Place des mesures psychoéducatives dans le traitement des

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L’Information psychiatrique 2005 ; 81 : 897-902
TROUBLES BIPOLAIRES
Place des mesures psychoéducatives
dans le traitement des troubles de l’humeur
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Christian Gay*
RÉSUMÉ
La maladie bipolaire est grave et invalidante, elle est la cause de beaucoup de souffrance pour le malade et pour son
entourage. Il est bien démontré que les traitements par des psychothérapies psychoéducatives permettent de diminuer ses
récidives et de limiter le nombre des hospitalisations. Les mesures psychoéducatives consistent à informer de manière
structurée et à éduquer des patients et leurs familles. Leurs objectifs sont d’établir et de maintenir une alliance thérapeutique, d’apprendre à connaître le trouble et à savoir reconnaître précocement les symptômes d’une récidive, d’amener le
patient à accepter sa maladie, d’améliorer l’observance du traitement, d’agir sur certains déterminants environnementaux
et sur la gestion de l’existence et de limiter les conséquences du trouble.
Mots clés : troubles bipolaires, psychothérapie psychoéducative
ABSTRACT
The use of psycho-educative schemes in treating thymic disorders. Bipolar illness is a severe and debilitating illness.
It is the cause of much suffering for the patients and their families. It has been shown that psycho-reeducation
psychotherapies decrease relapses and rehospitalizations. Psycho-reeducation is based on education and structured
information of the patients and their families. The main goals are to learn the patients how to recognize the disorder and
become compliant to the treatment, to establish a therapeutic alliance, to prevent relapses, to act on causal environmental
factors, to manage daily life, and to limit the consequences of the disorder.
Key words: bipolar disorders, psycho-reeducation
RESUMEN
Interés de la medidas psicoeducativas en el tratamiento de los transtornos del humor. La enfermedad bipolar es una
enfermedad grave e invalidante que origina mucho sufrimiento para el enfermo y su familia. Está demostrado que el
tratamiento basado en en las psicoterapias psicoeducativas permite disminuir las recidivas de la enfermedad y limitar el
número de hospitalizaciones. Las medidas psicoeducativas consisten en una información estructurada y en una educación
de los pacientes y de sus familias. El objetivo es lograr y mantener una alianza terapéutica, aprender a conocer el transtorno
y saber reconocer precozmente los síntomas de una recidiva, ayudar al paciente a aceptar la enfermedad, mejorar la
observacia del tratamiento, actuar sobre algunos determinantes del entorno y sobre la gestión de la existencia, limitando así
las consecuencias de la enfermedad.
Palabras clave : transtornos bipolares, psicoterapias psicoeducativas, alianza terapéutica, información, observancia,
prevención
* Centre hospitalier Sainte-Anne, Paris. <[email protected]>
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Nous avons, dans notre service à l’hôpital Sainte-Anne,
une expérience de plusieurs années des mesures psychoéducatives dans les maladies maniacodépressives. Avant
nous, de telles mesures avaient déjà été mises en place dans
d’autres services de l’hôpital pour la prise en charge des
troubles schizophréniques. L’enjeu des prises en charge
psychoéducatives dans les maladies maniacodépressives
est très important parce que ce sont des maladies graves et
invalidantes, qui génèrent beaucoup de souffrance pour les
patients et leur entourage. Elles sont reconnues comme
faisant partie des dix maladies les plus handicapantes sur le
plan mondial. Ses handicaps sont sociaux, professionnels
et familiaux ; ils conduisent à une marginalisation des
patients. Ses conséquences sont graves aussi en termes de
mortalité, trois fois plus importante que dans la population
générale, ce qui ne s’explique pas seulement par le risque
suicidaire, mais aussi par les conduites à risque et les
maladies somatiques (en particulier cardiovasculaires). Les
incidences médicolégales sont aussi importantes, parce que
les patients souffrant de troubles maniacodépressifs
s’exposent facilement à enfreindre la loi et sont souvent
responsables de délits mineurs. La recherche de sensations
fortes est une caractéristique fréquemment observée chez
les maniacodépressifs. Le coût financier des troubles de
l’humeur est très élevé. Il n’est pas bien connu en France,
mais il a été évalué à 45 milliards de dollars aux États-Unis.
Il est nécessaire d’optimiser le diagnostic et le traitement de la maladie, et d’améliorer d’une façon générale la
prise en charge des patients. On sait que la résistance à la
prise en charge est très forte chez beaucoup d’entre eux. Ils
refusent souvent de prendre leur traitement, pour de nombreuses raisons, qui tiennent à la fois à leur personnalité et
à la nature même de la maladie. En état maniaque, ils sont
dans l’incapacité d’évaluer leur état et nient toute pathologie. En phase dépressive, ils sont envahis par un pessimisme général avec des idées d’incurabilité,
Un objectif important des prises en charge est de permettre de contrôler les facteurs qui sont susceptibles de
provoquer rechutes et récidives. Il existe des études
récentes qui montrent que le recours à des mesures psychoéducatives permet de diminuer le nombre de récidives
et d’hospitalisations Les mesures psychoéducatives consistent à informer de manière structurée et à éduquer les
patients et leur famille. Cette façon de procéder est relativement récente. Il y a vingt ou trente ans, l’approche des
troubles maniacodépressifs était essentiellement médicamenteuse et le traitement reposait surtout sur le lithium. La
vision actuelle du traitement de ces troubles est assez différente. Elle est plurifactorielle. On sait que les troubles
bipolaires sont déterminés par un ensemble de facteurs
(environnement, famille, couple, travail, hygiène de vie,
attitude vis-à-vis des traitements) dont beaucoup sont
maintenant pris en compte dans l’approche thérapeutique.
On cherche ainsi à intervenir sur les différents déterminants
de la maladie et des rechutes. On sait aussi qu’il existe des
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troubles associés, sur lesquels une intervention est possible. Le pronostic de la maladie est d’autant meilleur que le
traitement aura été entrepris précocement et on cherche
donc à agir le plus tôt possible.
Thérapies familiales, conjugales,
d’inspiration analytique, de groupe
et comportementales
Les perturbations comportementales et émotionnelles
provoquées par la maladie dissolvent les liens familiaux. Et
les difficultés familiales et conjugales sont des facteurs de
récidive, cela a été montré dans plusieurs études. Dans ces
conditions, les mesures d’information sur la maladie
auprès de la famille sont indispensables. Les thérapies
familiales et de couple peuvent aussi trouver leur place. En
ce qui concerne les traitements d’inspiration analytique, il a
longtemps été dit que la psychose maniacodépressive n’est
pas une bonne indication pour un travail analytique. Il a été
dit par exemple que l’humeur ludique des patients hypomanes ou maniaques met nécessairement en échec le travail
analytique. Mais beaucoup ont aujourd’hui une vision différente des choses et il semble que l’on puisse très bien être
à la fois maniacodépressif et pris dans un conflit névrotique, ce qui pourrait rendre le travail analytique beaucoup
plus accessible. Enfin, les thérapies comportementales, de
même que les thérapies interpersonnelles, peuvent constituer des indications intéressantes, et plusieurs études ont
récemment été publiées démontrant leur intérêt dans les
troubles maniacodépressifs.
Modalités générales
des mesures psychoéducatives
Les techniques de prise en charge destinées aux patients
et à leurs familles sont effectuées par des professionnels de
la santé (médecins, psychologues, infirmières) qui ont été
spécifiquement formés et sont qualifiés. Elles représentent
un acte thérapeutique qui s’inscrit dans le cadre d’une
alliance. Elles associent une information à des mesures
psychologiques bien précises. Dans le service, nous avons
mis en place deux approches parallèles :
- Des conférences qui ont lieu une fois par semaine et qui
abordent tous les aspects des maladies maniacodépressives. Il s’agit d’informations très générales : la clinique, les
traitements, les déterminants psychologiques, la vie familiale et professionnelle, la créativité. Environ vingt-cinq
thèmes sont abordés dans l’année pour une cinquantaine
d’heures.
- Des groupes composés d’un nombre limité d’une
dizaine de patients (des personnes de l’entourage familial
peuvent être présentes). Les personnes sont sélectionnées
pour former des groupes homogènes. Les thèmes de dis-
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Mesures psycoéducatives dans le traitement des troubles de l’humeur
cussion sont variables et en général décidés par le groupe.
Le principe est d’associer une information de base à des
mesures psychologiques spécifiques permettant au sujet
d’acquérir un certain contrôle sur sa maladie. Les objectifs
sont d’établir et de maintenir une alliance thérapeutique,
d’apprendre à reconnaître le trouble, à accepter la maladie,
à améliorer l’observance du traitement, à savoir reconnaître
précocement les symptômes d’une récidive, à agir sur certains déterminants environnementaux et sur la gestion de
l’existence, à limiter les conséquences du trouble.
- Plus récemment nous avons élaboré un programme
psychoéducatif plus complet qui figure en annexe.
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La reconnaissance des troubles
La reconnaissance précoce des symptômes est un élément important, ce qui a été souligné par des auteurs
anglais qui ont montré que l’information et un travail de
reconnaissance précoce des premières manifestations de la
maladie permettent de prévenir les hospitalisations, surtout
chez les patients maniaques.
Agir sur les déterminants de la maladie
et sur l’observance
La maladie est déterminée par un certain nombre de
facteurs dont certains sont assez bien connus. On sait par
exemple qu’interviennent des facteurs qui sont liés au
stress et au mode de vie des patients. Plusieurs types de
stress sont reconnus comme susceptibles de déstabiliser les
patients et de favoriser les récidives, ce sont par exemple
ceux qui génèrent des perturbations des rythmes quotidiens
de la vie et le manque de sommeil. Il est intéressant ici de
rappeler que Kraepelin, au début du XXe siècle, avait déjà
insisté sur l’importance des facteurs déclenchants les troubles maniacodépressifs, particulièrement au début de la
maladie. Ces événements déclenchants du début de la
maladie ne sont pas toujours ceux qui déclenchent les
rechutes, même si c’est parfois le cas. Dans d’autres cas, on
suppose qu’il existe une sorte de mise en route plus ou
moins automatique de la maladie sans que la présence de
facteurs déclenchants initiaux soit nécessaire, avec une
seule diminution générale du seuil de tolérance aux événements environnants. Et il faut souligner ici l’importance de
l’observance du traitement : les traitements des troubles de
l’humeur ont des effets protecteurs contre les effets
déstructurants du stress, mais ils sont très inégalement
observés par les patients, pour des raisons tenant à leur
personnalité et au fait qu’ils sont chroniques, sur le très
long terme, ce qui n’est pas toujours bien accepté. Toutes
ces choses doivent être bien expliquées aux patients et à
leurs familles.
L’acceptation du trouble
Faire accepter aux patients leur maladie est le problème
numéro un. C’est une des questions les plus difficiles à
résoudre, mais la réussite de cet objectif conditionnera les
résultats de la prise en charge des patients. L’acceptation de
la maladie a des effets très favorables de beaucoup de
points de vue, particulièrement en ce qui concerne l’observance. Il est très difficile de faire accepter leur trouble aux
patients du fait de l’image négative qui est associée aux
maladies mentales : les définitions des termes « manie » et
« dépression » dans le Petit Larousse sont très négatives.
Cette acceptation s’obtient étape par étape. La première
concerne le diagnostic. Il est certainement nécessaire de
faire en sorte que les patients connaissent le diagnostic de
leur maladie, mais cela ne se fait pas brutalement. Il faut
travailler sur la définition du trouble. Par exemple, il peut
être utile de faire référence à des personnes illustres. Les
Américains commencent toujours par citer Napoléon.
Nous préférons faire référence à Lincoln, Roosevelt et
Churchill, ou encore à Schuman, Rossini et Balzac. On
conseille aussi la lecture du livre de Kay Jamison, De
l’exaltation à la dépression, qui est un livre très instructif
et émouvant où Kay Jamison, qui est maniacodépressive,
raconte sa propre histoire. Les patients retirent beaucoup de
cet ouvrage qui montre que l’on peut accéder à des fonctions professionnelles très importantes tout en souffrant
d’une maladie maniacodépressive. D’autres livres sont
intéressants à lire pour les patients : Histoire de Pierre, le
Miroir de Janus par exemple
Améliorer la qualité de l’observance
Cela consiste d’abord à mettre en avant les avantages
que l’on peut tirer des traitements par le lithium, les nouveaux antipsychotiques, les antidépresseurs et les antiépileptiques, pour des effets indésirables somme toute assez
limités. Puis à rappeler que les personnes souffrant de
maladies maniacodépressives sont exposées aux récidives,
au suicide, aux conduites à risque et à la désocialisation. On
souligne aussi fortement les risques liés à l’arrêt du traitement. L’arrêt brutal d’un traitement (surtout par le lithium)
peut provoquer une aggravation rapide des troubles et, chez
certaines personnes, une résurgence maniaque immédiate.
Il faut aussi insister sur le fait que, quand on prescrit un
traitement, cela s’inscrit dans le cadre d’une alliance. Une
ordonnance n’est plus, comme c’était le cas autrefois,
ordonnée, mais elle est aujourd’hui longuement discutée
avec le patient. Je me souviens qu’il y a une vingtaine
d’années, des psychiatres écrivaient en toutes lettres sur
leurs ordonnances : « j’ordonne ». Il est certain que cette
manière de faire est très décalée de nos pratiques actuelles.
Aujourd’hui, la discussion des traitements avec les patients
et le fait qu’ils soient partie prenante dans la prise en charge
médicamenteuse sont des éléments essentiels. On discute
des traitements et des effets secondaires, des taux sanguins
de lithium, des risques de somnolence, etc. On doit très
souvent lutter contre des idées fausses qui circulent dans les
médias ou autres. Sachant que, parallèlement à cette information sur le médicament, il y a une information à diffuser
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sur la vie du sujet et sur le contrôle des événements qui
peuvent déclencher des rechutes.
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Reconnaître les signes annonciateurs
d’une rechute
Il existe d’assez nombreuses études qui montrent que les
patients qui ont suivi des programmes utilisant des mesures
de psychoéducation ont moins de récidives et de réhospitalisations. Encore faut-il qu’ils sachent reconnaître les
symptômes qui précèdent leurs rechutes. Parce que, quand
un patient ne se sent pas bien, cela ne veut pas automatiquement dire qu’il va rechuter. Il y a toujours une frontière
difficile à délimiter. Un patient maniacodépressif en train
de rechuter peut certainement présenter les symptômes
classiques qui précèdent les rechutes, comme, lors d’une
rechute maniaque, une insomnie, faire des dépenses excessives, se mettre à parler beaucoup, à avoir de multiples
projets, tenir des propos religieux inhabituels. Mais il peut
aussi avoir ce que l’on appelle un signal-symptôme, symptôme qui lui est assez spécifique et qu’il doit savoir reconnaître comme tel. Un travail est à faire pour amener progressivement le patient, aidé de l’entourage, à reconnaître
son symptôme. Il y a des manières assez standardisées de
travailler sur les symptômes courants ou quotidiens.
L’Américain Robert Post a créé un diagramme dans lequel
le patient doit noter quotidiennement son humeur, son
temps de sommeil et d’autres éléments, qui l’amènent à
être sensibilisé à des événements habituellement anodins,
mais qui peuvent prendre une dimension importante, pour
anticiper des symptômes plus graves, annonciateurs d’une
rechute. Il existe aussi des échelles d’auto-évaluation de
type analogique, où le patient se situe sur une droite, du
côté du plus ou du côté du moins.
Agir sur les déterminants
Nous avons précédemment insisté sur le déterminisme
plurifactoriel de la maladie. Des études ont montré que,
dans le cas des jumeaux monozygotes, c’est-à-dire qui ont
exactement le même patrimoine génétique, il arrive que
l’un déclenche la maladie et pas l’autre. Il y donc des
déterminants de la maladie liés à la prédisposition et
d’autres liés à l’environnement. Toute une série de situations ou d’événements très précoces, dont l’importance a
été bien démontrée dans le déterminisme des troubles de
l’humeur, sont les carences affectives, les deuils précoces,
les agressions sexuelles, les séparations. Il s’agit de facteurs de fragilisation, habituellement difficiles à reconstituer à l’âge adulte, mais que l’on retrouve couramment
chez les personnalités abandonniques ou borderline. On
retrouve souvent de tels antécédents chez celles qui souffrent de troubles de l’humeur avec souvent aussi des éléments plus tardifs, qui peuvent avoir un rôle déclenchant ou
précipitant chez les prédisposées : un surmenage, un manque de sommeil, une cassure des rythmes, un abus de
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toxiques (alcool ou drogues), des situations conflictuelles.
Ces éléments peuvent déclencher l’apparition des troubles
et un certain nombre d’entre eux peuvent être contrôlés
avec une meilleure gestion de vie. J’insiste donc beaucoup
sur l’intérêt d’avoir une meilleure hygiène de vie concernant les rythmes, le sommeil, la prise de toxiques ou de
café, etc. car il y a véritablement là des moyens de limiter le
risque de récidives. Je conseille aux patients de lire
l’ouvrage de Bauer et McBride, les Programmes psychothérapeutiques d’objectifs personnels (Editions Médecine/
Hygiène), seul ouvrage en français qui traite de cette question. Bauer et McBride décrivent une stratégie de prise en
charge dans le cadre des mesures psychoéducatives, avec
une information très complète sur ce qui peut être fait,
information basique sur la façon dont se déroulent les
réunions, stratégies qui permettent de standardiser les
mesures psychoéducatives de façon reproductible, avec un
programme de soins en deux phases : cinq séances d’information, puis identification d’objectifs utiles et réalistes (qui
concernent la peur des rechutes, la chronicité des symptômes, l’acceptation sociale et professionnelle, le fonctionnement social).
Limites des mesures
de psychoéducation
Plusieurs études faites sur le long terme ont montré que
les patients qui avaient une prise en charge utilisant les
mesures de psychoéducation avaient moins de rechutes et
moins de réhospitalisations, d’autant plus que les mesures
incluaient les familles. Néanmoins, il faut dire aussi que ces
prises en charge ont leurs limites. La première limite est
celle de la mise en place de tels programmes : besoin de
locaux, de temps disponible, d’équipes soignantes formées
à ces techniques, application de codifications qui ne sont
pas encore très bien faites. De plus, ces mesures ne s’appliquent pas, ou seulement très difficilement, à certains malades, par exemple ceux qui présentent des manies instables,
qui sont en général convaincus qu’ils sont plus forts que le
traitement. Des facteurs de personnalité entrent aussi toujours en jeu. L’idéal est de mettre en place ces mesures
quand les patients sont au cours d’une phase d’intervalle
libre (mais ils sont souvent moins demandeurs lors de ces
périodes-là).
Conclusion
Les mesures psychoéducatives font partie intégrante de
la prise en charge des patients souffrant de troubles maniacodépressifs. Elles sont destinées aux patients et à leurs
familles, à qui elles doivent permettre de mieux comprendre la maladie et ses conséquences, ses facteurs étiologiques et les objectifs thérapeutiques. Elles doivent permettre
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Mesures psycoéducatives dans le traitement des troubles de l’humeur
Programme psychoéducatif destiné aux patients atteints de troubles bipolaires
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re
1 séance. Introduction
Définition de la psychoéducation, présentation du
groupe, principes et règles de fonctionnement des thérapies de groupe, généralités sur les troubles bipolaires.
2e et 3e séances. La dépression
Connaître les symptômes de l’épisode dépressif, identifier les symptômes qui annoncent une récidive ou une
rechute, être informé sur les différentes causes, les
conséquences et les modalités évolutives du trouble
dépressif, apprendre à s’auto-évaluer (questionnaire
d’auto-évaluation, échelle analogique...), mise en situation, être capable de lister ses propres symptômes
dépressifs, pouvoir identifier les symptômes annonciateurs d’une rechute ou d’une récidive dépressive,
connaître les causes des états dépressifs, être capable
d’évaluer son humeur et les autres symptômes.
4e séance. Traitements de la dépression
Savoir distinguer un antidépresseur d’un tranquillisant,
d’un thymorégulateur ou d’un neuroleptique, connaître
les différentes approches thérapeutiques de la dépression, connaître les objectifs d’un traitement médicamenteux, savoir distinguer un effet indésirable d’un accident
de traitement, signification et contrôle d’un effet indésirable, connaître les indications d’un traitement par ECT,
être informé sur l’intérêt des psychothérapies, connaître
les précautions d’utilisation des antidépresseurs.
5e et 6e séances. L’excitation maniaque et l’état
mixte
Connaître les symptômes d’un état d’excitation, identifier les symptômes qui annoncent une récidive ou une
rechute, être informé sur les différentes causes, les
conséquences et les modalités évolutives de l’excitation,
apprendre à s’auto-évaluer (questionnaire d’autoévaluation, échelle analogique...), être capable de lister
ses propres symptômes d’excitation, pouvoir identifier
les symptômes annonciateurs d’un état d’excitation, être
capable de préciser les causes d’un état d’excitation,
connaître les différences entre un état d’excitation et un
état mixte, mise en situation, évaluer son humeur et les
autres symptômes, présentation du film Au sommet de la
descente, analyse des symptômes, commentaires, présentation du diagramme de suivi des troubles bipolaires,
première cotation de ce diagramme.
7e séance. Traitement des états d’excitation et prévention des récidives
Savoir distinguer un thymorégulateur d’un tranquillisant, d’un antidépresseur ou d’un neuroleptique, connaître les différentes approches thérapeutiques de l’état
d’excitation, connaître les objectifs d’un traitement thymorégulateur, savoir distinguer un effet indésirable d’un
accident de traitement, signification et contrôle d’un
effet indésirable, être informé sur l’intérêt des psychothérapies, connaître les précautions d’utilisation des thymorégulateurs.
8e séance. Reconnaissance et évaluation du trouble
Exercices visant à reconnaître les symptômes d’une
récidive et ceux qui annoncent une rechute à partir de
présentations de cas et de mises en situation, calcul de
son index de bipolarité, évaluation de son humeur sur le
diagramme, évaluation de son humeur à partir d’échelles analogiques.
9e séance. Règles d’hygiène de vie
Le sommeil (connaître les conséquences d’une insomnie ou d’une hypersomnie et savoir comment faciliter
son endormissement), savoir respecter ses rythmes
sociaux, connaître les principaux excitants, situation de
surmenage, savoir les reconnaître et les contrôler, mise
en situation, évaluation de son humeur sur le diagramme.
10e séance. Contrôler la rechute ou la récidive
Connaître les facteurs fragilisants, déclenchants et précipitants des rechutes, savoir reconnaître ses propres
facteurs déclenchants ou précipitants, savoir contrôler
l’impact des facteurs déclenchants, exposition de cas à
titre d’exemple, mise en situation, évaluation de son
humeur sur le diagramme.
11e séance. Gestion de sa vie personnelle (familiale,
sociale, professionnelle, sportive...), résolution des
problèmes
Connaître les facteurs de dysfonctionnement au sein de
la famille, comment faciliter la communication, éviter
les conflits, comment parler de son trouble à ses enfants,
son conjoint, ses parents, vie sexuelle (difficultés, risques...), savoir quoi dire à ses amis, choisir ses interlocuteurs, mise en situation, choix des études, d’une activité professionnelle, comment organiser sa vie
professionnelle, choix de ses loisirs, évaluation de son
humeur sur le diagramme.
12e séance. Contrôle de ses émotions
Acquisition des principes de base de la relaxation,
apprendre à réévaluer des situations, mise en situation,
évaluation de son humeur sur le diagramme.
13e séance. Abord cognitif
Savoir lutter contre ses pensées négatives, mise en situation, évaluation de son humeur sur le diagramme.
14e séance. Gestion de sa vie et acceptation
Comment bien organiser ses journées, comment accepter son trouble et comment le faire accepter aux autres,
mise en situation, évaluation de son humeur sur le diagramme.
15e séance. Intérêt de la psychoéducation
Évaluation des 14 séances, critiques, commentaires,
questionnaire de satisfaction, présentation du carnet de
suivi.
Une 16e séance est prévue 6 mois après afin d’évaluer à
distance l’intérêt de ces mesures thérapeutiques
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nuent que quand le patient est bien informé et a compris ce
qui va suivre. À Sainte-Anne, c’est un peu différent, dans le
sens où les patients ont en général déjà bénéficié de ces
conférences, donc de ces informations.
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également d’améliorer la qualité de l’observance et donc de
limiter le nombre de récidives. Les patients doivent devenir
capables d’anticiper les rechutes et d’agir sur les facteurs
annonciateurs d’une rechute, surtout en ce qui concerne
l’hygiène de vie. Les mesures psychoéducatives ne peuvent
être mises en place que si le patient a déjà pris contact avec
l’équipe soignante et après qu’il a reçu une information
assez complète sur la maladie. En pratique, on commence
par cinq semaines d’information et les mesures ne conti-
Virginia Woolf
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