être confirmée par Flavius Josèphe [26]. Par ailleurs, l’une
des complications possibles de ce trouble de la personnalité
est constituée par les syndromes de conversion hystérique.
Des crises clastiques avec passages à l’acte hétéro agressifs
peuvent en être une manifestation. Des pseudo-convulsions
mimant une épilepsie peuvent aussi s’observer. Les passa-
ges à l’acte de Caligula ainsi que l’épilepsie décrite par Sué-
tone pourraient s’inscrire dans ce registre. Enfin, le trouble
de personnalité histrionique peut être complété par une ten-
dance à la mythomanie avec recherche de bénéfices secon-
daires. Cette tendance est reprochée au princeps par plu-
sieurs sources [14, 44].
Néanmoins, le comportement de séduction de l’histrio-
nique s’accompagne rarement d’une véritable désinhibition
sexuelle telle qu’elle est décrite chez Caligula. Classique-
ment, le désir de l’histrionique doit rester insatisfait. L’ob-
tention du plaisir, voire l’atteinte de l’orgasme, est vécue
avec une certaine répugnance [1]. De plus, ce dernier ne
semble pas souffrir d’une suggestibilité particulière. Si le
sujet histrionique est facilement influencé par autrui, l’em-
pereur n’hésite pas à éliminer physiquement ses adversaires
[22, 47]. Les manipulations politiques dirigées contre les
sénateurs sont exécutées froidement sans le moindre
remords [13]. Par ailleurs, le vécu persécutif décrit chez
Caligula n’est pas un symptôme classiquement décrit au
cours d’un tel trouble de la personnalité [27, 60]. Enfin,
les passages à l’acte de l’histrionique sont le plus souvent
accompagnés de remords, ce qui n’est jamais le cas du Cali-
gula présenté par l’ensemble des sources. Cependant, ces
arguments n’éliminent pas la possibilité d’une hystéro-
perversion chez Caligula. Ce dernier aurait pu aménager
des symptômes pervers sur une personnalité histrionique.
Trouble bipolaire
Une théorie selon laquelle Caligula aurait souffert d’une
maladie maniaco-dépressive a été développée par Sachs en
1930 [50]. Le trouble bipolaire est une pathologie définie
par la succession d’épisodes maniaques avec ou sans épiso-
des dépressifs. Les épisodes thymiques sont classiquement
séparés par des intervalles libres de toute symptomatologie.
Il s’agit d’un trouble débutant chez l’adulte jeune. Les accès
maniaques sont caractérisés par une accélération des pro-
cessus psychiques avec facilité des associations d’idées.
Une telle facilité dans le discours est évoquée chez l’empe-
reur par Flavius Josèphe [28], tandis que Tacite le qualifie
de « vivacité de parole » [76]. Suétone définit le discours de
Caligula comme une parole abondante et facile [71]. Mais
la fuite des idées au cours d’un état maniaque peut s’expri-
mer par une logorrhée avec jeux de mots et coq-à-l’âne.
Aucune source ne mentionne de tels troubles chez l’empe-
reur. Une accélération motrice complète le tableau avec
hyperactivité désordonnée et insomnie sans fatigue. Une
telle insomnie chez le princeps est signalée par plusieurs
auteurs [46, 54, 69]. Une exaltation de l’humeur avec
euphorie domine souvent le tableau d’un état maniaque,
mais une labilité thymique avec agressivité et irritabilité
peut la remplacer. Une hyperesthésie pourrait expliquer la
susceptibilité de Caligula face au sénateur Domitius [12].
Il s’agirait pour cet épisode d’une hypersyntonie avec
hyperréactivité aux stimuli environnementaux. Lorsque la
situation s’y prête, un ludisme avec une véritable mise en
scène peut s’observer chez un patient en phase maniaque.
Ce théâtralisme diffère de celui de l’histrionisme car il
existe en dehors de tout public. Les déguisements en divi-
nité de Caligula [41], ses tenues vestimentaires extravagan-
tes [70] et son goût prononcé pour la mise en scène lors des
manifestations publiques [9, 72] s’intègrent dans un registre
théâtral maniaque. Ce ludisme expliquerait une convoca-
tion des sénateurs au milieu de la nuit pour leur montrer
un pas de danse [9], ou le projet de nommer son cheval
consul [10, 73].
Par ailleurs, la désinhibition notamment sexuelle avec
passage à l’acte est une complication fréquente des états
maniaques. Un tel relâchement des processus instinctuels
avec hypersexualité et hyperphagie est décrit chez Caligula
par les sources [17, 34, 62, 76]. Toujours dans ce registre,
on retrouve une prodigalité sous forme de dépenses incon-
sidérées chez Suétone, Sénèque et Dion Cassius [7, 52, 66].
Des épisodes délirants peuvent accompagner un état
maniaque ; auquel cas le délire est congruent à l’humeur.
Les thématiques de délire sont généralement mystique
(mission divine), mégalomaniaque voire de filiation. De tel-
les idées de grandeur chez Caligula sont rapportées par la
plupart des auteurs [8, 24, 43, 58, 78]. Les descriptions anti-
ques orientent a priori vers un délire mégalomaniaque et
mystique, car Caligula serait convaincu de sa nature divine.
Un délire de filiation est également évoqué par Dion
Cassius [18].
L’exaltation de l’humeur et la mégalomanie d’un état
maniaque peuvent déboucher sur des projets multiples et
irréalisables. Ces projets sont improvisés au gré de la fuite
des idées du patient. La lecture des sources nous permet de
suspecter de tels projets chez Caligula lorsque celui-ci
entreprend des expéditions militaires improvisées ou des
constructions grandioses [11, 66, 75].
Cependant, aucun auteur ne cite explicitement une exalta-
tion de l’humeur et une euphorie chez Caligula. De plus, le
relâchement des processus instinctuels et les dépenses incon-
sidérées ne sont pas l’apanage exclusif des états maniaques et
peuvent être l’expression d’une autre pathologie mentale. Par
ailleurs, certaines sources laissent penser que les projets
grandioses de Caligula étaient adaptés et réalisables [48].
Ses campagnes militaires auraient été préparées dans le but
de s’approprier les richesses de la Gaule [14].
Certains prédécesseurs de Caligula ont bénéficié d’une
divinisation après leur mort. Ce culte impérial approuvé par
la population de Rome et des provinces a permis l’expres-
sion d’hommages divins en faveur d’Auguste et de Tibère
de leur vivant. La volonté de divinisation de Caligula peut
paraître prématurée dans ce contexte mais adaptée à la
Quelle pathologie psychiatrique pour l’empereur romain Caligula ?
L’INFORMATION PSYCHIATRIQUE VOL. 85, N° 1 - JANVIER 2009 87
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