par rapport à contingente) ne devraient pas être
considérées comme mutuellement exclusives, mais plutôt comme complémentaires (Tilly,
1978) - p. ex. le modèle inhérent prend davantage en considération l'action organisée, alors que
le modèle contingent prend plus en compte l'action non organisée.
Il s'ensuit que l'importance de l'action organisée socialement en ce qui concerne la définition des
buts et la sélection des moyens découle des hypothèses suivantes : (1) l'incompatibilité des
intérêts entre les groupes présuppose que ces intérêts ont été déterminés et qu'un certain degré
de consensus entre les membres de chaque groupe quant à ces intérêts s'est formé; (2) le choix
d'une forme d'action collective (p. ex. les négociations démocratiques, la résistance passive, la
violence politique) suppose un certain degré de consensus entre les membres de chaque groupe
à propos de ses coûts ainsi que de ses profits et, par conséquent, son efficacité par rapport
aux autres lignes d'action; (3) le consensus entre les membres de chaque groupe sur ces
12
N.d.T. : l'état agentique se caractérise par le fait que l'individu ne
se sent plus responsable de ses actes, il ne se considère plus que comme
l'instrument de la volonté d'autrui, il obéit aux ordres (FISCHER, 1992 :
147).
29
questions ne peut apparaître "spontanément" dans les catégories sociales non organisées et
vastes; (4) le consensus a des chances d'être atteint par des processus d'influence sociale entre
un nombre relativement petit d'individus (les dirigeants), qui formulent et proposent des
intérêts particuliers, et leur masse constituante.
Ces hypothèses n'impliquent pas que le comportement de foule qui apparaît dans le contexte
d'une action collective non organisée est nécessairement anomique1 3 . Au contraire, comme
Reicher l'a fait remarquer (1982, 1984, 1987), bon nombre d'événements collectifs mêlant des
foules (p. ex. les émeutes) ne peuvent faire l'objet d'une explication adéquate sans faire
référence à un affrontement entre deux groupes identifiables : les émeutiers et la police (cette
dernière agit habituellement pour le compte d'une catégorie sociale qui est différente de celle
des émeutiers). Selon Reicher, les participants à une émeute ne peuvent se considérer ni
comme une foule anonyme, du moins pas entre eux, ni comme un groupe non identifiable. Ils
se voient plutôt comme un "groupe" partageant la même identité, une identité qui est presque
toujours activée par la catégorisation endogroupe-exogroupe rendue saillante par l'action des
autorités ou de la police. Il s'ensuit que, même si la coordination et l'organisation sont absentes,
les membres de la foule peuvent agir conformément aux normes émergeant spontanément dans
la situation présente en fonction de la catégorisation intergroupe saillante (Reicher, 1982, 1987;
ces normes peuvent jouer un rôle important dans la définition d'un éventail d'objectifs
relativement limité au sujet de la violence politique), en fonction de facteurs interactionnels
situationnels (p. ex. Hare, 1985) ou en fonction d'actions antérieures dans des situations
semblables (Naidu, 1980; Tilly, 1978).
Les dynamiques de l'action collective sont complexifiées par les désaccords intragroupes
potentiels. Des schismes au sein des groupes en ce qui concerne la définition et le degré
d'importance des objectifs de groupe et, plus encore, à propos des moyens pour les atteindre
peuvent apparaître. Les moyens, plus que les objectifs, ont des implications
comportementales et sont, par conséquent susceptibles d'occasionner des coûts très saillants.
Le choix des moyens, surtout dans des "groupes conflictuels" fortement organisés, peut varier
tout au long du conflit. Des schismes sont susceptibles d'apparaître avec l'émergence d'une
faction extrémiste, surtout lorsque les divers moyens utilisés par les factions modérées ne
conduisent pas à un changement social (Blalock, 1989). On ne devrait cependant pas exclure
l'apparition éventuelle de schismes dans l'ordre inverse : des factions modérées peuvent
apparaître (parfois en se séparant des factions extrémistes), surtout si une lutte prolongée qui
utilise des moyens extrêmes n'a conduit à aucun changement, si les coûts des moyens
prédominants atteignent un point qui dépasse le niveau que les membres du groupe sont
disposés à supporter ou s'il existe des signes issus de l'exogroupe montrant qu'il est prêt à
accepter un compromis.
Les dynamiques de la mobilisation et de l'action collective
Après avoir défini les objectifs de groupe ainsi que les moyens de les atteindre, les
représentants de groupe devront mobiliser leur masse constituante s'il faut déclencher l'action
collective. Comme le conflit entraîne l'affrontement déclaré entre deux groupes et que chaque
groupe se compose de la masse constituante et d'une direction organisée (il en existe parfois
plus d'une), on pourrait répartir les processus d'influence sociale à l'origine du conflit entre :
13
N.d.T. : qui ne possède pas de solution de rechange (FISCHER,
1992 : 209).
30
(1) chaque groupe organisé et sa masse constituante; (2) les groupes organisés rivaux au sein
d'un groupe, le cas échéant; (3) les représentants organisés des deux groupes; (4) chaque
groupe organisé et la masse constituante de l'autre groupe; et (5) les deux masses constituantes.
La présente analyse se limitera à la première et à la troisième formes des processus d'influence
- c'est-à-dire lorsque la source d'influence qui déclenche le conflit est un groupe organisé non
dominant et lorsque les cibles sont, d'une part, sa masse constituante et d'autre part, le groupe
organisé au pouvoir 1 4 . Ces processus d'influence sont le mieux appréhendés, en psychologie
sociale, par les théories de l'influence des minorités élaborées par Moscovici (1976, 1980,
1985) et Mugny (1982; pour une revue, voir Paicheler, 1988; Turner, 1991) et, en sociologie,
par les théories de la mobilisation ethnique (p. ex. Mc Carthy & Zald, 1977; Oberschall, 1973;
Tilly, 1978).
Ces théories, exposées brièvement dans les sections suivantes, fournissent des explications
pertinentes sur les conditions dans lesquelles des groupes d'opposition minoritaires pourraient
influencer leurs constituants ainsi que les membres de l'exogroupe, incitant ainsi à l'action
collective.
La distinction entre les minorités active et passive se trouve au coeur de la théorie sur
l'influence des minorités (1976) élaborée par Moscovici. Une minorité passive résiste à
l'influence d'une majorité avec laquelle elle est en désaccord par la non-conformité. Les
conditions de sa résistance sont bien exposées en psychologie sociale (pour des revues, voir
Allen, 1975; Moscovici, 1985). Au vu de l'analyse précédente relative aux orientations
identitaires, on peut estimer qu'une minorité passive (p. ex. une minorité qui accepte une
identité négative ou un état de privation et de subordination) est susceptible de se marginaliser
au sein de la société dans son ensemble. En revanche, une minorité "active" résiste non
seulement à l'influence de la majorité mais, selon Moscovici, donne aussi un autre point de vue
bien défini. Ainsi, plutôt que d'être une résistance passive, une minorité active s'engage à
affronter la majorité, à défendre ses propres opinions contre celles de la majorité et, finalement,
à remplacer les points de vue de la majorité par les siens.
Toujours selon Moscovici (1980), même si les majorités détiennent les ressources qui les
rendent généralement plus puissantes et plus influentes que les minorités (voir Latané & Wolf,
1981), les minorités numériques peuvent exercer de l'influence en utilisant des stratégies
comportementales particulières (p. ex. en présentant leur message de façon persistante,
unanime et autonome). Moscovici considère aussi que des processus différents interviennent
dans les influences des minorités et des majorités actives. Les individus qui font face à une
majorité numérique affichant une opinion ou un avis différent du leur se préoccupent plus de
l'aspect "déviant" de leurs propres réactions que de la validité des arguments de la majorité1 5 .
Par conséquent, ils s'engagent dans un processus de validation superficielle par lequel ils
comparent leurs réactions à celles de la majorité sans prendre en compte les arguments ou les
contre-arguments. Leur intérêt principal est d'apaiser leur désaccord avec la majorité. Par
conséquent, l'influence de la majorité est susceptible d'engendrer la conformité - c'est-à-dire la
conformité publique qui n'est pas nécessairement accompagnée d'une intériorisation de
l'opinion de la majorité. En revanche, les individus exposés à une minorité active en désaccord,
qui valorise son point de vue de façon cohérente et manifeste une cohésion et une unanimité
internes, sont enclins à s'engager dans des tentatives qui visent à convaincre la minorité de
modifier le sien. Par conséquent, ils sont susceptibles de s'engager dans un processus de
14
15
31
validation qui se concentre sur le contenu de l'opinion de la minorité et qui peut
potentiellement aboutir à l'intériorisation du point de vue de la minorité. D'une façon générale,
il est donc plus probable que l'influence de la majorité engendre la conformité publique et il est
moins vraisemblable qu'elle provoque l'intériorisation que l'influence de la minorité1 6 . Une
autre différence entre ces deux types d'influence repose sur le moment auquel elles sont
ressenties. Ainsi, alors que l'influence de la majorité est ressentie au moment même où elle se
manifeste, celle de la minorité est susceptible d'être latente et retardée.
Les indications qui étayent les arguments de Moscovici proviennent de données
expérimentales montrant qu'une minorité a plus d'influence sur les réactions indirectes que sur
les réactions directes tout comme elle a plus d'influence sur les réactions privées que sur les
réactions publiques dans les tâches perceptives (Moscovici, Lage & Naffrechoux, 1969;
Moscovici & Personnaz, 1980; Nemeth, Swedlund & Kanki, 1974; Personnaz, 1981) et dans
les tâches de jugement d'opinion (Mugny, 1975; Mass & Clark, 1984). En dépit des critiques
interpellantes formulées sur ces données et de l'argument relatif à la différence qualitative de
l'influence entre les minorités et les majorités (Doms, 1983; Doms & van Avermaet, 1980,
1985; Latané & Wolf, 1981; Tanford & Penrod, 1984), des études récentes au cours desquelles
on a comparé les influences des majorités et des minorités soutiennent encore l'argument qui
porte sur la différence d'influence (Maass & Clark, 1984; Mugny, 1984; Nemeth, 1985, 1986;
Nemeth & Watchler, 1983).
Le modèle de Mugny (1982) est d'un intérêt particulier pour les conflits intergroupes. En effet,
il élargit les formulations de Moscovici et comprend trois parties distinctes : la minorité,
l'autorité ou le pouvoir en place et la "population" ou la majorité silencieuse". Il place donc le
processus d'influence des minorités dans le contexte politique des relations de pouvoir entre
groupes. Dans ce modèle, la minorité active rivalise avec le pouvoir en place pour gagner le
soutien de la population. Selon Mugny, un style d'affrontement rigide avec le pouvoir en place
combiné à un style d'influence flexible sur la population augmente l'influence de la minorité. Il
fait aussi une analyse et donne certaines indications sur les moyens par lesquels une minorité
peut surmonter les nombreux obstacles idéologiques que le pouvoir en place peut utiliser pour
diminuer ou éliminer l'influence de la minorité (Mugny, 1982; pour une revue, voir Paicheler,
1988). Des recherches inspirées par le modèle de Mugny montrent que l'influence d'une
minorité active varie selon qu'elle partage ou non l'appartenance catégorielle de sa cible. En
général, on constate une plus grande influence sur les membres de l'endogroupe quand les
frontières entre l'endogroupe et l'exogroupe sont rendues saillantes (p. ex. Mugny, Kaiser,
Papastamou & Pérez, 1984). Cette même stratégie diminue cependant l'influence de la minorité
active sur les membres de l'exogroupe. Bon nombre de données expérimentales montrent
qu'une minorité qui se distingue de la majorité, tant sur le plan de l'appartenance catégorielle à
un groupe qu'au sujet des opinions, a moins d'influence sur les membres de la majorité qu'une
minorité qui ne diffère de la majorité que par ses opinions (Nemeth & Watchler, 1973; Maass,
Clark & Haberkorn, 1982; pour une revue, voir Maass & Clark, 1984). Des études plus
récentes ont cependant donné des résultats qui ne concordent pas avec ces constatations. Par
exemple, alors que certaines études ont révélé que les minorités ont une plus grande influence
sur les membres de l'endogroupe que sur les membres de l'exogroupe (p. ex. Clark & Maass,
1988; Mugny, Kaiser, Papastamou & Pérez, 1984) d'autres études ont donné des résultats
contradictoires (Martin, 1988; Pérez & Mugny, 1987; Volpato, Maass, Mucchi-Faina &
Vitty, 1990). Quand on compare ces études, un problème surgit à propos des résultats
16
32
expérimentaux différents et inconsistants en ce qui concerne les principaux concepts. En effet,
certaines études confondent la minorité avec l'exogroupe alors que d'autres prennent en compte
la distinction entre les minorités de l'endogroupe et les minorités de l'exogroupe. Un autre
problème dans ces études est la prise en considération de divers problèmes qui diffèrent dans
leur pertinence par rapport à l'identité ou à l'intérêt de groupe. Certaines indications montrent
que l'influence d'une source dépend du degré de pertinence d'un problème par rapport à
l'identité ou aux intérêts de groupe et de ses cibles (p. ex. Mackie, Worth & Asuncion, 1990,
expérience n° 2).
La raison la plus importante de cette inconsistance se trouve probablement dans la confusion
conceptuelle de deux processus distincts (Turner, 1991) : l'influence d'une minorité de
l'endogroupe sur un exogroupe (il s'agit d'une question relative à l'influence intergroupe) et
l'influence d'une minorité de l'endogroupe sur la masse constituante de cet endogroupe
(l'influence intragroupe). Turner (1991) présente un perfectionnement du modèle de Mugny
(1982). Il propose de faire une distinction entre deux types de populations : l'une qui partage
l'appartenance catégorielle du pouvoir en place, l'autre celle de la minorité. Ainsi, alors qu'une
population est un endogroupe pour la minorité active, l'autre constitue son exogroupe.
Quoi qu'il en soit, les théories et les recherches sur l'influence exercée par les minorités doivent
accorder plus d'attention à un facteur négligé jusqu'ici, mais qui peut jouer un rôle important
dans la mobilisation de groupes ethniques, à savoir les revendications ou les points de vue
particuliers avancés par la source d'influence. Comme indiqué dans une section précédente, il
se peut donc que les exigences d'une minorité en ce qui concerne la reconnaissance corporative
entraînent la représentation du conflit comme un conflit intergroupe plutôt que comme un
conflit entre le point de vue d'une minorité numérique et celui d'une majorité numérique.
L'analyse de Turner (1991) indique qu'une telle représentation catégorielle du conflit peut
contribuer à l'effort de mobilisation du groupe (l'influence sur la masse constituante de
l'endogroupe) parce qu'elle fait appel aux sentiments de loyauté et aussi parce qu'elle suppose
que les exigences de la minorité active n'étaient pas considérées comme étant d'intérêt
personnel mais comme représentant les intérêts d'une population constituante. Dans ce cas, le
groupe dominant aurait tout intérêt à désamorcer cette définition catégorielle du conflit et à
accentuer la loyauté envers le groupe supra-ordonné commun. Cette stratégie peut être
instrumentale pour le groupe dominant parce qu'elle envisagerait les dirigeants du groupe
minoritaire comme des dissidents plutôt que comme les représentants des intérêts collectifs
d'une catégorie sociale. En effet, Mugny (1982) montre que toute stratégie de la majorité qui
"psychologise" la minorité active (c'est-à-dire qui fait en sorte qu'elle ressemble à un groupe de
déviants ou de fous) réduit l'influence potentielle de la minorité sur ses propres cibles.
Les conditions qui mènent à la formation d'une minorité active organisée n'ont pas constitué le
centre d'intérêt des ouvrages consacrés à l'influence des minorités. La formation d'une minorité
active organisée qui remet en question le statu quo résulte habituellement des actions
d'individus qui détiennent les compétences, les ressources et l'engagement nécessaires pour
mobiliser les membres de leur catégorie sociale et pour les inciter à se comporter comme un
groupe (pour la distinction entre les catégories et les groupes sociaux (voir Campbell, 1958;
Rabbie & Horwitz, 1988). Ce sont généralement les membres élitaires d'une catégorie sociale
qui forment le groupe organisé (A.D. Smith, 1982; Taylor & Mc Kirnan, 1984; Taylor &
Moghaddam, 1987). Les intérêts personnels de chaque fondateur du groupe organisé peuvent
constituer une motivation importante liée à leur participation à sa formation (mais il ne s'agit
pas de la seule, voir Toch, 1965). Il est plus probable que les aspirations des membres élitaires
des groupes subordonnés s'orientent vers une carrière dans la bureaucratie politique plutôt que
33
vers une carrière centrée sur l'esprit d'entreprise économique (Horowitz, 1985; A.D. Smith,
1982). Etant donné ces aspirations et compte tenu de la rareté et de l'importance des fonctions
convoitées, ces individus sont susceptibles de ressentir une discrimination de groupe et de
connaître un plafond à leur ascension sociale qui est inférieur à celui des membres du groupe
dominant. Par conséquent, ils peuvent "se désidentifier" de la culture et des valeurs du groupe
dominant (Steele, 1988) et modifier leur engagement : passer de tentatives d'assimilation en
tentatives de valorisation des objectifs de leur groupe ethnique et de mobilisation des membres
du groupe en vue de l'action collective. Ils réalisent ce changement par l'articulation d'une
idéologie explicite qui attribue l'"immobilité" sociale (par opposition à la mobilité sociale) des
membres de leur groupe à la discrimination engendrée par l'exogroupe et à l'injustice du statu
quo (Deutsch, 1985; Taylor & Moghaddam, 1987). D'un point de vue rationnel, il est possible
que les stimulants soient à la fois symboliques et économiques : les biens symboliques (p. ex.
l'identité et le statut de groupe) sont des biens publics, accessibles à tous les membres du
groupe, et peuvent être cruciaux pour le processus de mobilisation, alors que les stimulants
matériels - c'est-à-dire les biens non publics - peuvent aider à soutenir l'engagement des élites
ou représentants du groupe (Banton, 1983; Hechter, 1987), d'autant plus que les représentants
actifs et engagés s'exposent à des risques et à des coûts personnels plus élevés que leurs
partisans (Banton, 1987; Oberschall, 1973).
En déclenchant les processus de mobilisation, une minorité engagée et organisée doit surmonter
les obstacles qui entravent la participation individuelle à l'action collective. Ces obstacles, au
centre des analyses sur le choix rationnel, proviennent entre autres des éventualités suivantes :
(1) que les relations causales entre les facteurs institutionnels et les résultats individuels ne
soient pas immédiatement saillantes pour les individus, (2) que la discrimination ne soit pas
perçue par les systèmes institutionnalisés ni ne leur soit attribuée (Blalock & Wilken, 1979),
(3) que les constituants considérés individuellement ne connaissent pas avec certitude le
nombre des autres membres de leur groupe disposés à participer à l'action collective (Gamson,
1975; Klandermans, 1984), (4) que les individus ne perçoivent pas que la réalisation des
intérêts groupaux va dans le sens de leur intérêt personnel, (5) que l'adhésion des individus aux
objectifs de groupe soit souvent en désaccord avec la réalisation de leurs intérêts personnels à
court terme (Blalock, 1989; Dawes, 1980; Hechter, 1987; Olson, 1971; Wilke, Messick &
Rutte, 1986) et (6) que les individus n'aient pas assez de ressources pour rassembler
l'information pertinente requise pour susciter de fortes croyances en l'efficacité collective.
Etant donné ces obstacles, le groupe organisé doit décider de la stratégie à adopter en vue de
mobiliser et de persuader ses membres. L'analyse précédente indique qu'une mise en évidence
de la valeur de l'identité distincte du groupe ainsi qu'une accentuation des frontières
intergroupes représentent une stratégie qui peut augmenter la probabilité de la participation
individuelle à l'action collective. Les recherches en matière de critères de justice et de privation
relative proposent une autre stratégie : une mise en évidence de l'aspect "moral" (c'est-à-dire
l'injustice) des intérêts matériels du groupe. La seule accentuation des intérêts "rationnelsmatériels" du groupe, dont fait mention la théorie des conflits réels, peut ne pas être suffisante
ni nécessaire (Toch, 1965). Cette stratégie peut cependant être efficace pour mobiliser des
segments particuliers au sein de la population de l'endogroupe. En général, on pourrait
considérer que l'efficacité de toute stratégie de mobilisation dépend des caractéristiques du
segment de la population ciblé. Une particularité fondamentale de la population est sa force
d'identification à la catégorie ethnique par rapport à la catégorie supra-ordonnée. Par exemple,
les individus qui s'identifient plus à la catégorie supra-ordonnée qu'à leur catégorie ethnique
(c'est-à-dire manifestant l'orientation vers une assimilation) peuvent ne pas être affectés par les
slogans qui illustrent l'importance de leur identité ethnique distincte. Ces individus pourraient
34
pourtant être mobilisés s'ils sont persuadés que la protection ou la réalisation de leur intérêt
personnel dépend de la réalisation des intérêts de groupe. Une mise en évidence des griefs
identitaires peut être plus efficace pour les individus dont l'identification à leur catégorie
ethnique est plus forte que leur identification à la catégorie supra-ordonnée. Pour ces individus,
le fait d'augmenter la saillance de la catégorisation endogroupe-exogroupe et de l'identification à
l'endogroupe peut aboutir à la "dépersonnalisation" de leur intérêt personnel et peut, par
conséquent, donner le sentiment que l'intérêt personnel immédiat le plus important est l'intérêt
du groupe (Turner et al., 1987).
Une stratégie de mobilisation efficace supplémentaire consiste à simplifier l'idéologie qui
justifie le choix d'objectifs ou de lignes de conduite particuliers. L'efficacité de cette stratégie
provient de la complexité des causes sociales et de la capacité limitée des individus à les
comprendre (Blalock, 1989). Envisager le problème en termes d'une dichotomie endogroupeexogroupe polarisée constitue l'une de ces stratégies de simplification (Blalock, 1989; Martin,
Scully & Levitt, 1990). L'exagération de la divergence entre l'endogroupe et l'exogroupe
constituerait un moyen d'imputer les attributions des désavantages et des menaces à
l'exogroupe plutôt qu'aux incapacités personnelles des membres de l'endogroupe ou à ses
caractéristiques déviantes (Taylor & Mc Kirnan, 1984). Cette exagération développerait
également une plus grande confiance dans le fait que d'autres membres de l'endogroupe ne vont
pas faire un tour gratuit (Kramer & Brewer, 1984, 1986), consolidant ainsi leur disposition à
faire abstraction de leur intérêt personnel à court terme afin de poursuivre les intérêts collectifs
communs (Messick & Brewer, 1983). Le fait de condamner directement l'exogroupe est une
autre stratégie de simplification qui pourrait augmenter l'interdépendance subjective entre
l'intérêt personnel (ou la privation égoïste) et l'intérêt groupal (ou la privation fraternelle). De
plus, étant donné l'avantage perçu de la minorité organisée dans les ressources
informationnelles, celle-ci pourrait renforcer les croyances des membres de l'endogroupe en la
probabilité du succès de l'action collective (Hechter et al., 1982; Banton, 1987).
Les processus de mobilisation peuvent aussi nécessiter l'usage de la violence coercitive contre
les membres de l'endogroupe et ceux de l'exogroupe, comme l'indique Laitin (ce volume).
Parfois, par exemple au Liban et au Sri Lanka, la violence est utilisée par les factions radicales
comme un moyen de punir les membres de l'endogroupe qui manifestent des signes de
modération ou de compromis avec un exogroupe. Des actes violents réussis contre des
membres importants de l'exogroupe pourraient augmenter le succès de recrutement dans un
groupe, comme cela s'est vu dans le cas des Basques de l'E.T.A.. Dans ces deux situations,
selon Laitin, la violence a pour effet d'augmenter le prix de l'acceptation du statu quo. Laitin
estime également que les groupes de guérilla ont parfois recours à une stratégie d'"actionrépression-action en spirale" qui comporte des actions violentes dont le but est de pousser les
autorités à riposter, ce qui galvanise ensuite le soutien au groupe de guérilla. De plus, comme
illustré par les analyses de Dandeker, Kapferer et Laitin, le recours à la violence peut jouer un
rôle important dans la création et la cristallisation de frontières politiques et communautaires.
Pour terminer, il faudrait ajouter que la mobilisation en vue de la participation à l'action
collective violente peut impliquer un ensemble d'encouragements autre que la mobilisation en
vue de l'action non violente. Dans la plupart des cas où les groupes sont en situation de guerre
civile, on peut faciliter le recrutement dans les groupes de milice par la possibilité que ces
groupes ont de fournir des chances d'ascension sociale rapides et faciles.
35
CONCLUSION
Ce chapitre vise à montrer comment il est possible d'intégrer l'analyse des mécanismes
psychologiques aux analyses au plan groupal afin de faciliter une compréhension globale du
conflit intergroupe, en général, et du nationalisme ethnique, en particulier. La revue des
ouvrages psychosociaux indique que l'incompatibilité des objectifs est un facteur déterminant
nécessaire au conflit intergroupe. Cette conclusion n'implique cependant pas que l'on pourrait
envisager les groupes dans une perspective similaire à celle des individus, à savoir qu'ils sont
motivés à maximiser leurs intérêts. Ce fait s'explique par le fait qu'un groupe est composé
d'individus qui peuvent ne pas avoir le même niveau de motivation pour agir au nom des
intérêts de groupe. La définition des objectifs de groupe ne garantit pas que les membres du
groupe vont automatiquement agir en vue de les maximiser. La disposition des individus à
s'engager dans l'affrontement collectif au nom des objectifs de groupe dépend de processus
psychosociaux complexes qui sont fonction : (1) du fait que la structure des relations entre
groupes, qui entraîne souvent un accès différent aux ressources, soit perçue comme juste ou
injuste, (2) de la perception du degré d'interdépendance entre les intérêts individuels et les
intérêts groupaux et (3) de la force d'identification des individus à un groupe par rapport à leur
identification à l'égard d'un groupe supra-ordonné plus inclusif.
Les recherches en matière de critères de justice ont examiné les processus qui interviennent
dans la perception de justesse ou non des systèmes de répartition des ressources. Les
recherches consacrées à la privation relative ont abordé le rapport entre cette perception et
l'action collective. Bien que ces deux approches indiquent que les individus peuvent s'engager
dans une action conflictuelle lorsqu'ils s'aperçoivent qu'ils sont privés de ce qu'ils méritent (à
leurs yeux), aucune d'entre elles ne précise les principes distributifs et procéduraux particuliers
qui font que les individus croient que leur groupe est privé de ce qu'il mérite. On a proposé un
certain nombre de ces principes sur la base d'analyses comparatives de cas relatives aux
conflits ethniques ainsi qu'aux systèmes constitutionnels dans les sociétés multi-ethniques.
Une question fondamentale - en ce sens qu'elle sous-tend divers intérêts distributifs et
procéduraux de groupe - concerne la reconnaissance des groupes (par opposition aux
individus) comme les bénéficiaires légitimes des ressources et des lieux en ce qui concerne
l'identification et l'action politiques. La représentation politique ainsi que la reconnaissance des
droits de groupes distincts représentent deux des intérêts de groupe les plus saillants dans le
nationalisme ethnique. En effet, ils sont associés aux conflits les plus intenses, violents et
difficiles à résoudre. Ils appartiennent pourtant aux phénomènes qui font le moins l'objet de
recherches en sociologie et qui ne sont pas du tout abordés en psychologie.
Ces intérêts proviennent de l'importance que les individus accordent à la préservation et à la
valorisation d'une identité sociale distincte. La théorie et les recherches relatives à l'identité
sociale ont apporté de nombreuses connaissances sur les conditions qui activent ce besoin
identitaire, en plus d'explications conceptuelles importantes sur les moyens que les individus
utilisent pour combler et satisfaire ce besoin. Les sondages d'opinion portant sur les attitudes
raciales ont aussi souligné le rôle des besoins et des intérêts symboliques dans la détermination
de ces attitudes. Certaines approches anthropologiques et sociologiques des relations entre
groupes ethniques ont également mis l'accent sur l'importance des motivations identitaires de
groupe. Aucune de ces approches ne traite néanmoins des processus qui relient les besoins
identitaires individuels à l'émergence des revendications identitaires de groupe. Cet aperçu
indique que certains besoins identitaires individuels sont incompatibles avec la préservation de
l'identité de groupe, et que la relation entre les deux dépend de la force d'identification des
individus aux divers niveaux de la catégorisation en groupes.
36
La force d'identification dépend elle-même de facteurs sociopolitiques et socio-économiques.
Les idéologies politiques jouent un rôle important dans la définition des relations individugroupe aux divers niveaux de la catégorisation. Une idéologie dominante associée au système
d'"Etat-nation" confère plus de légitimité à l'identification de l'individu au niveau supraordonné (c'est-à-dire l'Etat-nation) qu'à son identification à un groupe ethnoculturel
subordonné. Combinées aux effets de facteurs socio-économiques, les idéologies politiques
créent les conditions propices à des relations complexes entre les intérêts matériels et
identitaires, aux plans individuel et groupal. Des incompatibilités entre les intérêts identitaires
et matériels peuvent survenir au sein des groupes, produisant ainsi des schismes intragroupes
potentiels à propos de la définition des objectifs prioritaires. Des schismes peuvent aussi avoir
lieu entre groupes, provoquant ainsi un conflit potentiel.
L'interaction entre les motivations réalistes et identitaires est aussi évidente lorsque l'on
envisage les processus qui interviennent dans la mobilisation des membres de groupe en vue de
l'action collective. Cette revue indique que l'activation des intérêts identitaires ou de justice
joue un rôle important dans la détermination de la disposition de certains individus à
déclencher un affrontement collectif et dans la persuasion des autres à y participer au nom des
objectifs de groupe. Le déclenchement de l'action collective ainsi que sa continuité requièrent
l'émergence d'une minorité organisée, engagée, cohérente et active au sein des membres de
l'endogroupe qui détient l'information et les ressources pertinentes pour définir les objectifs du
groupe et ceux qui sont prioritaires, pour évaluer l'efficacité des diverses lignes de conduite et
effectuer un choix parmi celles-ci en vue de la réalisation de ces objectifs et pour exprimer
l'idéologie par laquelle elle va persuader chaque membre du groupe de soutenir l'action
collective ou d'y participer. Les tentatives de mobilisation de sa masse constituante ont des
chances d'aboutir si elle les persuade que l'action collective est plus efficace que l'action
individuelle pour atteindre les résultats escomptés et si elle les persuade aussi de l'effet
d'augmentation, produit par leur propre participation individuelle, sur les chances de succès de
l'action collective.
En conclusion, il faut souligner le fait que l'analyse présentée dans ce chapitre n'a aucune
connotation évaluable sur les concepts de conflit et de nationalisme. Alors que l'on a, la
plupart du temps, considéré le conflit, en général, et le nationalisme, en particulier, comme des
phénomènes "négatifs" et indésirables (p. ex. Gurr, 1980), la présente analyse indique qu'ils
peuvent être soit un processus constructif, soit un processus destructif (Billig, 1976; Deutsch,
1973; Taylor & Moghaddam, 1987). Ces phénomènes sont constructifs dans la mesure où ils
entraînent un changement social (Moscovici, 1976) ou pour autant qu'ils constituent le seul
moyen par lequel les groupes menacés expriment leurs sentiments, leurs objectifs et leurs
revendications. Ils sont aussi constructifs dans la mesure où ils réduisent les ambiguïtés
idéologiques à propos du statut des divers groupes au sein de l'entité supra-ordonnée, p. ex. en
précisant et en clarifiant les systèmes et les principes qui régissent les relations entre les
groupes (Horowitz, 1985; Lijphart, 1977; Montville, 1990). Ils sont destructifs pour autant
qu'ils entraînent un cycle de violence qui pourrait s'intensifier à tel point que le conflit devient
insoluble et que ses coûts l'emportent sur ses profits.
37
NOTES DE BAS DE PAGE
1.
Au cours de ces deux dernières décennies, les recherches psychosociales sur les relations
intergroupes (pour des revues, voir Brewer & Kramer, 1985; Hamilton, 1981; Hogg &
Abrams, 1988; Messick & Mackie, 1989; Stephan, 1985; Stroebe, Kruglanski, Bar-Tal &
Hewstone, 1988; Tajfel, 1982a; Taylor & Moghaddam, 1987) se sont concentrées sur
l'examen des processus cognitifs qui sous-tendent certains phénomènes dans les relations
intergroupes, par exemple les stéréotypes (p. ex. Cantor, Mischel & Schwartz, 1982;
Hamilton, 1981; Hamilton, Dugan & Trolier, 1985; Jussim, Coleman & Lerch, 1987; Mc
Cauley, Stitt & Segal, 1980), les attitudes raciales (p. ex. Dovidio & Gaertner, 1986;
Kinder & Sears, 1981, 1985; Sears, 1988), les médiateurs et les conséquences cognitives
de la catégorisation (p. ex. Linville, Fisher & Salovey, 1989; Rothbart, Dawes & Park,
1984; Taylor, Fiske, Etkoff & Ruderman, 1978; Wilder, 1981, 1986) et les effets de la
catégorisation sociale sur l'évaluation des groupes sociaux et sur l'attribution des
récompenses (p. ex. Brewer, 1979; Diehl, 1990; Tajfel, 1982a; Turner, 1981, 1987). Une
conséquence fâcheuse de cette focalisation a été une baisse considérable des recherches
qui examinent les sources du comportement conflictuel entre groupes comparativement à
leur niveau élevé pendant les années soixante (p. ex. Blake, Shepard & Mouton, 1964;
Deutsch, 1973; Le Vine & Campbell, 1972; Rabbie & Wilkens, 1971; Sherif, Harvey,
White, Hood & Sherif, 1961, 1988; Sherif & Sherif, 1953; Wilson & Kayatani, 1968;
Wilson & Miller, 1961). Les seules exceptions à cette tendance concernent les recherches
sur la privation relative. En effet, leur nombre s'est accru ces dernières années (p. ex.
Crosby, 1976, 1982; Gurr, 1980; Olson, Herman & Zanna, 1986; Vanneman &
Pettigrew, 1972). Il est toutefois important de noter que l'intérêt actuel porté aux
processus cognitifs pose en prémisse l'hypothèse selon laquelle les perceptions et les
représentations intergroupes sont des facteurs importants dans le cadre de la
détermination des relations intergroupes même si très peu de recherches, pour ne pas
dire aucune, ont examiné les liens de causalité entre ces processus cognitifs et le conflit
intergroupe. Les mécanismes potentiels qui servent de médiateurs entre certains de ces
processus cognitifs et le conflit sont analysés ultérieurement dans ce chapitre.
2.
La distinction entre ces deux types d'identification est parallèle à la distinction établie
par George Herbert Mead (1934) entre les composantes du soi : le "je" et le "moi". Le
"je" constitue cette partie du concept de soi qui est impliquée dans l'action sans être
consciente d'elle-même. Le "moi" est cette partie du soi qui prend naissance quand on
réfléchit à propos de soi; il s'agit d'un "objet", d'une représentation qui pourrait être
modelée, façonnée et imagée de manière cognitive. Par opposition au "je", le "moi" est un
produit de la communication et du discours sociaux, précisément parce qu'il s'agit d'un
objet que l'on pourrait représenter de manière cognitive et linguistique.
3.
Il vaut la peine de remarquer la différence entre cette définition et celle communément
admise (en psychologie sociale) qui provient de Sherif et al. (1961, 1988) : "Chaque fois
que des individus appartenant à un groupe établissent, en tant que membres du groupe,
une interaction collective ou individuelle avec un autre groupe ou ses membres, nous
avons un exemple de comportement intergroupal"1 7 (1988, p. 21). Contrairement à la
définition de Sherif, celle qui est proposée ici différencie la situation dans laquelle les
membres de deux groupes interagissent individuellement de celle où ils interagissent
17
N.d.T. : (SHERIF (1971 : 25)).
38
collectivement. L'action collective nécessite un certain degré de consensus entre les
membres du groupe, alors que les actions individuelles ne le requièrent pas. Il s'ensuit
que lorsque les personnes agissent individuellement, leur comportement peut ne pas être
représentatif du groupe et peut même être inacceptable aux yeux des autres membres de
ce groupe. Par exemple, un soldat qui tue un ennemi pendant un combat peut être
félicité, mais un soldat qui tue un ennemi lorsque ses dirigeants sont assis à la table des
négociations et déclenche ou aggrave accidentellement un conflit peut être jugé ou chassé.
En effet, il arrive souvent que dans bon nombre de conflits ethniques, les factions
radicales au sein d'un groupe utilisent la violence afin de compromettre le succès des
négociations engagées par d'autres factions (p. ex. le Sri Lanka, le Liban). Etant donné ces
éventualités, nous trouvons inacceptable une définition qui envisage une situation dans
laquelle un individu affronte un membre de l'exogroupe comme un conflit "intergroupe"
quand d'autres membres de l'endogroupe ne soutiennent pas cette action.
4.
Les exemples de la première approche comprennent la théorie des conflits réels et la
théorie des jeux (Campbell, 1965; Le Vine & Campbell, 1972; Sherif, 1966; Simmel,
1955; Coser, 1956, 1967; Rabbie et Horwitz, 1969; Wilson & Kayatani, 1968; Blake,
Shepard & Mouton, 1964), les théories de la privation relative (Gurr, 1970; Runciman,
1966; Vanneman & Pettigrew, 1972; Crosby, 1976), les théories du développement
inégal (Bonacich, 1972; Furnivall, 1948; Hechter, 1978), les modèles du choix rationnel
(Hechter, Friedman & Applebaum, 1982; Hechter, 1987; Banton, 1983, 1987; Blalock,
1967, 1989) et les théories de la justice (Austin, 1986; Walster, Berscheid & Walster,
1973; Deutsch, 1985; Folger, 1986). Les exemples de ces dernières approches reprennent
la théorie de l'identité sociale et la théorie de la catégorisation de soi (Tajfel et Turner,
1986; Turner et al., 1987; Hogg et Adams, 1988), la théorie de la politique symbolique
(Kinder et Sears, 1981; Mc Conahay, 1986; Sears, 1988) et les modèles de conflits
ethniques qui mettent en évidence le rôle de l'identité culturelle (Horowitz, 1985; A.D.
Smith, 1981).
5.
Voir Doise, Csepeli, Dann, Gouge, Larsen & Ostell, 1972; Ferguson & Kelley, 1964;
Kahn & Ryen, 1972; Rabbie, Benoist, Oosterbaan & Visser, 1974; Rabbie, Schot &
Visser, 1989; Rabbie & Wilkens, 1971; Ryen & Kahn, 1975.
6.
Voir Allen & Wilder, 1975; Billig & Tajfel, 1973; Doise et al., 1972; Doise & Sinclair,
1973; Tajfel et al., 1971; Turner, 1975, 1978; pour des revues voir Billig, 1976; Brewer,
1979; Brown, 1988; Diehl, 1990; Hogg & Abrams, 1988; Tajfel, 1982a et Turner, 1981.
7.
De manière conceptuelle, si le groupe à statut supérieur est une minorité numérique et si
la menace est sérieuse (p. ex. la menace d'un génocide), alors le départ (individuel et
collectif) peut avoir lieu. La conversion religieuse des minorités chrétiennes dans les
Balkans et au Proche-Orient sous les régimes musulmans, arabes et ottomans est un
exemple de départ collectif. Une option supplémentaire pour une minorité à statut
supérieur (et, potentiellement, pour les groupes à statut inférieur) consiste à quitter
physiquement l'unité supra-ordonnée (p. ex. l'émigration en masse ou la séparation en
une unité politique indépendante ou autonome), ce qui lui permet de conserver son
identité de groupe positive.
8.
L'analyse suivante a subi l'influence des interprétations relatives aux analyses générales
sur les relations entre groupes ethniques réalisées par des sociologues (surtout Horowitz,
1985 et Lijpart, 1977) et par des analyses comparatives ou de cas qui couvrent un large
39
éventail de méthodes et de régions géographiques (Amirahmadi, 1987; Barth, 1969; BenDor, 1983; Boucher, Landis & Clark, 1987; Coleman & Rusberg, 1964; Demaine, 1984;
Dutter, 1990; Esman, 1977; Esman & Rabinovich, 1988; Glazer & Moynihan, 1975;
Goldman & Wilson, 1984; Hetcher, 1975; Hunter, 1966; Karklins, 1986; Kuper & M.G.
Smith, 1969; Lim, 1985; Milne, 1981; Montville, 1990; Naidu, 1980; Paden, 1980; D.
Rothchild & Olorunsula, 1983; J. Rothchild, 1981; Schermerhorn, 1978; Simpson &
Yinger, 1985; A.D. Smith, 1981; Sugar, 1980; Tiryakian & Rogowsky, 1985; van den
Berghe, 1965, 1967, 1981; Williams, 1982).
9.
Les revendications relatives à la mise en oeuvre du principe d'autodétermination visent à
réduire la dépendance d'un groupe aux autres groupes en ce qui concerne la distribution
des ressources. C'est probablement le principe qui est le plus fortement associé au
nationalisme, en général, et au nationalisme ethnique, en particulier, parce qu'il implique
l'expression d'une idéologie qui définit les frontières intergroupes selon des dimensions
territoriales. Ces revendications sont liées à la valorisation d'une croyance en un destin
commun entre les membres de l'endogroupe qui, selon des recherches dans le domaine de
la dynamique des groupes (Cartwright & Zander, 1968; Festinger, 1950; Thibaut &
Kelley, 1959), est susceptible de produire et d'accentuer les frontières psychologiques
intergroupes ainsi qu'une définition consensuelle du groupe. Néanmoins, du point de vue
des recherches en psychologie sociale, il ne va pas de soi qu'une définition subjective des
frontières intergroupes suppose que ces frontières soient obligatoirement territoriales. Il
est possible qu'une telle implication ne soit pas psychologique mais plutôt idéologique et
qu'elle provienne de l'association étroite entre l'"appartenance à la nation" et la
"souveraineté territoriale/politique" dans les idéologies politiques occidentales (voir
Dandeker, ce volume; et la section suivante dans ce chapitre). Néanmoins, le fait que la
définition et la légitimation psychologiques des frontières catégorielles distinctes sont
facilitées par la mise en place de frontières physiques "visibles" peut constituer un
processus psychologique potentiellement apte à sous-tendre les implications
"territoriales" des revendications d'autodétermination.
10.
Cette position est évidente si l'on prend en compte la manière avec laquelle la
représentation politique des groupes ethniques est traitée dans les systèmes légaux et
constitutionnels. Les analyses des modes de représentation politique dans les sociétés
multiculturelles (p. ex. Lijpart, 1977, 1990; Horowitz, 1985, 1990, 1991) montrent que,
malgré l'introduction quasi mondiale dans les sociétés démocratiques de principes
officiels relatifs à la répartition de la représentation politique dans les articles écrits et
oraux, la représentation des groupes ethniques ou culturels n'est pas toujours abordée
dans ces articles. En effet, dans beaucoup de sociétés plurielles (c'est-à-dire
multiculturelles) et démocratiques, ces principes sont absents, non précisés ou
explicitement évités. On pourrait attribuer ce manque de précision aux idéologies
politiques individualistes qui sont surtout marquées dans le cas des groupes attribués, en
particulier dans les groupes ethnoculturels (v. van Dyke, 1977). Cette idéologie (qui a été
répandue, en grande partie, par le colonialisme occidental; voir Kedourie, 1988) considère
davantage les individus que les groupes comme les sujets légitimes des droits (May,
1987). En effet, selon ces idéologies, les droits de citoyenneté sont accordés
officiellement aux individus en tant qu'individus et non aux individus en tant que
membres de groupes, ni aux groupes en tant que groupes (bien que la privation des droits
soit parfois, ironiquement, fondée sur l'appartenance à un groupe). De même, la
citoyenneté de l'individu est valorisée en tant que centre de son identité vis-à-vis de
l'Etat; l'identification des individus aux groupes attribués constitutifs est considérée
40
comme "primordiale" et devrait, au mieux, être moins importante que leur identification à
l'entité politique supra-ordonnée (cfr. Geertz, 1973, ch. 10; Horowitz, 1985, ch. 4). Ce
fait est clairement illustré, dans ce volume, par la description que donne Ueda des
politiques des gouvernements américains au début du vingtième siècle au plus fort d'une
vague d'immigration en provenance d'Europe. Ces politiques visaient à encourager la
bonne éducation civique des nouveaux immigrants, exigeant d'eux qu'ils apprennent
l'anglais, etc. dans l'espoir que l'acquisition des droits de citoyenneté devrait les
désengager de leur identification ethnique. Néanmoins, son analyse montre également que
les groupes ethniques ne furent pas tous soumis au même traitement, ni admis à
s'assimiler à la culture nationale dominante. Ueda oppose l'intégration relativement
harmonieuse des minorités européennes à celle des immigrants non occidentaux : les
décideurs politiques estimaient que ces derniers étaient moins capables que les premiers
d'exercer leur citoyenneté et, par conséquent, de s'intégrer dans la culture nationale
américaine.
11.
Etant donné que, dans la théorie de la catégorisation de soi, l'antagonisme fonctionnel
entre les différents niveaux de catégorisation est généralement lié aux mécanismes de
saillance, il faudrait, de toute évidence, distinguer le concept de "saillance catégorielle" du
concept de "degré d'identification" (la théorie semble confondre les deux termes). Ainsi,
on pourrait considérer que, alors que la "saillance catégorielle" active l'identité sociale liée
à la catégorie saillante, le "degré d'identification" détermine le seuil relatif à l'activation
d'une catégorie particulière en plus des conséquences émotionnelles et comportementales
potentielles de cette activation. Plus l'identification à un groupe est forte, plus bas est le
seuil relatif à l'activation d'une catégorie et de son identité et plus élevée est la valeur
émotionnelle attachée à cette identité. De plus, le degré d'identification a un effet direct
sur l'action collective potentielle, ce qu'une seule saillance catégorielle n'a pas. Ainsi, plus
l'identification est forte, plus il est probable que l'individu choisira de rester dans le
groupe et s'engagera dans l'action collective (même si l'ascension sociale est possible par
le départ individuel). Cependant, quand l'identification est faible, les individus sont
enclins à entreprendre des actions qui affirmeront leur désidentification à l'endogroupe,
surtout quand la catégorie liée à cette identité est saillante.
12.
Cette analyse indique qu'il peut exister une différence qualitative dans la façon dont les
individus ressentent les appartenances à un groupe avant et après la création de
frontières explicites, territoriales et officielles. Ce processus de "formation d'une nation"
(et aussi de nationalisme ethnique) implique un processus qui définit explicitement
l'identité culturelle du groupe (c'est-à-dire l'identité entre les membres et la distinction des
non-membres) qui, comme considéré auparavant, entraîne l'accentuation des différences
culturelles intergroupes et dans lesquelles on investit une valeur psychologique
(émotionnelle) et une signification "objective". En revanche, l'identification dans les
sociétés "prénationalistes" n'impliquait pas nécessairement des définitions juridiques,
officielles et explicites des frontières catégorielles. En effet, il est peu probable que, dans
ces sociétés, les individus se représentaient comme les membres des entités culturelles
cohérentes et unifiées; ils considéraient plutôt qu'ils appartenaient à une localité
comprise dans d'autres localités (les villages, les villes, les régions) qui étaient autonomes
mais qui avaient des réseaux non officiels de commerce, d'échanges et de relations
sociales qui rendaient les frontières entre eux pour le moins floues (Leach, 1957). Gellner
(1987), dans sa critique de l'analyse de Renan (1882) sur ce qu'est une nation, la résume
comme suit : "L'homme traditionnel ... n'avait aucune notion de "culture" ... Il connaissait
les dieux de sa culture, mais pas la culture elle-même. A l'ère du nationalisme, le
41
changement est double; la culture partagée est vénérée directement et non au travers du
filtre de quelque symbole, et cette entité ainsi vénérée est diffuse, intérieurement
homogène et exige qu'un voile d'oubli recouvre discrètement les différences internes
obscures" (p. 10, en italique dans l'original).
13.
On devrait cependant constater que les groupes qui sont formés sur la base de
caractéristiques acquises plutôt qu'attribuées (p. ex. les partis politiques ; les
départements au sein d'une institution; les groupes professionnels) sont susceptibles
d'être perçus comme les acteurs légitimes (Lijpart, 1977), même si ce fait reste
controversé (voir May, 1987; J.M. van Dyke, 1977). De même, un groupe d'individus
perçu comme un "ensemble" (p. ex. le jury) est susceptible d'être perçu comme un acteur
plus légitime qu'un ensemble d'individus perçu comme un groupe.
14.
Les recherches sur l'influence des minorités, présentées dans cette section, ne font pas de
distinction entre l'influence qui cherche à toucher la masse constituante de l'exogroupe et
celle qui vise atteindre ses dirigeants.
15.
Dans ce cas, l'individu qui est une cible des tentatives d'influence de la majorité constitue
une minorité "passive". Lorsque cette minorité compte plus d'un individu, l'intérêt des
membres pour leur "déviance" proviendrait vraisemblablement du fait qu'ils ne se
coordonnent, ni ne se soutiennent les uns les autres ou, en d'autres termes, qu'ils ne
réagissent pas à la tentative d'influence comme un "groupe" mais simplement en qualité
d'individus.
16.
Même si Moscovici ne traite pas largement des conditions dans lesquelles on peut
rencontrer une "intériorisation" des opinions et des normes de la majorité, il est
important de remarquer que la stabilité relative de l'ordre social nécessite un certain degré
d'intériorisation des normes et des valeurs prédominantes. Une telle intériorisation n'est
pas toujours le résultat de pressions coercitives exercées par une "majorité". Il s'agit plus
vraisemblablement du résultat de processus de socialisation à long terme ainsi que de
processus de communication sociale récurrents qui engendrent les "représentations
sociales" partagées par les membres d'une culture (Farr & Moscovici, 1984).
42
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