Des Nouvelles de Psychoprat N° 3 – Dossier : « Les métiers des psychologues en psychiatrie
Fonction des groupes
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Fonction des groupes thérapeutiques:
la médiation, une passerelle entre deux rives...
Nous utilisons deux médias pour soutenir le travail des groupes thérapeutiques: la photo (outil
Sensimage© créé par les psychologues exerçant dans les établissements psychiatriques du Groupe
Clinéa) et le Jeu de Soi, jeu thérapeutique sur le modèle du Jeu de l'Oie. Au fond, le support choisi
importe moins que le soutien psychique qu'il apporte de manière individuelle, et que l'abord des
mouvements du groupe qu'il permet. Groupes et médiations sont effectivement des indications
pertinentes et complémentaires aux autres offres de soin en psychiatrie. C'est ainsi que peuvent se
repérer, en fonction de la composition des groupes (types de fonctionnement psychique, groupes
hétérogènes ou non...), en fonction des photos et des thèmes choisis par les patients, les mouvements
affectifs, et les procédés défensifs qui traversent le groupe: de cette manière, les séances peuvent
prendre une tonalité maniaque, l'objectif inconscient étant de ne laisser passer aucun affect de
tristesse, ou au contraire permettre des expressions affectives plus authentiques. Lorsque les patients
fonctionnent surtout sur un mode névrotique les séances deviennent franchement... adolescentes ! Il y
sera question de défier le psychologue, de se donner le mot pour dire des "choses sexuelles", ou
"placer" telle ou telle expression, de mimer les gestes de la psychologue, ou bien encore réinterroger
toutes les règles du groupe. Si l'évitement défensif s'y entend, l'opposition/individuation adolescente
prédomine et peut s'élaborer.
Au-delà de ces considérations cliniques, quelle fonction psychique occupe le dispositif groupal?
Lorsque le colloque duel reste infructueux à un véritable « hébergement psychique » (PC Racamier,
2001), ou à l’avènement d’un processus, il s’avère nécessaire de construire, penser un espace
thérapeutique dans l’esprit de la « transitionnalité » telle qu’elle a pu être élaborée par Winnicott, à
savoir un espace à-même de recevoir les strates les plus archaïques et les plus orageuses des
organisations psychiques de patients en état de crise, de leur ouvrir ou ré-ouvrir la voie vers une
suffisante assise existentielle. Ainsi, un espace thérapeutique conçu sous l’éclairage de la
transitionnalité peut-il permettre de potentialiser une « rencontre thérapeutique », voire une alliance.
L’espace transitionnel est compris comme une zone intermédiaire de chevauchement entre ce que le
patient conçoit et ce que le thérapeute apporte permettant de “ maintenir à la fois séparés et reliés l’un
à l’autre, réalité intérieure et réalité extérieure ” (Winnicott, 1971). Comme avec le "squiggle game" de
Winnicott, où il s’agit de donner quelque chose à l’autre pour qu’il le transforme et se l’approprie, la
médiation permet l’apparition d’un espace de créativité psychique, d'une co-construction par co-
associativité. D’un matériel, les patients et le psychologue font une création pour s’appuyer sur elle
mais aussi afin d’accéder à la capacité de jouer ensemble.
Pour quels patients plus particulièrement, nous faut-il faire le choix de la médiation ? Au niveau de la
dynamique intersubjective, il s’agit le plus souvent de patients instaurant à grand-peine un lien à
l’autre, pour qui la bonne distance est difficilement ajustable : l’intimité duelle est soit envahissante, soit
insaisissable, le patient l'éprouvant comme une intrusion, ou comme un abandon. La relation
thérapeutique demeure donc soit fusionnelle, soit inexistante et la rencontre de deux sujets différenciés
et coexistants ne peut avoir lieu. De ce point de vue, la médiation constitue un support sur lequel peut
s’étayer ce chaînon manquant de la dynamique intersubjective et relationnelle. Ce travail thérapeutique
médiatisé permet ainsi d’établir un espace transitionnel entre soi et l’autre, l'émergence d'une altérité
œuvrant à l'instauration d'un lien, d'une rencontre et d'un échange entre un patient et un psychologue.
En somme, la médiation serait comme une passerelle entre deux rives, jetant les bases d’une
communication entre le patient et l’autre-soignant.
Quant à la dynamique intrapsychique de ces patients, elle est marquée par une faiblesse du
“ marchepied ” que constitue le préconscient. Cet étage intermédiaire, maillon essentiel du lien entre les
éléments inconscients et ceux de la sphère consciente, est ici quasiment inexistant. Ainsi donc, ce qui,