Le zona du nerf dentaire inférieur

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Le zona du nerf dentaire inférieur
Une pathologie rare aux prodromes peu évocateurs
● P. Faulcon*, F. Tedong*, E. Salengro*, G. Corfu*, C. Paoli*
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e zona du nerf maxillaire inférieur et notamment de
sa branche dentaire inférieure est une pathologie
rare. La symptomatologie prodromique essentiellement caractérisée par des algies dentaires précède souvent
l’éruption cutanéo-muqueuse évocatrice et peut rendre le diagnostic précoce difficile.
Nous présentons un cas clinique de ce type d’infection virale
en développant les principaux symptômes et la démarche diagnostique.
Le diagnostic clinique de zona du nerf maxillaire inférieur est
confirmé secondairement par une sérologie varicelle-zona.
L’adjonction au traitement d’un antiviral type aciclovir par
voie veineuse (10 mg/kg toutes les 8 heures) est décidée. Les
douleurs puis les lésions cutanéo-muqueuses disparaissent
complètement en 2 à 3 semaines. En revanche, la sérologie
VIH revient positive. La séropositivité VIH, révélée par cet
épisode viral, a conduit à une prise en charge de ce patient
dans le service de médecine interne.
OBSERVATION
Un homme de 32 ans est hospitalisé pour une cellulite de
l’hémiface droite évoluant depuis 24 heures. L’interrogatoire
retrouve la notion de douleurs dentaires du bloc molaire de
l’hémi-mandibule droite précédant de 48 heures les manifestations cutanées. L’apparition de ces dernières ainsi que l’intensité croissante des douleurs obligent le patient à consulter en
urgence.
L’examen clinique initial retrouve un placard cutané érythémateux de la joue droite sensible à la palpation. Il n’y a pas
d’anomalie évidente dans la cavité buccale, notamment pas de
dents douloureuses. L’état général est conservé. Le patient est
apyrétique. Le bilan paraclinique n’apporte pas d’éléments en
faveur d’un diagnostic précis. La numération formule sanguine
est normale. Les hémocultures restent négatives.
Face à cette cellulite de l’hémiface droite, un traitement antibiotique à large spectre (association amoxicilline-acide clavulanique) par voie veineuse (1 g x 3 /jour) est instauré.
L’évolution est marquée par une exacerbation des douleurs
avec une dégradation de l’état général. De façon concomitante,
apparaissent des lésions vésiculo-bulleuses cutanées s’ajoutant
au placard cutané inflammatoire. Ces lésions cutanées s’expriment dans le territoire sensitif du nerf maxillaire inférieur
(figure 1). Elles respectent la ligne médiane et sont associées à
des lésions muqueuses de la cavité buccale (figure 2).
* Service d’ORL et de chirurgie cervico-faciale,
Centre hospitalier intercommunal André-Grégoire,
56, bd de la Boissière, 93105 Montreuil-sous-bois.
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Figure 1. Lésions vésiculo-bulleuses sur un placard inflammatoire.
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Figure 2. Lésions muqueuses sur la face interne de la joue.
DISCUSSION
Le zona est une infection virale nécessitant un contact antérieur vis-à-vis du virus de la varicelle (VZV). La réactivation
du virus VZV, à l’état latent dans les ganglions nerveux sensitifs ou moteurs, est favorisée par divers facteurs. L’incidence
de cette pathologie chez les personnes âgées ou chez les
patients immunodéprimés est maintenant bien démontrée. En
effet, plus de la moitié des cas touchent les personnes de plus
de 60 ans.
En dehors du thorax, c’est la face qui est le plus souvent
atteinte par l’intermédiaire du nerf facial ou du nerf trijumeau
en ce qui concerne sa branche ophtalmique. Un zona sur huit
correspond à une réactivation virale au sein du ganglion de
Gasser. En revanche, l’atteinte des branches maxillaires inférieure et supérieure du nerf trijumeau est beaucoup plus rare
(moins de 2 % des cas de zona). En ce qui concerne les
atteintes zostériennes du nerf maxillaire inférieur, les classiques algies à type de brûlures localisées à un dermatome et
précédant de 2 à 4 jours l’éruption cutanéo-vésiculeuse sont
associées à des douleurs dentaires de l’hémi-mandibule homolatérale. Ce sont des douleurs à type de pulpite touchant surtout
le bloc molaire et irradiant le long du trajet du nerf dentaire
inférieur. Ces douleurs dentaires sont parfois isolées cliniquement. Dans cette forme topographique, l’éruption est
cutanéo-muqueuse pour les atteintes du V2 et du V3, composée
de fines vésicules cernées d’un liseré rouge. Les formes vésiculo-bulleuses peuvent exister, comme le montre notre cas clinique. En dehors de l’hyperesthésie cutanée et des adénopathies cervicales fréquentes, l’état général est altéré chez 5 à
10 % des patients.
Sur le plan biologique, l’infection zostérienne peut être affirmée soit par une recherche directe du virus dans le liquide des
vésicules, soit par le sérodiagnostic montrant une augmentation des immunoglobulines G, spécifiques du virus VZV, en
technique ÉLISA sur un sérum précoce et tardif. Cette sérologie
spécifique devient indispensable au diagnostic de certaines
formes atypiques de zona. Ce sont les atteintes zostériennes
sans éruption cutanéo-muqueuse caractéristique. L’apparition
brutale de douleurs intenses, persistantes, à type de pulpite,
doit faire évoquer un zona du V3, si, bien évidemment, le bilan
stomatologique ne retrouve pas de cause évidente. Le sérodiagnostic peut éviter dans ce cas des délabrements dentaires
injustifiés.
Par ailleurs, un diagnostic précoce permet une meilleure prise
en charge des complications. En effet, en dehors des surinfections locales et des douleurs post-zostériennes, une complication plus spécifique de l’atteinte du nerf dentaire inférieur est
la dévitalisation dentaire, parfois tardive. La nécrose pulpaire,
la rhizalyse et la résorption osseuse péri-apicale peuvent même
aboutir à des avulsions dentaires, parfois multiples dans le
même quadrant. Un suivi spécialisé s’impose donc chez ces
patients afin de surveiller la vitalité dentaire.
En ce qui concerne le traitement, l’instauration précoce d’un
traitement antiviral local ou général a un intérêt actuellement
démontré dans l’évolution accélérée des vésicules et dans la
diminution de l’intensité des douleurs en phase aiguë, mais
celui-ci reste sans efficacité démontrée sur l’incidence des
douleurs post-zostériennes. Il en est de même pour la corticothérapie.
CONCLUSION
Le zona du nerf maxillaire inférieur peut être une pathologie de
diagnostic difficile en l’absence d’éruption cutanéo-muqueuse
caractéristique. Le vieillissement de la population et l’augmentation du nombre de patients présentant un déficit immunitaire,
parfois révélé par cette infection virale, imposent au clinicien
une bonne connaissance des différentes formes topographiques
et symptomatiques de cette maladie.
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