La Lettre du Cardiologue - n° 331 - mai 2000
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L’infarctus myocardique
Il peut être en rapport avec une occlusion coronarienne par throm-
bus, compression, dissection ou infiltration œdémateuse trauma-
tique. Sa survenue complique un pronostic souvent déjà lourd.
Ben Ismail (2) rapporte un cas de lésions complexes associant une
nécrose myocardique à une communication interventriculaire et
une insuffisance tricuspidienne, en rapport avec un traumatisme
fermé du thorax. Banzo (1) rapporte le cas d’un homme de 30 ans,
victime d’une nécrose antérolatérale après un accident de la voie
publique. L’échocardiogramme avait montré l’altération contrac-
tile et la coronarographie avait confirmé l’occlusion coronaire. La
question de l’imputabilité peut ici être valablement soulevée : le
stress du traumatisme a-t-il entraîné une nécrose myocardique (3)
ou l’accident a-t-il occasionné une nécrose myocardique par
compression/dissection de la coronaire responsable ? (2, 3, 5, 11).
Les lésions associées
Le tissu de conduction est fréquemment atteint dans les lésions
du cœur droit et notamment de la tricuspide, du fait de la conti-
guïté anatomique. Les anomalies sont d’ordres divers, incluant
des blocs auriculo-ventriculaires 1 ou 2, rarement 3, et un BBD
dans 92 % des cas d’atteinte de la valve tricuspide (4). On a éga-
lement noté dans de nombreux cas des épisodes d’arythmie com-
plète par fibrillation auriculaire, de flutter ou de tachycardie supra-
ventriculaire. L’apparition des troubles conductifs ou des troubles
rythmiques n’a pas de spécificité mais doit être retenue comme
hautement évocatrice de lésions valvulaires et/ou myocardiques.
La pathogénie des troubles conductifs est souvent en rapport avec
un œdème postcontusionnel, des hémorragies intrapariétales,
voire même une rupture du tissu de conduction (12). On a éga-
lement noté des troubles du rythme ventriculaire, isolés ou en
salves (13).
La reperméabilisation du foramen ovale est rare.
Les ruptures pariétales témoignent en général d’un traumatisme
d’une violence exceptionnelle ; la gravité des lésions associées
noircit un tableau déjà extrêmement péjoratif.
Les épanchements péricardiques ont parfois une évolution chro-
nique avec un risque de constriction. Ce sont le plus souvent des
lésions hémorragiques aiguës du péricarde, mais pouvant récidi-
ver et évoluer vers la chronicité.
Les ruptures péricardiques sont rares, potentiellement gravis-
simes, car elles font courir le risque d’une luxation spontanée du
cœur hors du sac péricardique et d’un arrêt cardiaque. L’évolu-
tion vers la chronicité des épanchements péricardiques volontiers
séro-hémorragiques peut donner lieu à des tableaux d’adiastolie
par constriction (12).
LES LÉSIONS DES GROS VAISSEAUX
Il s’agit essentiellement des lésions de l’isthme aortique. Cette
localisation préférentielle n’a rien de fortuit puisqu’elle consti-
tue la zone de jonction entre le massif cœur/aorte ascendante et
horizontale, plus mobile dans le médiastin, et l’aorte descendante
fixée à la paroi postérieure par le réseau de collatérales. C’est
donc une zone privilégiée de déchirure, du fait de l’énergie ciné-
tique majeure de cet ensemble dont la masse est considérable-
ment accrue lors d’un traumatisme frontal avec décélération
(7, 12). Ces lésions sont également le fait, outre les AVP, d’acci-
dents du travail dans le cadre du bâtiment. Clements (6) rapporte
le cas rare d’une patiente ayant survécu à une rupture trauma-
tique de l’artère pulmonaire intrapéricardique ayant entraîné un
hémopéricarde compressif. Une telle survie semble exception-
nelle.
LES ÉLÉMENTS DU DIAGNOSTIC
La clinique : au plan tant médical que médico-légal, il importe
de suspecter par principe l’éventualité de telles lésions face à un
traumatisme thoracique ou thoraco-abdominal et de tout mettre
en œuvre pour, selon le contexte, mettre en évidence la lésion et
en faire le bilan.
L’ECG n’apporte souvent rien de spécifiquement probant. Il peut
permettre de suspecter l’éventualité d’une atteinte myocardique
et/ou valvulaire sur l’existence non pas d’une tachycardie (non
spécifique dans ce contexte), mais d’une rotation d’axe, de l’ap-
parition d’un trouble conductif par rapport à un tracé de référence,
de troubles non spécifiques de la repolarisation.
La biologie : il faut rappeler la présence de CPK mb dans l’aorte,
le péritoine et les uretères ; myoglobine et troponine seront sys-
tématiquement dosés pour rechercher une atteinte myocardique,
en sachant que les niveaux enzymatiques obtenus sont, dans ce
contexte, bien supérieurs à ceux que l’on peut constater dans le
cadre de la nécrose myocardique traditionnelle.
L’échographie, indispensable, va permettre de dresser un bilan
global du médiastin et de rechercher, dans l’immédiat et à dis-
tance :
●une anomalie valvulaire, en la précisant et la quantifiant,
●un épanchement péricardique,
●un trouble de la contractilité myocardique droit ou gauche,
●une dilatation cavitaire,
●une dilatation de l’aorte initiale, de l’ascendante ou de la rétro-
cardiaque.
L’échographie transœsophagienne de complément sera d’in-
dication large. Weiss et coll. (14) ont fait, à ce titre, un travail
rétrospectif sur 22 dossiers de contusions diagnostiquées sur un
panel de 81 traumatismes thoraciques, ce qui représente 27 %,
en définissant la contusion comme un trouble contractile en l’ab-
sence d’arguments en faveur d’un infarctus myocardique. Cette
équipe confirme l’intérêt majeur de cette technique en cas d’in-
certitude ou d’insuffisance de performance de l’échographie
transthoracique, inmanquablement gênée par les conséquences
pariétales du traumatisme. Kennedy et coll. confirment tout l’in-
térêt de la technique dans cette indication (8).
L’IRM permet de rechercher une atteinte artérielle, aortique ou
pulmonaire, dans des zones aveugles pour l’échocardiogramme,
et notamment une dissection isthmique
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