Synthèse J Pharm Clin 2012 ; 31 (2) : 89-103 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Prise en charge thérapeutique des patients infectés par le VIH : synthèse des recommandations du rapport Yeni Treatment of HIV-infected patients, synthesis of french guidelines (Yeni report) Julie Giraud 1 , Benjamin Bonnet 1 , Muriel Bocquentin 1 , Aurélie Barrail-Tran 1,2 , Anne-Marie Taburet 1 1 Département de pharmacie clinique, Hôpital Bicêtre, APHP, Hôpitaux Universitaires Paris Sud <[email protected]> 2 Faculté de pharmacie, EA4123 Barrières physiologiques et réponses thérapeutiques, Université Paris Sud Résumé. La prise en charge thérapeutique des patients infectés par le VIH s’est considérablement améliorée ces dernières années du fait de la mise sur le marché de médicaments antirétroviraux efficaces, avec des formulations galéniques améliorées, telles que des doses par unité de prise plus importantes ou des formes associant plusieurs antirétroviraux et la mise sur le marché de molécules mieux tolérées. Une multithérapie est nécessaire pour éviter la sélection de virus mutés résistants ; en première ligne de traitement, un traitement puissant associant deux analogues nucléosidiques et un inhibiteur non nucléosidique de la transcriptase inverse ou un inhibiteur de la protéase associé à une faible dose de ritonavir est recommandé. Il n’en demeure pas moins que le traitement du VIH est un traitement à vie et que le maintien d’une efficacité optimale sur le long terme nécessite non seulement un traitement efficace mais également une adhésion du patient à son traitement. Cet article décrit les principaux médicaments disponibles, avec leurs caractéristiques pharmacologiques et virologiques, puis les différentes stratégies thérapeutiques recommandées par le rapport d’experts publié en 2010 sont présentées. Mots clés : VIH, recommandations françaises, stratégie thérapeutique, antirétroviraux Abstract. A number of drugs are now available to inhibit HIV replication. Treatment of patients has improved as new drugs have better pharmaceutical formulation, such as fixed dose combination and tolerance has improved. A combination of two nucleoside analogs and a non nucleoside reverse transcriptase inhibitor or a protease inhibitor combined to a low dose of ritonavir (boost) is recommended as first line regimen to avoid selection of viral strain with resistance mutations. However, antiretroviral treatment needs to be administered daily throughout one’s life, and patient adherence needs to be optimal to avoid treatment failure. This article describes antiretroviral drugs available in France and therapeutic strategies recommended for sustained efficacy and improved tolerance. Key words: HIV, French guidelines, therapeutic strategy, antiretroviral drugs L es premiers cas de sida, ou syndrome d’immunodéficience acquise, ont été décrits en juin 1981 aux États-Unis chez de jeunes homosexuels masculins, puis très rapidement également en Europe. Compte Tirés à part : A.-M. Taburet tenu des caractéristiques épidémiologiques de ce syndrome, un virus transmissible par voie sexuelle et par voie sanguine a été rapidement suspecté comme agent responsable. Le déficit immunitaire profond et la présence de polyadénopathies persistantes, qui accompagnent le plus souvent cette maladie, ont orienté la Pour citer cet article : Giraud J, Bonnet B, Bocquentin M, Barrail-Tran A, Taburet AM. Prise en charge thérapeutique des patients infectés par le VIH : synthèse des recommandations du rapport Yeni. J Pharm Clin 2012 ; 31(2) : 89-103 doi:10.1684/jpc.2012.0210 89 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. J. Giraud, et al. recherche vers un virus dont le refuge serait les cellules immunes des organes lymphoïdes. C’est ainsi qu’à partir de cellules lymphoïdes ganglionnaires d’un patient fut identifié, dès 1983, un rétrovirus humain encore inconnu à l’époque, dénommé quelques années plus tard, le virus de l’immunodéficience humaine (VIH). En 1985, la notion de variabilité génétique du VIH était évoquée par l’analyse de virus de différents patients et, en 1986, un second virus, apparenté au premier, mais génétiquement distinct, était découvert chez des patients originaires d’Afrique de l’Ouest, et atteints eux aussi, d’un sida. Ces virus, de la même famille, furent alors dénommés VIH-1 et VIH-2. Le VIH affecte le système immunitaire en infectant les cellules centrales de ce système : les cellules porteuses du récepteur CD4, lymphocytes CD4 et cellules de la lignée monocytaire et macrophagique présentatrices d’antigènes. Il s’ensuit un déficit de l’immunité cellulaire, d’évolution progressive dominé par un déficit à la fois quantitatif et qualitatif des lymphocytes T CD4, cible principale du virus. Les virus VIH possèdent une enveloppe composée de deux glycoprotéines : la gp120 reconnaissant le récepteur cellulaire lymphocytaire CD4 et la gp41 transmembranaire qui assure la fusion virus/cellule cible. À l’intérieur, la capside (protéine p24, protéine p17) renferme deux brins d’ARN génomique et trois enzymes : la transcriptase inverse, une intégrase et une protéase. Ce sont ces enzymes qui permettent la transcription du génome et l’intégration de l’ADN proviral dans l’ADN cellulaire. Les traitements antirétroviraux ont beaucoup évolué ces dernières années. Certes le traitement est un traitement à vie car il n’est pas possible à l’heure actuelle d’éradiquer le virus qui est intégré dans le génome humain, mais seulement de diminuer sa multiplication et donc l’ARN-VIH du plasma ou charge virale. Les « trithérapies » disponibles sont efficaces et permettent en diminuant la charge virale en dessous du seuil de détectabilité, une restauration immunitaire. Les formes galéniques ont été améliorées permettant de diminuer le nombre de comprimés à ingérer et certains traitements peuvent être administrés en une prise par jour ce qui facilite l’observance. Les principaux médicaments disponibles et les stratégies thérapeutiques basées sur le rapport d’experts coordonné par le Pr Yeni en 2010, vont être décrits dans la suite de cet article. Caractéristiques pharmacologiques des antirétroviraux Les molécules antirétrovirales agissent au niveau des différentes étapes du cycle de multiplication du virus dans 90 la cellule hôte. On distingue ainsi 6 classes pharmacologiques : – les inhibiteurs nucléosidiques ou nucléotidiques de la transcriptase inverse du VIH (INTI). Ils bloquent la transcription de l’ARN viral en ADN proviral en se substituant aux nucléotides endogènes ; – les inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse du VIH (INNTI) dont la finalité est identique aux INTI, mais le mode d’action par inhibition directe de l’enzyme diffère ; – les inhibiteurs de protéase virale (IP). Ils agissent en inhibant le clivage des protéines virales et donc la formation de nouveaux virions ; – les inhibiteurs d’intégrase qui bloquent l’intégration de l’ADN viral dans le génome cellulaire ; – les inhibiteurs d’entrée, inhibiteur du co-récepteur CCR5. Ils agissent en inhibant l’entrée au niveau cellulaire des virus à tropisme R5 ; – les inhibiteurs de fusion de la particule virale avec la cellule, empêchent l’entrée du virus dans la cellule. Les formes galéniques et spécialités des différentes classes thérapeutiques sont résumées dans le tableau 1. Le tableau 2 synthétise les données pharmacocinétiques à prendre en compte pour optimiser le traitement. Les inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse En France, 6 inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse (emtricitabine, lamivudine, zidovudine, didanosine, stavudine, abacavir) et 1 inhibiteur nucléotidique de la transcriptase inverse (ténofovir) disposent d’une AMM. Les INTI sont des analogues de bases (purique ou pyrimidique) qui seront intégrés dans l’ADN par la transcriptase inverse. À l’instar des nucléotides endogènes qui doivent être triphosphorylés pour être intégrés dans la structure de l’ADN par l’ADN polymérase, les inhibiteurs nucléosidiques nécessitent pour être actifs, une triple phosphorylation dont la première est assurée par une kinase cellulaire, les deux suivantes nécessitant des kinases virales. Le ténofovir, analogue nucléotidique de l’adénine, est actif sous forme de ténofovir diphosphate, dont la phosphorylation dépend d’une kinase cellulaire. Celui-ci reste donc actif sur certains virus résistant aux INTI et dans les cellules quiescentes (macrophages, lymphocytes en phase latente). Compte tenu de leur proximité structurale, la zidovudine et la stavudine (analogues de la thymidine) sont antagonistes, par inhibition compétitive au niveau de la transcriptase inverse. Il n’est pas non plus recommandé d’associer didanosine et ténofovir. Les caractéristiques pharmacocinétiques des INTI sont résumées ci-après. D’une manière générale ils sont bien absorbés par voie orale avec une bonne biodisponibilité J Pharm Clin, vol. 31 n◦ 2, juin 2012 Recommandations du rapport Yeni Tableau 1. Synthèse des formes commerciales disponibles et posologies des différents antirétroviraux. Nom commercial DCI Formes disponibles Posologie par jour NPJ* Recommandations Atripla® Ténofovir Emtricitabine Efavirenz Comprimés 300/200/600 mg 1 cp 1 À prendre le soir au coucher À jeun Combivir® Zidovudine Lamivudine Comprimés 300/150 mg 2 cp 2 Kivexa® Abacavir Lamivudine Comprimés 600/300 mg 1 cp 1 Trizivir® Zidovudine Lamivudine Abacavir Comprimés 300/150/300 mg 2 cp 2 Truvada® Tenofovir Emtricitabine Comprimés 300/200 mg 1 cp 1 Au cours d’un repas Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Formes combinées Inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse Emtriva® Emtricitabine Gélules 200 mg Solution buvable (10 mg/mL) 200 mg 1 (VHB)** Epivir® Lamivudine Comprimés 150, 300 mg Solution buvable (10 mg/mL) 300 mg 1 ou 2 (VHB) Retrovir® Zidovudine Gélules 100, 250 mg Comprimés 300 mg Solution buvable (10 mg/mL) Solution injectable 200 mg 600 mg 2 Videx® Didanosine Comprimés 25, 50, 100, 150, 250 mg (si < 65 kg) 200 mg 400 mg (si > 65 kg) Gélules 125, 200, 250, 400 mg Poudre pour solution buvable (2 et 4 g => 10 mg/mL) 1 À prendre en dehors des repas Viread® Tenofovir Comprimés 245 mg 245 mg 1 Au cours d’un repas (VHB) Ziagen® Abacavir Comprimés 300 mg Solution buvable (20 mg/mL) 600 mg 1 ou 2 Allèle HLA B*5701 négatif Inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse Intelence® Etravirine Comprimés 100 mg 400 mg 2 Au cours du repas ou avec un grand verre d’eau Sustiva® Efavirenz Comprimés 200,600 mg Solution buvable (30 mg/mL) 600 mg 1 En dehors des repas, le soir CI grossesse Viramune® Nevirapine Comprimés 200 mg Solution buvable (10 mg/mL) 200 mg puis 400 mg 1 puis 2 Augmentation posologie au bout de 15 jours J Pharm Clin, vol. 31 n◦ 2, juin 2012 91 J. Giraud, et al. Tableau 1. (Suite) Nom commercial DCI Formes disponibles Posologie par jour NPJ* Recommandations Aptivus® Tipranavir Comprimés 250 mg 1 000 mg 2 À prendre de préférence avec un repas Conservation au réfrigérateur Crixivan® Indinavir Gélules à 100, 200, 400 mg 800-1 200 mg 2 Boire au moins 1,5 L d’eau Invirase® Saquinavir Comprimés à mg Gélules à 200 mg 2 000 mg 2 À prendre 2 h après le repas Kaletra® Lopinavir Ritonavir Comprimés à 100/25 mg ou 200/50 mg Sirop (80/20 mg/mL) 800 mg 2 Conservation du sirop 1 mois à moins 25 ◦ C Norvir® Ritonavir Comprimés à 100 mg Solution buvable (80 mg/mL) A chaque prise d’IP Prezista® Darunavir Comprimés à 300, 400, 600 mg 800 à 1 200 mg 1 ou 2 À prendre pendant les repas Reyataz® Atazanavir Gélules à 150, 200, 300 mg 300 mg 1 À prendre pendant les repas Telzir® Fos-amprenavir Comprimés 700 mg Suspension buvable (50 mg/mL) 1 400 mg 2 Raltegravir Comprimés à 400 mg 800 mg 2 Maraviroc Comprimés à 150, 300 mg 300 à 1 200 mg 2 Posologie en fonction des associations Enfuvirtide Solution injectable (90 mg/mL) 180 mg 2 SC Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Inhibiteurs de protéase Inhibiteur d’intégrase Isentress® Inhibiteur d’entrée Celsentri® Inhibiteur de fusion Fuzéon® * NPJ : nombre de prise journalière ; ** activité sur le virus de l’hépatite B (VHB). (> 60-75 %) à l’exception du ténofovir (40 %) et de la didanosine qui est détruite à pH acide et dont la forme pharmaceutique est gastro-résistante. Ils sont peu fixés aux protéines plasmatiques et éliminés dans les urines sous forme inchangée, sauf la zidovudine et l’abacavir qui sont en partie glucuronoconjugués (seul l’abacavir ne nécessite pas d’adaptation de sa posologie en cas d’insuffisance rénale sévère) et la didanosine éliminée pour partie en hypoxanthine. La toxicité mitochondriale des INTI peut expliquer un certain nombre des effets indésirables observés avec cette classe : lipoatrophie, neuropathie, pancréatite, myo- 92 pathie. Cette toxicité est associée biologiquement à une acidose lactique. La sévérité et le délai d’apparition de la toxicité mitochondriale sont variables en fonction des molécules et des associations de molécules entre elles. Du fait de cette toxicité importante pour la stavudine, sa prescription n’est plus recommandée. Le ténofovir a un profil métabolique plus favorable. Il possède cependant une toxicité tubulaire rénale, responsable en début de traitement d’hypophosphorémie, d’élévation de la créatininémie, et exceptionnellement d’insuffisance rénale. Ils présentent tous une mauvaise tolérance digestive (nausées, vomissements, diarrhées). J Pharm Clin, vol. 31 n◦ 2, juin 2012 Recommandations du rapport Yeni Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Tableau 2. Synthèse de la pharmacocinétique des molécules antirétrovirales. DCI Élimination rénale Métabolisme Abacavir <5% Glucuronoconjugaison et dérivé carboxylé Didanosine 40-50 % Didéoxyribose et hypoxantine Emtricitabine 80 % - Lamivudine 60-80 % - Tenofovir 70-80 % - Zidovudine 15-25 % Glucuronoconjugaison Efavirenz <1% CYP 2B6 Etravirine <1% CYP 3A4, 2C9, 2C19 Nevirapine < 15 % CYP 2B6 principalement et CYP 3A4 Atazanavir < 10 % Darunavir < 10 % Fosamprenavir <5% Indinavir 10 % Adaptation de la posologie en cas d’insuffisance rénale INDUCTEURS enzymatiques Risque interactions médicamenteuses Hépatique +++ CYP3A4 principalement Lopinavir <3% Ritonavir <5% Saquinavir <3% Tipranavir < 15 % Raltegravir 30-35 % Glucuronoconjugaison Maraviroc 24 % CYP 3A4 L’abacavir est responsable chez certains patients de réactions d’hypersensibilité pouvant être sévères, en particulier lors de la réintroduction après arrêt. Les patients porteurs de l’allèle HLA B*5701 ont un risque supérieur et l’abacavir ne doit pas être prescrit. Compte tenu des résultats des études, il est recommandé de faire un génotype HLA B*5701 avant de débuter un traitement par l’abacavir. Chez les patients porteurs de l’haplotype (fréquence des réactions d’hypersensibilité d’environ 50 %), l’abacavir ne doit pas être prescrit sauf en l’absence d’alternative thérapeutique, après avoir pesé le rapport bénéfice/risque. Dans ce cas, l’information du patient sur les signes d’alerte d’une réaction d’hypersensibilité devra être claire et la surveillance clinique renforcée. Administrés en monothérapie, la sélection de virus mutés résistants est rapide. Deux mécanismes différents expliquent la résistance aux inhibiteurs nucléosidiques et nucléotidiques. L’excision de l’analogue nucléosidique déjà incorporé est conférée par les mutations appelées TAM (thymidine analog mutations). Elles sont sélectionnées séquentiellement par les analogues de la thymidine, zidovudine et stavudine. Les TAM sont responsables J Pharm Clin, vol. 31 n◦ 2, juin 2012 Commentaires INHIBITEURS enzymatiques Risque interactions médicamenteuses (le tipranavir est également inducteur de transporteurs, interactions très complexes) Adaptation en cas d’IR si associé à des inhibiteurs enzymatiques d’une résistance à l’ensemble des INTI, sauf à la lamivudine, et cela à des niveaux divers. Cette résistance croisée est variable en fonction du nombre de TAM et de l’INTI. L’autre mécanisme de résistance est la diminution d’incorporation des nucléosides ou nucléotides artificiels au profit de nucléotides naturels, ce qui confère généralement un haut niveau de résistance à tous les INTI. Il faut noter que dans cette classe d’antirétroviraux, la barrière génétique (apparition de résistance au médicament antirétroviral en fonction du nombre de mutations virales) est variable selon les molécules et en particulier très faible pour la lamivudine et l’emtricitabine. Les inbiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse Il existe actuellement 3 inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse (INNTI) : la nevirapine, l’efavirenz et l’etravirine. Ce sont des inhibiteurs non compétitifs, donc irréversibles, de la transcriptase inverse du VIH-1. Ils sont non actifs vis-à-vis du VIH-2. Ils inhibent la synthèse de 93 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. J. Giraud, et al. l’ADN viral par diminution de l’activité de la transcriptase inverse. En se fixant au niveau d’une poche hydrophobe adjacente au site catalytique de l’enzyme ils modifient la conformation et la mobilité. Ils sont caractérisés par une activité antivirale importante. Les antirétroviraux de cette classe présentent des demi-vies plasmatiques longues (> 25 h), ils sont éliminés par les cytochromes P450 (CYP) hépatiques et possèdent des propriétés d’induction enzymatiques. Leurs caractéristiques pharmacocinétiques sont complexes, en particulier une non-linéarité concentration/dose qui explique que l’augmentation des concentrations ne soit pas proportionnelle à l’augmentation de la dose administrée. On estime que l’état d’équilibre est en général atteint au bout de 10 à 15 jours de traitement. D’un point de vue général, leur biodisponibilité est bonne (50-90 %), et l’alimentation n’a aucun effet sur celle-ci. Cas particulier de l’efavirenz pour lequel un repas riche en graisse augmente la biodisponibilité, qui pourrait augmenter les effets indésirables. Il est donc recommandé de le prendre en dehors des repas. Le métabolisme est hépatique, faisant intervenir les CYP450 (surtout 2B6 et 3A4 pour la névirapine et principalement 2B6 pour l’efavirenz ; l’étravirine est métabolisée par les CYP3A4, CYP2C9 et CYP2C19. Ces médicaments sont également inducteurs des CYP450. Ils sont responsables d’une auto-induction qui, au-delà de 2 semaines, entraîne une diminution de la demi-vie et des concentrations à l’équilibre. C’est pourquoi au bout de deux semaines de traitement, la posologie de la névirapine est doublée pour éviter les sous-dosages et donc l’échec thérapeutique. En raison de leur métabolisme et en l’absence d’étude, les INNTI sont à utiliser avec une extrême vigilance chez les patients atteints d’insuffisance hépatique sévère, si leur prescription ne peut être évitée. La demi-vie de l’efavirenz est prolongée (48 h vs 23 h, avec un risque de « surexposition » et d’augmentation de toxicité) chez des patients présentant certains allèles du gène codant un CYP2B6 (CYP2B6*6) non fonctionnel, plus fréquents chez les patients d’origine africaine que d’origine caucasienne (36 à 60 % vs 22-29 %). Bien que la tolérance des INNTI reste d’une manière générale bonne, chaque molécule entraîne des effets indésirables. En effet, la fréquence des hypersensibilités à la névirapine (toxicité cutanée et hépatique) reste non négligeable. L’efavirenz expose à des effets indésirables neurosensoriels fréquents, mais en général transitoires, en début de traitement et peut induire un syndrome dépressif quoique cet effet survienne rarement. Il est donc recommandé de l’administrer le soir, au coucher. Quant à l’étravirine (INNTI de nouvelle génération), il a démontré une bonne tolérance mais le recul reste limité. 94 Les INNTI sont des molécules pour lesquelles la barrière génétique est faible, avec une résistance croisée entre les INNTI de première génération (névirapine, efavirenz). L’étravirine reste fréquemment actif malgré une résistance à l’efavirenz et/ou à la névirapine. Les inhibiteurs de protéase Huit inhibiteurs de protéase sont commercialisés. Les plus anciens sont le saquinavir, le ritonavir et l’indinavir. Les plus récemment mis sur le marché sont le lopinavir associé au ritonavir, le fosamprenavir (juillet 2004), l’atazanavir (octobre 2005), le tipranavir (octobre 2005) et le darunavir (janvier 2006). Ils n’ont pas tous la même indication, qui repose surtout sur leur tolérance et la possibilité d’administration en une prise quotidienne, comme nous le verrons par la suite. Tous sont associés à une faible dose de ritonavir qui augmente les concentrations et améliore donc les caractéristiques pharmacocinétiques de l’IP associé. Le nelfinavir bien que réintroduit après son retrait du marché en 2007 n’est pratiquement plus utilisé, car il est très mal toléré (au niveau digestif surtout) et le plan de prise est complexe et contraignant (5 comprimés trois fois par jour). Les inhibiteurs de protéase bloquent la phase tardive de la maturation virale. Ils sont donc actifs sur les cellules chroniquement infectées. La protéase du VIH clive les polypeptides précurseurs produits par le VIH, permettant de générer les protéines structurelles et enzymatiques du virion. En présence d’un inhibiteur de protéase, des virions immatures sont produits, incapables d’infecter de nouvelles cellules. La biodisponibilité des IP est souvent faible, du fait d’un premier passage hépatique. Ils sont d’abord en partie métabolisés dans les entérocytes et en partie éliminés via les transporteurs d’efflux : ils sont ensuite métabolisés dans le foie par les cytochromes P-450 (CYP), en particulier le CYP3A, pour lesquels ils ont une forte affinité, ce qui leur confère des propriétés inhibitrices. Certains IP, en particulier le tipranavir, sont par ailleurs inducteurs des enzymes et/ou transporteurs. La prise des IP avec un repas augmente leurs concentrations et est donc recommandée. D’une manière générale, les IP sont de puissants inhibiteurs des CYP450 ce qui peut engendrer de nombreuses interactions médicamenteuses, celles-ci sont résumées dans le tableau 3. Le ritonavir est un inhibiteur puissant du CYP3A. Administré à faible dose (100 mg ou 200 mg, 1 ou 2 fois par jour), il augmente de façon importante les concentrations plasmatiques des IP associés. Associés au ritonavir, les inhibiteurs de protéase voient leurs demi-vies et leurs concentrations augmentées. C’est pourquoi à l’heure actuelle, tous les IP sont utilisés en association avec une faible dose de ritonavir (IP/r) qui varie en fonction de l’IP associé. J Pharm Clin, vol. 31 n◦ 2, juin 2012 Recommandations du rapport Yeni Tableau 3. Interactions médicamenteuses impliquant les inhibiteurs de protéases (IP). Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Interactions des IP sur les ARV IP associés ARV cible Contrainte Commentaires Lopinavir, darunavir, atazanavir Ténofovir AD Augmentation de 30 % des concentrations de ténofovir et risque de néphrotoxicité ; renforcer la surveillance Darunavir Etravirine PE Diminution des concentrations d’étravirine par l’IP mais efficacité démontrée Atazanavir Raltégravir PE Augmentation de 50 % des concentrations de raltégravir (inhibition UGT1A1) ; association non recommandée IP Maraviroc PE Augmentation des concentrations de maraviroc Adaptation de posologie nécessaire réservée aux spécialistes Médicaments associés Contrainte Commentaires Cisapride (retiré de la vente) Astémizole (retiré de la vente) Pimozide CI Risque de torsade de pointe par allongement de l’intervalle QT Antimigraineux dérivés de l’ergot de seigle (ergotamine dihydroergotamine) CI Risque d’ergotisme Agonistes dopaminergiques (bromocriptine, lisuride, carbergoline, pergolide) CI Risque d’ergotisme Simvastatine, atorvastatine CI Effets indésirables augmentés avec risque de rhabdomyolyse Association possible avec pravastatine, fluvastatine et rosuvastatine Inhibiteur de phosphodiesterases Sidénafil, vardénafil, tadalafil AD Augmentation des concentrations de l’inhibiteur de phosphodiestérase (PD) Diminution de posologie de l’inhibiteur de PD nécessaire Fluticasone AD Le ritonavir augmente les concentrations du corticoïde inhalé Association possible avec budésonide et beclométasone Quinine, Halofantrine AD Augmentation de leur concentration, surveiller l’ECG Préférer la méfloquine, mais surveiller la tolérance Atovaquone AD Atazanavir, lopinavir, darunavir, tipranavir diminuent de 50 % la concentration d’atovaquone Préférer la doxycycline pour la prophylaxie antipaludéenne Tacrolimus, cyclosporine AD Augmentation des concentrations résiduelles des anticalcineurines Renforcer le STP AVK PE Des cas de modification de l’INR ont été rapportés avec les IP Renforcer la surveillance de l’INR Pilules contraceptives PE Diminution d’efficacité des pilules contraceptives Possibilité de prescrire des pilules normodosées Interactions des IP sur les autres médicaments J Pharm Clin, vol. 31 n◦ 2, juin 2012 95 J. Giraud, et al. Tableau 3. (Suite) Interactions des ARV sur les IP Médicaments associés Contrainte Commentaires Ténofovir AD Diminution de 25 % des concentrations d’atazanavir ; dans ce cas toujours associer l’atazanavir au ritonavir INNTI PE Caractère inducteur des INNTI diminue les concentrations des IP Prise en charge spécialisée Médicaments associés Contrainte Commentaires Rifampicine CI Diminution importante des concentrations de l’IP Association avec la rifabutine possible car induction enzymatique moindre mais en diminuant la posologie de la rifabutine Millepertuis CI Diminution des concentrations de l’IP IPP PE Diminution de l’absorption et donc des concentrations de certaines IP Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Interactions de certains médicaments sur les IP CI : contre-indication ; AD : association déconseillée ; PE : à prendre en compte ; STP : suivi thérapeutique pharmacologique (par dosage des molécules). L’oubli de prise est probablement plus délétère pour les schémas thérapeutiques en monoprise quotidienne par rapport à ceux en deux prises par jour, en particulier pour les IP/r dont la demi-vie est courte. Les données des essais récents font réserver la monoprise des IP/r (lopinavir, darunavir, fosamprénavir) aux patients naïfs de traitement antirétroviral. D’une manière générale, la tolérance aux inhibiteurs de protéase est médiocre avec des effets indésirables communs à tous les IP : intolérance digestive (gastralgie, vomissements, diarrhées) plus fréquente en début de traitement et réversible en cas de poursuite de celuici ; altération du goût, irritation de la gorge, sécheresses cutanée et buccale ; asthénie et céphalée. La toxicité hépatique révélée par une élévation des transaminases nécessite une surveillance régulière. La lipodystrophie fréquemment observée peut se révéler soit par une lipoatrophie (diminution de la graisse sous cutanée) soit par une lipohypertrophie (augmentation de la graisse périviscérale tronculaire). Cette lipodystrophie est le plus souvent associée à des anomalies lipidiques et à une insulinorésistance. Chez les patients hémophiles, des cas d’aggravation du syndrome hémorragique comprenant des hématomes cutanés spontanés et des hémarthroses ont été signalés. À ces effets indésirables communs, il faut ajouter les effets indésirables propres à chaque inhibiteur de protéase. Ainsi à titre d’exemple on peut citer l’hyperuricémie, la leucopénie sous ritonavir, 96 l’hyperbilirubinémie fréquente sous atazanavir, l’anémie hémolytique, la lithiase urinaire, l’insuffisance rénale sous indinavir, les diarrhées fréquentes sous nelfinavir, la toxicité cardiaque et les ulcérations buccales sous saquinavir. L’atazanavir semble être associé moins fréquemment à des anomalies lipidiques. La tolérance clinique, notamment digestive, et lipidique sont meilleures avec le darunavir. Pour des raisons d’efficacité virologique et immunologique, ainsi que pour des raisons de tolérance et de facilité de prise, l’atazanavir, le darunavir et le lopinavir (mauvaise tolérance digestive mais facilité de prise puisqu’une formulation avec le ritonavir existe) sont les trois IP prescrits en première intention. Parce qu’ils ont une barrière génétique plus élevée que les INNTI, les IP n’entraînent que rarement des résistances précoces à l’ensemble des médicaments de la classe quand les concentrations plasmatiques sont insuffisantes, notamment du fait d’une observance imparfaite. Les inhibiteurs de l’intégrase Les inhibiteurs de l’intégrase constituent une nouvelle classe d’antirétroviraux. Le raltégravir est pour le moment le seul représentant de cette classe (AMM en 2010). L’elvitégravir est en cours d’essais cliniques de phase III. Les inhibiteurs de l’intégrase du VIH bloquent l’intégrase et préviennent donc l’insertion du génome viral J Pharm Clin, vol. 31 n◦ 2, juin 2012 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Recommandations du rapport Yeni dans le génome humain. Le raltégravir bloque essentiellement le VIH avant même qu’il n’ait pu altérer le matériel génétique humain. Les cellules humaines ne possèdent pas d’intégrase, donc la toxicité et les effets indésirables du raltégravir restent mineurs. Les inhibiteurs d’intégrase sont actifs tant sur le VIH1 que sur le VIH2. Le raltégravir est caractérisé par une grande variabilité de la biodisponibilité notamment après un repas riche en graisse (augmentation de l’AUC de 19 %), une forte liaison aux protéines plasmatiques (environ 83 %), et un métabolisme hépatique indépendant des CYP450 mais impliquant l’UGT1A. La demi-vie du raltégravir est de 9 heures ce qui nécessite 2 administrations par jour à 12 heures d’intervalle. Afin de limiter la variabilité de la biodisponibilité, il est recommandé de prendre la raltégravir en dehors des repas. Les effets indésirables les plus fréquemment rapportés sont : diarrhées, asthénie, céphalées et démangeaisons. Des troubles du système nerveux ont été mis en évidence (insomnie, cauchemar, sensation vertigineuse), mais globalement, le raltégravir est bien toléré et ses effets indésirables sont comparables à ceux du groupe placebo dans les essais cliniques. Le manque de données concernant la tolérance au long court, la sélection plus rapide et plus importante de variants résistants (vs IP/r) ainsi que son prix font que le raltégravir n’est pour l’instant pas recommandé pour un premier traitement antirétroviral. Il est utilisé dans les cas où il faut limiter le risque d’interactions médicamenteuses et chez les patients à haut risque cardio-vasculaire. Il est essentiellement indiqué chez les patients en échec thérapeutique. La sélection de mutations de résistance au raltégravir est observée principalement quand celui-ci est utilisé dans une combinaison d’antirétroviraux ne comportant aucune autre molécule pleinement active. Dans le cadre de l’utilisation du raltégravir en relais chez des patients ayant une charge virale indétectable, il convient d’être très vigilant sur l’efficacité des molécules associées et de bien vérifier dans le dossier clinique et dans l’historique des tests de résistance que celles-ci sont bien complètement actives. La barrière génétique de cette famille est faible et une seule mutation peut induire d’emblée une résistance complète à ces molécules. Il convient donc d’être très vigilant et de n’autoriser aucune réplication résiduelle sous traitement comportant un inhibiteur d’intégrase. De plus, il n’est pas recommandé d’utiliser cette classe de médicaments dans des combinaisons antirétrovirales non validées par des essais cliniques. D’une manière générale, l’absence d’interaction majeure du raltégravir avec les autres médicaments et les J Pharm Clin, vol. 31 n◦ 2, juin 2012 antirétroviraux est à souligner, hormis le fait qu’il faut adapter la posologie du raltégravir en cas d’association avec la rifampicine. L’inhibiteur d’entrée Il s’agit là d’une nouvelle classe d’antirétroviraux dont le seul représentant est le maraviroc. Celui-ci agit en inhibant l’entrée du VIH dans la cellule par effet allostérique après liaison au co-récepteur CCR5. Le maraviroc est un antagoniste du co-récepteur CCR5 du VIH-1 indispensable à l’entrée du virus dans la cellule. Ce co-récepteur peut être de nature CCR5, CXCR4 ou bien le virus peut posséder les deux types de co-récepteurs : on le dit à tropisme mixte. Avant toute prescription, il y a lieu de s’assurer que le tropisme viral est de type CCR5 exclusif, la molécule étant inefficace sur les souches virales de tropisme CXCR4 ou mixte. La biodisponibilité du maraviroc est médiocre, de l’ordre de 25-35 %. C’est un substrat de la pompe d’efflux P-glycoprotéine et du CYP3A. Son administration avec un petit-déjeuner riche en graisses diminue les concentrations plasmatiques de 33 % chez des volontaires sains. Le maraviroc est lié approximativement à 76 % aux protéines plasmatiques humaines et sa demi-vie est de l’ordre de 13 h ce qui nécessite deux prises par jour. La dose quotidienne à administrer devra tenir compte des antirétroviraux associés, en particulier si l’association comporte du ritonavir inhibiteur puissant du CYP3A et du degré d’insuffisance rénale. Il est donc recommandé d’utiliser avec prudence le maraviroc en association avec des inducteurs ou inhibiteurs enzymatiques et chez les patients ayant une insuffisance rénale (clairance de la créatinine < 80 mL/min). Le maraviroc reste dans l’ensemble bien toléré hormis quelques troubles digestifs pouvant survenir en début de traitement, en particulier nausées et élévation des transaminases. D’autres effets généraux ont été rapportés : asthénie, insomnie, vertige et rash. La résistance au maraviroc par mutation est rare et incomplètement caractérisée. Cet inhibiteur d’entrée est indiqué essentiellement chez des patients en multi-échec virologique. Sa prescription complexe doit rester du domaine de spécialistes. L’inhibiteur de fusion L’enfuvirtide est le seul représentant de cette classe, c’est un peptide de 36 acides aminés, actif seulement contre le VIH-1. Après sa fixation sur la cellule cible il inhibe le réarrangement interne de la protéine virale d’enveloppe transmembranaire fusogène gp 41, empêchant ainsi le rapprochement du virus et de la cellule cible. 97 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. J. Giraud, et al. La structure chimique de l’enfuvirtide nécessite une administration par voie sous-cutanée deux fois par jour, car il est dégradé par voie orale, et sa résorption sous-cutanée est bonne (70 %). Son métabolisme est indépendant du CYP3A, seules des peptidases interviennent dans sa métabolisation, le transformant en acides aminés. Sa demi-vie d’élimination est d’environ 8 heures justifiant une administration biquotidienne. L’inconvénient majeur de l’enfuvirtide se manifeste par une mauvaise tolérance à court terme. En effet, une réaction au site d’injection est observée chez la plupart des patients, souvent limitée à une induration ou une gêne modérée. Du fait de la complexité d’administration sous-cutanée, de la reconstitution des flacons, des réactions locales, une éducation thérapeutique du patient est nécessaire pour permettre un maintien de l’observance du patient. L’inconvénient de l’administration sous-cutanée biquotidienne de cet antirétroviral conduit à le proposer uniquement dans les situations où il n’y a pas possibilité d’avoir trois molécules pleinement actives, c’est-à-dire chez les patients en échec de plusieurs lignes de traitement et pour lesquels les alternatives thérapeutiques sont limitées. Les formes combinées L’apparition de formes combinées a permis une réelle simplification du schéma thérapeutique du patient, et ainsi une meilleure adhésion des patients à leur traitement. Actuellement 6 spécialités sont commercialisées sous forme d’associations de plusieurs molécules. Le tableau 4 liste les noms de spécialités et les DCI des médicaments entrant dans leur composition. Les posologies sont résumées dans le tableau 1. Les stratégies thérapeutiques et recommandations Quand débuter le traitement et quels patients traiter ? L’objectif principal du traitement antirétroviral est d’empêcher la progression vers le stade sida en maintenant ou en restaurant un nombre de lymphocytes CD4 > 500/mm3 . Pour atteindre ce but, le traitement antirétroviral doit rendre indétectable dans le plasma, l’ARN-VIH (ou charge virale < 50 copies/mL), ce qui maximalise la restauration immunitaire et minimise le risque de sélection de virus résistants. Outre l’efficacité immunovirologique, le traitement permet de réduire la transmission du virus, d’améliorer la qualité de vie du patient et d’améliorer la tolérance. Afin d’éviter la sélection rapide de virus mutés résistants lors de monothérapie antirétrovirale, la polythérapie, ou plus généralement, la trithérapie combine plusieurs antirétroviraux appartenant à des classes pharmacologiques différentes. Selon les dernières recommandations du rapport Yeni 2010, résumées dans le tableau 5, l’introduction d’un traitement antirétroviral repose sur le rapport des bénéfices et inconvénients de la trithérapie à vie. Chez les patients symptomatiques (infection opportuniste majeure, autre affection de la catégorie C de la classification CDC 1993 ou symptômes marqués ou récidivants de la catégorie B) et chez les sujets asymptomatiques ayant un nombre de lymphocytes CD4 < 350/mm3 , l’introduction d’un traitement antirétroviral a été démontrée comme significativement nécessaire. Tout retard d’initiation représente une perte de chance en terme de survie pour le patient. Chez les patients asymptomatiques ayant un nombre de lymphocytes CD4 compris entre 350 et 500/mm3 , plusieurs études montrent l’intérêt de la mise en route d’un traitement. Cependant, le caractère traumatisant de ce type de traitement nécessite une bonne compréhension par le patient des enjeux de la maladie et une bonne préparation à sa mise en place. C’est pourquoi, il est parfois préférable de ne pas précipiter l’initiation du traitement, et d’attendre une adhésion complète du malade, ce qui en sera d’autant plus bénéfique sur son observance future. Chez les patients asymptomatiques ayant un nombre de lymphocytes CD4 > 500/mm3 , dans certaines conditions, il est envisageable de débuter un traitement antirétroviral. A l’heure actuelle, les données étant insuffisantes pour ces patients, un traitement sera introduit s’il existe des facteurs de mauvais pronostic tels qu’une charge virale élevée (> 100 000 copies/mL), un pourcentage de CD4 < 15 % des lymphocytes totaux, une chute rapide des CD4, des facteurs de risque cardiovasculaire ou encore l’âge avancé du patient (> 50 ans), une coinfection virale (VHB, VHC). Les perspectives de grossesse chez les femmes doivent faire envisager une thérapeutique pour limiter la transmis- Tableau 4. Spécialités et DCI des spécialités commercialisées. Atripla® Trizivir® Combivir® Kivexa® Truvada® Kaletra® Ténofovir Emtricitabine Efavirenz Zidovudine Lamivudine Abacavir Zidovudine Lamivudine Abacavir Lamivudine Ténofovir Emtricitabine Lopinavir Ritonavir 98 J Pharm Clin, vol. 31 n◦ 2, juin 2012 Recommandations du rapport Yeni Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Tableau 5. Synthèse des recommandations quant au moment de l’instauration du premier traitement antirétroviral. Situations Recommandations Patients symptomatiques, Patients asymptomatiques ayant un nombre de lymphocytes CD4 < 350/mm3 Début d’un traitement antirétroviral sans délai Patients asymptomatiques ayant un nombre de lymphocytes CD4 compris entre 350/mm3 et 500/mm3 Débuter un traitement antirétroviral, mais attendre que le patient soit prêt Patients asymptomatiques ayant un nombre de lymphocytes CD4 > 500/mm3 Données insuffisantes pour recommander l’instauration systématique d’un traitement antirétroviral. Le traitement sera fonction de la charge virale et des comorbidités du patient sion du virus au fœtus. De même, dans les néphropathies liées aux VIH, le pronostic de la maladie est grandement amélioré lorsqu’un traitement est mis en place. Les patients co-infectés par le virus de l’hépatite B ou C demandent une prise en charge particulière. En effet, la réplication du VIH aggrave l’évolution des lésions hépatiques induites par le VHC, ce qui constitue un argument majeur en faveur de l’introduction d’un traitement. Par ailleurs, ce traitement antirétroviral primera sur l’introduction du traitement de l’hépatite C. En ce qui concerne la co-infection avec le virus de l’hépatite B, si un traitement antiviral est nécessaire, alors quel que soit le taux de CD4, un traitement sera instauré. Le choix des molécules à utiliser en première ligne sera orienté par leur efficacité sur le VHB, et devra comporter deux agents actifs sur les deux virus (emtricitabine, lamivudine, ténofovir). Enfin, pour les patients qui ne répondent pas aux trois situations précédentes, aucun traitement n’est débuté, mais leur profil sera réévalué tous les 3 à 6 mois, en fonction de leur charge virale et du taux de lymphocytes CD4. Avant toute initiation de traitement, il est recommandé de faire un test génotypique de résistance afin de choisir les molécules les plus actives. Ce test est normalement effectué à l’annonce du diagnostic et doit être renouvelé au moment de la mise en place du traitement. Lors d’une initiation d’antirétroviraux, l’objectif est de rendre la charge virale indétectable (< 50 copies ARN-VIH/mL) à 6 mois. On s’assurera de la décroissance progressive de la charge virale plasmatique, avec à 1 mois une diminution d’au moins de 2 log10 copies/mL et à 3 mois la charge virale devra être inférieure à 400 copies/mL. J Pharm Clin, vol. 31 n◦ 2, juin 2012 Les patients débutant un traitement avec une charge virale très élevée ou des lymphocytes très bas, n’atteignent leurs objectifs qu’après plus de 6 mois de traitement. Les schémas thérapeutiques Le schéma de première ligne pour les patients naïfs est une trithérapie associant deux inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse (INTI) avec un inhibiteur non nucléosidique de la transcriptase inverse (INNTI) ou un inhibiteur de protéase (IP). Le choix des molécules sera fonction de la tolérance à court et long terme. De même la qualité de vie du patient doit être prise en compte pour lui proposer un schéma avec un nombre de prises mieux adapté. Les associations recommandées en première intention sont synthétisées dans le tableau 6. D’après le dernier rapport d’experts, pour la première trithérapie, deux associations d’INTI doivent être utilisées préférentiellement : ténofovir + emtricitabine (Truvada® ) et abacavir + lamivudine (Kivexa® ). Ces deux associations offrent une simplicité d’emploi (une seule prise par jour), une efficacité et tolérance idéale pour un premier traitement. L’association ténofovir + emtricitabine (Truvada®) a montré une activité virologique plus qu’immunologique, c’est pourquoi elle doit être préférée chez les patients avec une charge virale très importante (> 5 log10 copies/mL). Les deux molécules étant actives sur le virus de l’hépatite B, le Truvada® sera privilégié lors de co-infection VIHVHB. En revanche chez les patients présentant un risque d’insuffisance rénale, il sera nécessaire d’évaluer le bénéfice-risque de l’association, sachant qu’elle n’est pas recommandée chez les insuffisants rénaux sévères. Un suivi rapproché de la fonction rénale sera systématique pour tous les patients, avec un calcul de la clairance de la créatinine à l’initiation du traitement, tous les mois pendant la première année, puis tous les 3 mois. La non infériorité de l’association abacavir + lamivudine (Kivexa® ) vis-à-vis du Truvada® a été démontrée. Mais à cause d’un risque d’hypersensibilité à l’abacavir la prescription du Kivexa® nécessite une recherche préalable de l’allèle HLA B*5701. Seuls les sujets non porteurs de cet allèle pourront bénéficier de cette association. Enfin l’association zidovudine + lamivudine (Combivir® ) n’est plus utilisée en première intention du fait des intolérances à la zidovudine et de sa double prise quotidienne. Cependant dans certaines circonstances (femmes enceintes, nécessité d’une bonne diffusion cérebro-méningée) le Combivir® reste l’association de choix. En ce qui concerne le choix de la 3e molécule, il n’y a pas d’argument décisif pour l’une ou l’autre des deux classes proposées précédemment. 99 J. Giraud, et al. Tableau 6. Choix préférentiels pour un premier traitement antirétroviral. 2 INTI INNTI Commentaires Ténofovir/Emtricitabine (Truvada® ) Efavirenz 600 mg × 1 Précaution INTI en cas d’insuffisance rénale 2 INTI IP/r Commentaires Atazanavir/r 300/100 mg × 1 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Ténofovir/Emtricitabine (Truvada® ) Darunavir/r 800/100 mg × 1 Précaution INTI en cas d’insuffisance rénale Lopinavir/r 400/100 mg × 2 (ou 800/200 mg × 1) Atazanavir/r 300/100 mg × 1 Abacavir/Lamivudine (Kivexa® ) Lopinavir/r 400/100 mg × 2 Malgré les effets neurosensoriels de l’efavirenz, celuici doit être préféré à la névirapine plus complexe d’utilisation (commencer à doses réduites pendant deux semaines), et ayant montré dans deux essais cliniques une réponse virologique inférieure. Pour les inhibiteurs de protéase, leur utilisation n’est envisageable que potentialisé par du ritonavir, pour renforcer leur efficacité. Il est recommandé d’utiliser préférentiellement l’atazanavir/r, le darunavir/r, ou le lopinavir/r. Le saquinavir/r (présentant des risques d’augmentation du QT), le fosamprénavir/r et l’indinavir/r (ayant un intérêt pour les encéphalites du VIH via sa bonne diffusion cérébrale) s’administrent en deux prises quotidiennes et leur tolérance n’est pas optimale, ce qui explique qu’ils ne soient pas utilisés en première intention. Chez les patients avec un taux de lymphocytes CD4 < 100/mm3 , l’ajout d’enfuvirtide permet une meilleure réponse virologique à 6 mois mais n’améliore pas la restauration des lymphocytes CD4. Devant un échec virologique, il faut investiguer le patient sur son observance, ses éventuels effets indésirables, ses potentielles interactions médicamenteuses via une auto-médication. Il est également important de vérifier que le virus à l’origine, par le test génotypique de départ, est bien sensible au traitement en cours, et si besoin de réaliser un dosage plasmatique des antirétroviraux. Il faut considérer trois types d’échec virologique : – la non réponse au traitement est définie comme une réduction insuffisante de la charge virale plasmatique (moins de 2 log10 copies/mL à 1 mois d’un 1er trai- 100 Uniquement si HLA B*5701 négatif Uniquement si CV < 100000c/mL tement, ou moins de 1 log10 copies/mL à 1 mois d’un nouveau traitement pour échec virologique avec multirésistance) ; – lorsque 6 mois ou 1 an après l’instauration du traitement la charge virale est, respectivement, supérieure à 200 et 50 copies/mL alors le patient est dit en échec initial ; – enfin, le rebond virologique correspond à une réascension de la charge virale (> 50 copies/mL) après une période de succès virologique, confirmé sur deux prélèvements consécutifs. Si les causes de l’échec thérapeutique sont identifiées, une modification de traitement tentera de les corriger. Ainsi s’il s’agit d’un défaut d’adhésion, le passage en monoprise quotidienne pourra simplifier le traitement ; en cas d’intolérance, un changement de traitement pourra être discuté. Les choses ne sont pas si simples lorsqu’il existe une ou plusieurs mutations du virus rendant certaines molécules inactives. En général, ces cas compliqués sont discutés au cours de réunions pluridisciplinaires, où virologue(s), clinicien(s), pharmacologue(s) s’associent pour trouver le meilleur schéma thérapeutique possible, avec pour objectif une charge virale plasmatique inférieure à 50 copies/mL au long court. De manière idéale, lors d’un échec thérapeutique les secondes lignes de traitement doivent contenir trois molécules actives (c’est-à-dire soit appartenant à une classe encore jamais utilisée, soit une classe déjà utilisée mais sans résistances génotypiques démontrées). S’il n’existe plus qu’une seule molécule active sur le virus, le traitement dépendra du rapport bénéfice-risque évalué par le taux de lymphocytes CD4 : J Pharm Clin, vol. 31 n◦ 2, juin 2012 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Recommandations du rapport Yeni – CD4 > 200/mm3 : le traitement n’est pas modifié, seule une surveillance clinique et biologique des taux de CD4 sera préconisée ; – CD4 < 200/mm3 avec un risque de progression de la maladie : les molécules déjà utilisées seront recyclées et associées, afin d’optimiser le traitement, tout en maintenant une prophylaxie contre les maladies opportunistes ; – CD4 < 100/mm3 avec un risque élevé de progression clinique : tout ajout d’une seule molécule entraînera un bénéfice clinique. En ce qui concerne la place des nouvelles molécules dans la stratégie thérapeutique du VIH, elles sont réservées aux échecs virologiques et leur prescription est l’affaire de spécialistes. Le tableau 1 résume les différentes molécules utilisables actuellement, et leurs posologies. Prises en charge particulières Accidents d’exposition Un accident d’exposition au sang (AES) est défini comme tout contact accidentel avec du sang ou du liquide biologique potentiellement contaminant via des rapports sexuels non protégés, ou encore suite à une effraction cutanée, projection sur une muqueuse ou peau lésée. Cet accident peut engendrer une transmission de n’importe quel germe. En pratique on redoute surtout la contamination par le VHC, VHB et le VIH. Dans un cas d’AES il est très important d’évaluer le niveau de risque. Celui-ci peut être important en cas d’accident avec une aiguille de prélèvement veineux ou artériel contenant du sang, mais est relativement minimisé lors d’une piqûre à travers des gants. Ensuite il convient de définir le risque de transmission en fonction du statut sérologique du patient source. Si le patient est traité avec une charge virale indétectable depuis plusieurs mois le risque est bien plus faible que lorsque le patient est infecté et non traité. Mais dans la plupart des cas le statut virologique du patient n’est pas connu, et une sérologie d’urgence n’est pas réalisée à chaque fois, contrairement aux recommandations. L’indication d’un traitement d’exposition doit mettre en jeu une évaluation du rapport bénéfice-risque de la mise en route d’une trithérapie. Ce traitement post-exposition est d’autant plus efficace qu’il est administré dans les plus brefs délais. Tous les acteurs de santé doivent s’unir pour s’efforcer de raccourcir au maximum ce délai afin de commencer le traitement dans les 4 premières heures suivant l’exposition. Il peut être initié au plus tard 48 h après l’exposition, mais son efficacité en est réduite. Les groupes d’experts recommandent une trithérapie associant deux INTI et un IP/r. L’association Truvada® J Pharm Clin, vol. 31 n◦ 2, juin 2012 (ténofovir + emtricitabine) un comprimé par jour, et Kaletra® (lopinavir/r) deux comprimés deux fois par jour est à utiliser en première intention. Le Combivir® (zidovudine + lamivudine) sera préféré chez les femmes enceintes ou en cas d’insuffisance rénale. L’utilisation d’abacavir, névirapine ou efavirenz n’est pas recommandée du fait des risques de survenue d’effets indésirables graves. Le traitement post-exposition devra, dans la mesure du possible, être adapté à l’historique des traitements antirétroviraux du patient source. L’initiation du traitement dans ce contexte est prévue pour une durée de 48 à 96 h, à l’issue desquelles le patient est revu par un médecin référent VIH. Au cours de cette consultation, ce dernier pourra être amené à modifier le schéma thérapeutique, voir l’interrompre selon le contexte. Si la décision de poursuivre le traitement est adoptée, la durée totale de la prescription atteindra 28 jours. Un suivi biologique, clinique (à la recherche des signes de primo-infection VIH) et de tolérance est effectué à 2 et 4 semaines. Une surveillance sérologique est réalisée jusqu’au quatrième mois. En l’absence de traitement post-exposition, la sérologie sera suivie jusqu’à six semaines après l’exposition, lorsque le patient source était séropositif ou de statut inconnu. Femme enceinte et prévention de la transmission materno-fœtale Il est important de faire comprendre à toutes les patientes infectées par le VIH que la grossesse n’est pas contreindiquée, mais elle doit être strictement encadrée. En effet, le désir d’enfant s’inscrit dans un contrat avec les professionnels de santé pour une prise en charge optimale. Sans traitement, la transmission mère-enfant peut atteindre 15 à 20 % pour le VIH-1. Il a été montré qu’une charge virale indétectable au troisième trimestre et à l’accouchement est un moyen efficace de prévention de la transmission. Il est donc nécessaire que toutes les femmes enceintes soient sous un traitement efficace. L’objectif est de prévenir le mieux possible la transmission materno-fœtale, tout en limitant les risques de résistance et de toxicité pour la mère et pour l’enfant. Seule la zidovudine possède une AMM chez la femme enceinte, à l’inverse l’efavirenz est le seul antirétroviral contre indiqué en début de grossesse. Le concept de la prévention de la transmission mère enfant est simple. Si la charge virale de la mère est indétectable pendant la grossesse et au terme, alors il suffira de mesures prophylactiques simples à l’accouchement et chez le nouveau-né. En revanche cette prophylaxie sera renforcée lorsque la réplication virale est mal contrôlée. Le traitement relève d’une décision collaborative, pluridisciplinaire, qui ne doit pas être prise dans l’urgence, 101 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. J. Giraud, et al. sauf en cas de diagnostic très tardif. La stratégie thérapeutique au cours de la grossesse repose sur une trithérapie comportant deux INTI et un IP/r. En première intention il est recommandé d’utiliser la zidovudine avec la lamivudine, avec comme alternative possible l’abacavir. Pour le choix des inhibiteurs de protéase il est préférable d’utiliser les molécules ayant des données cliniques telles que le lopinavir/r. Quelle que soit la charge virale de la mère au moment de l’accouchement, une prophylaxie de la transmission virale au nouveau-né par la zidovudine est recommandée, avec une dose de charge de 2 mg/kg en 1 h et une dose d’entretien à 1 mg/kg/h jusqu’au clampage du cordon. La césarienne ne doit être proposée que pour les femmes non contrôlées virologiquement (charge virale supérieure à 400 copies/mL à 36SA), car elle n’a pas démontré d’efficacité supérieure. Chez les femmes avec charge virale indétectable il est possible de ne pas faire de perfusion systématique d’AZT après discusssion multidisciplinaire et en l’absence de complication obstétricale. Mais cette pratique est à évaluer dans les cohortes. Après l’accouchement, une prise en charge et une surveillance accrue du nouveau-né doivent être établies. La zidovudine en monothérapie est la seule molécule détenant une AMM pour cette indication. Cependant d’autres molécules telles que la lamivudine ou la névirapine sont utilisables. Si à la naissance le nouveau-né avait un risque faible de transmission (mère avec une charge virale inférieure à 100 copies/mL sous prophylaxie et accouchement sans complications) alors il est important d’introduire de la zidovudine dans les douze premières heures de vie à 2 mg/kg toutes les 6 heures et ce pendant 6 semaines (la durée de traitement pouvant être diminuée à 4 semaines sans augmentation de la transmission). Le traitement préventif du nouveau-né doit être renforcé lorsque le risque de transmission est élevé (la mère n’a pas reçu de prophylaxie, ou la prophylaxie a été trop courte pour contrôler la charge virale en fin de grossesse, ou une charge virale restée élevée à l’accouchement, ou un accouchement à risque). Trois schémas possibles de renforcement peuvent être proposés pour une durée totale de 4 semaines, à commencer le plus tôt possible dans un délai maximum de 48 à 72 heures : zidovudine + lamivudine + lopinavir/r (avec les difficultés d’administration et de tolérance de l’IP), zidovudine + lamivudine + névirapine en dose unique (à la naissance), zidovudine + lamivudine + névirapine en une prise quotidienne pendant 15 jours. Les deux derniers schémas présentent comme inconvénient majeur un risque de résistance à la névirapine en cas d’infection du nourrisson. La prise en charge du prématuré est un peu particulière : il faut adapter les posologies de zidovudine. Si la 102 naissance a lieu entre 30 et 35 SA, la zidovudine à 2 mg/kg se donnera toutes les 12 heures pendant 15 jours puis toutes les 8 heures les deux semaines suivantes. Les prématurés de moins de 30SA seront traités 4 semaines par de la zidovudine à 2 mg/kg toutes les 12 heures. Dernier point clé de la prévention de la transmission materno-fœtale, l’allaitement doit être proscrit pour limiter le risque de contamination, puisque des particules virales se trouvent dans le lait. Conclusion Ce qu’il faut retenir La prise en charge des patients infectés par le VIH fait intervenir plusieurs disciplines complémentaires et le pharmacien joue un rôle important qui repose sur l’information et la prévention de l’automédication. En effet, cela peut conduire à des interactions médicamenteuses majeures pouvant aller jusqu’à des exacerbations de toxicité ou à l’inverse des échappements thérapeutiques par inefficacité. Par exemple, chez les femmes, il faudra être très vigilant vis-à-vis de la contraception orale. L’adhésion (ou observance) est un message clé à faire passer aux patients. Il est au centre de la prise en charge du VIH, étant donné qu’une observance inférieure à 95 % augmente fortement le risque d’échappement thérapeutique, avec une re-ascension de la charge virale. Une prise régulière du traitement selon son schéma de prescription permet de limiter le risque de sélection de virus mutants, l’archivage des mutations et un échec thérapeutique. Il est également fortement conseillé de respecter la prise d’antirétroviraux à heure régulière. Les médicaments en deux prises par jour doivent être espacés de 12 heures. Si le patient oublie sa prise le premier réflexe est de regarder les recommandations dans le RCP spécialité par spécialité, afin de trouver si des conduites à tenir particulières sont mentionnées (dépendant de la cinétique de chaque molécule). Ensuite il faut expliquer au patient qu’un oubli est rattrapable mais il faut que cet événement reste exceptionnel. Si le médicament oublié s’administre en une seule prise par jour, il est conseiller de le prendre immédiatement, même en cas de retard important (1520 h) et de conserver au minimum 4 heures entre les deux prises (6 heures pour le darunavir). Lorsque la prise du médicament est biquotidienne on peut reprendre le traitement jusqu’à la huitième heure habituelle de la prise. Toute abstention thérapeutique est à proscrire. Autre notion à toujours garder à l’esprit : le traitement antirétroviral est un traitement à vie. Il est donc primordial que le patient soit entouré par les professionnels de santé et que le patient comprenne son traitement. C’est la raison pour laquelle des programmes d’éducation thérapeutique ont été mis en place dans de nombreuses structures hospitalières. Il peut être également utile d’orienter le malade J Pharm Clin, vol. 31 n◦ 2, juin 2012 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Recommandations du rapport Yeni isolé vers des associations de patients ; des informations utiles peuvent être trouvées sur le site du groupement interassociatif Traitement et Recherche Thérapeutique ou TRT5 (http://www.trt-5.org/). En effet, dans cette pathologie le dialogue permet au patient de lever les zones d’ombre sur sa maladie, son traitement, sa vie quotidienne, et surtout de se sentir en sécurité. En établissant une relation de confiance avec le patient, le médecin et le pharmacien (au cours des renouvellements mensuels du traitement) devront détecter les effets indésirables, les signes de démotivation du patient. . ., pour ainsi l’orienter vers des spécialistes. À l’heure actuelle la prise en charge d’un patient VIH est associée à une efficacité remarquable. Plus de 80 % des patients traités sont en succès thérapeutique. Les multithérapies permettent de conserver ou de retrouver une qualité de vie acceptable. De plus, l’amélioration des formes galéniques, la prise en charge des effets indésirables ont grandement amélioré le confort du patient [1-6]. J Pharm Clin, vol. 31 n◦ 2, juin 2012 Conflits d’intérêts : Anne-Marie Taburet a coordonné le chapitre pharmacologie du rapport 2010 sur la prise en charge des patients VIH (rapport Yeni). Références 1. Yeni P, ed. Prise en charge médicale des personnes infectées par le VIH. Rapport d’experts 2010. Paris : La documentation française, 2010 2. Girard PM, Katlama C, Pialoux G. VIH. Paris : Doin, 2011. 3. Calop J, Limat S, Fernandez C. Pharmacie clinique et thérapeutique. 3e édition. Paris : Masson, 2008. 4. Dariosecq JM, Taburet AM, Girard PM. Infection VIH : mémento thérapeutique. Paris : Doin, 2009. 5. Pilly E. Maladies infectieuses et tropicales. Paris : CMIT, 2011. 6. RCP des différents médicaments cités : Atripla® , Combivir® , Kivexa® , Trizivir® , Truvada® , Emtriva® , Epivir® , Retrovir® , Videx® , Viread® , Ziagen® , Intelence® , Sustiva® , Viramune® , Aptivus® , Crixivan® , Invirase® , Kaletra® , Norvir® , Prezista® , Reyataz® , Telzir® , Isentress® , Celsentri® , Fuzéon® . 103