Interférons L’interféron a été découvert en 1957 comme une substance inhibant la réplication d’un virus en présence d’un autre virus. Depuis, on connaît deux types d’interféron. Ces molécules font partie des défenses antivirales non spécifiques des cellules et des organismes. Produits au tout début des infections, les interférons sont également impliqués dans le réseau complexe des cytokines et donc dans la réponse immunitaire : • interférons de type I : les gènes des interférons de classe I sont dépourvus d’introns et sont situés sur le bras court du chromosome 9 : – les interférons α : 18 gènes sont connus et 20 espèces moléculaires sont décrites (IFNα1a pour le produit du gène A1) ; – l’interféron â : un seul gène connu et une seule protéine de 166 acides aminés ; – l’interféron Ù : six gènes connus et une espèce moléculaire connue de 172 acides aminés. • interféron de type II : il se compose uniquement de l’interféron ã, codé par un gène unique, comprenant trois introns, localisé sur le chromosome 12 ; l’espèce moléculaire connue est formée de deux sous-unités protéiques. Les interférons α sont produits par les lymphocytes non-T, non-B, portant des HLA-DR, par les cellules dendritiques, par les monocytes, par les fibroblastes en présence de certains virus comme le virus herpès simplex, de certaines substances chimiques, comme des oligonucléotides à simple brin, les G-CSF et GM-CSF. La synthèse des interférons â est induite dans les fibroblastes en présence d’ARN bicaténaire viral, celle des interférons ã est produite par les lymphocytes T CD4 activés par des substances mitogènes ou par des lymphocytes T ou NK en présence d’interleukine 2 ou 12. L’induction d’interféron après une infection virale va durer plusieurs jours, puis s’arrêter. Les cellules connaissent alors une période réfractaire avant d’être de nouveau inductibles par une nouvelle infection virale. Les interférons ont une spécificité d’espèce. Les interférons α et â reconnaissent les mêmes récepteurs spécifiques. Le spectre d’activité antivirale des interférons s’étend à tous les virus, indépendamment de leur acide nucléique ARN ou ADN ; cependant, les cycles réplicatifs du virus de l’hépatite C ou de la varicelle sont plus facilement bloqués que ceux d’autres virus. Les dosages d’interférons α et ã sont praticables sur sérum et sur liquide céphalo-rachidien par des tech- niques biologiques, puis plus récemment par des techniques de type Elisa. Chez le sujet sain, les taux d’interférons α ou ã sont indétectables et sont normalement inférieurs au seuil de sensibilité de la technique. Les interférons α sont induits chez l’homme par les infections virales, alors que les interférons ã peuvent être décelés dans des prélèvements pratiqués au cours de maladies virales, bactériennes ou parasitaires. Lors d’un syndrome infectieux, la présence de taux significatifs d’interféron au niveau sérique ou rachidien doit alerter si l’examen microbiologique est revenu négatif. Dosages dans le sérum Au cours des infections aiguës, les taux sériques d’interféron α augmentent précocement au cours des 3 à 10 premiers jours de l’infection selon les virus, les taux étant d’autant plus élevés que les échantillons sont prélevés rapidement. Selon l’infection virale, les taux peuvent être plus ou moins élevés : virus de la rougeole, de l’herpès, arbovirus, rotavirus. L’interféronémie α peut être absente lors de certaines virémies ou représentée par des sous-types d’interférons α non dosables par les dosages actuels : le dosage de l’interféron ã peut alors s’avérer utile en deuxième intention car, en particulier pour les virus de l’herpès, de la rougeole et les entérovirus, l’élévation de l’interféron ã est concomitante de celle des interférons α. Au cours des infections virales persistantes, l’interféronémie n’est pas constante et dépend du virus. Au cours de l’infection au VIH, les taux élevés d’interféron α semblent plus corrélés à des charges virales élevées. Dosages dans le liquide céphalo-rachidien Les taux élevés d’interféron retrouvés au niveau du liquide céphalo-rachidien témoignent d’une production locale d’interféron, par réplication intrathécale en relation avec un envahissement viral du système nerveux central ou des méninges : les valeurs observées sont très élevées dès le début des signes cliniques et s’annulent en 5 à 10 jours pour les encéphalites et en 3 à 5 jours pour les méningites. L’interféron α est synthétisé par le système nerveux dans 95 % des cas d’encéphalite herpétique : chez l’adulte, la production d’interféron α est uniquement intrathécale et chez le jeune enfant, les taux sériques sont généralement supérieurs aux taux rachidiens. Le dosage de l’interféron dans le liquide céphalorachidien est un bon marqueur de méningite virale, mais n’est actuellement pas disponible en urgence. Plus récemment, des taux élevés d’interféron α ont été décrits dans le liquide céphalo-rachidien au cours du syndrome d’Aicardi-Goutières, encéphalopathie progressive caractérisée par un arrêt du développement psychomoteur dans les premiers mois de vie (transmission autosomique récessive). Interférons et thérapeutique Par ailleurs, les interférons sont utilisés en thérapeutique dans certaines indications, mais à ce jour, les dosages ne sont pas contributifs au suivi thérapeutique des patients. Il s’agit d’interférons recombinants, type α 2a, α 2b, â 1a et â 1b. De nombreux effets indésirables sont notés : apparition d’anticorps antiinterféron, syndromes pseudo-grippaux, nausées, troubles hématologiques avec leucopénie, thrombocytopénie, nécessitant une surveillance clinique et biologique rapprochée : • en cancérologie : l’interféron α a une autorisation de mise sur le marché pour le traitement de la leucémie à tricholeucocytes, des leucémies myéloïdes chroniques et du sarcome de Kaposi. Au cours des méla- nomes, myélomes, lymphomes non hodgkiniens, cancer du rein métastatique ou récidivant, l’interféron α est actif dans 5 à 65 % des cas avec ou sans association à la chimiothérapie ; • en infectiologie : principalement dans la prise en charge des hépatites C depuis que la pégylation de l’interféron à du polyéthylène glycol (IFN-PEG) a permis de multiplier la demi-vie de l’interféron par 40, ce qui a permis d’obtenir des concentrations plus stables et prolongées sur la semaine, et donc une tolérance et une efficacité augmentées ; • dans la sclérose en plaques : deux interférons â 1a et un interféron â 1b sont disponibles pour la prise en charge du traitement de fond. ☞ ( Entérovirus, Hépatite C, Herpès simplex virus, TNF-α Dubos F, Lorrot M, Soulier M, Rozenberg F, Lebon P, Gendrel D. Production d’interféron alpha dans le sérum des très jeunes nourrissons lors d’infections virales. Méd Mal Infect 2004 ; 34 : 361-365. Lebon P. Interférons et maladies infectieuses. EMC - Maladies infectieuses 1997 ; 8-006-I-10, 8 p.