rations éthiques et de la faisabilité. Elle repose essentiellement sur
une discipline : la pharmaco-épidémiologie, qui est régie aujourd’hui
par un certain nombre de textes de bonnes pratiques (2-4).
PLACE DE L’ÉVALUATION POSTCOMMERCIALISATION
DANS LE DÉVELOPPEMENT DU MÉDICAMENT
L’évaluation postcommercialisation est complémentaire de l’éva-
luation précommercialisation (EPrC), non seulement de par les
questions posées, mais également en ce qui concerne les approches
analytiques et les perspectives considérées. Si l’EPrC s’appuie
sur une approche explicative visant à démontrer la valeur intrin-
sèque du médicament dans un cadre expérimental pur, obéissant
aux recommandations publiées par les autorités d’enregistrement,
l’EPoC s’appuie sur une approche pragmatique visant à apprécier
la valeur du médicament dans le cadre de la population rejointe,
des conditions réelles d’utilisation, et dans un système de santé
donné. Enfin, les perspectives sont complémentaires : l’EPrC appré-
hende la dimension individuelle du bénéfice et du risque du médi-
cament alors que l’EPoC en appréhende la dimension collective.
QUELLES QUESTIONS SE POSENT
LORS DE L’ÉVALUATION POSTCOMMERCIALISATION ?
Trois grandes catégories de questions peuvent schématiquement
être définies : les conditions d’utilisation du médicament, le rapport
bénéfice/risque en situation réelle et l’intérêt de santé publique.
Évaluation des conditions réelles d’utilisation
du médicament
Cette évaluation désigne l’analyse à la fois du devenir d’un médi-
cament dans une population et des facteurs qui déterminent ce
devenir. Cette analyse recouvre différentes perspectives, qui peuvent
être classées dans quatre catégories en fonction de leur objectif
principal. On peut s’intéresser à l’un des quatre “P” suivants : le
prescripteur, la prise en charge, le patient et la population.
L’analyse concernant le prescripteur porte sur les études de pra-
tiques, dont l’objectif consiste souvent à évaluer le niveau de con-
naissance des référentiels scientifiques ou réglementaires et sur-
tout leur niveau d’applicabilité dans la pratique. Parfois, l’objectif
est plus généralement d’identifier le rationnel qui amène à telle
ou telle démarche diagnostique ou thérapeutique, avec la cons-
truction, dans certains cas, de véritables modèles explicatifs.
L’analyse de la prise en charge s’interroge sur l’adéquation entre
les connaissances scientifiques et les pratiques thérapeutiques :
les patients traités sont-ils justifiables du traitement concerné ? Quels
outils ont permis de porter le diagnostic ? Les schémas thérapeu-
tiques sont-ils en phase avec les référentiels, et le suivi des patients
répond-il aux exigences de surveillance préconisées ?
Le patient peut lui-même être l’objet de l’analyse, en tant qu’acteur
principal par rapport à l’utilisation des médicaments en situation
réelle. Il en est l’usager, et sa capacité à être mieux informé contri-
bue à lui donner un pouvoir nouveau sur la prescription. Un autre
aspect étudié est celui du comportement du patient par rapport
au médicament, avec notamment deux notions importantes :
l’automédication et l’observance.
Enfin, l’objectif de l’étude de la population bénéficiant du médi-
cament est de connaître l’adéquation entre la population cible, telle
qu’elle peut être évaluée qualitativement et quantitativement en
fonction des indications, de la stratégie thérapeutique et des recom-
mandations, et la population rejointe, qui est celle bénéficiant
réellement du produit après sa commercialisation.
Évaluation de l’efficacité et de la tolérance
en situation réelle
L’efficacité ainsi que la sécurité intrinsèques du médicament sont
démontrées en amont de la commercialisation, en vue de l’obten-
tion de l’AMM. Lorsque le médicament accède à une utilisation
plus large au niveau de la population, la question suivante se pose
l é g i t i m e m e n t : est-ce que l’efficacité et la tolérance démontrées dans
les essais cliniques sont vérifiées auprès de la population rejointe
par le médicament, et dans ses conditions d’utilisation réelles ?
Cette question sera d’autant plus pertinente que seront réunies trois
conditions : décalage entre la population des essais cliniques et celle
rejointe par le médicament ; décalage entre les conditions proto-
colisées d’administration du médicament dans les essais cliniques
et les conditions de sa prescription et de son utilisation auprès de
la population rejointe ; sensibilité des résultats en termes d’effi-
cacité et de tolérance par rapport aux profils des patients traités et
aux conditions d’utilisation. Ainsi, par exemple, lorsque la répar-
tition des formes cliniques dans une maladie est significativement
différente dans la population des essais cliniques et dans celle rejointe
par le médicament, et lorsque les conditions de l’efficacité et de la
tolérance sont très liées aux formes cliniques, alors la question du
rapport bénéfice/risque en situation réelle peut s’avérer pertinente.
A contrario, si la population rejointe est très proche de la popu-
lation des essais cliniques et que les conditions d’utilisation sont
similaires, la notion d’efficacité et de tolérance en situation réelle
est moins pertinente.
Au-delà des études ad hoc qui concernent une question spécifique,
un suivi systématique des événements indésirables est également
mis en œuvre après la commercialisation. Il s’agit de la p h a r m a-
covigilance, effectuée dans un cadre réglementaire et selon des
modèles de surveillance épidémiologique. Les données sont f o r-
malisées épisodiquement dans un rapport PSUR (Periodic Safety
Update Report)qui dresse un bilan synoptique des événements indé-
sirables enregistrés. La pharmacovigilance n’a pas de valeur démons-
trative, mais elle constitue un véritable système d’alerte permet-
tant de susciter des études spécifiques pour confirmer ou infirmer.
Intérêt de santé publique
Il s’agit de l’appréciation de la valeur du médicament dans sa
dimension populationnelle. Un rapport de la Direction générale de
la santé (DGS) a défini ce critère d’intérêt de santé publique (ISP)
ainsi que la manière de l’apprécier (5). Selon ce rapport, l’ISP
d’un médicament s’évalue au travers de son impact direct ou indi-
rect sur l’état de santé de la population. Les indicateurs considérés
dans cette évaluation sont ceux rencontrés dans toute intervention
en santé publique, et en particulier :
– l’impact sur l’état de santé de la population en termes de morta-
lité et/ou morbidité évitées ou en termes d’amélioration de la qua-
lité de vie ;
DO N N É E S N O U V E L L E S
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La Lettre du Pneumologue - Volume VII - n
o
3 - mai-juin 2004