C U R R I C U LU M Forum Med Suisse No 48 27 novembre 2002 1139 Syndromes paranéoplasiques T. Meyer-Heim, M. Stäubli Introduction Cet article se propose de passer en revue les syndromes paranéoplasiques (SPN) les plus fréquents. Par syndromes paranéoplasiques, on entend des manifestations hétérogènes occasionnées par des tumeurs qui ne sont dues ni à l’accroissement local des tumeurs ni aux métastases d’une tumeur primaire. Les syndromes paranéoplasiques peuvent précéder ou apparaître simultanément à la découverte d’une tumeur, ou même persister après la guérison réussie de la tumeur primaire. Les données sur la fréquence des syndromes paranéoplasiques varient entre 2 et 15% des patients oncologiques [1, 2]. Les cancers bronchiques et mammaires ainsi que les tumeurs digestives comptent parmi les tumeurs les plus fréquemment associées à un SPN. Le diagnostic d’un syndrome paranéoplasique peut contribuer au diagnostic précoce d’un cancer. Les syndromes paranéoplasiques peuvent être compris comme manifestation à distance des tumeurs dues à la sécrétion de différents médiateurs, mais le mécanisme d’action demeure cependant obscur dans un grand nombre de cas. Le mécanisme d’action par la sécrétion d’hormones ou de substances hormonoïdes est le mieux étudié, car fréquent, comme par ex. la sécrétion ectopique d’ACTH par le cancer bronchique à petites cellules ou la sécrétion de peptides n’étant pas sécrétés par une personne saine (par ex. PTH-related protein). Il existe par ailleurs des mécanismes d’action dus à la sécrétion d’immunoglobulines, de cytokines, d’auto-anticorps, et au blocage compétitif des hormones normales. Quelques manifestations choisies vont être détaillées ci-dessous (voir le tableau 1). Syndromes paranéoplasiques cutanés Correspondance: Dr Tatjana Meyer-Heim Spital Zollikerberg Trichtenhauserstr. 20 CH–8125 Zollikerberg Tatjana.Meyer-Heim@ spitalzollikerberg.ch Une trentaine de différents SPN cutanés ont été reconnus à ce jour [3]. Il faut clairement faire la distinction entre des syndromes paranéoplasiques cutanés et les métastases cutanées ou l’infiltration locale d’une tumeur primaire. Les critères suivant doivent être remplis d’après Curth [4] pour que l’on puisse parler de SPN cutané: – apparition simultanée d’une tumeur et de la manifestation cutanée – évolution parallèle de la tumeur et du SPN cutané – un SPN spécifique est associé à une tumeur spécifique – l’association entre la tumeur et le SPN cutané est statistiquement significative. Mais il existe cependant des cas décrits dans la littérature où la corrélation temporelle diffère de cette simultanéité postulée. Acanthosis nigricans Ce syndrome peut survenir comme tableau clinique autonome chez des patients souffrant d’obésité ou d’endocrinopathie (par ex. ovaires polykystiques) ou survenir en tant que syndrome paranéoplasique. Il se manifeste cliniquement par un épaississement velouté de peau hyperpigmentée atteignant en prédilection les régions du cou, des aisselles et inguinales. Les lésions peuvent également atteindre les lèvres et les muqueuses des joues. Contrairement aux formes bénignes d’acanthose, les acanthoses paranéoplasiques touchent fréquemment aussi les surfaces de flexion des doigts et des orteils, ainsi que la plante des pieds et les paumes des mains. L’acanthosis nigricans comme syndrome paranéoplasique touche surtout les adultes, la tumeur primaire est abdominale dans 80–90% des cas, et dans 60% des cas il s’agit d’un cancer gastrique [5]. L’acanthosis nigricans peut être aussi associée entre autres aux cancers de l’utérus, du foie, de la prostate, des ovaires. La manifestation cutanée est synchrone à l’apparition de la tumeur dans 60% des cas, mais elle peut apparaître bien avant ou bien après le diagnostic de la tumeur. Une tumeur primaire doit être particulièrement recherchée lors d’apparition d’acanthosis nigricans chez un adulte jeune et mince. Le principe thérapeutique consiste dans le traitement de la tumeur primaire. Un traitement symptomatique topique local ou systémique peut soulager le prurit (voir figure 1). Ichtyose acquise Une ichtyose acquise peut être un syndrome paranéoplasique. Elle est souvent associée à un lymphome non-hodgkinien ou à d’autres néoplasies. Il faut la distinguer d’une xérodermice. Le traitement symptomatique consiste en pommade grasse et éventuellement kératolytique. Les savons sont à éviter. C U R R I C U LU M Forum Med Suisse No 48 27 novembre 2002 1140 Figure 1. Acanthosis nigricans. Figure 2. Sweet-Syndrom. souvent pas encore décelable au moment des manifestations cutanées. Le syndrome de Sweet Cette dermatose accompagnée de températures élevées et d’un syndrome de laboratoire inflammatoire est caractérisée par des papules douloureuses bleu-rouge ou des nodules principalement au niveau des extrémités supérieures. S’il est paranéoplasique, ce syndrome est le plus souvent associé à une leucémie ou à d’autres tumeurs hématologiques, mais il peut aussi être une manifestation paranéoplasique de tumeurs solides uro-génitales, lors de cancer du sein ou de tumeurs gastro-intestinales. Elle peut être traitée par des stéroïdes, par ex. 60 mg de prédnisone comme dose initiale, puis en dose décroissante sur quelques semaines. Bien que le syndrome de Sweet puisse aussi survenir dans le cadre de maladies immunologiques et infectieuses ou être associé à la prescription de certains médicaments, il convient de le considérer d’abord comme l’expression d’un syndrome paranéoplasique. Dans une étude publiée par Bourke et al., 18% des patients souffrant d’un syndrome de Sweet avaient un cancer ou une précancérose [6]. Dermatomyosite Le tableau clinique est caractérisé par un exanthème lilas localisé avant tout aux paupières, sur le nez, les joues, le front, le thorax, les coudes, les genoux et péri-unguéal. Une dermatomyosite est, chez près de 50% des patients adultes de plus de 40 ans, associée à une tumeur, principalement le cancer bronchique ou une tumeur gynécologique. Une tumeur doit être exclue lors d’apparition d’une dermatomyosite nouvelle chez un adulte, mais les investigations sont souvent rendues difficiles par le fait qu’une tumeur primaire n’est Syndromes paranéoplasiques hématologiques L’anémie tumorale est bien connue dans la pratique quotidienne. Elle est due à des étiologies multiples, telle l’action toxique des cytostatiques, les pertes de sang occultes, les hémolyses, les anémies dues à un hypersplénisme ou à l’infiltration tumorale directe de la moelle. Ces différents mécanismes ne correspondent pas à la définition d’un syndrome paranéoplasique. Mais la suppression de l’érythropoïèse par la C U R R I C U LU M tumeur correspond à un réel syndrome paranéoplasique. L’anémie lors de maladie chronique correspond à une anémie normochrome, normocytaire et hyporégénérative avec un taux sérique ferrique diminué et saturation de la transferrine avec un taux sérique de ferritine normal ou même augmenté. Différents mécanismes ont été postulés pour cette anémie modulée par des cytokines. Il s’agit d’une part de l’effet myélosuppresseur des TNF (tumor necrosis factor), interféron et interleukine-1. Ceux-ci peuvent diminuer la formation d’érythropoïétine induite par l’hypoxie. D’autre part, la demi-vie des érythrocytes est diminuée par ces cytokines. Une érythrocytose peut survenir en raison de la production ectopique d’érythropoïétine lors d’hypernéphrome, mais également aussi lors d’hépatome et d’hémangioblastome cérébelleux. En plus de la formation accrue d’érythropoïétine, une diminution du catabolisme de cette hormone est également discutée, dont le mécanisme reste obscur [7]. Une leucocytose sans déviation gauche apparaît chez un tiers des patients souffrant de tumeurs solides. Les patients souffrant de cancer bronchique ou de tumeurs digestives sont particulièrement concernés. Les Granulocyte colony stimulating factors (G-CSF), les Granulocyte-Macrocyte colony stimulating factors et l’interleukine-6 ont été décrits comme médiateurs. Le traitement est celui de la tumeur primaire. On parle de réaction leucémoïde chez les patients, avec une formule ressemblant à une leucémie, mais dont l’évolution permet de réfuter ce diagnostic. Certains auteurs parlent de réactions leucémoïdes à partir de 50 000 Lc/ml, d’autres en font dépendre de la proportion de blastes. Ce tableau peut être déclenché par des infections, des intoxications, des hémorragies/hémolyses sévères ou aussi par des tumeurs malignes. Des leucocytoses prononcées avec une grande proportion de neutrophiles peuvent être observées entre autres lors de M. Hodgkin, de carcinome bronchique ou de tumeurs surrénaliennes. Des leucocytoses avec une déviation gauche et en partie des formes immatures ressemblant à une leucémie myéloïde chronique ont été décrites lors de différentes tumeurs (souvent avec des métastases osseuses). Des formules sanguines ressemblant à celle d’une leucémie lymphatique chronique peuvent survenir entre autres lors de mélanomes métastatiques, de cancer de l’estomac et lors de cancer du sein [8]. Une thrombocytose peut survenir surtout lors de cancer bronchique ou lors de tumeurs gastro-intestinales. On postule une médiation par l’interleukine-6 et de thrombopoïétine [9]. Forum Med Suisse No 48 27 novembre 2002 1141 Une éosinophilie paranéoplasique survient surtout lors de lymphomes malins ou dans le cadre de leucémies. Une dyspnée secondaire à une infiltration pulmonaire peut survenir lors d’éosinophilie massive. Les thromboses veineuses et des troubles de coagulation intravasculaires disséminés peuvent survenir au cours d’une maladie tumorale et même la précéder. Les patients immobilisés pendant une chimiothérapie sont particulièrement exposés, de même ceux souffrant d’hypernéphrome ou de cancer pancréatique. Des thrombophlébites mouvantes et récidivantes (Syndrome de Trousseau) sont classiquement décrites lors de cancer du pancréas. Des thromboses peuvent être vérifiées à l’autopsie chez 20 à 50% des patients avec des tumeurs métastasiques, une thrombose et/ou une hémorragie sont cliniquement décelables dans 5 à 15% des cas [10]. Les patients présentant une thrombose idiopathique (c’est-à-dire sans facteur de risque) développeront d’après la littérature une tumeur au cours de l’évolution jusque dans 7,6% des cas, ce taux augmente même à 17% lors de thromboses récidivantes [11]. Dans d’autres études prospectives, une tumeur a même pu être décelée dans 19% des cas de patients sans facteurs de risques pour un épisode thromboembolique présentant une thrombose veineuse profonde idiopathique [12]. La question de savoir quels examens doivent être effectués lors d’un premier épisode de thrombose idiopathique (en dehors d’une anamnèse exacte, un examen physique soigné, une radio des poumons, une formule sanguine, les tests hépatiques, un contrôle de la fonction rénale et des électrolytes) n’a pas encore reçu de réponse définitive. Indépendamment d’une éventuelle tendance connue aux thromboses, une maladie tumorale doit être exclue lors d’une récidive de thrombose (et particulièrement si elle survient malgré une anticoagulation orale correctement prescrite). Syndromes paranéoplasiques rénaux Les reins et les voies urinaires peuvent être touchés de nombreuses manières au cours d’une maladie tumorale, soit par des obstructions, par le dépôt d’immunoglobulines, d’amyloïde, d’acide urique ou par une action directement toxique des médicaments et de la radiothérapie. Les syndromes paranéoplasiques définis plus restrictivement sont d’une part les glomérulonéphrites paranéoplasiques et d’autre part le syndrome de sécrétion inadéquate d’hormone antidiurétique (SIADH). C U R R I C U LU M Glomérulonéphrites paranéoplasiques Les glomérulonéphrites paranéoplasiques correspondent histologiquement en premier lieu à une glomérulonéphrite membraneuse et se manifestent cliniquement par une protéinurie. Les tumeurs les plus souvent associées à une glomérulonéphrite membraneuse sont le carcinome bronchique et les tumeurs gastro-intestinales. L’exception est présentée par une glomérulonéphrite à minimal change, apparaissant comme syndrome paranéoplasique surtout lors de M. Hodgkin et chez un collectif de patients plus jeunes [13]. D’autres manifestations paranéoplasiques observées sont les protéinuries dues aux dépôts amyloïdes lors de syndrome néphrotique et les néphropathies à IgA. Comme la littérature mentionne une coïncidence allant jusqu’à 22% entre un syndrome néphrotique (paranéoplasique) et une tumeur maligne chez une population de plus de 60 ans, un bilan pour exclure un cancer est justifié chez tout patient de plus de 50 ans présentant un syndrome néphrotique d’apparition récente [14]. Une glomérulonéphrite membraneuse paranéoplasique précède la manifestation de la tumeur dans 40% des cas. Le traitement est causal, l’évolution de la glomérulonéphrite dépend du type histologique de la glomérulonéphrite, une rémission étant plus fréquente lors de glomérulonéphrite à lésions minimes que lors de glomérulonéphrite membraneuse. Syndrome de sécrétion inappropriée d’ADH (SIADH) Ce syndrome apparaissant dans différentes maladies du SNC, pulmonaires, endocrinologiques, pouvant être induit par des médicaments, peut également apparaître en tant que syndrome paranéoplasique. Il est caractérisé par une hyponatrémie, parfois une hyperglycémie, et par une osmolarité sérique abaissée et une osmolarité urinaire élevée. Les troubles nerveux associés à l’hyponatrémie Tableau 1. Tableau récapitulatif des organes ou systèmes d’organes le plus souvent touchés par des paranéoplasies. SPN cutané SPN hématologiques SPN rénaux SPN neurologiques SPN endocrinologiques SPN vasculaires / SPN rheumatologiques SPN divers (p.ex. fièvre, ostéoarthropathie) Forum Med Suisse No 48 27 novembre 2002 1142 peuvent aller d’une désorientation légère à un état comateux. Le SIADH est surtout associé au cancer bronchique à petites cellules, mais il peut aussi être observé dans un grand nombre de tumeurs telles les cancers, les cancers de l’intestin grêle, du côlon ou du pancréas. Le traitement consiste en une restriction hydrique suffisante, mais la prudence demande une correction graduelle des troubles électrolytiques. Syndrome de Stauffer Le syndrome de Stauffer apparaît chez environ 15% des patients avec un hypernéphrome. Cette dysfonction hépatique paranéoplasique n’a pour l’instant été décrite qu’en rapport avec les hypernéphromes, et avec un cas unique de Leiomyosarcome [15]. Il est caractérisé par une élévation des phosphatases alcalines et des alphaglobulines, tandis que le temps de prothrombine et l’albumine sont abaissés et en l’absence de métastases hépatiques. Syndromes paranéoplasiques neurologiques Les SPN neurologiques au sens strict sont présents dans environ 4–5% des patients oncologiques. Ils peuvent atteindre aussi bien le cerveau/cervelet, la moelle, le système nerveux périphérique que les muscles, respectivement la jonction neuromusculaire. Les mécanismes auto-immuns jouent un rôle pathophysiologique important, tels qu’ils ont pu être mis en évidence lors de myasthénie grave et lors de syndrome de Lambert-Eaton. Les SPN doivent être distingués des symptômes neurologiques dus aux métastases et aux suites de traitement. Lambert-Eaton-Syndrom Le syndrome de Lambert-Eaton fait partie des SNP les plus fréquents. On estime qu’environ 1–2% des patients souffrant de cancer bronchique à petites cellules en sont touchés, les hommes plus fréquemment que les femmes [16]. Le syndrome de Lambert-Eaton apparaît cependant dans un grand pourcentage en dehors de tout contexte néoplasique. Son mécanisme pathophysiologique s’explique par l’inhibition pré-synaptique par des anticorps de la libération d’acétylcholine contrôlée par les canaux calciques. Le tableau clinique comporte une fatigue générale, des myalgies et une faiblesse musculaire, particulièrement des membres inférieurs, une ptose et une dysrégulation neurovégétative (par ex. sécheresse de bouche). Contrairement à la myasthénie grave, le traitement d’épreuve avec Tensilon® (edrophonium chlorure) reste sans effet. Sur le plan des examens de laboratoire, des anticorps anti- C U R R I C U LU M VGCC (anti-voltage-gated calcium channel) peuvent être mis en évidence chez 85% des patients, comme occasionnellement des anticorps anti-Hu. Sur le plan thérapeutique, les immunosuppresseurs peuvent être prescrits, de même que l’hydrochloride de guanidine et la Diaminopyridine 3,4 qui entraînent un prolongement des potentiels présynaptiques. Myasthénie grave La myasthénie grave est un autre SPN influençant la transmission neuromusculaire. Elle n’apparaît pas seulement en association avec les thymomes malins, mais aussi lors d’hyperplasie du thymus, lors de thymomes bénins, dans le cadre d’une thyréotoxicose, ou d’une arthrite rhumatoïde. Contrairement au syndrome de Lambert-Eaton, une myasthénie à l’effort apparaît lors de stimulations répétées, avec diplopie, et troubles de la déglutition qui s’améliorent rapidement au traitement d’épreuve d’inhibiteurs de l’acétylcholinestérase tels le Tensilon® (edrophonium chlorure). Les anticorps bloquants fortement les récepteurs d’acétylcholine postsynaptiques peuvent être mis en évidence dans le sérum. Les inhibiteurs de la cholinestérase telles la pyrostigmine et la néostigmine sont un traitement efficace. Neuropathies paranéoplasiques La manifestation paranéoplasique neurologique la plus fréquente est la polyneuropathie sensitivomotrice. Malgré sa fréquence, ses mécanismes pathophysiologiques demeurent obscurs. Des réactions immunologiques et des vasculites sont postulées. Neuropathie sensitivomotrice Ces SNP se rencontrent lors de différentes tumeurs solides et hématologiques. L’étiologie pathophysiologique et les symptômes sont dus à une dégénérescence tant des axones que de la myéline. Neuropathie sensitive subaiguë (Syndrome de Denny-Brown) Cette paranéoplasie typique d’un cancer bronchique à petites cellules évolue progressivement sur plusieurs semaines et mois sous forme de paresthésies principalement distales, de douleurs, de sensibilité profonde diminuée et de dysfonctions autonomes précoces. Elle s’explique pathophysiologiquement par une inflammation ganglionaire suivie secondairement par une dégénération axonale. Des anticorps anti-Hu peuvent être mis en évidence [17]. Dégénération subaiguë cortico-cérébelleuse Les patients avec atteinte cérébelleuse dans le cadre d’un syndrome paranéoplasique se font remarquer par une ataxie progressive et occa- Forum Med Suisse No 48 27 novembre 2002 1143 sionnellement par une dysarthrie, une diplopie, des vertiges, et un nystagmus. Une perte des cellules de Purkinje est mise en évidence sur le plan histologique. Ce SPN est plus souvent associé aux tumeurs gynécologiques et les cancers bronchiques à petites cellules. Un grand nombre d’anticorps a pu être mis en évidence jusqu’à ce jour, entre autres Anti-Yo, Anti-Hu, Anti-Tr und Anti-VGCC (les trois premières abréviations se réfèrent aux initiales des premiers patients). Dans la pratique, il faut rechercher une néoplasie lors d’une apparition récente d’une ataxie non familiale et après avoir exclu les étiologies toxiques et infectieuses. Une dégénerescence cérébelleuse avec la mise en évidence d’anticorps Anti-Yo est surtout associée à des cancers ovariens et mammaires, tandis que les anticorps Anti-Tr sont surtout associés à une dégénerescence cérébelleuse paranéoplasique dans le cadre d’un M. Hodgkin [18]. Les options thérapeutiques comprennent les traitements stéroïdiens à hautes doses, les immunoglobulines et l’azathioprine, les résultats sont cependant décevants particulièrement chez les patients avec une atteinte avancée [19]. On renoncera ici à la description d’autres syndromes paranéoplasiques neurologiques plus rares, tels par ex. le syndrome de l’homme raide ou de l’encéphalomyélite paranéoplasique. Syndromes paranéoplasiques endocrinologiques Ce groupe de SPN est certainement le plus fréquemment observé en pratique, comme par ex. les hypercalcémies paranéoplasiques, qui forment environ 40% des hypercalcémies. Trois groupes d’hormones sont sécrétés: les hormones stéroïdiennes, les monoamines, les hormones peptidiques/protéiniques. Les syndromes paranéoplasiques sont principalement constitués par des hormones peptidiques et protéiniques. Souvent les polypeptides sécrétés par les cellules non endocriniennes diffèrent des hormones normales dans leur structure chimique, ce dont il faut parfois tenir compte pour le diagnostic (par ex. PTHrP, Parathormon-related Peptide). Cette activité hormonale parfois altérée des peptides circulants explique aussi pourquoi les patients restent souvent asymptomatiques ou oligosymptomatiques. Hypercalcémie paranéoplasique Une hypercalcémie est présente chez environ 10% des patients souffrant de cancer bronchique, le plus souvent lors de cancers épithéliaux. Une hypercalcémie peut aussi être présente lors de cancer mammaire, pancréatique ou lors d’hypernéphrome. Une hypercalcémie C U R R I C U LU M peut être présente en l’absence de métastases osseuses, car l’hypercalcémie peut être due non seulement à la destruction osseuse directe par les métastases, mais aussi à d’autres mécanismes. Un de ces mécanismes est la formation ectopique d’une peptide parente de la parathormone (PTHrP). La PTHrP n’est pas sécrétée par des personnes en bonne santé, mais peut être mise en évidence chez 80% des hypercalcémies paranéoplasiques. De plus, certaines cellules tumorales sont capables d’accélérer la résorption osseuse locale au moyen de substances activant les ostéoclastes. Différentes cytokines semblent jouer un rôle important dans ce contexte (par ex. lors de myélome multiple et lors de cancer du sein). Il semble, d’après les études récentes, que les interactions entre les ostéoblastes/cellules stroma et les ostéoclastes jouent un rôle essentiel dans la genèse de l’ostéoporose, de l’ostéopétrose et des métastases osseuses. Des facteurs majeurs impliqués ont pu être identifiés, entre autres exemples l’ostéoprotégerine, une protéine inhibant les ostéoclastes et le ligand d’ostéoprotégerine, une cytokine stimulant l’activité des ostéoclastes. Des taux plus ou moins élevés d’ostéoprotégerine ont pu être mis en évidence lors de différentes tumeurs. Une connaissance plus précise de ces mécanismes devrait ouvrir de nouvelles modalités thérapeutiques pour le traitement des différentes maladies du métabolisme osseux [20]. Le tableau clinique de l’hypercalcémie comprend les symptômes nausées et vomissements, faiblesse musculaire, fatigue, constipation, polyurie, état confusionnel et coma. Des infusions de 3–4 litres de NaCl et la prescription simultanée de furosémide peuvent contenir les cas d’hypercalcémie modérée. Des biphosphonates peuvent être en plus administrés à intervalle régulier. La calcitonine peut être, selon les cas, recommandée pour une correction rapide de l’hypercalcémie. Les stéroïdes semblent surtout freiner la production de cytokines activant les ostéoclastes. Syndrome de Cushing paranéoplasique Le syndrome de Cushing paranéoplasique est dû à la production ectopique d’ACTH. Ce phénomène se rencontre le plus souvent lors de cancer bronchique à petites cellules, mais peut aussi survenir avec d’autres tumeurs comme par ex. le cancer du pancréas, le cancer thyroïdien médullaire et le cancer du thymus. Un syndrome de Cushing sur quatre est d’origine paranéoplasique [2]. Sur le plan diagnostique, on peut remarquer que le taux d’ACTH est souvent plus élevé (souvent >200 pg/ml) lors de syndrome de Cushing paranéoplasique que lors de syndrome de Cushing d’origine hypophysaire [7]. D’autres syndromes paranéoplasiques endocri- Forum Med Suisse No 48 27 novembre 2002 1144 nologiques identifiés sont la gynécomastie (surtout lors de tumeurs testiculaires, de cancer bronchique, de cancer carcinoïde des poumons et de tumeurs digestives), l’acromégalie et les hypoglycémies indépendantes des cellules d’îlots, apparaissant principalement chez les patients avec des sarcomes volumineux. Syndromes paranéoplasiques vasculaires et rhumatologiques En plus de l’ostéoarthropathie hypertrophique déjà mentionnée, une polyarthrite asymétrique paranéoplasique peut survenir par ex. lors de cancer mammaire. Les SPN rhumatologiques sont le plus souvent associés aux tumeurs hématologiques. Non seulement les tumeurs malignes peuvent induire une ostéomalacie (TIO) mais aussi certaines tumeurs bénignes (en particulier mésenchymateuses). Sur le plan clinique, les patients se plaignent de douleurs musculaires et osseuses. Les examens de laboratoire montrent une hypophosphatémie, un taux abaissé de calcitriol, une phosphaturie, tandis que le taux sérique de calcium et de parathormone sont normaux. On suppose qu’il est dû à la sécrétion tumorale de peptide altérée (FGF23), qui ne pourrait pas être inactivée par les reins et qui entraîne une déplétion en phosphate. La résection de la tumeur permet de guérir le tableau clinique. Le syndrome de Sjögren est par ex. souvent observé dans la phase de transition d’une maladie auto-immune avancée vers une néoplasie. Le risque de développer un lymphome nonHogkinien est, selon la littérature, 44 fois plus élevé chez les patients souffrant d’un syndrome de Sjögren de durée prolongée [21]. L’anticorps 17–109 est présent chez tous ces patients. Une présentation atypique d’une polymyalgia rheumatica (par ex. âge inférieur à 50 ans, VS inférieure à 40 mm/h, atteinte asymétrique et mauvaise réponse au traitement stéroïdien) peut être un indice d’une maladie tumorale. Un bilan pour exclure cancer lors d’une polymyalgia rheumatica n’est cependant pas recommandé dans la littérature. Un petit nombre de cas d’érythème noueux persistant plus de 6 mois ont été décrits comme indice d’une tumeur sous-jacente. Un phénomène de Raynaud, souvent asymétrique, d’apparition récente peut également être une manifestation paranéoplasique. D’après Naschitz et al., le risque relatif de développer une maladie tumorale est plus élevé lors d’arthrite rhumatoïde prolongée (mise en évidence de gammopathie monoclonale lors de transformation maligne), lors de syndrome de Felty, de syndrome de Sjögren, de sclérose sys- C U R R I C U LU M Forum Med Suisse No 48 27 novembre 2002 témique, de dermatomyosite, de lupus érythémateux disséminé et d’arthrite temporale, mais non lors de polymyosite et de Polymyalgia rheumatica [21]. La mesure de marqueurs tumoraux n’est pas recommandée en raison de leur faible sensibilité et spécificité. Quintessence Les syndromes paranéoplasiques peuvent précéder, apparaître simultanément ou après la découverte et le traitement d’une tumeur. Bien qu’un syndrome paranéoplasique n’apparaîsse que chez une minorité des patients oncologiques (estimation maximale de 15%), leur reconnaissance a parfois une grande importance pour permettre un diagnostic précoce. 1145 Varia La fièvre est sans doute le syndrome paranéoplasique le plus souvent rencontré en pratique. La fièvre de Pel-Ebstein est classique, mais rare, lors de M. Hogkin. Un hypernéphrome, un myxome de l’oreillette, un sarcome et bien d’autres tumeurs peuvent se manifester initialement par une fièvre inexpliquée. L’ostéoarthropathie pulmonaire hypertrophique, souvent l’expression d’une maladie pulmonaire, de vices cardiaques cyanosants ou de maladie digestive chronique peut aussi survenir comme syndrome paranéoplasique. Remerciements Nous remercions le Dr B. Bättig, FMH Oncologie, Zürich, pour sa lecture du manuscrit et le Dr. med. F. Nestlé, Médecin associé au département de dermatologie de l’hôpital universitaire de Zürich, pour les illustrations. 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