116 O. THAUNAT ET COLL.
particulier les cellules dendritiques) leurs présentent les peptides rencontrés dans les
tissus qu’elles viennent de traverser. En réponse à une aide appropriée fournie par
les clones lymphocytaires T, les clones B spécifiques du même antigène, entrent
dans le centre germinatif où ils réalisent la commutation isotypique et les hypermu-
tations somatiques qui vont permettre la production d’immunoglobulines plus
affines et plus efficaces pour déclencher les mécanismes effecteurs.
Cette mécanique complexe a longtemps été considérée comme spécifique des
organes lymphoïdes secondaires. On sait cependant, depuis les travaux de
Schröder [16] et de Kratz [17], que les infiltrats inflammatoires qui caractérisent
les réponses immunitaires chroniques ont tendance à s’organiser et finissent par
reproduire au sein de l’organe cible des structures lymphoïdes se comportant
comme des centres germinatifs ectopiques. Ce processus, connu sous le nom de
néogenèse lymphoïde, d’abord décrit dans diverses pathologies auto-immunes
(polyarthrite rhumatoïde [16], syndrome de Sjögren [18], sclérose en plaque [19],
thyroïdite [20]…), a ensuite été identifié au cours des réponses immunitaires anti-
tumorales et lors d’infections chroniques (pour une revue complète des situations
pathologiques associées à la néogenèse lymphoïde voir [21, 22]).
Nos résultats [15], confirmés par un autre groupe [23] utilisant un modèle expé-
rimental de rejet chronique différent (greffe cardiaque hétérotopique chez la souris),
viennent compléter la liste des situations pathologiques associées à la néogenèse
lymphoïde en suggérant que ce processus est également impliqué au cours du rejet
chronique en transplantation.
NÉOGENÈSE LYMPHOÏDE ET REJET CHRONIQUE
EN TRANSPLANTATION CLINIQUE
Pour établir, en clinique humaine, l’implication de la néogenèse lymphoïde au
cours du rejet chronique, nous avons mis en place une collaboration avec les
services d’anatomopathologie, d’urologie et de néphrologie des hôpitaux Foch
(Suresnes), Henri Mondor (Créteil), Necker (Paris) et Pasteur (Nice).
Les organes détransplantés (reins, cœurs, poumons) pour rejet chronique terminal
ont été systématiquement recueillis pendant 4 ans et analysés selon les techniques
mises au point dans notre modèle expérimental.
Nous avons retrouvé des structures nodulaires lymphocytaires B dans
100 p. 100 des organes rejetés que nous avons analysés, tandis que les tissus
témoins (tissu rénal provenant de pièces de néphrectomies pour tumeur et greffons
rénaux détransplantés pour échec chirurgical primaire) en étaient dépourvus. Le
caractère fonctionnel du tissu lymphoïde ectopique intragreffon a été suggéré par
l’expression, au sein des nodules lymphocytaires B, d’AID (activation induced
cytidine deaminase) : l’enzyme clé contrôlant la commutation isotypique et les
hypermutations somatiques au cours de la réaction de centre germinatif [24]. En
outre, l’analyse par technique Luminex® des surnageants de culture organotypique
a permis de démontrer que les centres germinatifs ectopiques participaient au rejet
puisque les anticorps produits localement sont dirigés contre les molécules HLA
du greffon (allo-anticorps) (données personnelles en cours de publication).
Ces résultats démontrent que les greffons rejetés sont non seulement la cible,
mais aussi un des sites où la réponse allo-immune humorale s’élabore.