Médecine & enfance Prévalence et prise en charge des troubles gastro-intestinaux fonctionnels : enquête auprès de 2000 mères de nourrissons âgés de un à dix mois M. Bellaïche, service de gastropédiatrie, hôpital Robert-Debré, Paris M. Koskas, pédiatre, Saint-Maur-des-Fossés et hôpital Trousseau, Paris H. Lepetit, M. Le Danvic, Institut des Mamans Combien de nourrissons ont des troubles gastro-intestinaux fonctionnels ? Combien sont amenés en consultation pour ces troubles ? Que préconisent les médecins ? Que pensent les mères de l’efficacité des conseils des médecins ? Pour répondre à ces questions, Médecine et enfance et l’Institut des Mamans, avec le soutien de Blédina, ont pris l’initiative de mener deux enquêtes : l’une auprès de 2000 mères d’enfants âgés de un à dix mois, l’autre auprès de 502 pédiatres de ville. Nous présentons ici les résultats de l’enquête auprès des mères. Les résultats de l’enquête effectuée auprès des pédiatres seront publiés en septembre 2010. MÉTHODOLOGIE Entre le 29 janvier et le 28 février 2010, 2 000 mères d’enfants de un à dix mois recrutées dans le panel de l’Institut des Mamans et de ses partenaires ont répondu à un questionnaire sur internet. Cet échantillon était réparti en cinq strates selon l’âge du dernier enfant : 400 mères d’enfants de un à deux mois, 400 mères d’enfants de trois à quatre mois, 400 mères d’enfants de cinq à six mois, 400 mères d’enfants de sept à huit mois, 400 mères d’enfants de neuf à dix mois inclus. La représentativité de l’échantillon a été assurée au moyen d’un redressement effectué sur la base des données du recensement Insee 2006 (extraction complémentaire ad hoc portant sur les mères d’enfants de moins de un an en France métropolitaine) et des critères suivants : catégorie socioprofessionnelle de la personne de référence du foyer (PCS+/PCS–) ; nombre d’enfants (pri- mipares/multipares) ; zones géographiques correspondant au découpage Drees*. Dans le questionnaire proposé aux mères, les définitions des régurgitations et de la constipation correspondaient à celles des critères de Rome III (régurgitations : plus de deux rejets alimentaires par jour sans complications par ailleurs ; constipation : selles trop dures ou trop rares) [1]. RÉSULTATS CONTEXTE Suivi médical. 53,7 % des enfants sont suivis par un pédiatre, 45,8 % par un médecin généraliste et 14,5 % par un médecin de PMI (plusieurs réponses possibles). Le suivi médical est plus souvent assuré par un pédiatre lorsqu’il s’agit d’un enfant âgé de un à deux mois (64,1 %), de mères de catégorie socioprofessionnelle supérieure (64,3 %), de mai 2010 page 241 foyers ayant des revenus supérieurs (61,9 %) et de mères dont le niveau d’études est supérieur à Bac+2 (63,2 %), ainsi que dans les villes de plus de 100 000 habitants (70,9 %). Allergie ou maladie chronique. D’après les mères, 39 enfants, soit 1,9 % de l’échantillon, ont une allergie alimentaire et 41 enfants (2,1 %) souffrent d’une maladie chronique (nous n’avons pas demandé aux mères de préciser de quelle maladie il s’agissait). Taux d’allaitement. 70,7 % des mères allaitent ou ont allaité leur enfant au sein. Le pourcentage de mères donnant le sein est plus élevé parmi les mères de catégories socioprofessionnelles élevées (80,4 %) et parmi celles ayant un niveau d’études supérieur à Bac+2 (81,4 %). * Ile-de-France ; Bassin parisien (Bourgogne, Centre, Champagne-Ardenne, Basse-Normandie, Haute-Normandie, Picardie) ; Nord (Nord-Pas-de-Calais) ; Est (Alsace, FrancheComté, Lorraine) ; Ouest (Bretagne, Pays de la Loire, PoitouCharentes) ; Sud-Ouest (Aquitaine, Limousin, Midi-Pyrénées) ; Centre-Est (Auvergne, Rhône-Alpes) ; Méditerranée (Languedoc-Roussillon, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Corse). Médecine & enfance Durée de l’allaitement exclusif au sein. La figure 1 représente, en fonction de l’âge des enfants, le pourcentage de mères qui donnaient le sein au moment de l’enquête. A deux mois, 36,7 % des mères allaitent exclusivement au sein et 16,1 % effectuent un allaitement mixte. Figure 1 Allaitement au moment de l’enquête (taux en fonction de l’âge des enfants) 48 % 14,3 % 52,8 % 16,1 % Allaitement au sein exclusif 45,1 % 36,4 % 17,3 % 9,9 % Troubles gastro-intestinaux de la mère. Avant d’interroger les mères sur les troubles gastro-intestinaux de leur enfant, il leur a été demandé si ellesmêmes souffraient régulièrement de ces troubles. 27,1 % des mères ont déclaré souffrir de constipation, 21,4 % de gaz et de ballonnements et 8,4 % de régurgitations ou de remontées acides avec brûlures. 33,7 % 36,7 % 26,5 % 17,7 % Gaz et ballonnements 1 016 enfants de notre cohorte ont ou ont eu des gaz et ballonnements. A l’âge de un mois, 55,7 % des enfants ont des gaz et ballonnements. Ce pourcentage baisse progressivement pour atteindre 7,7 % chez les enfants âgés de dix mois. Chez 57,2 % des enfants âgés de cinq à dix mois qui ont ou ont eu des gaz et ballonnements (517 enfants), le trouble est apparu avant leur cinquième semaine de vie et plus particulièrement entre deux et quatre semaines (35,5 %). Type d’alimentation. On ne note pas d’incidence du type d’alimentation (pour des enfants de même classe d’âge) sur la fréquence des troubles. Gaz et ballonnements de la mère. Un lien significatif est observé entre les troubles réguliers de la mère et les gaz et ballonnements de l’enfant : 39,7 % des mères qui ont des gaz et ballonnements décla- 15,3 % 18,3 % 8,0 % 14,6 % 10,3 % 15,0 % 3,9 % 11,1 % 16,8 % 16,6 % 7,9 % 7,9 % 8,9 % 8,7 % 1 mois 2 mois 3 mois 4 mois 5 mois 6 mois 7 mois 8 mois 9 mois 10 mois (âge) (n = 222) (n = 178) (n = 156) (n = 244) (n = 213) (n = 186) (n = 183) (n = 217) (n = 226) (n = 173) Figure 2 Présence de troubles gastro-intestinaux au moment de l’enquête (taux en fonction de l’âge des enfants) LES TROUBLES GASTRO-INTESTINAUX FONCTIONNELS La figure 2 représente, en fonction de l’âge, le pourcentage d’enfants qui avaient des troubles gastro-intestinaux fonctionnels au moment de l’enquête. D’après les mères, 71,3 % des enfants âgés de un mois avaient au moins un trouble fonctionnel gastro-intestinal : gaz et ballonnements, ou constipation, ou régurgitations. Ce pourcentage est de 18 % à l’âge de dix mois. 29,9 % 27,6 % 9,9 % 27,8 % Allaitement mixte Gaz et ballonnements Constipation (selles trop dures ou trop rares) Régurgitations (plus de 2 rejets alimentaires par jour, sans complications par ailleurs) Au moins un trouble en ce moment 55,7 % 43,1 % 34,3% 21,5 % 13,5 % 38,1 % 71,3 % 14,7 % 15,1 % 12,6 % 12,8 % 13,9 % 11,7 % 28,8 % 32,6 % 33,2 % 29,2 % 59,8 % 56,5 % 51,7 % 42,6 % 9,9 % 6,3 % 7,2 % 7,7 % 15,8 % 8,4 % 11,1 % 10,6 % 9,0 % 18,4 % 18,6 % 10,8 % 10,1 % 6,2 % 24,6 % 23,1 % 37,3 % 32,0 % 18,0 % 1 mois 2 mois 3 mois 4 mois 5 mois 6 mois 7 mois 8 mois 9 mois 10 mois (âge) (n = 222) (n = 178) (n = 156) (n = 244) (n = 213) (n = 186) (n = 183) (n = 217) (n = 226) (n = 173) rent que leur enfant a, au moment de l’enquête, des gaz et ballonnements vs 16,4 % chez les mères qui ne sont pas régulièrement atteintes de ce trouble (p < 0,01). Primipares ou multipares. Les gaz et ballonnements sont plus fréquents chez les mai 2010 page 242 enfants de mères primipares que chez les enfants de mères multipares : 54,4 % vs 48 % (p < 0,01). Troubles associés. Au moment de l’enquête, 20,8 % des enfants qui ont des gaz et ballonnements ont également de la constipation, vs 12 % en moyenne (p Médecine & enfance Figure 3 Quelles ont été les recommandations ou prescriptions de votre médecin pour résoudre ce problème de gaz et de ballonnements ? (plusieurs réponses possibles) Base totale : enfants sujets aux gaz et ballonnements ( n = 768) 64,1 % Enfants ayant toujours été allaités au biberon ( n = 216) Enfants ayant toujours été allaités au sein ( n = 164) Recommandations du médecin (figure 3). 37,6 % 27,8 % 23,8 % Autre Il m’a donné des conseils pour changer ma manière d'allaiter Il m’a conseillé de changer de lait infantile Il a prescrit des médicaments Il m’a rassurée en disant que mon enfant allait bien par ailleurs et que ça allait passer 9,7 % Figure 4 Quelles ont été les recommandations ou prescriptions de votre médecin pour résoudre ce problème de constipation ? (plusieurs réponses possibles) Base totale : enfants sujets à la constipation ( n = 549) Enfants ayant toujours été allaités au biberon ( n = 171) 59,4 % Enfants âgés de quatre mois ou plus au moment du trouble ( n = 105) 45,9 % 40,5 % 21,2 % 26,9 % 15,8 % Autre Il a prescrit des médicaments Il m’a conseillé de changer de lait infantile Il m’a conseillé des aliments accélérant le transit Il m’a rassurée en disant que mon enfant allait bien par ailleurs et que ça allait passer Il m’a conseillé d’utiliser une eau très minéralisée pour reconstituer les biberons 9,0 % < 0,01), et 38,7 % des enfants qui ont des gaz et ballonnements ont également des régurgitations, vs 22,8 % en moyenne (p < 0,01). Consultations. A la question « Avez-vous cherché des conseils ou avis pour ces problèmes de gaz et ballonnements ? », 75,6 % de mères répondent qu’elles se sont adressées au médecin de leur enfant (parmi elles, 14,1 % ont pris un mai 2010 page 243 rendez-vous spécialement pour ce problème, 6 % ont téléphoné au médecin, 62,7 % en ont parlé lors de la visite de routine), 24,5 % disent qu’elles ont cherché des informations sur internet, 12,7 % qu’elles ont demandé conseil à leur pharmacien, 26,8 % qu’elles en ont parlé à leurs proches. En réponse à la question « Quelles ont été les recommandations ou prescriptions de votre médecin pour résoudre ce problème de gaz et de ballonnements ? (plusieurs réponses possibles) », 64,1 % des mères ont coché la case « Il m’a rassuré en disant que mon enfant allait bien par ailleurs et que ça allait passer ». Dans 40,3 % des cas, après avoir rassuré la mère, les médecins n’ont rien prescrit ni conseillé. Un changement de lait a été conseillé à 37,6 % des mères qui n’ont jamais nourri leur enfant au sein. Un médicament a été prescrit dans 27,8 % des cas. Efficacité des recommandations perçue par les mères. 77,2 % des mères aux- quelles le médecin a conseillé un changement de lait pensent que ce changement a permis de résoudre le problème de gaz et de ballonnements de l’enfant. 73,3 % des mères qui ont coché la case « Le médecin m’a rassuré en disant que l’enfant allait bien par ailleurs et que ça allait passer » ont aussi coché la case « C’est passé avec le temps ». En revanche, seulement 49,8 % des mères pensent que les médicaments prescrits à leur enfant ont amélioré son état. Constipation 737 enfants de notre cohorte souffrent ou ont souffert de constipation. 13,5 % des enfants étaient constipés à l’âge de un mois et 9 % à dix mois. Survenue. 8,6 % des enfants au biberon sont constipés au cours de leurs deux premières semaines de vie vs 3,7 % des enfants nourris exclusivement au sein plus de deux semaines (p < 0,01). On note un pic de constipation au moment du sevrage : chez 34,6 % des mères ayant allaité exclusivement au sein pendant moins de deux semaines, une Médecine & enfance Recommandations des médecins (figure 4). Dans 40,5 % des cas de constipation, le médecin a rassuré la mère. Pour les enfants constipés qui n’étaient pas nourris au sein, dans 59,4 % des cas, le médecin a conseillé d’utiliser une eau très minéralisée pour reconstituer les biberons ; dans 26,9 % des cas, il a conseillé un changement de lait. Quel que soit le mode d’alimentation, un médicament a été prescrit dans 15,8 % des cas et des aliments accélérant le transit ont été conseillés dans 21,2 % des cas ; ce dernier pourcentage est de 45,9 % lorsque le trouble survient à partir de l’âge de quatre mois. Efficacité des recommandations perçue Figure 5 Quelles ont été les recommandations ou prescriptions de votre médecin pour résoudre ce problème de régurgitations ? (plusieurs réponses possibles) Base totale : enfants sujets aux régurgitations ( n = 803) Enfants ayant toujours été allaités au biberon ( n = 265) 52,1 % 49,5 % 34,9 % 6,0 % Il m’a conseillé d’augmenter le nombre de biberons en réduisant les quantités Il m’a conseillé d’ajouter des céréales infantiles par les mères. 84,8 % des mères à qui le médecin a conseillé une eau très minéralisée attribuent l’amélioration des symptômes à l’eau très minéralisée. 77,6 % des mères à qui le médecin a recommandé un changement de lait considèrent que c’est ce changement qui a permis la disparition du trouble. Parmi celles à qui le médecin a déclaré que cela allait passer avec le temps, 55,7 % pensent que la constipation a disparu avec le temps. Régurgitations 1 019 enfants de notre cohorte ont ou ont eu des régurgitations. 38,1 % des enfants de un mois ont des régurgitations ; ce taux passe à 6,2 % à dix mois. Chez 52,5 % des enfants de cinq à dix mois qui ont eu des régurgitations, celles-ci sont survenues avant leur cinquième semaine de vie. Mode d’alimentation. Pour des enfants de même classe d’âge, on ne note pas de différence entre les enfants nourris au sein et ceux nourris au biberon. Régurgitations de la mère. Au moment de l’enquête, 41,4 % des mères qui ont régulièrement des régurgitations obsermai 2010 page 244 3,7 % 6,6 % Autre 6,2 % Il a prescrit des examens 7,2 % Il a proposé de favoriser une alimentation solide Il m’a conseillé de modifier sa position pour dormir Il m’a conseillé de changer de lait infantile Il a prescrit des médicaments 22,9 % Il m’a rassurée en disant que mon enfant allait bien par ailleurs et que ça allait passer constipation est apparue chez l’enfant entre deux et quatre semaines. Mode d’alimentation. 39,6 % des enfants qui n’ont jamais été nourris au sein sont ou ont été constipés, vs 26,2 % des enfants qui ont toujours été exclusivement allaités au sein (p < 0,01). Constipation de la mère. 24,6 % des enfants de mères régulièrement constipées étaient eux aussi constipés au moment de l’enquête, alors que seulement 7,3 % des enfants de mères non constipées l’étaient (p < 0,01). Chez les mères constipées, le pourcentage d’enfants constipés n’était pas plus élevé lorsque les mères allaitaient au sein. Troubles associés. On observe un lien significatif entre la constipation et les gaz et ballonnements, puisque 37 % des enfants actuellement constipés ont également des gaz et ballonnements, vs 21,4 % en moyenne (p < 0,01). Primipares ou multipares. La constipation est plus fréquente chez les enfants de mères primipares que chez les enfants des mères multipares : 39,3 % vs 35 % (p < 0,05). Consultations. 74,5 % des mères se sont adressées au médecin (parmi elles, 57,9 % en ont parlé lors de la visite de routine, 14,5 % ont sollicité un rendezvous spécialement pour ce problème et 9,7 % ont téléphoné au médecin), 30 % en ont parlé à leurs proches, 19,5 % ont cherché des informations sur internet, 17,3 % en ont fait part à leur pharmacien. vent aussi ce trouble chez leur enfant, vs 21,1 % des mères qui ne souffrent pas de régurgitations (p < 0,01). Troubles associés. 36,4 % des enfants qui ont actuellement des régurgitations ont également des gaz et des ballonnements, vs 21,4 % en moyenne (p < 0,01). Primipares ou multipares. Les régurgitations sont plus fréquentes chez les enfants de mères primipares que chez ceux de mères multipares : 54,5 % vs 48,2 % (p < 0,05). Consultations. 78,8 % des 1 019 mères se sont adressées au médecin de leur enfant pour ce trouble (parmi elles, 62,8 % en ont parlé lors de la visite de routine, 19,4 % ont pris un rendez-vous spécialement pour ce problème et 6,2 % ont téléphoné au médecin pour en parler), 26,3 % en ont parlé à leurs proches, 19,9 % ont cherché des informations sur internet, 8,6 % en ont parlé au pharmacien. Recommandations du médecin (figure 5). 52,1 % des mères ont coché la case « Le médecin m’a rassuré en disant que mon enfant allait bien par ailleurs et que ça allait passer ». Médecine & enfance Un médicament a été prescrit dans 34,9 % des cas, des examens complémentaires dans 3,7 % des cas. Un changement de lait a été conseillé à 49,5 % des enfants n’ayant pas été allaités au sein. Dans 22,9 % des cas, le médecin a conseillé de modifier la position de couchage. Efficacité des recommandations perçue par les mères. Le « succès » des conseils du médecin varie selon ses préconisations : 85,4 % des mères à qui le médecin a conseillé uniquement un changement de lait considèrent qu’un changement de lait a permis de faire disparaître les régurgitations. Dans 60,3 % des cas où le médecin a dit que « l’enfant allait bien par ailleurs et que cela allait passer avec le temps », la disparition des symptômes est attribuée au temps qui passe… Pour les mères, le « succès » est moindre en cas de prescription d’un médicament (41,4 % de succès) ou de conseil de modification de la position de couchage (44,7 %). DISCUSSION Le nombre de mères qui donnent le sein est de plus en plus élevé. Dans notre enquête, le taux de 70,7 % confirme la nette progression de l’allaitement maternel en France. Les enquêtes périnatales menées à intervalles réguliers par l’Inserm et par la Drees montraient déjà en 2002 une augmentation régulière du taux d’allaitement exclusif au sein à huit jours : de 40,5 % en 1995, ce taux est passé à 54,8 % en 2001 [2] et à 56,5 % en 2003 [3]. Toutefois, toujours dans notre enquête, l’allaitement exclusif au sein n’est plus que de 33,7 % au bout du premier mois. Dans notre enquête, la prévalence des troubles gastro-intestinaux fonctionnels a été établie à partir d’un questionnaire rempli sur internet par les mères, et non par des diagnostics médicaux. Ainsi, d’après les mères, presque trois quarts des enfants âgés de un mois ont au moins un trouble fonctionnel. Dans trois cas sur quatre, les mères en parlent au médecin, et 14 à 19 % d’entre elles L’ESSENTIEL 71,3 % des enfants âgés de un mois auraient au moins un trouble gastro-intestinal fonctionnel : gaz et ballonnements, ou constipation, ou régurgitations. Ce taux baisse à 18 % à l’âge de dix mois. 왎 Dans 76,5 % des cas, les mères s’adressent au médecin pour ces troubles. 왎 A l’âge de un mois, 55,7 % des enfants ont des gaz et ballonnements, 13,5 % sont constipés, 38,1 % régurgitent. Pour les gaz et ballonnements comme pour les régurgitations, ces taux baissent progressivement pour atteindre respectivement 7,7 % et 6,2 % à l’âge de dix mois. 왎 Les troubles fonctionnels intestinaux sont souvent associés (troubles concomitants au moment de l’enquête) : – 20,8 % des enfants qui ont des gaz et des ballonnements ont également de la constipation ; – 38,7 % des enfants qui ont des gaz et des ballonnements ont aussi des régurgitations ; – 37 % des enfants constipés ont en même temps des gaz et ballonnements ; – 36,4 % des enfants qui régurgitent ont également des gaz et des ballonnements. 왎 Un lien significatif entre les troubles de la mère et ceux de l’enfant est observé. 왎 Pour les gaz et ballonnements : – les médecins réassurent les mères dans 64,1 % des cas, ne faisant rien d’autre dans 40,3 % des cas ; – un médicament est prescrit dans 27,8 % des cas ; – un changement de lait est conseillé à 37,6 % des mères qui n’allaitent pas au sein. 왎 Pour la constipation : – une eau très minéralisée pour reconstituer les biberons est conseillée à 59,4 % des mères qui ne donnent pas le sein ; – un changement de lait est conseillé à 26,9 % des mères qui ne donnent pas le sein ; – un médicament est prescrit dans 15,8 % des cas (enfant nourri au sein ou au biberon). 왎 Pour les régurgitations : – un médicament a été prescrit dans 34,9 % des cas ; – un changement de lait a été conseillé à 49,5 % des enfants au biberon. 왎 Dans l’ensemble, ce qui a été conseillé par le médecin a permis, selon les mères, de résoudre les problèmes. Cependant, les conseils diététiques et la réassurance semblent plus efficaces aux yeux des mères que les médicaments. 왎 sollicitent une consultation spécialement pour ces troubles. La fréquence des gaz et ballonnements, comme celle des régurgitations, diminue évidemment avec l’âge, mais la fréquence de la constipation reste assez constante. Les gaz et ballonnements représentent dans notre enquête le trouble fonctionnel intestinal le plus fréquent chez le nouveau-né et le petit nourrisson. En 1997, une étude de Stagnara et al. sur les coliques du nourrisson, portant sur 2 773 enfants âgés de 15 à 119 jours et consultant des pédiatres de la région lyonnaise, a montré que 22 % des enfants avaient des coliques. Dans cette étude, les coliques étaient définies par la durée des pleurs, les gaz et les ballonnements [4]. L’étude de Iacono et al., efmai 2010 page 245 fectuée en 2005 auprès de 150 pédiatres italiens qui ont suivi 2 879 nourrissons de la naissance à six mois, a trouvé le même taux chez les nourrissons italiens (20,5 %). Dans notre enquête, la prévalence des gaz et des ballonnements est deux fois plus élevée. Cette différence est probablement expliquée par le fait que nous n’avons recherché que la présence de gaz et de ballonnements et que nous n’avons pas jugé pertinent d’interroger les mères de manière rétrospective sur la durée des pleurs. Dans notre enquête, 14,1 % des mères prennent un rendez-vous spécifique pour les gaz et ballonnements et 6 % téléphonent au médecin pour cette raison. S’agirait-il alors de coliques ? Dans l’étude de Iacono et al. [5], les pé- Médecine & enfance diatres ont diagnostiqué une constipation chez 17,6 % des enfants ; dans notre enquête, le taux indiqué par les réponses des mères est de 13,5 % à l’âge de un mois. En 2006, les quatre-vingt-sept experts provenant de dix-huit pays qui ont établi les critères de Rome estimaient que 67 % des enfants âgés de quatre mois, en bonne santé par ailleurs, avaient plus de une régurgitation par jour [1]. Une méta-analyse de la Cochrane précise que 50 % des nourrissons régurgitent au moins une fois par jour de la naissance à trois mois [6]. Iacono et al. mettent en évidence des régurgitations chez 23,1 % des nourrissons et des vomissements chez 6 % [5]. Dans notre enquête, 38,1 % des nourrissons de un mois sont considérés par leurs mères comme ayant plus de deux régurgitations par jour (critères de Rome), et 19,4 % des mères consultent spécialement pour ce problème. Pour les experts de Rome, le taux d’enfants atteints de régurgitations baisse à 5 % à l’âge de dix-douze mois [1]. Ici, d’après les mères, ce taux est sensiblement identique (6,2 % à dix mois). Nous avons observé un lien significatif entre les troubles de la mère et les troubles de son enfant. Cette notion, connue pour la constipation [7], est également observée pour l’ensemble des troubles dans une étude récente menée auprès de 1 211 enfants âgés de un à quatre ans consultant en pédiatrie générale dans la région de Nîmes [8]. La présence de troubles plus nombreux chez les enfants de mères primipares peut suggérer un rôle joué par l’anxiété maternelle. Le type d’alimentation, au sein ou au biberon, ne semble pas avoir de conséquence sur les troubles fonctionnels (à l’exception de la constipation, qui est plus fréquente chez les enfants qui ne sont pas allaités au sein). Le médecin reste l’interlocuteur privilégié, mais cela n’empêche pas un certain nombre de mères de consulter internet ! Nous ne discuterons pas ici la pertinence des recommandations des médecins rapportées par les mères, nous reviendrons sur ce thème dans notre second article. Dans l’ensemble, les mères pensent que les conseils de leur médecin sont efficaces. Entendre que l’enfant va bien et que ses symptômes vont disparaître avec le temps est un élément rassurant, important dans cette enquête. Cette notion est moins nette pour la constipation que pour les autres troubles fonctionnels. Les conseils nutritionnels du médecin sont dans l’ensemble très bien perçus par les mères. La perception de l’efficacité des médicaments est plus mitigée. Références évolution depuis 1998 », Paris, Inserm, 2005, http://www.sante. gouv.fr/htm/dossiers/perinat03/enquete.pdf. [4] STAGNARA J., BLANC J.P., DANJOU G., SIMON-GHEDIRI M.J., DÜRR F. : « Eléments cliniques du diagnostic de coliques du nourrisson. Enquête chez 2773 nourrissons âgés de 15 à 119 jours », Arch. Pédiatr., 1997 ; 4 : 959-66. [5] IACONO G., MEROLLA R., D’AMICO D., BONCI E., CAVATAIO F., DI PRIMA L., SCALICI C., INDINNIMEO L., AVERNA M.R., CARROCCIO A. ; Paediatric Study Group on Gastrointestinal Symptoms in Infancy : « Gastrointestinal symptoms in infancy : a population-based prospective study 2005 », Digestive and Liver Disease, 2005 ; 37 : 432-8. [6] CRAIG W., HANLON-DEARMAN A., SINCLAIR C., TABACK S., MOFFATT M. : « Metoclopramide, thickened feedings and positioning for gastroesophageal reflux in children under two years », Cochrane Database Syst. Rev., 2004 ; 18 : C003502. [7] RASQUIN A., DI LORENZO C., FORBES D., GUIRALDES E., HYAM J.S., STAIANO A., WALKER L.S. : « Childhood functional gastrointestinal disorders : child/adolescent », Gastroenterology, 2006 ; 130 : 1527-37. [8] BRANCATO S., CHOURAQUI J.P., BOUSQUET P., THOMASSIN N. : « Prévalence des troubles fonctionnels intestinaux chez le nourrisson et l’enfant en bas âge », abstract CO.32, Journées francophones d’hépatologie et oncologie digestives, mars 2010. [1] HYMAN A.E., MILLA P.J., BENNINGA M.A., DAVIDSON G.P., FLEISHER D.F., TAMINIAU J. : « Childhood functional gastrointestinal disorders : neonate/toddler », Gastroenterology, 2006 ; 130 : 1519-26. [2] « Allaitement maternel. Mise en œuvre et poursuite dans les six premiers mois de vie de l’enfant », mai 2002, http://www.hassante.fr/portail/upload/doc/application/pdf/Allaitement_rap.pdf. [3] BLONDEL B., SUPERNANT K., DU MAZAUBRUN C., BREART G. : « Enquête nationale périnatale 2003. Situation en 2003 et mai 2010 page 246 CONCLUSION Internet nous a permis d’interroger 2 000 mères d’enfants âgés de un à dix mois, représentatives de la population générale. L’enquête par internet induit probablement certains biais. Néanmoins, les résultats que nous avons obtenus correspondent à ceux que nous observons quotidiennement dans nos consultations. De plus nos résultats sont en accord avec ceux que les études médicales ont rapportés. Ainsi, notre enquête a permis d’obtenir un instantané de la prévalence et de la prise en charge des troubles gastro-intestinaux fonctionnels dans la population pédiatrique générale. 첸