Les chemins de la puissance Chine et Etats-Unis

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Thème 3 : Puissances et tensions dans le monde de la fin de la première guerre mondiale
à nos jours
Chapitre 4 : Les chemins de la puissance
Partie I : les Etats-Unis et le monde depuis les « quatorze points » du président Wilson
(janvier 1918)
Documents à utiliser : carte p. 220-221, carte p. 2 p. 235
Exercice amorce : Montrez que les Etats-Unis ont été une grande puissance de la Première
Guerre Mondiale à nos jours mais que cette puissance a changé.
Au début de la Première Guerre mondiale, les Etats-Unis se sont implantés dans le Pacifique
par des conquêtes successives qui leur permet d’occuper aussi bien des îles du Pacifique
comme Hawaï (1898) ou les Samoa (1900) que des territoires d’Asie du Sud-Est comme les
Philippines (1898). Ils ont aussi la mainmise sur des protectorats comme Haïti, Porto-Rico, la
République Dominicaine ou Cuba. Ils protègent également le passage du canal de Panama en
Amérique centrale come le montre leurs interventions dans la région. La mer des Caraïbes se
transforme donc en un lac étatsunien. Cependant, en dehors de cette zone d’influence proche
qui touche essentiellement à leurs intérêts, les Etats-Unis interviennent peu dans le monde,
comme le montre leur intervention tardive dans la 1GM. Ils sont donc isolationnistes.
En revanche, de nos jours, les interventions sont planétaires aussi bien du point de vue
économique que militaire, diplomatique voire culturel. Le mode d’expansion est aussi bien le
soft power que le hard power. Les Etats-Unis sont donc une superpuissance avec un
leadership mondial malgré la concurrence de nouveaux venus sur la scène économique et sur
la scène diplomatique et militaire.
Problématique : Comment les Etats-Unis ont-ils transformé et modelé la notion de puissance
tout au long du XXème siècle en alternant entre un isolationnisme teinté de doctrine Monroe et
une vision wilsonienne du rôle des Etats-Unis dans le monde, le tout sur fond de « destinée
manifeste » ?
I. Une tentation de puissance sans engagement international (1917-1941)
A. Doctrine Monroe, mythe de la « destinée manifeste » et Pax Americana, les
héritages de la diplomatie en 1917.
Documents à utiliser : Extrait de la doctrine Monroe (Site de la Maison Blanche), la « destinée
manifeste » ou la raison de l’impérialisme américain (dictionnaire des Etats-Unis, 2011, p.
219-220), document 1 p. 224, la politique du « gros bâton » (P. Milza, Pax Americana, Les
collections de l’histoire n° 7, p. 42).
Document 1 : La doctrine Monroe du président américaine James Monroe (1823)
« Nous avons toujours été les spectateurs anxieux […] des événements qui se déroulent dans
cette partie du globe avec laquelle nous avons tant de liens et dont nous tirons notre origine.
Les citoyens des États-Unis se réjouissent de la liberté et du bonheur de leurs semblables de
l'autre côté de l'Atlantique. Dans les guerres […] européennes […] nous ne sommes jamais
intervenus et il n'est pas conforme à notre politique de le faire. […]
C'est seulement lorsque nos droits sont atteints ou sérieusement menacés que nous ressentons
l'offense ou faisons des préparatifs pour notre défense. Les événements de cet hémisphère
nous touchent infiniment de plus près. […]
À l'égard des colonies actuelles des puissances européennes, […] nous n'interviendrons pas.
Mais à l'égard des gouvernements qui ont déclaré leur indépendance […] nous ne pourrions
considérer aucune intervention d'une puissance européenne […] que comme la manifestation
d'une position inamicale à l'égard des États-Unis. »
Source : traduction du texte original, site de la Maison Blanche
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Thème 3 : Puissances et tensions dans le monde de la fin de la première guerre mondiale
à nos jours
Chapitre 4 : Les chemins de la puissance
Document 2 : La « destinée manifeste » ou la raison de l’impérialisme américain
Le concept de « destinée manifestée » recoupe toute la problématique liée à l’expansion et à
la conquête du continent. Apparue en mai 1845 dans un article de la Democratic Review sous
la plume du journaliste John O’Sullivan, l’expression fait référence au droit sacré des
Américains de conquérir les territoires occupés par les indigènes. D’emblée, la Providence
donne à la population blanche, la mission d’occuper et de faire fructifier la terre par des
millions d’individus. La référence biblique est constante et entérine l’idée que la conquête du
continent [américain] se fait selon un plan prédéterminé par le Très-Haut. […] La Destinée
manifeste postule que le peuple américain est élu par le Tout-Puissant pour accomplir ses
desseins. Elle puise au creuset de l’exceptionnalisme américain, lui-même hérité du
puritanisme qui faisait des premiers colons l’assemblée des Saints élue par Dieu pour ériger la
Cité idéale dans le désert américain. […] Distincte de la colonisation européenne subie par les
Américains, elle promeut le bien-être en faisant partager aux peuples conquis les bienfaits
d’une société fondée sur les droits de l’homme. […]
Cette conquête du continent, liée à la fierté d’être américaine, obéit à une logique
d’agrandissement du pays [ou de son influence].
Source : Dictionnaire des Etats-Unis, 2011
Document 3 : La politique du « gros bâton »
Tous les instruments d'une politique d'expansion se trouvent ainsi réunis à l'aube du XXe
siècle. […] La justification d'éventuelles interventions militaires opérées par les marines est
purement et simplement rattachée à la doctrine Monroe à laquelle Theodore Roosevelt
1901-1909 donne une formulation élargie fondée sur de vagues alibis humanitaires : les
Américains se réservent le droit exclusif de protéger la sécurité et les biens des étrangers dans
les pays dont le régime instable pourrait rendre cette intervention nécessaire.
Citant un proverbe africain, Theodore Roosevelt lance en avril 1903 une formule qui va servir
à caractériser durablement la politique de Washington en Amérique centrale : « Parlez
doucement et portez un gros bâton [ big stick] ; vous irez loin. »
C'est à propos de la Chine, […] qu'est formulée en 1900 l'autre doctrine qui va, pendant
plusieurs décennies, constituer l'un des fils conducteurs de la politique américaine : celle de la
« porte ouverte ». […] L'Amérique [ici au sens des Etats-Unis] s'érige […] donc en
championne de l'anticolonialisme et d'autre part en arbitre des intérêts rivaux dans les pays
qu'elle entend maintenir ouverts à tous les investisseurs commerciaux.
Attitude parfaitement conforme aux intérêts des États-Unis, auxquels la puissance et le
dynamisme de leur économie confèrent dès cette période, en l'absence d'entraves douanières,
un avantage considérable sur les concurrents européens. Mais aussi moyen pour l'Amérique
de se réconcilier avec elle-même et avec son histoire, en affichant l'image restaurée de la
patrie des droits de l'homme et de l'autodétermination des peuples dans un monde auquel elle
s'offre en modèle.
Se trouvent ainsi rassemblés à la veille du premier conflit mondial la plupart des ingrédients
qui vont nourrir, pendant plus d'un demi-siècle, le consensus de politique étrangère : refus du
colonialisme, respect proclamé de la souveraineté nationale, rejet de toute ambition
territoriale, volonté de diffuser une technologie de pointe vecteur du modèle américain. Telle
est la mission que la providence a assignée aux États-Unis : promouvoir par l'exemple — et
non par l'engagement direct dans les affaires du monde — la Pax americana. Le
déclenchement de la guerre européenne en août 1914 remet brusquement en question cette
vision.
Source : P. Milza, Pax Americana, Les collections de l’histoire n° 7, p. 42-43
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Chapitre 4 : Les chemins de la puissance
Questions :
1. Quels sont les héritages de la politique extérieure des Etats-Unis lorsque ceux-ci entrent
en guerre en 1917 ?
En 1917, les Etats-Unis s’appuient sur trois héritages en termes de politique extérieure :
- La doctrine Monroe. Selon la doctrine énoncée en 1823 par le président James Monroe, les
États-Unis n'interfèrent pas dans les affaires européennes, mais s'opposent à toute
intervention européenne sur le continent américain - c'est le principe de l'Amérique aux
Américains. En 1903, y a été adjointe la « politique du gros bâton » Expression lancée par
le président Theodore Roosevelt citant un proverbe africain, en 1903, « Parlez doucement
et portez un gros bâton [big stick] ; vous irez loin. » La formule sert à caractériser la
politique de Washington en Amérique latine, considérée comme la chasse gardée des
États-Unis.
- La « Destinée manifeste ». L'expression a été forgée au milieu du XIXe siècle par John Lee
O'Sullivan : la « destinée manifeste » des États-Unis est de se « répandre à travers tout le
continent pour assurer le libre épanouissement de millions de personnes ». Elle recouvre la
conviction que les États-Unis ont vocation à répandre le progrès dans le monde. Cela a
aussi des sous-entendus messianiques, faisant de la nation américaine, la nation élue pour
amener le progrès au monde.
- La politique de la « porte ouverte », soit la doctrine économique qui exige le droit pour
tous les pays à commercer librement avec les colonies ou les pays dépendants des
puissances coloniales.
2. Quels sont les fondements diplomatiques de leur puissance jusqu’alors ?
Jusqu’à la Première Guerre mondiale, les Etats-Unis se refusent à intervenir dans les affaires
européennes, sauf si leurs intérêts propres sont menacés ou si les événements concernent leur
chasse gardée l’Amérique latine. Les Etats-Unis sont donc particulièrement isolationnistes
sur le plan politique. L’idée durant cette période est de se faire le chantre de
l’anticolonialisme, de rejeter toute ambition territoriale et de diffuser les nouvelles techniques
dans le monde. Il s’agit donc de promouvoir par l’exemple et non de prétendre à une
extension territoriale.
3. Pourquoi entrent-ils en guerre alors que la doctrine Monroe va à l’encontre de cette
intervention ?
Dans les faits, les Etats-Unis entrent en guerre en raison de la doctrine Monroe car leurs
intérêts sont menacés. Trois événements poussent Wilson à faire entrer son pays dans la
guerre età rompre avec ce comportement attentiste :
- le refus allemand de respecter la « liberté des mers » en coulant des navires neutres
porteurs de marchandises destinées aux Alliés et en pratiquant, à partir de janvier 1917, la
« guerre sous-marine à outrance »
- la révélation des intrigues de la Wilhelmstrasse visant à pousser le Mexique dans une
guerre contre sa voisine du Nord
- la révolution de mars 1917 en Russie qui, en éliminant l'autocratie tsariste, donnait à
l'action conjuguée des pays de l'Entente l'allure d'une croisade des démocraties.
A cela s'ajoute, bien sûr, le poids des intérêts économiques directs comme les emprunts
massifs consentis par les banques américaines aux alliés occidentaux et préférence exclusive
accordée aux mêmes puissances en matière commerciale.
B. L’échec de l’interventionnisme wilsonien après la Première Guerre mondiale :
Documents à utiliser : document 2 p. 224, documents 3 et 5 p. 225, la new diplomacy
wilsonienne (L. V. Smith, Wilson était-il un idéaliste, Les collections de l’histoire, n° 56, p.
16-18), document 4 p. 223.
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Thème 3 : Puissances et tensions dans le monde de la fin de la première guerre mondiale
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Chapitre 4 : Les chemins de la puissance
Document 1 : La new diplomacy wilsonienne
Aux yeux de ses détracteurs, le « wilsonisme » constituait un amalgame incohérent de
principes flous. Le problème de ce système n'était pourtant pas son incohérence, mais son
radicalisme. Wilson poussa le libéralisme anglo-américain du XIXe siècle vers sa conclusion
logique, et fit de l'individu rationnel et responsable le lieu même de la souveraineté.
L'individu souverain constituait la composante élémentaire de toutes les configurations
politiques, du local à l'international en passant par la nation. C'était le sujet nécessaire à l'idée
même d'auto-détermination, le « self-government ». Le concept du « droit des peuples à
disposer d'eux-mêmes » émergea en grande partie en réponse aux efforts déployés par les
bolcheviques pour saper les empires européens. […]
Pour Wilson, c'était l'existence de pactes illégitimes, liant les nations d'Europe à des intérêts
égoïstes, qui avait mené à la guerre en 1914. Aussi considérait-il qu'un pacte nouveau,
légitime et universel, mettrait fin non seulement à la Grande Guerre, mais aussi à quelque
guerre que ce soit, et ce pour toujours.
Un monde lié par des pactes planétaires révolutionnerait les relations internationales. La
doctrine wilsonienne cherchait à ôter la régulation du système des mains des États pour la
confier au vrai souverain : une communauté transnationale composée d'individus
politiquement semblables. […]
Paradoxalement, le wilsonisme comportait aussi une théorie de la puissance de l'État en
général, et de la notion de grande puissance en particulier. Wilson ne considérait pas que la
concentration des pouvoirs soit un problème en soi, qu'elle se manifeste entre les nations ou
au sein de ces dernières.
Selon lui, la difficulté résidait davantage dans l'utilisation du pouvoir. […] De même, il était
légitime d’établir une paix reconnaissant la primauté des grandes puissances. […]Un groupe
restreint d'individus puissants pouvait donc modeler la paix, à condition qu'il le fasse en
accord avec la volonté présumée de la communauté mondiale.
Assurément, Wilson considérait la SDN comme une entité supérieure à la somme des
souverainetés nationales qu'elle comprenait. […]
Source : L. V. Smith, Wilson était-il un idéaliste, Les collections de l’histoire, n° 56, p. 16-18
Questions :
1. Sur quels fondements repose la new diplomacy wilsonienne ?
La new diplomacy wilsonienne repose d’abord sur l’importance de la souveraineté des
individus et ce, quel que soit le niveau politique auquel il est fait référence : du local à
l’international.
Elle se fonde également sur le principe de la sécurité collective, fondée sur le droit, le respect
des peuples et le refus de rendre coupable de la guerre l’un plutôt que l’autre des pays
d’Europe comme le souligne le discours du président américain Woodrow Wilson – thème
qu’il reprend en janvier 1918 dans les 14 points Wilson visant à assurer une paix sans bouc
émissaire, rendant possible l’autodétermination des peuples. Cette organisaiton à vocation
universelle engage ses Etats membres « à respecter et à maintenir contre toute agression
l’intégrité territoriale et l’indépendance politique de tous les membres de la Société ». Cela
s’oppose à la politique de « l’équilibre européen » qui, selon lui, a précipité l’Europe dans la
1GM.
Il s’appuie également sur l’idée de la mise en place d’une organisation visant à gérer la paix
mondiale.
2. Quelle est la vision de la paix mondiale mise en place par Wilson et sur quel organisme
repose-t-elle ?
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Thème 3 : Puissances et tensions dans le monde de la fin de la première guerre mondiale
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Chapitre 4 : Les chemins de la puissance
Wilson a une vision précise de la paix mondiale. Elle repose sur l’entente entre les différentes
populations au sein d’une organisation de coopération et de maintien de la paix, qui n’est
autre que la SDN. Il estime également que celle-ci peut être dominée par des grandes
puissances qui en infléchissent la politique.
3. Quelles sont les raisons qui expliquent que les Etats-Unis n’aient pas appliqué la politique
wilsonienne ? Quelle était la principale crainte des opposants au projet de Wilson ?
La raison principale qui explique que les Etats-Unis n’aient pas appliqué le wilsonisme après
1919 est que le Sénat américain, majoritairement républicain, refuse de s’impliquer davantage
dans les affaires européennes. En 1920, le Sénat refuse de ratifier le traité créant la SDN ce
qui la rend relativement impuissante. Les Etats-Unis préfèrent repartir sur les bases de la
doctrine Monroe et souhaitent refermer la parenthèse de l’intervention européenne.
4. La politique isolationniste menée par les Etats-Unis depuis 1920 persiste jusqu’à l’ère de
F. D. Roosevelt, montrez de quelle manière (aidez-vous aussi du document 3 p. 223)
La crise économique des années 1930, et surtout, la montée en puissance des Etats totalitaires
en Europe ne poussent pas les Etats-Unis à intervenir davantage en Europe, même si
Roosevelt, président depuis 1933, est tout à fait conscient des enjeux européens.
Le Congrès américain élève des barrières pour éviter, selon leurs propres dires, de « tomber
encore une fois dans le piège de l’intervention en Europe ». Ces barrières concernent
essentiellement les prêts financiers et les ventes d’armes :
- Le Congrès demande à ce que les prêtes ne soient consentis qu’aux pays qui ont remboursé
leurs dettes de la 1GM
- les lois de neutralité de la période 1935-1937 instaurent un embargo sur les armes et les
articles militaires aux Etats en guerre.
- Enfin, en 1937, est ajoutée à ces lois de neutralité la close cash and carry (dernier
paragraphe du document 3 p. 223) selon lequel la vente d’armes et d’articles militaires est
possible mais à la seule et unique condition que les Etats payent comptant et viennent prendre
eux-mêmes livraison de leurs commande dans les ports américains.
Le président Roosevelt met aussi en place à partir de 1937 la politique de la « quarantaine »,
après l’invasion de la Chine par le Japon. Cependant, si cela veut dire ne pas aider les
puissances prédatrices, cela ne veut pas pour autant dire intervenir dans la guerre comme
Roosevelt le dit « nous sommes déterminés à rester en dehors de la guerre ».
C. L’économie, l’absence d’isolationnisme américain :
Documents à utiliser : l’expansionnisme économique dans les années 1920 (Cl. Folhen,
Canada et Etats-Unis depuis 1780, p. 415-416), document 3 p. 223 (loi Cash and Carry).
Document 1 : L’expansionnisme économique dans les années 1920
[…] Dans le domaine économique, les Etats-Unis ne se retranchent pas dans un
isolationnisme frileux. Ayant échangé leur statut de débiteur pour celui de créancier net à la
faveur de la Première Guerre mondiale, les Américains participent activement aux
négociations internationales qui tente de trouver une solution viable à l’épineuse question des
dettes alliées et des réparations allemandes. […] Pour réduire les tensions, le gouvernement de
Washington agit par l’intermédiaire de banquiers privés chargés de diriger les emprunts à
New York afin d’amorcer un cercle vertueux. […] D’une manière générale, les
investissements directs et les crédits à court terme américains facilitent le bon fonctionnement
des marchés financier et monétaire international entre 1924 et 1929. Les grandes
corporations exploitent des mines, des plantations, des usines sur tous les continents, aussi
bien dans les pays industrialisés […] que dans les régions sous-développées et même en
URSS […]. L’historienne Akira Iriye signale que « la pénétration des marchés mondiaux par
les capitaux, la technologie et les marchandises américaines a fourni une base, le fondement
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Thème 3 : Puissances et tensions dans le monde de la fin de la première guerre mondiale
à nos jours
Chapitre 4 : Les chemins de la puissance
économique de l’ordre international d’après-guerre ». Dans les années 1920, l’économie, plus
que la géopolitique, est perçue comme force dominante. […]
Source : Cl. Folhen, Canada et Etats-Unis depuis 1780, p. 415-416
Questions :
1. Alors que les Etats-Unis sont isolationnistes sur le plan politique, qu’en est-il sur le plan
économique ?
Alors que les Etats-Unis sont isolationnistes sur le plan politique, ce n’est absolument pas le
cas sur le plan économique. Ils vendent leurs produits dans le monde entier et exportent leur
technologie – dans le cadre de la volonté du progrès par l’exemple. Ils sont aussi engagés dans
l’économie européenne, ne serait-ce que par le remboursement des prêts consentis au cours de
la 1GM, ce qui amène un grand nombre de capitaux vers les Etats-Unis. Ils investissent en
Europe et laissent les Européens investir aux Etats-Unis.
Enfin, les grandes compagnies américaines possèdent des usines, des mines dans différents
secteurs d’activité dans le monde entier.
2. En quoi l’économie est-elle un instrument de la puissance américaine, notamment dans les
années 1920 (les années 1930 étant marquées par une crise économique mondiale ?
Dans les années 1920, les échanges de capitaux avec l’Europe et la pénétration des
compagnies et capitaux américains sur l’ensemble des marchés mondiaux, dans le cadre d’une
nouvelle économie-monde (voir programme de première) permet aux Etats-Unis d’accroître
leurs puissances à l’échelle mondiale comme l’a montré l’historienne Akira Iriye qui signale
que « la pénétration des marchés mondiaux par les capitaux, la technologie et les
marchandises américaines a fourni une base, le fondement économique de l’ordre
international d’après-guerre ». Dans les années 1920, l’économie, plus que la géopolitique, est
perçue comme force dominante.
3. Montrez qu’en raison de l’importance de l’économie, les Etats-Unis sont en partie
intervenus dans les affaires européennes avant 1941 mais avec des clauses suspensives.
La puissance de l’économie américaine a fait que les Etats-Unis sont intervenus dans les
affaires européennes avant 1941. C’est notamment visible avec la loi cash and carry, qui
même si elle est teintée d’isolationnisme, est aussi un moyen pour les Américains de venir en
aide aux pays démocratiques qui commencent à se réarmer pour faire face à la menace
hitlérienne, notamment la Grande Bretagne et la France. Les Etats-Unis participent au
réarmement en fournissant les commandes d’armes des deux pays.
II. Une puissance globale qui se veut protectrice de la paix dans le monde (1941-1991)
A. 1941 et l’abandon de l’isolationnisme des années 1930
Documents à utiliser : document 4 p. 223, document 1 p. 226, document 3 p. 227, Roosevelt,
héritier pragmatique de Wilson (A. Kaspi, Le monde selon Roosevelt, Les collections de
l’histoire n° 56, p. 38-41)
Document 1 : Roosevelt, héritier pragmatique de Wilson
Isolationniste de raison jusqu'aux années 1930, Franklin Roosevelt engage toutes les forces
des États-Unis dans la Seconde Guerre mondiale. Il décide qu'une fois la paix rétablie les
Américains assumeront leurs responsabilités, celles d'une superpuissance.
Franklin Roosevelt est un wilsonien réaliste. […] En avril 1917, les États-Unis entrent en
guerre. Roosevelt participe, au premier rang, à la défense nationale. Il applaudit des deux
mains les « quatorze points* » de Wilson, le projet d'une Société des Nations SDN qui
instaurerait la sécurité collective, le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. La politique
étrangère des États-Unis repose sur des valeurs universelles, la primauté du Droit, la Justice,
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Thème 3 : Puissances et tensions dans le monde de la fin de la première guerre mondiale
à nos jours
Chapitre 4 : Les chemins de la puissance
la Liberté. […]Roosevelt tire les leçons de l'échec de Wilson. Il ne parle plus guère de sécurité
collective. Il ira même jusqu'à dire que la SDN n'est pas faite pour les États-Unis. […]
Franklin Roosevelt accède à la présidence le 4 mars 1933. Le pays est plongé dans la
tourmente. […] C'est le temps du new deal. Plus encore qu'auparavant, les États-Unis se
replient sur eux-mêmes. […]
Source : A. Kaspi, Le monde selon Roosevelt, Les collections de l’histoire n° 56, p. 38-41
Document 2 : Une suspension progressive de l’isolationnisme
[…] Roosevelt n'ignore rien de ce qui se passe en Europe, qu'il s'agisse des succès du nazisme
et du fascisme ou des faiblesses des démocraties. Il n'est pas indifférent, non plus, aux
ambitions d'un Japon militariste qui désire dominer la Chine et, peut-être même, l'Asie
orientale. Il n'empêche que la reconstruction de l'économie américaine, la sauvegarde de la
démocratie aux États-Unis, les formes nouvelles de la solidarité sociale occupent son esprit.
Sous le poids des circonstances, Roosevelt oublie le reste du monde.
C'est aussi son intérêt politique. L'air du temps le pousse à devenir un isolationniste de raison.
Au Congrès comme dans l'opinion publique, l'intervention américaine dans la Grande Guerre
est maintenant condamnée. […] Les idéaux américains ne sont pas respectés. « Les associés »
d'hier n'expriment aucune reconnaissance. Ils ne remboursent pas les dettes qu'ils ont
contractées pour poursuivre le combat. Non, décidément, il ne faut pas que les États-Unis
tombent, une fois de plus, dans le piège. […]La guerre éclate en Europe. Surprise parmi les
plus endurcis des isolationnistes. Roosevelt, lui, s'y attendait et avait autorisé que Français et
Anglais passent des commandes d'armements. D'ailleurs, il encourage ses compatriotes à
rester neutres « en actes », pas « en pensées » comme l'avait dit Wilson en 1914. Roosevelt
soutient le camp des démocraties. Il sait que les États-Unis ne pourront pas pratiquer très
longtemps la politique de l'autruche. […] Après les élections, un pas de plus est franchi. Les
États-Unis offrent aux Britanniques le prêt-bail, des armes et des munitions qu'ils prêtent
jusqu'à la fin du conflit. Voila que les États-Unis deviennent en mars 1941 « le grand arsenal
de la démocratie ». […] Il rencontre Churchill au large de Terre-Neuve et les deux hommes
élaborent la charte de l'Atlantique du 9 au 12 août 1941. […]Lorsque l'Allemagne nazie
attaque l'Union soviétique 22 juin 1941, Roosevelt accorde aux Soviétiques le bénéfice du
prêt-bail. De plus en plus, il affiche ses positions : priorité à l'Europe, soutien à la
Grande-Bretagne.
Source : A. Kaspi, Le monde selon Roosevelt, Les collections de l’histoire n° 56, p. 38-41
Document 3 : La guerre et la paix selon Roosevelt
Le 7 décembre 1941, le raid japonais sur Pearl Harbor détruit la quasi-totalité de la flotte
américaine dans le Pacifique. […]Le spectateur engagé cède la place au belligérant.
L'Amérique jette toutes ses forces dans la bataille. La guerre est mondiale. […] Après des
années de frustrations, d'hésitations, de demi-mesures, Franklin Roosevelt devient un chef de
guerre. Libre à lui maintenant d'imaginer ce que sera le monde, une fois que les démocraties
et l'Union soviétique auront remporté la victoire. […]La priorité des priorités, l'objectif
primordial, c'est de gagner la guerre. Quand la paix sera rétablie, les Américains assumeront
leurs responsabilités, celles d'une superpuissance. La France, vaincue en 1940, ne retrouvera
pas son rang. Le Japon et l'Allemagne seront reconstruits « à l'américaine ». La Chine
occupera sans doute une place plus importante que celle qu'on lui attribue. Restent deux alliés
avec lesquels il faut compter. […] La Grande-Bretagne de Winston Churchill est l'alliée
privilégiée. Sans elle, pas d'après-guerre solide. L'Europe ne peut pas reprendre vie sans que
les Britanniques y tiennent la place principale. […]Et l'Union soviétique ? Roosevelt
n'éprouve aucune sympathie pour le régime stalinien - du moins jusqu'en 1942. Il constate,
toutefois, que l'Armée rouge est indispensable pour défaire les armées hitlériennes. Il croit
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Thème 3 : Puissances et tensions dans le monde de la fin de la première guerre mondiale
à nos jours
Chapitre 4 : Les chemins de la puissance
surtout que Staline évoluera. […]Les Russes ne domineront pas l'Europe. Il faut leur faire
confiance. D'ailleurs, les États-Unis n'ont pas le choix. Ils doivent s'entendre avec l'URSS
pour que l'après-guerre ne devienne pas une autre avant-guerre. L'opinion américaine est
encore plus optimiste. […] Cependant, à son retour aux États-Unis [après Yalta], Roosevelt a
bien compris que l'entente avec l'URSS est très fragile. Il nourrit peu d'illusions. Staline ne
cédera rien en Europe et tâchera d'établir un glacis stratégique aux dépens de la démocratie.
L'après-guerre n'instaurera pas la paix éternelle et universelle.
Source : A. Kaspi, Le monde selon Roosevelt, Les collections de l’histoire n° 56, p. 38-41
Questions :
1. Quelles les raisons qui poussent progressivement Roosevelt à abandonner l’isolationnisme
envers l’Europe ? Quelles sont les différentes étapes de cette rupture progressive ?
Deux raisons principales poussent Roosevelt à abandonner peu à peu l’isolationnisme. Le
premier élément est d’abord la rapide défaite de l’armée française qui laisse l’Angleterre seule
dans la lutte contre l’agresseur nazi. Puis, l’entrée en guerre de l’URSS permet de donner un
souffle supplémentaire à la lutte contre le nazisme et Roosevelt a bien compris l’importance
de l’armée Rouge dans la victoire contre le nazisme. Dans les deux cas, il commence par
permettre l’accès au prêt-bail – soit des armes et des munitions prêtées jusqu’à la fin du
conflit – ce qui fait des Etats-Unis en mars 1941 « le grand arsenal de la démocratie ». Un pas
de plus est franchi avec la signature de la Charte de l’Atlantique (9-12 août 1941) qui engage
les Etats-Unis dans une alliance avec la GB. Enfin, l’attaque japonaise de Pearl Harbor le 7
décembre 1941 enclenche la machine de guerre américaine.
2. Quel est l’événement déterminant qui fait rompre les Etats-Unis avec l’isolationnisme ?
L’événement déterminant est l’attaque japonaise de la base américaine de Pearl Harbor à
Honolulu qui détruit la quasi-totalité de la flotte du Pacifique.
3. Quelle est la vision du conflit et de la paix défendue par Roosevelt ? Est-il pour autant
certain d’y parvenir ?
Une fois les Etats-Unis entrés en guerre, l’ensemble du pays se transforme en machine de
guerre : l’industrie est mobilisée, de même que la population ainsi qu’une quinzaine de
millions d’hommes sur tous les fronts. La priorité pour les Américains, c’est de gagner la
guerre. Dans ce cadre, ils se dotent des moyens pour être une superpuissance qui doit perdurer
après guerre.
Roosevelt a une vision très précise du monde lorsque la paix sera revenue :
- Quand la paix sera rétablie, les Américains assumeront leurs responsabilités, celles d'une
superpuissance.
- La France, vaincue en 1940, ne retrouvera pas son rang.
- Le Japon et l'Allemagne seront reconstruits « à l'américaine ».
- La Chine occupera sans doute une place plus importante que celle qu'on lui attribue.
Restent deux alliés avec lesquels il faut compter :
- La Grande-Bretagne de Winston Churchill est l'alliée privilégiée. Sans elle, pas d'aprèsguerre solide. L'Europe ne peut pas reprendre vie sans que les Britanniques y tiennent la
place principale
- L’importance de l’URSS dans le jeu. Roosevelt, qui n’aime pas le Staline, pense que
Staline évoluera et qu’il ne cherchera pas à dominer l’Europe. Cependant, après Yalta (411 février 1945), Roosevelt prend conscience que la vision hégémonique de l’URSS est
bien là et qu’il est difficile d’imaginer un réel changement possible chez Staline.
4. Pourquoi peut-on dire que la période de Roosevelt, notamment les années de guerre, ouvre
ce que les historiens appellent la « présidence impériale » (terme désignant le fait que
l’ensemble des décisions, notamment pour les traités, sont de plus en plus prises par le
président que par le Congrès américain) ?
8
Thème 3 : Puissances et tensions dans le monde de la fin de la première guerre mondiale
à nos jours
Chapitre 4 : Les chemins de la puissance
Après l’attaque de Pearl Harbor en 1941 et l’obtention de l’entrée en guerre auprès du
Congrès, Roosevelt prend beaucoup de décisions seuls. Déjà, il avait signé la charte de
l’atlantique avec Churchill sans nécessité de ratification par le Congrès. Les accords de Yalta
et de Potsdam qui mettent en place les différents éléments et clauses des règlements de la
guerre avec les Alliés sont prises et signés par le président directement. Le Congrès est de
moins en moins sollicité et la présidence prend de plus en plus d’importance. Importance qui
s’accroit, au moment de la Guerre Froide, grâce à deux organes qui tiennent une place
prépondérante jusqu’à la guerre du Vietnam et le mandat de Nixon (1968-1974) : la CIA1 et le
NSC2 (National Security Council)
B. Les Etats-Unis, superpuissance responsable du déclenchement de la Guerre
Froide ?
Documents à utiliser : carte p. 228-229, document 3 p. 231, Le plan Marshall, sauver un
monde conforme aux intérêts des Etats-Unis (P. Melandri, le coup de génie du général
Marshall, Les collections de l’histoire n° 56, p. 42), Les Etats-Unis, une puissance
impérialiste après 1945 ? (P. Hassner, Un Empire pas comme les autres, Les collections de
l’histoire n° 56, p. 49 et suiv.), L’action des Etats-Unis dans le monde pendant la Guerre
Froide (P. Hassner, Un Empire pas comme les autres, Les collections de l’histoire n° 56, p. 49
et suiv.)
Document 1 : Le plan Marshall, sauver un monde conforme aux intérêts des Etats-Unis
A coups de milliards de dollars, le plan Marshall, l'acte « le plus désintéressé de l'histoire »
selon Churchill, a permis aux Américains de s'investir durablement dans les affaires du Vieux
Continent et a ramené la prospérité dans l'Europe de l'Ouest en ruines. De part et d'autre de
l'Atlantique, les réticences étaient pourtant grandes.
«La vérité, c'est que les besoins de l'Europe pour les trois ou quatre prochaines années en
nourriture ou autres produits essentiels en provenance de l'étranger - notamment des ÉtatsUnis - sont si supérieurs à sa capacité actuelle de financement qu'elle doit recevoir une
assistance supplémentaire substantielle ou faire face à une détérioration économique, sociale
et politique d'une extrême gravité. » Dans son célèbre discours du 5 juin 1947 à Harvard,
George C. Marshall, secrétaire d'État ministre des Affaires étrangères américain depuis le
mois de janvier, résume parfaitement le but du plan auquel son nom est demeuré attaché :
sauver un ordre international conforme aux intérêts des États-Unis. […]
Source : P. Melandri, le coup de génie du général Marshall, Les collections de l’histoire n° 56, p. 42
Document 2 : Les Etats-Unis, une puissance impérialiste après 1945 ?
Les Américains se voient en défenseurs du monde libre. Il y a là évidemment une part
d'hypocrisie. Car il existe bien des rapports de domination, de nature politique, militaire et
économique. Quand Truman déclare en mars 1947 que les États-Unis sont pour la première
fois en position d'établir la paix dans le monde, il parle de la liberté de pensée, de la liberté
politique mais aussi de la liberté du commerce : on retrouve là leur intérêt économique et l' «
open door policy » politique de la porte ouverte de la fin du XIXe siècle. […]Pour l'Europe,
1
Central Intelligence Agency, « Agence centrale de renseignement » Mise en place en 1947 au début de la
guerre froide, elle est chargée de recueillir des renseignements à l'extérieur du territoire des États-Unis. Placée
sous l'autorité du président, elle se consacre principalement, jusqu'à l'écroulement du bloc soviétique, à la lutte
contre le communisme. Mise en cause lors du Watergate, en 1973, elle a été dénoncée pour ses tentatives
d'assassinat de Castro ou encore pour son intervention au Chili où elle a soutenu à partir de 1963 les
conservateurs contre les socialistes.
2
Créé en 1947, le Conseil de sécurité nationale (National Security Council ou NSC) est une organisation
administrative dépendant directement du président des États-Unis. Il a un rôle de conseil, de coordination et
parfois d’impulsion sur les sujets de politique étrangère, de sécurité nationale, et plus généralement sur
l’ensemble des questions stratégiques.
9
Thème 3 : Puissances et tensions dans le monde de la fin de la première guerre mondiale
à nos jours
Chapitre 4 : Les chemins de la puissance
en tout cas, on ne peut pas parler d'un impérialisme « classique » : les États-Unis donnaient le
plan Marshall* à condition que les Européens coopèrent entre eux. […]Parlons d'un
impérialisme éclairé, d'inspiration libérale, dans la mesure où il servait à la fois les intérêts
américains et ceux des Européens, qui émergeaient des décombres de la guerre.
Source : P. Hassner, Un Empire pas comme les autres, Les collections de l’histoire n° 56, p. 49 et suiv.
Document 3 : L’action des Etats-Unis dans le monde pendant la Guerre Froide
Si impérialisme il y a [en Europe], il n'est pas de même nature, en tout cas, que celui que
Washington pratique à l'égard de l'Amérique latine. Là, on est dans une configuration d'un
classicisme impeccable. Au Guatemala ou à Saint-Domingue, les Américains, sous
Eisenhower comme sous Kennedy, n'hésitent pas à financer des coups d'État pour renverser
des gouvernements légitimes.
La même politique se poursuit au Chili en 1973, sous Nixon, lorsque les États-Unis favorisent
la prise de pouvoir par Pinochet. Les Américains se considèrent comme chez eux, dans leur
pré carré. La doctrine Monroe formulée au début du XIXe siècle reste de mise. […]En Asie,
c'était encore différent, les Américains ont établi des relations bilatérales multiples avec le
Japon, avec Taïwan quand la Chine est devenue communiste, avec le Pakistan - l'Inde étant
non-alignée. Les différents alliés des États-Unis restaient souvent en mauvais termes entre
eux. […]En revanche, les relations des États-Unis avec les divers pays occupation,
rééducation, alliance avec le Japon, protection pour la Corée du Sud ou Taïwan, renversement
encouragé ou organisé de Sukarno en Indonésie, aux Philippines lutte contre la guérilla
révolutionnaire, puis soutien à la démocratie lors du renversement du dictateur Marcos,
renversement de Mossadegh par la CIA* en Iran ont été permanentes, encore que variables.
[…]Roosevelt avait fait le pari de la bonne foi de Staline, « le plus grand pari de l'histoire »,
comme il l'avait confié à son fils. Mal lui en a pris. […]Si, des diplomates - Averell Harriman,
Georges Kennan - ont fait part de leurs inquiétudes. Mais jusqu'en 1946, l'attitude officielle à
Washington reste constante : nous sommes alliés, c'est à nous de nous entendre pour régler les
affaires du monde au lendemain de la guerre. […] [La doctrine du containment] s'élabore au
terme d'une réflexion qui fait le constat de la dégradation irréversible des relations entre
Occidentaux et Soviétiques. En février 1946, le diplomate américain George Kennan, en poste
à Moscou, adresse à Washington un long télégramme où il invente la doctrine de
l'endiguement, le containment. […]Le 12 mars 1947, Truman prononce au Congrès un
discours dans lequel il propose l'aide des États-Unis aux pays qui veulent défendre leur
liberté. Une date souvent considérée comme la date de naissance de la guerre froide.
Source : P. Hassner, Un Empire pas comme les autres, Les collections de l’histoire n° 56, p. 49 et suiv.
Questions :
1. Quelles sont les raisons qui expliquent que les Etats-Unis soient sortis de leur
isolationnisme après la Seconde Guerre Mondiale ?
Les Etats-Unis sont sortis de leur isolationnisme après la 2GM car ils sont d’abord l’une des
superpuissances restantes à la suite de la 2GM. Ils se positionnent aussi dans la droite ligne de
la politique wilsonienne de maintien d’une paix universelle et durable et de sécurité collective
qui passe par les mains des superpuissances.
Une deuxième raison explique cette sortie de l’isolationnisme : le refus de la propagation du
communisme partout en Europe.
2. Pourtant, en 1945, les Etats-Unis veulent-ils gérer les relations internationales comme
seule et unique superpuissance (utilisez vos connaissances de première) ?
En 1945, il n’est pas question pour les Etats-Unis de gérer le monde en tant que seule et
unique superpuissance. Dans la droite ligne du wilsonisme, ils proposent la création d’une
10
Thème 3 : Puissances et tensions dans le monde de la fin de la première guerre mondiale
à nos jours
Chapitre 4 : Les chemins de la puissance
organisation internationale chargée du maintien de la paix, l’ONU, guidée par les grandes
puissances victorieuses de la guerre.
3. Peut-on dire que les Etats-Unis sont à l’origine de la Guerre Froide ?
Deux visions opposées apparaissaient dans l’entourage de Roosevelt et de Truman (thèse de
l’historien américaine Yergin) :
- Un premier groupe qui, dans la droite ligne de l’opinion de Roosevelt avant Yalta, pense
que :
o la politique étrangère soviétique cherche d’abord l’intérêt national de l’URSS et non
la révolution idéologique.
o Tout en étant totalitaire à l’intérieur, le régime ne vise pas à une exportation du
modèle totalitaire.
o Les EU doivent entretenir chez les soviétiques des idées de sécurité et donc maintenir
un contact étroit avec les soviétiques pour les rassurer.
- Un autre groupe qui tourne autour d’anciens diplomates en poste en URSS avant l’entrée
en guerre des EU qui pense que :
o URSS révolutionnaire mue par l’idéologie et pas par l’intérêt national
o C’est un système totalitaire qui rêve d’exporter le totalitarisme
o Les EU doivent être prudents et doivent faire preuve d’un positionnement le plus
radical possible et d’un refus de la négociation
Les discours de Churchill à Fulton en 1946 et le télégramme de Kennan en 1946 donnent au
pouvoir américain des raisons de prendre conscience de l’expansion communiste en Europe et
de son influence grandissante dans les pays libérés du joug nazi. Face à ce que les EU
considèrent comme une menace, ils mettent en place un politique interventionniste : celle du
containment.
4. Quels sont les intérêts qui expliquent que les Etats-Unis ne soient pas favorables à ce que
l’Europe sombre dans la dépression économique, voire dans le communisme ?
Les Etats-Unis ont prêté beaucoup d’argent aux pays européens, notamment la GB, au cours
de la seconde guerre mondiale. L’entrée de l’Europe dans la dépression, voire le
communisme, leur ferait perdre les retours de capitaux. Pire encore, en 1944, à Bretton
Woods a été mis en place un système monétaire nouveau fondé sur la parité or du dollar. Une
entrée de l’Europe en récession pénaliserait l’économie américaine et le basculement dans le
communisme mettrait à mal l’idée de l’expansion du modèle libéral.
5. Dans quelles mesures peut-on dire qu’une fois la Guerre Froide débutée, les Etats-Unis
ont été interventionnistes, mais à des degrés différents selon les continents ?
Sur l’ensemble des continents, les Américains sont interventionnistes, voire impérialistes. En
Europe, l’impérialisme n’est pas classique. Cependant, les EU vont intervenir pour favoriser
la coopération européenne en étant favorable à la construction européenne et en mettant en
place l’OTAN. Sur d’autres continents, comme l’Amérique Latine, leur « chasse gardée », ils
ne vont pas hésiter, via à la CIA, à mettre en place des régimes qui leur sont favorables même
au prix de coup d’Etat : épisode raté de la baie des cochons à Cuba, coup d’Etat de Pinochet
contre le socialiste Allende au Chili.
En Asie, les théories du containement et du roll back ont amené les Etats-Unis à mettre en
place des opérations militaires d’envergure lors de la guerre de Corée et de la guerre du
Vietnam, qui se sont terminées par des échecs et par des violentes répercussions sur le
territoire américaine, notamment pour la guerre du Vietnam.
C. Les Etats-Unis jusqu’aux années 1960, entre domination économique et Soft
power
Documents à utiliser : Le plan Marshall, pourvoyeur d’un nouvel modèle d’économie libérale
pour le monde (P. Melandri, le coup de génie du général Marshall, Les collections de
11
Thème 3 : Puissances et tensions dans le monde de la fin de la première guerre mondiale
à nos jours
Chapitre 4 : Les chemins de la puissance
l’histoire n° 56, p. 42), document 1 p. 374, document 5 p. 375, document 5 p. 233, Le Soft
Power, une autre forme de la puissance américaine (J. M. Gaillard, Les Etats-Unis sont-ils
tous puissants, Les collections de l’Histoire n° 7, 2000)
Document 1 : Le plan Marshall, pourvoyeur d’un nouvel modèle d’économie libérale
pour le monde
Dans son célèbre discours du 5 juin 1947 à Harvard, George C. Marshall, secrétaire d'État
ministre des Affaires étrangères américain depuis le mois de janvier, résume parfaitement le
but du plan auquel son nom est demeuré attaché : sauver un ordre international conforme aux
intérêts des États-Unis.
Aussi les Américains cherchent à appliquer au monde les méthodes auxquelles ils attribuent
leur prospérité. Discernant dans un vaste marché national une des clés de leur succès, ils
comptent sur l'abolition des discriminations douanières pour réaliser à l'échelle de la planète
cette division optimale du travail qui accroît la productivité. Voyant dans l'initiative privée le
meilleur gage d'efficacité, ils sont décidés à la protéger des nationalisations. Mais comprenant
aussi, New Deal oblige, l'intérêt d'un interventionnisme tempéré, ils financent la création
d'organisations internationales afin d'atténuer les fluctuations économiques trop brutales.
Tandis qu'une Organisation des Nations unies ONU est mise en place pour gérer la paix, de
nouvelles institutions sont chargées d'assurer le rétablissement de la prospérité : la Banque
internationale pour la reconstruction et le développement BIRD, le Fonds monétaire
international FMI et une Organisation internationale du commerce qui ne verra pas le jour
mais aboutira en 1947 au General Agreement on Tariffs and Trade GATT, Accord général sur
les tarifs douaniers et le commerce.
Pour les États-Unis, ce système est le plus favorable qui se puisse imaginer. Il institutionnalise
leur leadership économique tandis que leur statut plus modeste de « primus inter pares » au
Conseil de sécurité des Nations unies limite le coût de leurs nouvelles responsabilités. Cette
illusion est de courte durée. […]
Le 3 avril 1948, le président Harry Truman signe enfin la loi qui lance le Plan de
reconstruction européenne European Recovery Program. Les pays assistés doivent signer une
convention collective qui institue l'Organisation européenne de coopération économique
OECE. Par ailleurs, chaque pays bénéficiaire doit conclure avec les États-Unis un accord
bilatéral par lequel il s'engage à utiliser au mieux les ressources à sa disposition, à stabiliser sa
monnaie, à coopérer avec les autres participants pour libérer les échanges commerciaux, à
ouvrir aux Américains l'accès à ses ressources naturelles, enfin à accueillir une mission de
l'Economic Cooperation Administration ECA, l'agence chargée de la gestion du plan.
Source : P. Melandri, le coup de génie du général Marshall, Les collections de l’histoire n° 56, p. 42
Document 2 : Le Soft Power, une autre forme de la puissance américaine
Considérant les biens culturels comme des produits comme les autres qui se vendent et
s'achètent, s'importent et s'exportent, les États-Unis s'efforcent d'obtenir la libéralisation
complète des échanges dans ce secteur [...].
Bien qu'ils se heurtent à la résistance des pays tiers, en particulier des Européens, et parmi eux
des Français [...], les États-Unis occupent déjà une position prééminente. Dans le domaine du
cinéma, les « blockbusters », succès mondiaux, sont, à quelques exceptions près, produits aux
États-Unis par les sept grands studios d'Hollywood. Peu nombreux encore dans les années
1960 James Bond ou 1980 Indiana Jones, ils sont maintenant monnaie courante, de Jurassic
Park à Titanic, de Matrix à La Menace fantôme. [...].
12
Thème 3 : Puissances et tensions dans le monde de la fin de la première guerre mondiale
à nos jours
Chapitre 4 : Les chemins de la puissance
Le symbole de cette industrie est peut-être, plus que les compagnies Viacom ou Time Warner,
Walt Disney qui s'est alliée en 1997 avec Coca-Cola et McDonald's dans un partenariat de dix
ans, chacune s'engageant à diffuser les produits des deux autres.
Et l'on peut en dire autant de la télévision : émissions pour enfants, sitcoms, feuilletons ont
envahi les écrans du monde entier. En Europe, il est des heures et des pays où les productions
américaines occupent 70 % du temps d'antenne hors émissions d'information et de variétés.
De Dallas, Dynasty, Starsky et Hutch, dans les années 1980, aux séries cultes des années 1990
et succès d'aujourd'hui tels New York Police Blues, Friends, X-Files ou Ally Mac Beal, [CSI,
Bones, Dr House, Desesperate Housewives], c'est bien l'Amérique qui donne le tempo.
Son industrie culturelle rapporte 18 milliards de dollars par an et représente le deuxième poste
à l'export. Elle recouvre aussi bien les matériels que les programmes, au cinéma, à la
télévision, y compris dans le domaine particulier de l'information : les États-Unis possèdent
deux réseaux à couverture mondiale par satellite, Worldnet public et CNN privé dont on a
souligné le rôle lors de la guerre du Golfe.
[...] C'est donc la « culture américaine » au sens large — en y incluant musique, vêtement,
façon de se nourrir — qui semble s'imposer. [...].
Source : J. M. Gaillard, Les Etats-Unis sont-ils tous puissants, Les collections de l’Histoire n° 7, 2000
Questions :
1. En dehors de l’influence politique et diplomatique, comment s’exerce la puissance
américaine à partir de la fin de la Seconde Guerre Mondiale ?
La puissance américaine à partir de la fin de la 2GM s’exerce aussi grâce à la puissance
économique et financière. En effet, les accords de Bretton Woods passé en 1944 accordent
une suprématie au dollar sur les autres monnaies du monde. La puissance économique déjà
détenue avant guerre, renforcée pendant la guerre et augmentée après la 2GM permet aussi
aux EU d’assurer une suprématie sans précédent sur le monde occidental.
2. Comment la domination économique a-t-elle été mise en place ?
Deux projets sont concurrents aux accords de Bretton Woods :
- D’un côté le projet britannique porté par Keynes avec un système fondé sur une nouvelle
monnaie le Bancor avec une banque internationale à l’échelle mondiale qui dépendrait
d’une organisation internationale.
- De l’autre le projet américain de White qui veut que coute que coute la parité avec l’or soit
maintenue car les EU ont à l’époque les 2/3 des réserves d’or mondial et qu’il n’y ait pas
une banque mondiale gérée internationalement.
C’est à Bretton Woods qu’on décide de créer une organisation de commerce international OIC
qui n’est pas ratifiée lors de la conférence de la Havane (Fin 1947 ou début 1948 avec un
refus de ratification du congrès américain en 1948)=> création du GATT. Est créé le FMI où
la quote part est liée au PIB du pays donc domination des Etats-Unis. L’intérêt de Bretton
Woods était de permettre la circulation des liquidités.
Cependant, il fallait pour que cela marche que les pays européens aient des liquidités. Mais,
dans des pays exsangues à la suite de la guerre, il fallait développer un plan d’aide
économique : cas du plan Marshall.
La puissance des compagnies américaines expliquent aussi la supériorité économique des EU.
C’est le cas des grandes compagnies comme Coca-Cola mais aussi le cas des accords BlumByrnes en 1946 qui permettent l’ouverture du marché français aux films américains.
3. En dehors de l’économie, quel autre moyen a été utilisé par les Etats-Unis pour
développer son influence dans le monde et ce, dès la Guerre Froide ?
Les Etats-Unis utilisent la culture au sens large du terme pour diffuser leur modèle et leurs
valeurs, notamment les valeurs de tolérance, de justice. Par la diffusion des marques (CocaCola, MacDonald’s) mais aussi par l’intermédiaire du cinéma et de la télévision, ils ont
diffusé une grande partie de leur mode de pensée et de fonctionnement à l’ensemble du
13
Thème 3 : Puissances et tensions dans le monde de la fin de la première guerre mondiale
à nos jours
Chapitre 4 : Les chemins de la puissance
monde. La société de conso se constitue et devient un argument dans la lutte contre le camp
ennemi. Dans les années 1950-1960, derrière les décideurs, il y a l’idée de la mise en avant du
confort qui doit se diffuser dans l’ensemble du monde.
III. De « l’hyperpuissance » des années 1990 à la contestation de la puissance américaine
dans les années 2000
A. Le Nouvel Ordre Mondial dans les années 1990, un réel multilatéralisme ?
Documents à utiliser : carte 2 p. 235, Le Nouvel Ordre mondial selon G. Bush (Site de la
Maison Blanche), Les Etats-Unis, une « hyperpuissance » dans les années 1990 ? (Ph. Golub,
Le spectre de la décadence, Les collections de l’histoire n° 56, p. 69-70).
Document 1 : Le Nouvel Ordre Mondial selon Georges Bush
[…] Ce soir, je veux vous parler de ce qui est en jeu, de ce que nous devons faire ensemble
pour défendre partout les valeurs du monde civilisé et pour maintenir la force économique de
notre pays.
Nos objectifs dans le golfe Persique sont clairs, précis et bien connus :
- L’Irak doit se retirer du Koweït complètement, immédiatement et sans condition ;
- le gouvernement légitime du Koweït doit être rétabli ;
- la sécurité et la stabilité dans le golfe Persique doivent être garanties ;
- les ressortissants américains à l’étranger doivent être protégés.
Ces objectifs ne sont pas seulement les nôtres. Ils ont été approuvés par le Conseil de sécurité
de l’Organisation des Nations Unies […]. La plupart des pays partagent notre volonté de faire
respecter les principes. […] Il est clair qu’aucun dictateur ne peut plus compter sur
l’affrontement Est-Ouest pour bloquer l’action de l’ONU contre toute agression.
Un nouveau partenariat des nations a vu le jour.
[…] De cette période difficile, notre cinquième objectif, un nouvel ordre mondial, peut voir
le jour : une nouvelle ère, moins menacée par la terreur, plus forte dans la recherche de la
justice et plus sûre dans la quête de la paix. Une ère où tous les pays du monde, qu’ils soient à
l’Est ou à l’Ouest, au Nord ou au Sud, peuvent prospérer et vivre en harmonie. […]
Aujourd’hui, ce nouveau monde cherche à naître. Un monde tout à fait différent de celui que
nous avons connu. Un monde où la primauté du droit remplace la loi de la jungle. Un monde
où les états reconnaissent la responsabilité commune de garantir la liberté et la justice. Un
monde où les forts respectent les droits des plus faibles.
[…] Les Etats-Unis et le monde doivent défendre leurs intérêts communs vitaux. Et ils le
feront.
Les Etats-Unis et le monde doivent soutenir la primauté du droit. Et ils le feront.
Les Etats-Unis et le monde doivent se dresser contre l’agression. Et ils le feront.
Et une dernière chose : dans la poursuite de ces objectifs, les Etats-Unis ne se laisseront pas
intimider.
[…] Les récents évènements ont certainement montré qu’il n’existe pas de substitut au
leadership américain. Face à la tyrannie, que personne ne doute de la crédibilité et du sérieux
des Etats-Unis. Que personne ne doute de notre détermination. Nous défendrons nos amis.
[…]
Source : Discours du président G. Bush devant le Congrès, 11 septembre 1990
Document 2 : Les Etats-Unis, une « hyperpuissance » dans les années 1990 ?
La dissolution de l'URSS en 1991 a entraîné une disparité stratégique extraordinaire. Les
États-Unis se sont retrouvés dans une configuration inédite « d'unipolarité », c'est-à-dire de
suprématie militaire mondiale incontestée. […] L'avantage économique américain était
beaucoup moins marqué, mais les États-Unis étaient redynamisés par leur avance dans la
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Thème 3 : Puissances et tensions dans le monde de la fin de la première guerre mondiale
à nos jours
Chapitre 4 : Les chemins de la puissance
révolution, encouragée par l'État, des technologies de l'information. Du fait de l'afflux de
capitaux venant s'investir aux États-Unis, ces derniers ont pu financer leur expansion
économique à faible coût.
Leurs principaux concurrents s'étaient simultanément affaiblis. Du fait des coûts de la
réunification allemande, l'Europe devait connaître une décennie de croissance molle. Le
Japon, qui paraissait économiquement triomphant dans les années 1980, était tombé dans une
longue période de stagnation dont l'archipel n'est pas encore vraiment sorti. Au plan des
représentations, le modèle américain semblait triompher, tant dans les modes de
consommation qu'au niveau politique avec la vague de démocratisation en Amérique latine et
en Asie orientale. En somme, à l'abord de l'an 2000, les États-Unis paraissaient dans le
meilleur des mondes possibles.
Le résultat fut un accès de triomphalisme. […] Voix parmi tant d'autres, début 2001, Henry
Kissinger écrivait : « A l'aube du nouveau millénaire, les États-Unis jouissent d'une
prééminence qui n'a jamais été égalée, même par les plus grands empires du passé. De
l'armement à l'esprit d'entreprise, de la science à la technologie, de l'éducation supérieure à
la culture populaire, l'Amérique exerce un ascendant sans parallèle sur la planète. » Pour
leur part, les néoconservateurs se mirent à rêver d'un « nouveau Siècle américain » et à
bricoler une stratégie pour pérenniser la « nouvelle ère d'unipolarité ».
Source : Ph. Golub, Le spectre de la décadence, Les collections de l’histoire n° 56, p. 69-70
Questions :
1. Après avoir replacé le document 1 dans son contexte, vous en présenterez l’auteur.
Le discours prononcé par Georges Bush Senior a été diffusé quelques jours après l’invasion
du Koweït par l’Irak de Saddam Hussein, au moment où les troupes de la coalition
internationale se réunissent et tentent un dernier ultimatum avant l’engagement militaire qui a
lieu quelques semaines plus tard. L’auteur est le président des Etats-Unis, le Républicain G.
Bush Senior, depuis 2 ans à la Maison Blanche. Il a été vice-président de Ronald Reagan. Il
fait partie de ceux qui mettent sur pied et demande l’intervention internationale en Irak.
2. En quoi ce texte montre-t-il que les Etats-Unis sont une « hyperpuissance » ?
Les EU paraissent dans le texte être une « hyperpuissance » car ils se présentent comme la
seule puissance capable, militaire et diplomatiquement, d’assurer le leadership mondial dans
le cadre des institutions internationales. Ils se présentent comme étant les seuls capables
d’assurer le rôle de « gendarmes du monde » et de veiller au maintien de la paix et au respect
des frontières. Cette qualité « d’hyperpuissance » est avant tout militaire avant d’être
diplomatique et économique car les EU possèdent le plus grand arsenal militaire de tous les
temps. De plus, les États-Unis remplissent les quatre critères qui fondent l'hyperpuissance :
- la supériorité militaire
- la réussite économique
- la domination technologique
- l'influence culturelle.
3. Montrez que la position des Etats-Unis dans le monde repose sur une vision
multilatérale ?
La position des EU dans le monde repose sur une vision multilatérale, car, même s’ils se
présentent comme les garants de la paix dans le monde, ils précisent qu’ils doivent le faire
dans le cadre d’une association des autres Etats aux forces de défense de la paix. G. Bush
précise que les Nations Unies doivent être le cadre de la gestion de la paix à l’échelle
mondiale comme il le dit dans son discours : « Ces objectifs ne sont pas seulement les nôtres.
Ils ont été approuvés par le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies ». Cette
vision montre que les EU entendent se placer dans le cadre des institutions internationales,
respecter leur fonctionnement tout en y exerçant un leadership important.
15
Thème 3 : Puissances et tensions dans le monde de la fin de la première guerre mondiale
à nos jours
Chapitre 4 : Les chemins de la puissance
4. Pour autant, cette vision multilatérale n’est-elle pas marquée par une volonté de
supériorité des Etats-Unis et un rôle de leadership dans le monde ?
Les EU présentent une volonté d’intervention multilatérale. Cependant, ils entendent garder le
leadership sur les relations internationales. Ce sont les seuls à pouvoir intervenir rapidement
sur tous les théâtres d’opération extérieure, sous couvert de l’ONU ou de l’OTAN. Ils ont la
plus grande puissance militaire, économique et culturelle et peuvent donc se permettre
d’influence les décisions mondiales.
5. Selon le terme d’Hubert Védrine, les Etats-Unis étaient-ils une « hyperpuissance » dans
tous les domaines ?
Les caractéristiques de « l’hyperpuissance » sont réunies, à part peut-être l’hyperpuissance
économique car, dès les années 1990, l’économie américaine est marquée par des fragilités.
La supériorité économique des EU ne vient de sa supériorité mais des difficultés de ces
principaux concurrents et de sa supériorité dans le domaine des TIC.
B. Le retour à l’unilatéralisme après 2001
Documents à utiliser : Le choix de l’unilatéralisme (Ph. Golub, Le spectre de la décadence,
Les collections de l’histoire n° 56, p. 70), document 4 p. 235, les Etats-Unis et le monde au
lendemain du 11 septembre 2001 (cartothèque science-po).
Document 1 : Le choix de l’unilatéralisme
Les attentats ont révélé une vulnérabilité à un défi de type nouveau - le terrorisme
transnational non étatique - et profondément atteint le moral des Américains. Mais ils n'ont
pas modifié la nouvelle donne des relations internationales. Les grands équilibres n'ont pas été
rompus.
Ce qui a modifié la donne, du moins en partie, est la réponse de l'administration Bush aux
attentats du 11-Septembre. Cette dernière a choisi une stratégie de rupture en officialisant une
doctrine de guerre préventive, en abandonnant les institutions multilatérales et le droit
humanitaire international, et en engageant une mobilisation militaire de grande ampleur dont
la finalité n'était pas logiquement liée au terrorisme transnational. L'objectif sous-jacent était
de remodeler les relations internationales. Le 12 octobre 2001, le secrétaire à la Défense
Donald Rumsfeld déclarait dans une interview accordée au New York Times, que les
événements du 11-Septembre représentent « le genre d'opportunités que la Seconde Guerre
mondiale avait offertes de refaçonner une grande partie du monde ».
Source : Ph. Golub, Le spectre de la décadence, Les collections de l’histoire n° 56, p. 69-70
Document 3 :
16
Thème 3 : Puissances et tensions dans le monde de la fin de la première guerre mondiale
à nos jours
Chapitre 4 : Les chemins de la puissance
Questions :
1. Montrez que les Etats-Unis adoptent une position unilatérale après les attentats du 11
septembre 2001 et que l’on revient dans un système de « présidence impériale » qui avait
disparu depuis 1974 et la fin de la Guerre du Vietnam.
L'administration Bush avait clairement formulé une doctrine. La vision de Bush, influencée
par le néoconservatisme, était que les États-Unis devaient combattre une menace mondiale
terrorisme et dictatures hostiles nécessitant l'unilatéralisme marqué par le refus de signer le
protocole de Kyoto ou le dédain affiché à l'égard des institutions internationales, le droit de se
défendre, y compris préventivement, contre une menace terroriste, et une politique active de «
démocratisation » du Moyen-Orient perçu comme le principal foyer de menace pour la
sécurité des États-Unis. Cette approche, idéologiquement structurée, avait incontestablement
des traits impériaux : l'interventionnisme en Asie centrale, la guerre globale contre le
terrorisme sans limite dans le temps ou l'espace, l'ambition de reconstruire politiquement le
Moyen-Orient, rappelaient les grandes heures de la guerre froide. G. W. Bush va endosser
l'optiondes « néoconservateurs », ces théoriciens d'une politique interventionniste musclée. Il
déclare la guerre au terrorisme, et se découvre une nouvelle mission : apporter la démocratie
au monde et « remodeler » le Proche-Orient, berceau de l'islamisme.
Dans l'esprit de cet unilatéralisme américain, l'ONU est d'abord un obstacle : par l'importance
« excessive » qu'elle donne au droit et aux procédures, par la lourdeur et l'inefficacité de la
bureaucratie et par ses prétentions moralisatrices. Or les États-Unis se considèrent engagés
dans une lutte à mort où l'efficacité doit primer.
Pourtant l'ONU, ou plus précisément le Conseil de sécurité, a montré sa compréhension de
l'anxiété américaine : dès le 12 septembre 2001, le Conseil vote, à l'unanimité, la résolution
1368, reconnaissant que l'agression du World Trade Center place les États-Unis en position de
légitime défense et les autorisant à détruire le régime des talibans, qui abrite, en Afghanistan,
Al-Qaida.
De même, les décisions se prennent à l’échelle présidentielle, avec les conseillers proches, le
NSC, la CIA, la NSA, la sécurité intérieure et l’ensemble des agences de renseignement. Le
Congrès est à nouveau peu impliqué dans un certain nombre de décisions.
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Thème 3 : Puissances et tensions dans le monde de la fin de la première guerre mondiale
à nos jours
Chapitre 4 : Les chemins de la puissance
2. Montrez que depuis 2008 et l’arrivée de Barack Obama, les idées issues du wilsonisme
sont de nouveau à l’ordre du jour, de même que le multilatéralisme.
On ne pouvait parler alors, et on ne peut toujours pas, parler de « doctrine Obama » à propos
de la politique étrangère actuelle des États-Unis. Or on ne trouve pas, depuis 2008, un
ensemble idéologique aussi cohérent que celui de la période G. W. Bush. Il convient plutôt de
parler, dans le cas d'Obama, d'orientations générales qui constituent plus une méthode qu'un
corps idéologique bien repérable : Obama a, dans l'ensemble, apaisé les relations tendues des
États-Unis avec une partie importante du monde, particulièrement le monde musulman, mais
aussi la Russie et la Chine ; et il a remis à l'ordre du jour le multilatéralisme et la coopération
internationale.
Obama a en partage avec Bush une vision morale de la « responsabilité » des États-Unis dans
le monde, héritière de l'idéalisme wilsonien, qu'il a affirmée à plusieurs reprises comme lors
de l'intervention en Libye : « Mettre de côté la responsabilité de leader des États-Unis et plus
profondément notre responsabilité vis-à-vis d'autres êtres humains serait une trahison de ce
que nous sommes.»
C. Une « hyperpuissance » économique depuis les années 1990 ? (CM)
L'avantage économique américain était beaucoup moins marqué, mais les États-Unis étaient
redynamisés par leur avance dans la révolution, encouragée par l'État, des technologies de
l'information. Du fait de l'afflux de capitaux venant s'investir aux États-Unis, ces derniers ont
pu financer leur expansion économique à faible coût.
Leurs principaux concurrents s'étaient simultanément affaiblis. Du fait des coûts de la
réunification allemande, l'Europe devait connaître une décennie de croissance molle. Le
Japon, qui paraissait économiquement triomphant dans les années 1980, était tombé dans une
longue période de stagnation dont l'archipel n'est pas encore vraiment sorti. Au plan des
représentations, le modèle américain semblait triompher, tant dans les modes de
consommation qu'au niveau politique avec la vague de démocratisation en Amérique latine et
en Asie orientale. En somme, à l'abord de l'an 2000, les États-Unis paraissaient dans le
meilleur des mondes possibles.
La guerre en Irak, et la politique de guerre préventive en général, a eu des coûts exorbitants de
la guerre pour le Trésor américain. Le prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz a avancé le
chiffre de 3 000 milliards de dollars si l'on ajoute aux coûts directs de près de 1 000 milliards
les coûts indirects que constituent les intérêts sur la dette, car la guerre a été financée par
l'endettement externe, et les coûts différés de 1 000 milliards pour les soins et les pensions
invalidité des vétérans. A tout cela s'ajoute le coût plus large difficilement chiffrable pour la
société du fait du détournement de ressources qui auraient pu être consacrées à des besoins
internes : éducation, infrastructures, santé, etc. Le prix des aventures impériales est donc très
élevé.
Aujourd'hui, la puissance économique et culturelle américaine diminue. Du point de vue de
l’économie, plutôt que de déclin américain, il est plus pertinent aujourd'hui de parler de
rééquilibrage graduel des relations internationales. Si les États-Unis restent la première
puissance militaire et la première source d'innovation technologique, leur position relative
dans l'économie mondiale décroîtra dans les années à venir.
Au cours des dernières décennies nous avons assisté à l'émergence ou la réémergence, selon
les cas, de régions postcoloniales telles que la Chine, l'Inde, l'Amérique latine, qui désormais
représentent des composantes dynamiques de l'économie mondiale capitaliste.
Structurellement parlant, il s'agit du changement le plus significatif de l'histoire internationale
depuis la révolution industrielle européenne. La mondialisation de la fin du XXe siècle,
impulsée par les États-Unis, a certes intégré la planète, mais elle a aussi conduit à des
nouvelles concentrations de richesse, et donc à terme de puissance, dans des États qui, comme
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Thème 3 : Puissances et tensions dans le monde de la fin de la première guerre mondiale
à nos jours
Chapitre 4 : Les chemins de la puissance
la Chine, ont su canaliser les flux financiers et commerciaux à des fins de développement
endogènes.
Cette transformation met un terme au cycle pluricentenaire de primauté occidentale. Il y aura
inévitablement redistribution de la puissance et les États-Unis, comme l'Europe, devront s'y
adapter. La Chine devient un « coeur » parmi d'autres, pour reprendre l'expression de Braudel,
dans un monde polycentrique et pluriel. Elle ne deviendra pas le coeur du monde. Il faudra
donc partager le pouvoir. Cela ne sera sans doute pas aisé puisque, comme le disent si bien les
historiens Peter Cain et Anthony Hopkins, « les porte-parole des puissances dirigeantes
n'admettent pas facilement l'idée que la fin de leur période de domination ne soit pas
nécessairement la fin du monde ».
Mais le partage équivaut-il au « déclin » ? Les discours déclinistes masquent les enjeux
globaux contemporains cruciaux que sont l'interdépendance et la coopération ; ils dissimulent
les défis internes tout aussi urgents auxquels fait face la société américaine : les inégalités,
l'éducation, la santé... Ce sont les réponses données à ces problèmes qui détermineront
l'avenir. Le raisonnement vaut tout autant pour la Chine qui connaît des turbulences sociales
et politiques importantes, sans parler de l'Europe qui erre et se déchire.
Conclusion : organigramme p. 243
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Thème 3 : Puissances et tensions dans le monde de la fin de la première guerre mondiale
à nos jours
Chapitre 4 : Les chemins de la puissance
Partie II : La Chine et le monde depuis le « mouvement du 4 mai 1919 »
Exercice amorce : Comparez la situation décrite par l’affiche p. 274 et celle montrée par la
photo 2 p. 251. Que pouvez-vous en déduire de l’évolution de la situation de la Chine depuis
le début du XXème siècle ?
Affiche réalisée par le parti communiste chinois en 1952 au moment de la parution des
Œuvres Complètes de Mao Zedong. La phrase écrite en chinois signifie : « Etudions avec
ardeur le marxisme-léninisme pensée de Mao Zedong, et construisons une nouvelle Chine
prospère, riche et puissante ».
La première affiche montre un jeune chinois qui tient dans les mains les Œuvres Complètes de
Mao Zedong, le leader de la nouvelle République Populaire de Chine créée en 1949 à la suite
de la prise de pouvoir par les armées communistes sur les armées du Guomindang. Cette
affiche met en évidence l’importance du lien avec l’idéologie soviétique le
marxisme-léninisme aussi bien dans la phrase de légende que par les personnages représentés
sur le drapeau rouge Lénine et Staline, eux-mêmes liés aux pères de la doctrine communiste
que sont Marx et Engels. Le jeune intellectuel communiste montre les succès du régime
communiste :
- l’agriculture qui se mécanise et amène progressivement à l’abondance – les machines sont
de conception soviétique mais de construction chinoise ce qui montre l’importance du lien
entre les deux géants du communisme.
- A l’arrière plan, l’industrie, puissante et prospère, synonyme de progrès se matérialise par
les cheminées fumantes des usines.
Cette affiche montre comment le communisme chinois en s’appuyant sur le modèle soviétique
doit amener à la construction d’une nouvelle Chine prospère, tournée vers le progrès et vers
l’avenir. Cette affiche a pour but de montrer comment la Révolution chinoise va conduire les
Chinois, sous l’égide de Mao, à devenir une des puissances majeures du monde dans la
deuxième moitié du XXème siècle.
La photo des Jeux Olympiques de 2008 fait référence à une Nation capable d’accueillir le
monde sur son territoire, de faire apparaître ses capacités, sa richesse et sa puissance et la
performance de ces athlètes aux yeux du monde entier, dans un spectacle grandiose.
La différence entre les deux documents montre que la Chine est passée du statut de puissance
dominée à celui de puissance avec laquelle il faut compter aussi bien sur le plan diplomatique,
culturel, qu’économique.
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Thème 3 : Puissances et tensions dans le monde de la fin de la première guerre mondiale
à nos jours
Chapitre 4 : Les chemins de la puissance
Problématique : Comment la Chine est-elle devenue une puissance communiste tout en étant
aujourd’hui parmi les plus grands leaders du monde ?
I.
La République populaire de Chine sous l’influence maoïste (1949-1978)
A. Le parti communiste chinois, résistance à l’Occident et restauration de la
puissance chinoise
Documents à utiliser : documents 3 et 5 p. 257, document 4 p. 259, le parti communiste, un
parti nationaliste et révolutionnaire (A. Roux, le retour du Guomindang, L’histoire n° 365, p.
24), la victoire communiste née de la seconde guerre mondiale (A. Roux, le retour du
Guomindang, L’histoire n° 365, p. 24-25)
Document 1 : Le parti communiste, un parti nationaliste et révolutionnaire :
[…]Rappelons d'abord que les communistes n'étaient pas moins nationalistes que les autres
[…]Persuadé que Lénine était en train de moderniser une Russie arriérée, maint intellectuel
nationaliste était impatient de transposer en Chine une méthode qui avait pu faire ses preuves.
Le politologue Chalmers Johnson a même identifié les communistes chinois à des
nationalistes qui auraient gagné le soutien des masses paysannes en animant la résistance à
l'envahisseur nippon1. Bien que cette thèse soit excessive et unilatérale, c'est
incontestablement l'invasion japonaise qui a permis aux communistes de l'emporter : la
révolution chinoise fille de la Seconde Guerre mondiale, comme la révolution russe de la
Première. […] Si les révolutionnaires voulaient tous édifier une Chine forte et prospère, les
communistes prétendaient aussi défendre les déshérités contre leurs exploiteurs. Dans un pays
agricole où le prolétariat industriel représentait en 1949 moins de 2 % de la population, les
pauvres dont il importait de promouvoir la condition, c'était avant tout les paysans. […] C'est
la principale raison du choix de Mao Zedong, qui transfère, à partir de 1927, le combat
révolutionnaire des villes aux campagnes.
Source : A. Roux, le retour du Guomindang, L’histoire n° 365, p. 24
Document 2 : La victoire communiste née de la seconde guerre mondiale
De 1927 à 1934, Mao tente de mobiliser les paysans pauvres du Jiangxi en leur distribuant la
terre des riches. Non pas dans tout le Jiangxi, mais dans ses régions les plus sousdéveloppées, et ce pour des raisons stratégiques et non sociales : il est plus facile de se terrer
et de maintenir une armée dans les collines et montagnes mal administrées que le long des
voies de communication. Mao y fonde en 1931 une « République soviétique chinoise ». […]
Lorsque la « république soviétique du Jiangxi » s'effondre, […] les communistes entament
leur Longue Marche. […] Épopée et plus encore mythe, la Longue Marche est d'abord une
retraite, une fuite éperdue pour préserver l'instrument de la conquête du pouvoir : l'armée et
ses chefs politiques et militaires. […] Les « masses paysannes » chères à l'historiographie
maoïste ont-elles aidé cette expansion ? Pas au début, pas spontanément ensuite. Dès les
premiers mois de son épopée du Jiangxi, en 1928, Mao a jugé les masses « froides et
réservées ». Dix ans plus tard, lorsque l'invasion japonaise leur donne de nouveaux atouts, les
communistes font certes de nombreuses recrues, mais à peu près exclusivement parmi les
jeunes intellectuels patriotes, accessoirement parmi les fils de propriétaires fonciers ; les
paysans ont, eux, d'autres chats à fouetter. […]
Baptisée « libération » jiefang en Chine populaire, la révolution communiste est d'abord le
remplacement d'une domination par une autre, plus rigoureuse mais plus efficace. Efficace
pour rétablir la loi et l'ordre qui a tellement fait défaut. Moins efficace toutefois pour
promouvoir l'indispensable modernisation qu'a, à l'origine, incarnée le projet révolutionnaire.
Source : A. Roux, le retour du Guomindang, L’histoire n° 365, p. 24-25
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Thème 3 : Puissances et tensions dans le monde de la fin de la première guerre mondiale
à nos jours
Chapitre 4 : Les chemins de la puissance
Questions :
1. Quel est le fondement de l’idéologie communiste chinoise ?
L’idéologie communiste chinoise se réclame du léninisme puisque, à l’origine, les
communistes chinois pensent que le léninisme est en train de transformer durablement
l’URSS en un pays fort et puissant.
2. Le parti communiste est-il un parti nationaliste ?
D’après l’historien A. Roux, le parti communiste (créé en juillet 1921) est d’abord un parti
nationaliste qui veut restaurer la grandeur de la Chine, se débarrasser de la présence
occidentale sur le territoire car il estime qu’elle est à l’origine de la spoliation des biens
chinois, notamment, ceux des masses paysannes ce qui empêche le pays de se développer
dans de bonnes conditions.
3. Quelles sont les actions menées par le parti communiste afin d’arriver au pouvoir ?
Le PCC s’est d’abord assuré le soutien des masses paysannes, souvent sans réel enthousiasme
pour la cause communiste comme le montre l’historiographie récente, contrairement aux
mythes communistes réalisés du temps de Mao. Il a aussi mis en place de 1931 à 1934, la
« république soviétique du Jiangxi » fondée sur l’idéologie marxiste léniniste en provenance
d’URSS.
Le PCC s’est ensuite lancée dans la conquête du pays mais s’est trouvé face à la lutte
acharnée menée par le Guomindang dans le but d’éliminer la menace communiste.
Cependant, l’invasion japonaise et le refus de Chiang Kai-Shek de prendre part à la
collaboration avec les Japonais, à amener une alliance pendant la guerre.
Enfin, le PCC qui estime être le seul capable de restaurer la puissance chinoise, entreprend
entre 1945 et 1946, de reprendre le pouvoir au Guomindang, ce qu’il parvient à faire en 1949.
4. Quel est l’objectif principal du PCC une fois le pouvoir entre ses mains ?
L’objectif principal est de restaurer la puissance chinoise disparue en se débarrassant de la
présence occidentale considérée comme spoliatrice et en développant le pays pour en faire
une nation puissante et moderne.
B. Construire un Etat fort
Documents à utiliser : la constitution de la République populaire de Chine du 20 septembre
1954 (Ministère chinois des affaires étrangères)
Document 1 : La constitution de la République populaire de Chine du 20 septembre
1954
[…] En l’an 1949, après plus d’un siècle de lutte héroïque, le peuple chinois, guidé par le parti
communiste chinois, a finalement remporté la grande victoire dans la révolution populaire
contre l’impérialisme, le féodalisme, et le capitalisme bureaucratique […] et a fondé la
République Populaire de Chine – une dictature populaire démocratique. Le système de la
démocratie populaire – le système d’une nouvelle démocratie – de la République populaire de
Chine garantit que notre pays peut, de manière pacifique, éliminer l’exploitation et la pauvreté
et construire une société socialiste heureuse et prospère.
[…] Les tâches générales de l’Etat durant la période de transition consistent, pas à pas, à
provoquer l’industrialisation socialiste du pays et, pas à pas, d’accomplir la transformation
socialiste de l’agriculture, de l’industrie artisanale et capitaliste et du commerce. […]
Au cours des dernières années, notre peuple a mis en place avec succès la réforme du système
agraire, la résistance contre l’agression des Etats-Unis et l’aide à la Corée, l’élimination des
contre-révolutionnaires, la réhabilitation de notre économie nationale et d’autres luttes à
grande échelle, préparant ainsi les conditions nécessaires pour la construction d’une économie
planifiée et la transition graduelle vers une société socialiste.
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Thème 3 : Puissances et tensions dans le monde de la fin de la première guerre mondiale
à nos jours
Chapitre 4 : Les chemins de la puissance
[…] L’unité des nationalités de notre pays continuera à gagner en force sur la base du futur
développement de ponts fraternels et d’aide mutuelle, et sur la base de l’opposition à
l’impérialisme, l’opposition aux ennemis publics dans nos rangs, et l’opposition à la fois au
chauvinisme des grandes nations et du nationalisme local. Sur le chemin de la construction
économique et du développement culturel, l’Etat sera concerné par les besoins des différentes
nationalités, et, dans le but de la transformation socialiste, fera pleinement cas des
caractéristiques spéciales dans le développement des nationalités.
[…] Article 2. Tous les pouvoirs de la République populaire de Chine appartiennent au
peuple. Les organes à travers lesquels le peuple exerce le pouvoir sont le Congrès populaire
national et les congrès populaires locaux à différents niveaux. […] Le Congrès populaire
national, les congrès populaires locaux et les autres organes de l’Etat pratique le centralisme
démocratique.
Source : Ministère chinois des affaires étrangères
Questions :
1. Après avoir replacé le document dans son contexte, vous en présenterez rapidement le ou
les auteurs.
La constitution chinoise a été réalisée en 1954, un an après la guerre de Corée qui a créé une
très forte tension sino-américaine et quelques mois après la fin de la guerre d’Indochine,
guerre dans laquelle la Chine a joué un rôle actif aussi bien sur le plan militaire (envoi de
matériel, soutien d’Hô Chi Minh) que sur le plan diplomatique (Zhou Enlai a en effet pesé sur
les négociations de Genève). Les auteurs de la Constitution s’appuient sur le programme du
Conseil politique consultatif populaire de la Chine de 1949 et donc sur les directives
proposées par ses membres en 1949. Ce conseil est composé des hommes qui ont conquis le
pouvoir notamment Mao Zedong et Lin Bao, donc des hommes qui sont d’inspiration
marxiste-léniniste et/ou stalinienne.
2. Quelles sont les caractéristiques du gouvernement de la République Populaire de Chine ?
Le gouvernement de la République populaire de Chine fonctionne selon le même système
que l’URSS stalinienne. Le pouvoir est sensé émané du peuple comme le montre l’article 2 :
« Tous les pouvoirs de la République populaire de Chine appartiennent au peuple. ».
L’économie repose sur une économie planifiée puisque le préambule de la constitution en fait
mention : « la construction d’une économie planifiée ». Le préambule explique aussi qu’il
s’agit d’une dictature populaire démocratique ce qui fait référence aux idées marxistes de
dictature du prolétariat, phase nécessaire à la mise en place du communisme. Enfin, le
gouvernement de la Chine populaire repose, selon le préambule de la constitution de 1954 sur
le centralisme démocratique. Comme en URSS, le centralisme démocratique, comme son nom
l'indique, tend à concilier la centralisation et la démocratie. Il se définit par quatre caractères
dont deux visent la démocratie :
- l'élection de tous les organismes dirigeants du parti, de la base au sommet,
- les comptes rendus périodiques des organismes du parti devant leurs organisations ;
et deux autres caractères qui concernent la centralisation et la discipline :
- la soumission de la minorité à la majorité,
- la soumission des organismes inférieurs aux organismes supérieurs.
3. Quels sont les principes sur lesquels repose le nouveau gouvernement ?
Le nouveau gouvernement repose sur les principes du marxisme-léninisme et du stalinisme :
- La dictature des masses, ici le prolétariat paysan plus que le prolétariat ouvrier
- Le centralisme démocratique
- L’unité des nationalités
4. Contre qui ou quoi se bat la République Populaire de Chine ?
La République populaire de Chine a plusieurs adversaires comme le montre le texte. Ces
adversaires sont aussi bien des adversaires de l’intérieur que des adversaires de l’extérieur. La
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Thème 3 : Puissances et tensions dans le monde de la fin de la première guerre mondiale
à nos jours
Chapitre 4 : Les chemins de la puissance
République populaire de Chine a fait de la lutte contre l’impérialisme, soit la domination
(politique, économique et/ou culturelle) d’un pays sur un ou d’autres pays, des puissances
occidentales. La constitution fait ici référence aux puissances occidentales qui ont eu des
concessions en Chine mais aussi à l’action des Etats-Unis et de l’ONU pendant la guerre de
Corée. Dans le même temps, la lutte contre l’impérialisme se double d’une lutte contre le
capitalisme, considéré comme un des maux de la République chinoise avant 1949 car, selon
les communistes et notamment Mao Zedong, il était responsable de l’oppression des masses,
notamment paysannes.
Les communistes du PCC s’opposent également au féodalisme. Ici, il est fait référence aux
structures foncières chinoises qui reposent sur les structures traditionnelles issues de l’époque
impériale et du confucianisme, déjà critiquées à l’époque de Chen Duxiu.
Les hommes du PCC ont aussi décidé de lutter contre les Etats-Unis, considérés comme les
tenants de l’impérialisme en Asie, comme les oppresseurs du monde, qui se donne
l’apparence de la puissance mais ne sont qu’un « tigre de papier » selon l’expression de Mao
dans un discours aux représentants sud-américains en 1956 (document 3 p. 261).
Enfin, Mao et les hommes de la RPC décident également de s’en prendre aux
contre-révolutionnaires et aux ennemis publics de leurs rangs. Dans le premier cas, il fait
référence aux hommes du Guomindang qui ont fui la Chine continentale pour se rendre à
Taïwan et maintenir un gouvernement qui se veut le véritable représentant de la Chine – et qui
l’est d’ailleurs à l’ONU jusqu’en 1971. Enfin, elle veut lutter contre les « ennemis publics
dans nos rangs », soit ceux qui dévient de la ligne droite fixée par le parti, ce qui peut être une
référence à l’affaire Gao Dang et Rao Sushi, qui, alors qu’ils semblaient être des étoiles
montantes de régime, perdent le soutien de Mao, alors même que celui-ci leur avait dans un
premier temps accordé sa confiance. Mao finit pas se laisser convaincre que ce sont des
ambitieux et, finalement Gao Dang se suicide et Rao Sushi est emprisonné.
5. Montrez que l’Etat ainsi créé est un Etat fort qui tente d’unifier la Chine sous son contrôle
mais aussi se donner une envergure internationale.
L’Etat ainsi créé se veut un Etat fort qui répond aux attentes des populations mais qui, surtout,
contrôle l’ensemble de la vie du pays : le système politique, la vie économique, la société
avec l’idée de tendre vers un idéal socialiste. A la tête de cet Etat, on trouve Mao Zedong, qui
n’est pas un poète, un rêveur comme on l’a longtemps laissé entendre mais quelqu’un qui
contrôle l’ensemble du régime (il voit tout, relit tout, donne son avis sur tout).
La Chine se donne aussi une envergure internationale par sa lutte contre les Etats-Unis mais
aussi par la volonté de se présenter en chantre de l’anti-impérialisme.
C. Reconquérir son influence en Asie
Documents à utiliser : document 1 p. 262, document 3 p. 263, Influencer l’Asie et s’opposer à
l’Occident (Dictionnaire de la Guerre Froide, p. 136-137), document 1 p. 272.
Document 1 : Influencer l’Asie et s’opposer à l’Occident
La rupture de l’Occident avec la Chine populaire n’est pas une résultante de la prise de
pouvoir des communistes, ni de son engagement dans le camp socialiste. Elle est provoquée
par l’intervention militaire de la Chine en Corée. [Les 8000 « volontaires » chinois]
repoussent les troupes onusiennes, sauvant le régime de Kim Il-Sung. Cette confrontation va
peser sur les relations sino-américaines […].
Pékin intervient plus discrètement mais de manière tout aussi efficace dans le conflit qui sévit
en Indochine. Après avoir reconnu implicitement le gouvernement d’Hô Chi Minh en janvier
1950, elle lui apporte un soutien militaire et diplomatique, mais cette fois, elle évite toute
implication directe qui risquerait une riposte occidentale. […]
24
Thème 3 : Puissances et tensions dans le monde de la fin de la première guerre mondiale
à nos jours
Chapitre 4 : Les chemins de la puissance
Dans le même temps, la Chine entend récupérer ce quelle considère comme être historique
son territoire. En 1950, les troupes chinoises occupent le Tibet. En août 1954, Zhou Enlai fait
de la libération de Taïwan un de ses principaux objectifs3. […]
Source : Dictionnaire de la Guerre Froide, p. 136-137
Questions :
1. Quelle est l’alliance formée par la République Populaire de Chine afin de lui donner un
poids international ? Sur quelles bases se fonde-t-elle ?
Afin d’obtenir un poids international conséquent, la RPC se place dans le bloc de l’Est et
s’allie avec l’URSS de Staline. L’alliance est principalement une alliance militaire visant à
éviter toute attaque japonaise sur le sol chinois, mais c’est aussi un moyen de lutter contre les
Etats-Unis qui sont, depuis 1945 et la capitulation du Japon, les principaux alliés du géant
nippon dans la région comme le dit le traité d’amitié sino-soviétique en 1950 : « si l’une des
parties contractantes était attaquée par le Japon ou un de ses alliés, l’autre partie contractante
fournira immédiatement une assistance militaire ».
Cependant, l’alliance est aussi une alliance diplomatique comme le montre l’article 3. Elle
privilégie l’alliance diplomatique et militaire entre la Chine et l’URSS aux dépens d’autres
alliances. Enfin, l’article 4 confirme cette entente diplomatique puisque les deux pays sont
désormais en devoir de se consulter sur les questions traitant du monde communiste. Cela
prouve aussi que la RPC ne devient pas un satellite de l’URSS.
2. Quelles sont les raisons de la querelle avec l’Occident, et notamment les Etats-Unis ?
Les raisons de la querelle avec l’Occident, et notamment les Etats-Unis, sont liées à
l’intervention chinoise dans les différents conflits d’Asie du Sud-Est. Les EU ont très mal
perçu l’envoi de 8000 « volontaires » chinois auprès des troupes nord-coréennes, notamment
parce qu’elles ont permis de sauver le régime de Kim Il-Sung assailli par les troupes
onusiennes. La France apprécie aussi moyennement l’intervention auprès d’Hô Chi Minh
dans la guerre d’Indochine, même si cette intervention n’est pas directe.
3. Par quelles actions la Chine se présente-t-elle comme une puissance incontournable en
Asie ?
La RPC se présente comme une puissance incontournable en Asie par plusieurs actions :
- son intervention militaire en Corée qui montre qu’elle est une puissance militaire
importante dans la région.
- son intervention en Indochine en fournissant des armes
- son extension territoriale au Tibet et ses tentatives, certes infructueuses de récupérer
Taïwan
4. Quel est l’autre moyen utilisé par la Chine pour tenter de devenir une grande puissance en
Asie, mais aussi dans le reste du monde dans les années 1950-1960 ?
Sa participation à la conférence de Bandung (1955) et celle de Belgrade (1961) en font un des
leaders du Tiers-Monde, dans le cadre de la participation au mouvement des non-alignés. La
Chine devient donc une puissance importante du communisme en Asie, et en Asie du Sud-Est
plus particulièrement.
D. Une nouvelle puissance régionale
Documents à utiliser : L’opposition Moscou-Pékin (Dictionnaire de la Guerre Froide,
p. 137-138), La normalisation des relations entre la Chine et l’Occident (Dictionnaire de la
Guerre Froide p. 138-139)
3
Après la victoire des communistes en Chine continentale, les membres du Guomindang se sont réfugiés à
Taïwan créant un Etat nationaliste chinois qui est officiellement le représentant chinois à l’ONU jusqu’en 1971,
date à laquelle la République Populaire de Chine est reconnue par les Etats-Unis.
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Thème 3 : Puissances et tensions dans le monde de la fin de la première guerre mondiale
à nos jours
Chapitre 4 : Les chemins de la puissance
Document 1 : L’opposition Moscou-Pékin
Après une phase de reconstruction, la Chine de Mao adopte le modèle de développement
stalinien d’édification du socialisme, mais elle ne peut en aucun cas être considérée comme un
satellite de Moscou. L’URSS apporte l’aide financière et technique nécessaire à la mise en
œuvre du plan quinquennal lancé en 1953. […] En 1956, des désaccords apparaissent entre les
deux pays après la tenue du XXème Congrès du PCUS. […] Le fossé idéologique se creuse
progressivement. Mao […] se montre de plus en plus hostile à la détente et reproche
ouvertement à l’URSS d’abandonner la stratégie révolutionnaire pour rechercher la paix à tout
prix.
[…] Mao tourne le dos au modèle soviétique. Il se lance dans l’industrialisation à outrance et
lance son pays dans l’aventure du « Grand Bon en avant » et des communes populaires.
Parallèlement, il renforce ses liens avec les éléments les plus révolutionnaires du
Tiers-Monde. Le voyage de Khrouchtchev aux Etats-Unis en 1960 envenime un peu plus la
situation et, en 1960, la rupture est consommée. […]
Malgré leur isolement et l’échec patent du « Grand Bon en avant », les communistes chinois
ne plient pas. […] La Chine utilise la crise de Cuba pour contester à Moscou le rôle de leader
du mouvement communiste international. [En 1964], la Chine se dote de la bombe A et en
juin 1967 […], elle se dote de la bombe H, aggravant l’inquiétude des soviétiques. […] De
son côté, Moscou fomente des troubles à la frontières du Xinjiang pour dresser la population
contre le pouvoir central. […] Les relations diplomatiques sont rompues et l’URSS envisage
une frappe nucléaire préventive sur les installations atomiques du nord de la Chine.
Source : Dictionnaire de la Guerre Froide, p. 137-138
Document 2 : La normalisation des relations entre la Chine et l’Occident
[La menace de guerre avec l’URSS] provoque un revirement total de la diplomatie chinoise,
qui reçoit au même moment des signes d’apaisement de la part de Washington. […] Les
échanges de biens et de personnes reprennent entre les deux pays. En 1971, la Chine populaire
est admise aux Nations-Unies et retrouve sa place dans la communauté internationale. Le
président Nixon se rend en visite officielle à Pékin du 21 au 28 février 1972. Lors de sa
rencontre avec Mao Zedong, il manifeste son désir de normaliser les relations entre les deux
pays. […]
L’alliance sino-américaine, destinée à contrer « l’impérialisme russe », est abandonnée après
la disparition du grand timonier (=Mao Zedong) en raison du soutien américain à Taïwan,
mais que soit pour autant rompue la coopération économique.
Source : Dictionnaire de la Guerre Froide, p. 138-139
Questions :
1. Comment la Chine entend-elle s’opposer à l’URSS dans les années 1960-1970 ? Quelles
sont les raisons de cette opposition ?
La RPC entend s’opposer à l’URSS dans les années 1950-1960 en critiquant la politique
soviétique dans le bloc de l’Est, notamment le fait que cette dernière empêche l’émergence de
voie particulière du communisme qui ne soient pas dicter par Moscou. La RPC se place en
tête des pays du mouvement des non-alignés et, dans ce cadre, tente de priver l’URSS de son
influence sur les pays du Tiers-Monde décolonisés ou en voie de décolonisation, notamment
en Asie, mais aussi en Amérique latine.
Les raisons de cette opposition sont doubles :
- d'abord le refus de la critique du stalinisme lors du XXème Congrès du PCUS en 1956.
- le refus de la détente avec les EU que la Chine présente comme une faiblesse de l’URSS
qu’elle accuse de ne chercher que sa propre sécurité, la paix à tout prix.
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Thème 3 : Puissances et tensions dans le monde de la fin de la première guerre mondiale
à nos jours
Chapitre 4 : Les chemins de la puissance
2. En quoi la normalisation des rapports avec l’Occident sont-ils directement liés avec la
querelle avec l’URSS ?
La querelle avec l’URSS à la fin des années 1960 est si vive que cette dernière envisage
d’utiliser des frappes atomiques sur la RPC pour régler la question frontalière au niveau du
fleuve Amour notamment. Dans ce cadre, la Chine est obligée de changer de voie
diplomatique et de normaliser ses rapports avec l’Occident pour éviter un basculement dans
un double conflit avec les deux Grands, ce qu’elle n’aurait pu soutenir, notamment en raison
des difficultés cumulées liées au « Grand Bond en avant » de 1958 qui a laissé l’économie
chinoise en grande difficulté – or, la querelle avec l’URSS a mis aux aides financières et
matérielles qu’elle apportait à la Chine – ou la « Révolution culturelle » de 1967 qui a mis à
mal le parti lui-même en raison des violentes purges qui y ont eu lieu.
3. Montrez que la Chine s’est dotée des attributs de la puissance internationale mais qu’elle
est marquée intérieurement par de grandes difficultés économiques.
La Chine s’est dotée des attributs de la puissance internationale de plusieurs manières :
- elle s’est positionnée comme une puissance diplomatique et militaire de premier plan sur la
scène internationale, notamment en Asie du Sud-Est et dans les rapports avec le
Tiers-Monde
- elle est devenue une puissance nucléaire en se dotant de la bombe A et de la bombe H, à la
grande inquiétude de l’URSS
Cependant, la RPC est marquée par d’importantes difficultés économiques provoquées par
deux événements :
- le plan quinquennal des années 1949-1954 qui a certes développé l’industrie lourde mais
qui s’est révélé dévastateur pour l’agriculture chinoise car il n’était pas adapté aux réalités
de l’économie chinoise. La collectivisation des terres avec l’instauration de coopératives
agricoles a posé beaucoup de problèmes aussi bien pour l’économie que pour les critiques
contre le régime
- le « Grand Bond en avant » de 1958-1960 qui devait permettre à la Chine de rattraper son
retard en matière économique. Il vise à collectiviser à grande échelle avec la commune
populaire, nouvelle unité regroupant plusieurs coopératives et la collectivisation de la vie
quotidienne (instauration de cuisines, crèches voire dortoirs communs). Cette
collectivisation entraîne un effondrement de la production agricole et de grandes difficultés
dans la production industrielle.
4. L’influence chinoise est-elle aussi importante que sa propagande semble le laisser
entrevoir ?
Le maoïsme a du succès en Asie du Sud-Est et chez certains intellectuels. Cependant, malgré
cette influence, la RPC et le maoïsme n’arrive pas à concurrencer l’Union Soviétique qui reste
le vrai leader du monde communiste et ce, jusqu’à la chute de l’URSS en 1991.
II.
L’ouverture économique de la Chine à la mort de Mao
A. L’acquisition de la puissance économique et financière
Documents à utiliser : L’ouverture économique de Deng Xiaoping (François Godement, La
première puissance mondiale ?, L'Histoire n°300), documents 4 et 5 p. 269.
Document 1 : L’ouverture économique de Deng Xiaoping
[…] Deng a d’abord enrayé un nouveau mouvement de mobilisation de masse dans
l’agriculture. Il lance à cette occasion la critique des impostures de la politique économique et
sociale de l’ère maoïste*. Puis il ouvre les vannes de la réhabilitation des victimes de la
Révolution culturelle, lance une politique de hausse des prix d’achat des récoltes aux paysans.
Il restaure aussi la légalité le droit même avait été suspendu pendant la dernière phase de la
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Thème 3 : Puissances et tensions dans le monde de la fin de la première guerre mondiale
à nos jours
Chapitre 4 : Les chemins de la puissance
Révolution culturelle. […]Dès janvier 1979, dans la province du Sichuan, gouvernée par Zhao
Ziyang, une réforme de l’entreprise est lancée : elle réhabilite les profits et rend aux
entreprises d’État une autonomie de gestion. En juin 1979, des zones économiques spéciales
ZES sont ouvertes aux étrangers, qui y implantent très vite des usines. Au début 1981,
l’ensemble des terres cultivées est rendu aux familles paysannes, même si l’État en conserve
la propriété théorique. […]En 1984, on libéralise une partie des prix industriels. On autorise la
création d’entreprises privées en principe à échelle réduite. […]La généralisation des marchés
libres réduit la portée des restrictions officielles à la mobilité de la population - on pourra
désormais se déplacer plus facilement. Commence un afflux migratoire vers les villes
chinoises, qui va bouleverser la répartition de la population.
Toujours cette même année 1984, la libéralisation du commerce extérieur conduit à un
gonflement des importations de biens de consommation et à un dérapage économique en
1985 : déficit commercial, effondrement des réserves de change, inflation des prix et du
crédit. Ainsi s’achève le premier cycle économique de l’ère des réformes et de l’ouverture. Il
sera suivi d’une deuxième vague de réformes au début des années 1990.
Source : François Godement, La première puissance mondiale ?, L'Histoire n°300, p. 103
Document 2 : Réformes économiques mais répression politique
En 1986, le lieutenant le plus libéral de Deng, Hu Yaobang, propose de séparer le parti de
l’État et de promouvoir la liberté d’expression. Il est désavoué par Deng et perd son poste en
janvier 1987. Il faut dire que l’expansion des projets économiques et de la consommation
conduit à un nouveau dérapage inflationniste à l’été 1988. C’est un moment clé. L’alliance de
1976 se disloque et les conservateurs reprennent le pouvoir.
Les intellectuels, les étudiants et les classes urbaines se mobilisent alors pour appuyer les
dirigeants réformateurs menacés, tandis que le refroidissement économique entraîne des
difficultés sociales pour les petits entrepreneurs et les artisans. Ce sera la base économique et
sociale du mouvement de Tian’anmen. […]
La proclamation de la loi martiale, l’intervention sanglante d’une partie de l’armée, l’absence
aussi d’alternative politique constituée, permettront de rétablir l’ordre ; la répression entraîne
la chute de toute l’aile réformatrice du régime. On évalue à plusieurs milliers le nombre de
morts, sans compter les nombreux blessés.
Deng reste au pouvoir. Il a choisi la préservation du régime aux dépens de la réforme et de
l’ouverture. La stabilité politique, le maintien du noyau dirigeant, seront désormais sa ligne
directrice jusqu’à sa mort, en février 1997. Il a pourtant relancé la politique d’ouverture et de
réforme, suscitant un flot sans précédent d’investissements étrangers vers la Chine. […]
Source : François Godement, La première puissance mondiale ?, L'Histoire n°300, p. 105
Questions :
1. Quelles sont les réformes menées par Deng Xiaoping ?
Deng Xiaoping se lance dans des réformes économiques visant à améliorer la production aussi
bien agricole qu’industrielle pour contrer les conséquences désastreuses des politiques
économiques menées en Chine depuis les années 1950. Il réintroduit la propriété privée en
rendant la terre aux familles paysannes en 1984. Il libéralise le commerce extérieur en 1984
après avoir le marché chinois aux entreprises étrangères par l’intermédiaire des ZES en 1979.
Il introduit donc des formes de libéralisme dans le socialisme en autorisant à nouveau
l’existence d’entreprises privées, même si elles restent de petite taille.
Il fait aussi quelques réformes très limitées sur le plan politique : restauration du droit de vote
et réhabilitation des condamnés de la « Révolution culturelle ».
2. Que permettent-elles pour l’économie chinoise ?
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Thème 3 : Puissances et tensions dans le monde de la fin de la première guerre mondiale
à nos jours
Chapitre 4 : Les chemins de la puissance
Malgré des difficultés en 1985 et 1988, ces réformes permettent une restauration de
l’économie chinoise qui devient dans les années 2000 l’une des puissances exportatrices les
plus importantes du monde et la deuxième puissance économique mondiale. Cela a donc
permis un redressement de l’économie chinoise et l’acquisition du statut de puissance
économique et financière.
3. En quoi, l’organisation de la ville de Shanghai reflète-t-elle aujourd’hui le caractère
incontournable de la Chine dans les échanges économiques mondiaux ?
La ville de Shanghai est aujourd’hui un centre d’affaires important dans le monde, un port
d’envergure mondiale et l’un des premiers aéroports du monde. C’est aussi un centre financier
d’envergure comme le montre la présence d’une bourse. La ville est intégrée dans l’archipel
métropolitain mondial qui regroupe les villes avec les centres de commandement les plus
puissants de la planète. Même l’apparence de la ville, avec ses tours et ses gratte-ciels lui
donne une image proche de celles d’autres métropoles mondiales.
Skyline de Shanghai
Skyline de Toronto
4. Si la Chine s’est ouverte économique, peut-on estimer qu’il existe une ouverture
politique ?
La Chine est bien marquée par une large ouverture économique. Cependant, les événements
de la place Tienanmen en 1989 montrent bien que la critique du régime et les manifestations
contre le régime ne sont pas acceptées et acceptables. Le régime reste donc une des dictatures
les plus dures de la planète, n’hésitant pas à faire œuvre de répression. De plus, même les
leaders chinois de l’économie peuvent tout perdre dans le cas où ils ne se méfieraient pas de
leurs paroles et de leurs actes.
B. Un nouveau centre géopolitique en Asie orientale
Documents à utiliser : la Chine, une intégration progressive dans les instances internationales
(François Godement, La première puissance mondiale ?, L'Histoire n°300), document 4
p. 265, document 5 p. 267.
Document 1 : La Chine, une intégration progressive dans les instances internationales
Deng a mené une politique d’ouverture, j’y ai fait allusion, qui a permis à la Chine de
réintégrer pleinement la communauté internationale : l’entrée de la Chine dans tous les
organismes financiers internationaux FMI, Banque mondiale en 1980-1981, participation à
l’APEC, en 1993, et finalement entrée à l’OMC en 2001.
Cela n’empêche pas que Deng se soit révélé un nationaliste à certains égards plus exigeant
que Mao. Les hostilités contre le Vietnam en 1979, c’est lui qui en prend l’initiative - la Chine
tente alors d’envahir son voisin. C’est lui qui négocie le rattachement de Hongkong à la Chine
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Thème 3 : Puissances et tensions dans le monde de la fin de la première guerre mondiale
à nos jours
Chapitre 4 : Les chemins de la puissance
qui se fera finalement en 1997 et, quand, en 1983, un général affirme que l’Armée rouge ne
stationnera pas dans la colonie revenue dans le giron chinois, il le dément aussitôt.
Les dirigeants actuels de Pékin démentent toute volonté hégémonique en Asie. Ils se plient au
précepte de Deng selon lequel il vaut mieux cacher ses forces et attendre son heure. Mais la
Chine est décidée à jouer le premier rôle en Asie. Aucun doute n’est permis : elle veut se
servir de son dynamisme économique pour étendre son rayonnement sur la région.
Par réalisme, Pékin accepte l’équilibre géostratégique asiatique, marqué par l’alliance entre
Washington et Tokyo.
Source : François Godement, La première puissance mondiale ?, L'Histoire n°300, p. 106
Question : Montrez que la Chine est une puissance diplomatique et militaire mais qu’elle doit
aussi faire face à des nombreuses tensions géopolitiques dans sa zone d’influence.
La Chine est une grande puissance diplomatique dans le sens où elle fait partie des principales
institutions internationales (ONU, FMI, OMC, G20) ce qui lui permet d’influer sur les
décisions mondiales comme le montre son action en Syrie à l’heure actuelle.
La Chine est aussi une puissance militaire de premier plan comme le montre l’importance de
son armée, le fait qu’elle est dotée de l’arme nucléaire, le fait qu’il s’agisse d’une puissance
dotée de la capacité à lancer des fusées dans l’espace et de construire sa propre station spatiale
orbitale.
Cependant, la Chine doit aussi faire face à de nombreuses tensions géopolitiques dans sa
région :
- Les tensions avec Taïwan qui ne sont toujours pas réglées depuis 1949
- Les tensions avec la Corée du Nord
- Les tensions répétées avec le Japon, notamment en raison de la non-reconnaissance par
celui-ci des crimes perpétrées sur le territoire chinois pendant la guerre, crimes éligibles au
statut de crimes contre l’humanité. Certains courants au Japon vont jusqu’au
négationnisme.
C. La Chine, une puissance incomplète ?
Documents à utiliser : les défis actuels de la population chinoise (Atlas de la Chine, 2012,
p. 21), Pourquoi la Chine n’éclate-t-elle pas ? (Atlas de la Chine, 2012, p. 40), Une puissance
militaire face à de nouveaux défis (Atlas de la Chine, 2012, p. 71).
Document 1 : Les défis actuels de la population chinoise
La population de Chine devrait se stabiliser vers 1,5 milliards d’habitants dans les 30 ans à
venir. […] Mais les conséquences du boom démographique dans les années 1950 et 1960,
puis de la politique de l’enfant unique pèseront longtemps sur le pays. Une main d’œuvre
pléthorique, insuffisamment formée, est le défi majeur depuis 30 ans déjà. […] Le
vieillissement de cette classe d’âge nombreuse constitue un autre défi. […] Un déséquilibre
des sexes inquiète enfin les autorités chinoises : compte 123 garçons pour 100 filles parmi les
enfants de moins de 5 ans en 2005.
Source : Atlas de la Chine
Document 2 : Pourquoi la Chine n’éclate-t-elle pas ?
L’hypothèse du prochain éclatement territorial dû à l’essor économique actuel souligne une
disparité régionale aggravée par les inégalités de croissance face à un Etat idéologiquement
affaibli. Mais les principaux acteurs à la tête des logiques régionales ne sont plus aujourd’hui
l’ancienne élite foncière et commerciale, ni des « seigneurs de la guerre ». Une solidarité dans
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Thème 3 : Puissances et tensions dans le monde de la fin de la première guerre mondiale
à nos jours
Chapitre 4 : Les chemins de la puissance
leur appartenance au Parti communiste les lie entre eux et leur fait partager un discours
commun.
Premier acquis de la Chine socialiste, il faut en souligner une unité interne de nature
politico-administrative. La fragmentation en cours entre les régions n’est pas radicale.
Source : Atlas de la Chine
Document 3 : Une puissance militaire face à de nouveaux défis.
Les ambiguïtés de la puissance. Si sa doctrine reste strictement défensive, l’armée chinoise
contribue aussi au maintien de l’ordre intérieur et au renforcement de la stratégie
diplomatique du pays grâce à l’acquisition de moyens crédibles de coercition. La question
taïwanaise et les possibilités d’une intervention américaine sont les principaux défis avancés
en interne.
Des forces armées à plusieurs vitesses. L’accent est mis sur la création d’unités disposant de
moyens technologiques les plus modernes, notamment en technologie de l’information. Par
contre, la grande majorité des forces militaires demeure très mal équipée.
Un retard à combler. Les capacités navales et aériennes accusent un retard considérable face à
celle des pays occidentaux, et notamment des principales puissances présentes dans la région,
les Etats-Unis et le Japon.
Le soutien russe. Alors que l’embargo européen sur les ventes d’armes date de la répression
de 1989, la Russie est devenue le premier d’armes de la Chine dans les années 1990.
Source : Atlas de la Chine
Question : Montrez que malgré l’importance de la puissance économique et financière de la
Chine à l’heure actuelle, les nombreux défis auxquels elle doit faire face ne lui permettent pas
de prétendre au statut de superpuissance.
La Chine est incontestablement une puissance économique et financière et une puissance
démographique. Cependant, elle doit relever de nombreux défis. Le premier d’entre eux
concerne sa démographie. En effet, la politique de l’enfant unique mise en place par Deng
Xiaoping dans les années 1970 pour contrer l’explosion démographique des années
1950-1960 a certes permis de freiner la croissance démographique pour une stabilisation
autour des 1,5 milliard d’habitants mais elle a créé des déséquilibres démographiques :
vieillissement accéléré de la population (avec tous les problèmes de prise en charge des
personnes âgées), déséquilibre entre les sexes (une femme pour 10 hommes dans certaines
régions de Chine).
La Chine doit aussi améliorer son système militaire. Malgré l’importance des forces armées,
la faible professionnalisation de l’armée et les déséquilibres en équipement de pointe ne lui
permettent pas de rivaliser avec les Etats-Unis.
Enfin, la Chine doit faire face au risque de déséquilibre régional de plus en plus prononcé
entre un littoral intégré dans la mondialisation, un centre marqué par une amélioration de
l’intégration à la mondialisation mais de manière très inégale. Enfin, l’Est de la Chine qui
semble être oublié dans ce progrès.
Conclusion : organigramme p. 273
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