Prévalence et prise en charge des troubles gastro

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Médecine
& enfance
Prévalence et prise en charge des troubles
gastro-intestinaux fonctionnels : enquête auprès de
2000 mères de nourrissons âgés de un à dix mois
M. Bellaïche, service de gastropédiatrie, hôpital Robert-Debré, Paris
M. Koskas, pédiatre, Saint-Maur-des-Fossés et hôpital Trousseau, Paris
H. Lepetit, M. Le Danvic, Institut des Mamans
Combien de nourrissons ont des troubles gastro-intestinaux
fonctionnels ? Combien sont amenés en consultation pour ces
troubles ? Que préconisent les médecins ? Que pensent les
mères de l’efficacité des conseils des médecins ?
Pour répondre à ces questions, Médecine et enfance et l’Institut des Mamans, avec le soutien de Blédina, ont pris l’initiative
de mener deux enquêtes : l’une auprès de 2000 mères d’enfants âgés de un à dix mois, l’autre auprès de 502 pédiatres
de ville. Nous présentons ici les résultats de l’enquête auprès
des mères. Les résultats de l’enquête effectuée auprès des pédiatres seront publiés en septembre 2010.
MÉTHODOLOGIE
Entre le 29 janvier et le 28 février 2010,
2 000 mères d’enfants de un à dix mois
recrutées dans le panel de l’Institut des
Mamans et de ses partenaires ont répondu à un questionnaire sur internet.
Cet échantillon était réparti en cinq
strates selon l’âge du dernier enfant :
400 mères d’enfants de un à deux mois,
400 mères d’enfants de trois à quatre
mois, 400 mères d’enfants de cinq à six
mois, 400 mères d’enfants de sept à huit
mois, 400 mères d’enfants de neuf à dix
mois inclus.
La représentativité de l’échantillon a été
assurée au moyen d’un redressement effectué sur la base des données du recensement Insee 2006 (extraction complémentaire ad hoc portant sur les mères
d’enfants de moins de un an en France
métropolitaine) et des critères suivants : catégorie socioprofessionnelle
de la personne de référence du foyer
(PCS+/PCS–) ; nombre d’enfants (pri-
mipares/multipares) ; zones géographiques correspondant au découpage
Drees*.
Dans le questionnaire proposé aux
mères, les définitions des régurgitations
et de la constipation correspondaient à
celles des critères de Rome III (régurgitations : plus de deux rejets alimentaires par jour sans complications par
ailleurs ; constipation : selles trop dures
ou trop rares) [1].
RÉSULTATS
CONTEXTE
Suivi médical. 53,7 % des enfants sont
suivis par un pédiatre, 45,8 % par un
médecin généraliste et 14,5 % par un
médecin de PMI (plusieurs réponses
possibles). Le suivi médical est plus souvent assuré par un pédiatre lorsqu’il
s’agit d’un enfant âgé de un à deux mois
(64,1 %), de mères de catégorie socioprofessionnelle supérieure (64,3 %), de
mai 2010
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foyers ayant des revenus supérieurs
(61,9 %) et de mères dont le niveau
d’études est supérieur à Bac+2
(63,2 %), ainsi que dans les villes de
plus de 100 000 habitants (70,9 %).
Allergie ou maladie chronique. D’après
les mères, 39 enfants, soit 1,9 % de
l’échantillon, ont une allergie alimentaire et 41 enfants (2,1 %) souffrent d’une
maladie chronique (nous n’avons pas
demandé aux mères de préciser de
quelle maladie il s’agissait).
Taux d’allaitement. 70,7 % des mères allaitent ou ont allaité leur enfant au sein.
Le pourcentage de mères donnant le
sein est plus élevé parmi les mères de
catégories socioprofessionnelles élevées
(80,4 %) et parmi celles ayant un niveau
d’études supérieur à Bac+2 (81,4 %).
* Ile-de-France ; Bassin parisien (Bourgogne, Centre, Champagne-Ardenne, Basse-Normandie, Haute-Normandie,
Picardie) ; Nord (Nord-Pas-de-Calais) ; Est (Alsace, FrancheComté, Lorraine) ; Ouest (Bretagne, Pays de la Loire, PoitouCharentes) ; Sud-Ouest (Aquitaine, Limousin, Midi-Pyrénées) ;
Centre-Est (Auvergne, Rhône-Alpes) ; Méditerranée (Languedoc-Roussillon, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Corse).
Médecine
& enfance
Durée de l’allaitement exclusif au sein. La
figure 1 représente, en fonction de l’âge
des enfants, le pourcentage de mères
qui donnaient le sein au moment de
l’enquête. A deux mois, 36,7 % des
mères allaitent exclusivement au sein et
16,1 % effectuent un allaitement mixte.
Figure 1
Allaitement au moment de l’enquête (taux en fonction de l’âge des enfants)
48 %
14,3 %
52,8 %
16,1 %
Allaitement au sein exclusif
45,1 %
36,4 %
17,3 %
9,9 %
Troubles gastro-intestinaux de la mère.
Avant d’interroger les mères sur les
troubles gastro-intestinaux de leur enfant, il leur a été demandé si ellesmêmes souffraient régulièrement de ces
troubles. 27,1 % des mères ont déclaré
souffrir de constipation, 21,4 % de gaz
et de ballonnements et 8,4 % de régurgitations ou de remontées acides avec
brûlures.
33,7 %
36,7 %
26,5 %
17,7 %
Gaz et ballonnements
1 016 enfants de notre cohorte ont ou
ont eu des gaz et ballonnements.
A l’âge de un mois, 55,7 % des enfants
ont des gaz et ballonnements. Ce pourcentage baisse progressivement pour atteindre 7,7 % chez les enfants âgés de
dix mois. Chez 57,2 % des enfants âgés
de cinq à dix mois qui ont ou ont eu des
gaz et ballonnements (517 enfants), le
trouble est apparu avant leur cinquième
semaine de vie et plus particulièrement
entre deux et quatre semaines (35,5 %).
Type d’alimentation. On ne note pas d’incidence du type d’alimentation (pour
des enfants de même classe d’âge) sur
la fréquence des troubles.
Gaz et ballonnements de la mère. Un lien
significatif est observé entre les troubles
réguliers de la mère et les gaz et ballonnements de l’enfant : 39,7 % des mères
qui ont des gaz et ballonnements décla-
15,3 %
18,3 %
8,0 %
14,6 %
10,3 %
15,0 %
3,9 %
11,1 %
16,8 %
16,6 %
7,9 %
7,9 %
8,9 %
8,7 %
1 mois 2 mois 3 mois 4 mois 5 mois 6 mois 7 mois 8 mois 9 mois 10 mois (âge)
(n = 222) (n = 178) (n = 156) (n = 244) (n = 213) (n = 186) (n = 183) (n = 217) (n = 226) (n = 173)
Figure 2
Présence de troubles gastro-intestinaux au moment de l’enquête (taux en fonction de
l’âge des enfants)
LES TROUBLES
GASTRO-INTESTINAUX
FONCTIONNELS
La figure 2 représente, en fonction de
l’âge, le pourcentage d’enfants qui
avaient des troubles gastro-intestinaux
fonctionnels au moment de l’enquête.
D’après les mères, 71,3 % des enfants
âgés de un mois avaient au moins un
trouble fonctionnel gastro-intestinal :
gaz et ballonnements, ou constipation,
ou régurgitations. Ce pourcentage est
de 18 % à l’âge de dix mois.
29,9 %
27,6 %
9,9 %
27,8 %
Allaitement mixte
Gaz et ballonnements
Constipation (selles trop dures ou trop rares)
Régurgitations (plus de 2 rejets alimentaires par jour,
sans complications par ailleurs)
Au moins un trouble en ce moment
55,7 %
43,1 %
34,3%
21,5 %
13,5 %
38,1 %
71,3 %
14,7 %
15,1 %
12,6 %
12,8 %
13,9 %
11,7 %
28,8 %
32,6 %
33,2 %
29,2 %
59,8 %
56,5 %
51,7 %
42,6 %
9,9 %
6,3 %
7,2 %
7,7 %
15,8 %
8,4 %
11,1 %
10,6 %
9,0 %
18,4 %
18,6 %
10,8 %
10,1 %
6,2 %
24,6 %
23,1 %
37,3 %
32,0 %
18,0 %
1 mois 2 mois 3 mois 4 mois 5 mois 6 mois 7 mois 8 mois 9 mois 10 mois (âge)
(n = 222) (n = 178) (n = 156) (n = 244) (n = 213) (n = 186) (n = 183) (n = 217) (n = 226) (n = 173)
rent que leur enfant a, au moment de
l’enquête, des gaz et ballonnements vs
16,4 % chez les mères qui ne sont pas
régulièrement atteintes de ce trouble (p
< 0,01).
Primipares ou multipares. Les gaz et ballonnements sont plus fréquents chez les
mai 2010
page 242
enfants de mères primipares que chez
les enfants de mères multipares :
54,4 % vs 48 % (p < 0,01).
Troubles associés. Au moment de l’enquête, 20,8 % des enfants qui ont des
gaz et ballonnements ont également de
la constipation, vs 12 % en moyenne (p
Médecine
& enfance
Figure 3
Quelles ont été les recommandations ou prescriptions de votre médecin pour résoudre
ce problème de gaz et de ballonnements ? (plusieurs réponses possibles)
Base totale : enfants sujets aux gaz et ballonnements ( n = 768)
64,1 %
Enfants ayant toujours été allaités au biberon ( n = 216)
Enfants ayant toujours été allaités au sein ( n = 164)
Recommandations du médecin (figure 3).
37,6 %
27,8 %
23,8 %
Autre
Il m’a donné
des conseils pour
changer ma manière
d'allaiter
Il m’a conseillé
de changer
de lait infantile
Il a prescrit
des médicaments
Il m’a rassurée
en disant que mon enfant
allait bien par ailleurs
et que ça allait passer
9,7 %
Figure 4
Quelles ont été les recommandations ou prescriptions de votre médecin pour résoudre
ce problème de constipation ? (plusieurs réponses possibles)
Base totale : enfants sujets à la constipation ( n = 549)
Enfants ayant toujours été allaités au biberon ( n = 171)
59,4 %
Enfants âgés de quatre mois ou plus au moment du trouble ( n = 105)
45,9 %
40,5 %
21,2 %
26,9 %
15,8 %
Autre
Il a prescrit
des médicaments
Il m’a conseillé
de changer
de lait infantile
Il m’a conseillé
des aliments
accélérant
le transit
Il m’a rassurée
en disant que mon enfant
allait bien par ailleurs
et que ça allait passer
Il m’a conseillé d’utiliser
une eau très minéralisée
pour reconstituer
les biberons
9,0 %
< 0,01), et 38,7 % des enfants qui ont
des gaz et ballonnements ont également des régurgitations, vs 22,8 % en
moyenne (p < 0,01).
Consultations. A la question « Avez-vous
cherché des conseils ou avis pour ces
problèmes de gaz et ballonnements ? »,
75,6 % de mères répondent qu’elles se
sont adressées au médecin de leur enfant (parmi elles, 14,1 % ont pris un
mai 2010
page 243
rendez-vous spécialement pour ce problème, 6 % ont téléphoné au médecin,
62,7 % en ont parlé lors de la visite de
routine), 24,5 % disent qu’elles ont
cherché des informations sur internet,
12,7 % qu’elles ont demandé conseil à
leur pharmacien, 26,8 % qu’elles en ont
parlé à leurs proches.
En réponse à la question « Quelles ont
été les recommandations ou prescriptions de votre médecin pour résoudre ce
problème de gaz et de ballonnements ?
(plusieurs réponses possibles) », 64,1 %
des mères ont coché la case « Il m’a rassuré en disant que mon enfant allait
bien par ailleurs et que ça allait passer ».
Dans 40,3 % des cas, après avoir rassuré la mère, les médecins n’ont rien prescrit ni conseillé.
Un changement de lait a été conseillé à
37,6 % des mères qui n’ont jamais nourri leur enfant au sein.
Un médicament a été prescrit dans
27,8 % des cas.
Efficacité des recommandations perçue
par les mères. 77,2 % des mères aux-
quelles le médecin a conseillé un changement de lait pensent que ce changement a permis de résoudre le problème
de gaz et de ballonnements de l’enfant.
73,3 % des mères qui ont coché la case
« Le médecin m’a rassuré en disant que
l’enfant allait bien par ailleurs et que ça
allait passer » ont aussi coché la case
« C’est passé avec le temps ». En revanche, seulement 49,8 % des mères
pensent que les médicaments prescrits à
leur enfant ont amélioré son état.
Constipation
737 enfants de notre cohorte souffrent
ou ont souffert de constipation. 13,5 %
des enfants étaient constipés à l’âge de
un mois et 9 % à dix mois.
Survenue. 8,6 % des enfants au biberon
sont constipés au cours de leurs deux
premières semaines de vie vs 3,7 % des
enfants nourris exclusivement au sein
plus de deux semaines (p < 0,01). On
note un pic de constipation au moment
du sevrage : chez 34,6 % des mères
ayant allaité exclusivement au sein pendant moins de deux semaines, une
Médecine
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Recommandations des médecins (figure 4).
Dans 40,5 % des cas de constipation, le
médecin a rassuré la mère.
Pour les enfants constipés qui n’étaient
pas nourris au sein, dans 59,4 % des
cas, le médecin a conseillé d’utiliser une
eau très minéralisée pour reconstituer
les biberons ; dans 26,9 % des cas, il a
conseillé un changement de lait.
Quel que soit le mode d’alimentation,
un médicament a été prescrit dans
15,8 % des cas et des aliments accélérant le transit ont été conseillés dans
21,2 % des cas ; ce dernier pourcentage
est de 45,9 % lorsque le trouble survient
à partir de l’âge de quatre mois.
Efficacité des recommandations perçue
Figure 5
Quelles ont été les recommandations ou prescriptions de votre médecin pour résoudre
ce problème de régurgitations ? (plusieurs réponses possibles)
Base totale : enfants sujets aux régurgitations ( n = 803)
Enfants ayant toujours été allaités au biberon ( n = 265)
52,1 %
49,5 %
34,9 %
6,0 %
Il m’a conseillé d’augmenter
le nombre de biberons
en réduisant les quantités
Il m’a conseillé d’ajouter
des céréales infantiles
par les mères. 84,8 % des mères à qui le
médecin a conseillé une eau très minéralisée attribuent l’amélioration des
symptômes à l’eau très minéralisée.
77,6 % des mères à qui le médecin a recommandé un changement de lait
considèrent que c’est ce changement
qui a permis la disparition du trouble.
Parmi celles à qui le médecin a déclaré
que cela allait passer avec le temps,
55,7 % pensent que la constipation a
disparu avec le temps.
Régurgitations
1 019 enfants de notre cohorte ont ou
ont eu des régurgitations. 38,1 % des
enfants de un mois ont des régurgitations ; ce taux passe à 6,2 % à dix mois.
Chez 52,5 % des enfants de cinq à dix
mois qui ont eu des régurgitations,
celles-ci sont survenues avant leur cinquième semaine de vie.
Mode d’alimentation. Pour des enfants
de même classe d’âge, on ne note pas de
différence entre les enfants nourris au
sein et ceux nourris au biberon.
Régurgitations de la mère. Au moment
de l’enquête, 41,4 % des mères qui ont
régulièrement des régurgitations obsermai 2010
page 244
3,7 %
6,6 %
Autre
6,2 %
Il a prescrit des examens
7,2 %
Il a proposé de favoriser
une alimentation solide
Il m’a conseillé de modifier
sa position pour dormir
Il m’a conseillé
de changer de lait infantile
Il a prescrit
des médicaments
22,9 %
Il m’a rassurée
en disant que mon enfant
allait bien par ailleurs
et que ça allait passer
constipation est apparue chez l’enfant
entre deux et quatre semaines.
Mode d’alimentation. 39,6 % des enfants
qui n’ont jamais été nourris au sein sont
ou ont été constipés, vs 26,2 % des enfants qui ont toujours été exclusivement
allaités au sein (p < 0,01).
Constipation de la mère. 24,6 % des enfants de mères régulièrement constipées étaient eux aussi constipés au moment de l’enquête, alors que seulement
7,3 % des enfants de mères non constipées l’étaient (p < 0,01). Chez les
mères constipées, le pourcentage d’enfants constipés n’était pas plus élevé
lorsque les mères allaitaient au sein.
Troubles associés. On observe un lien significatif entre la constipation et les gaz
et ballonnements, puisque 37 % des enfants actuellement constipés ont également des gaz et ballonnements, vs
21,4 % en moyenne (p < 0,01).
Primipares ou multipares. La constipation est plus fréquente chez les enfants
de mères primipares que chez les enfants des mères multipares : 39,3 % vs
35 % (p < 0,05).
Consultations. 74,5 % des mères se sont
adressées au médecin (parmi elles,
57,9 % en ont parlé lors de la visite de
routine, 14,5 % ont sollicité un rendezvous spécialement pour ce problème et
9,7 % ont téléphoné au médecin), 30 %
en ont parlé à leurs proches, 19,5 % ont
cherché des informations sur internet,
17,3 % en ont fait part à leur pharmacien.
vent aussi ce trouble chez leur enfant,
vs 21,1 % des mères qui ne souffrent
pas de régurgitations (p < 0,01).
Troubles associés. 36,4 % des enfants
qui ont actuellement des régurgitations
ont également des gaz et des ballonnements, vs 21,4 % en moyenne (p
< 0,01).
Primipares ou multipares. Les régurgitations sont plus fréquentes chez les enfants de mères primipares que chez
ceux de mères multipares : 54,5 % vs
48,2 % (p < 0,05).
Consultations. 78,8 % des 1 019 mères
se sont adressées au médecin de leur
enfant pour ce trouble (parmi elles,
62,8 % en ont parlé lors de la visite de
routine, 19,4 % ont pris un rendez-vous
spécialement pour ce problème et 6,2 %
ont téléphoné au médecin pour en parler), 26,3 % en ont parlé à leurs
proches, 19,9 % ont cherché des informations sur internet, 8,6 % en ont parlé
au pharmacien.
Recommandations du médecin (figure 5).
52,1 % des mères ont coché la case « Le
médecin m’a rassuré en disant que mon
enfant allait bien par ailleurs et que ça
allait passer ».
Médecine
& enfance
Un médicament a été prescrit dans
34,9 % des cas, des examens complémentaires dans 3,7 % des cas.
Un changement de lait a été conseillé à
49,5 % des enfants n’ayant pas été allaités au sein.
Dans 22,9 % des cas, le médecin a
conseillé de modifier la position de couchage.
Efficacité des recommandations perçue
par les mères. Le « succès » des conseils
du médecin varie selon ses préconisations : 85,4 % des mères à qui le médecin a conseillé uniquement un changement de lait considèrent qu’un changement de lait a permis de faire disparaître les régurgitations. Dans 60,3 %
des cas où le médecin a dit que « l’enfant allait bien par ailleurs et que cela
allait passer avec le temps », la disparition des symptômes est attribuée au
temps qui passe… Pour les mères, le
« succès » est moindre en cas de prescription d’un médicament (41,4 % de
succès) ou de conseil de modification
de la position de couchage (44,7 %).
DISCUSSION
Le nombre de mères qui donnent le sein
est de plus en plus élevé. Dans notre enquête, le taux de 70,7 % confirme la
nette progression de l’allaitement maternel en France. Les enquêtes périnatales menées à intervalles réguliers par
l’Inserm et par la Drees montraient déjà
en 2002 une augmentation régulière du
taux d’allaitement exclusif au sein à
huit jours : de 40,5 % en 1995, ce taux
est passé à 54,8 % en 2001 [2] et à
56,5 % en 2003 [3]. Toutefois, toujours
dans notre enquête, l’allaitement exclusif au sein n’est plus que de 33,7 % au
bout du premier mois.
Dans notre enquête, la prévalence des
troubles gastro-intestinaux fonctionnels
a été établie à partir d’un questionnaire
rempli sur internet par les mères, et non
par des diagnostics médicaux. Ainsi,
d’après les mères, presque trois quarts
des enfants âgés de un mois ont au
moins un trouble fonctionnel. Dans
trois cas sur quatre, les mères en parlent
au médecin, et 14 à 19 % d’entre elles
L’ESSENTIEL
71,3 % des enfants âgés de un mois auraient au moins un trouble gastro-intestinal fonctionnel : gaz et ballonnements, ou constipation, ou régurgitations. Ce taux baisse à 18 % à
l’âge de dix mois.
왎 Dans 76,5 % des cas, les mères s’adressent au médecin pour ces troubles.
왎 A l’âge de un mois, 55,7 % des enfants ont des gaz et ballonnements, 13,5 % sont constipés, 38,1 % régurgitent. Pour les gaz et ballonnements comme pour les régurgitations, ces
taux baissent progressivement pour atteindre respectivement 7,7 % et 6,2 % à l’âge de dix
mois.
왎 Les troubles fonctionnels intestinaux sont souvent associés (troubles concomitants au moment de l’enquête) :
– 20,8 % des enfants qui ont des gaz et des ballonnements ont également de la constipation ;
– 38,7 % des enfants qui ont des gaz et des ballonnements ont aussi des régurgitations ;
– 37 % des enfants constipés ont en même temps des gaz et ballonnements ;
– 36,4 % des enfants qui régurgitent ont également des gaz et des ballonnements.
왎 Un lien significatif entre les troubles de la mère et ceux de l’enfant est observé.
왎 Pour les gaz et ballonnements :
– les médecins réassurent les mères dans 64,1 % des cas, ne faisant rien d’autre dans 40,3 %
des cas ;
– un médicament est prescrit dans 27,8 % des cas ;
– un changement de lait est conseillé à 37,6 % des mères qui n’allaitent pas au sein.
왎 Pour la constipation :
– une eau très minéralisée pour reconstituer les biberons est conseillée à 59,4 % des mères
qui ne donnent pas le sein ;
– un changement de lait est conseillé à 26,9 % des mères qui ne donnent pas le sein ;
– un médicament est prescrit dans 15,8 % des cas (enfant nourri au sein ou au biberon).
왎 Pour les régurgitations :
– un médicament a été prescrit dans 34,9 % des cas ;
– un changement de lait a été conseillé à 49,5 % des enfants au biberon.
왎 Dans l’ensemble, ce qui a été conseillé par le médecin a permis, selon les mères, de résoudre les problèmes. Cependant, les conseils diététiques et la réassurance semblent plus efficaces aux yeux des mères que les médicaments.
왎
sollicitent une consultation spécialement pour ces troubles. La fréquence
des gaz et ballonnements, comme celle
des régurgitations, diminue évidemment avec l’âge, mais la fréquence de la
constipation reste assez constante.
Les gaz et ballonnements représentent
dans notre enquête le trouble fonctionnel intestinal le plus fréquent chez le
nouveau-né et le petit nourrisson. En
1997, une étude de Stagnara et al. sur
les coliques du nourrisson, portant sur
2 773 enfants âgés de 15 à 119 jours et
consultant des pédiatres de la région
lyonnaise, a montré que 22 % des enfants avaient des coliques. Dans cette
étude, les coliques étaient définies par
la durée des pleurs, les gaz et les ballonnements [4]. L’étude de Iacono et al., efmai 2010
page 245
fectuée en 2005 auprès de 150 pédiatres italiens qui ont suivi 2 879 nourrissons de la naissance à six mois, a
trouvé le même taux chez les nourrissons italiens (20,5 %). Dans notre enquête, la prévalence des gaz et des ballonnements est deux fois plus élevée.
Cette différence est probablement expliquée par le fait que nous n’avons recherché que la présence de gaz et de
ballonnements et que nous n’avons pas
jugé pertinent d’interroger les mères de
manière rétrospective sur la durée des
pleurs. Dans notre enquête, 14,1 % des
mères prennent un rendez-vous spécifique pour les gaz et ballonnements et
6 % téléphonent au médecin pour cette
raison. S’agirait-il alors de coliques ?
Dans l’étude de Iacono et al. [5], les pé-
Médecine
& enfance
diatres ont diagnostiqué une constipation chez 17,6 % des enfants ; dans
notre enquête, le taux indiqué par les
réponses des mères est de 13,5 % à l’âge
de un mois.
En 2006, les quatre-vingt-sept experts
provenant de dix-huit pays qui ont établi
les critères de Rome estimaient que
67 % des enfants âgés de quatre mois,
en bonne santé par ailleurs, avaient plus
de une régurgitation par jour [1]. Une
méta-analyse de la Cochrane précise
que 50 % des nourrissons régurgitent au
moins une fois par jour de la naissance à
trois mois [6]. Iacono et al. mettent en
évidence des régurgitations chez 23,1 %
des nourrissons et des vomissements
chez 6 % [5]. Dans notre enquête, 38,1 %
des nourrissons de un mois sont considérés par leurs mères comme ayant plus
de deux régurgitations par jour (critères
de Rome), et 19,4 % des mères consultent spécialement pour ce problème.
Pour les experts de Rome, le taux d’enfants atteints de régurgitations baisse à
5 % à l’âge de dix-douze mois [1]. Ici,
d’après les mères, ce taux est sensiblement identique (6,2 % à dix mois).
Nous avons observé un lien significatif
entre les troubles de la mère et les
troubles de son enfant. Cette notion,
connue pour la constipation [7], est également observée pour l’ensemble des
troubles dans une étude récente menée
auprès de 1 211 enfants âgés de un à
quatre ans consultant en pédiatrie générale dans la région de Nîmes [8].
La présence de troubles plus nombreux
chez les enfants de mères primipares
peut suggérer un rôle joué par l’anxiété
maternelle.
Le type d’alimentation, au sein ou au biberon, ne semble pas avoir de conséquence sur les troubles fonctionnels (à
l’exception de la constipation, qui est
plus fréquente chez les enfants qui ne
sont pas allaités au sein).
Le médecin reste l’interlocuteur privilégié, mais cela n’empêche pas un certain
nombre de mères de consulter internet !
Nous ne discuterons pas ici la pertinence des recommandations des médecins
rapportées par les mères, nous reviendrons sur ce thème dans notre second
article.
Dans l’ensemble, les mères pensent que
les conseils de leur médecin sont efficaces. Entendre que l’enfant va bien et
que ses symptômes vont disparaître
avec le temps est un élément rassurant,
important dans cette enquête. Cette notion est moins nette pour la constipation que pour les autres troubles fonctionnels. Les conseils nutritionnels du
médecin sont dans l’ensemble très bien
perçus par les mères. La perception de
l’efficacité des médicaments est plus mitigée.
Références
évolution depuis 1998 », Paris, Inserm, 2005, http://www.sante.
gouv.fr/htm/dossiers/perinat03/enquete.pdf.
[4] STAGNARA J., BLANC J.P., DANJOU G., SIMON-GHEDIRI
M.J., DÜRR F. : « Eléments cliniques du diagnostic de coliques
du nourrisson. Enquête chez 2773 nourrissons âgés de 15 à 119
jours », Arch. Pédiatr., 1997 ; 4 : 959-66.
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page 246
CONCLUSION
Internet nous a permis d’interroger
2 000 mères d’enfants âgés de un à dix
mois, représentatives de la population
générale. L’enquête par internet induit
probablement certains biais. Néanmoins, les résultats que nous avons obtenus correspondent à ceux que nous
observons quotidiennement dans nos
consultations. De plus nos résultats sont
en accord avec ceux que les études médicales ont rapportés. Ainsi, notre enquête a permis d’obtenir un instantané
de la prévalence et de la prise en charge
des troubles gastro-intestinaux fonctionnels dans la population pédiatrique
générale.
첸
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