»
La morphogenèse vertébrale est un processus complexe : la formation des vertèbres est contrôlée par un
oscillateur moléculaire appelé ”horloge de segmentation”, agissant lors du développement embryonnaire.
Le dérèglement de cet oscillateur chez l’homme conduit à des scolioses congénitales.
»La scoliose idiopathique pourrait résulter de défauts du système contrôlant l’asymétrie droite/gauche
chez l’embryon.
»
La mutation de certains gènes associés au processus de segmentation conduit à des malformations vertébrales.
»
Chez l’homme, on retrouve des malformations vertébrales liées à des défauts de segmentation comme
le syndrome de Jarcho-Levin, le syndrome de Klippel-Feil, le syndrome d’Alagille ou le syndrome polymal-
formatif de VACTERL.
Mots-clés
Somites
Horloge
de segmentation
Scoliose
Colonne vertébrale
Vertèbre
Highlights
»
The morphogenesis of the
spine is a complex process:
vertebrae formation is under
the control of a molecular
oscillator, called segmentation
clock, acting during embryonic
development. Dysfunction of
this oscillator leads to congen-
ital scoliosis in human.
»
Idiopathic scoliosis could
be the result of defects in the
system establishing left/right
asymmetry in the embryo.
»
Mutation of some genes
involved in the segmentation
process leads to vertebrae
malformations.
»
In human, vertebrae malfor-
mations associated with
segmentation defects are found
in syndromes such as Jarcho-
Levin syndrome, Klippel-Feil
syndrome, Alagille syndrome
or VACTERL syndrome.
Keywords
Somites
Molecular clock
Vertebrate segmentation
Spine
Vertebra
ciation des cellules somitiques en sclérotome. Par la
suite, ces cellules du sclérotome induisent 2 facteurs
de transcription, Paired box 1 et 9 (PAX1, PAX9). Les
cellules du quadrant ventromédial des somites sous
l’influence de ces facteurs de transcription perdent
alors leur structure épithéliale et deviennent du
mésenchyme. Ces cellules se différencient ensuite
en cellules cartilagineuses puis en cellules osseuses.
Les gènes de la voie de signalisation Wnt exprimée
dans la partie dorsale du tube neural et la partie
dorsolatérale du mésoderme paraxial induisent
l’expression de 2 autres facteurs de transcription,
Paired box 3 et 7 (PAX3 et PAX7). Ces 2 facteurs de
transcription contribuent à la formation de cellules
musculaires au niveau du dermomyotome et du
myotome (3). La Bone Morphogenetic Protein 4
(BMP4), protéine exprimée dans la lame latérale du
mésoderme, inhibe la différenciation du myotome
et inhibe Shh (4) [figure 1, p. 20].
➤
Lors de leur formation, les somites acquièrent une
identité régionale selon l’axe antéropostérieur qui est
ensuite traduite en types anatomiques de vertèbres
différentes (cervicale, thoracique, lombaire, sacrée).
Ce mécanisme est contrôlé par la famille de gènes
Homeobox, Hox (5). Au niveau thoracique unique-
ment, les somites fournissent les vertèbres ainsi que
les côtes. Au niveau sacral, les vertèbres fusionnent
pour former le sacrum (6). Le nombre total de somites
formés, tout comme le rythme de production des
paires de somites, est caractéristique de l’espèce.
L’embryon humain a 44 paires de somites, la souris
65, le poulet 52, le poisson zèbre 30, et ce nombre
peut atteindre 500 chez certaines espèces de ser-
pents. Ainsi, on peut voir se former les somites de
façon cyclique toutes les 30 minutes chez le poisson
zèbre, toutes les 90 minutes chez le poulet, toutes
les 120 minutes chez la souris et environ toutes les
8 heures chez l’homme (figure 2, p. 21) [7].
Horloge de segmentation
et scoliose congénitale
➤
La périodicité de la production des somites a
conduit à postuler l’existence d’un oscillateur agis-
sant dans les cellules du PSM. En 1976, Cooke et
Zeeman ont proposé un modèle appelé “the clock
and wavefront model” pour rendre compte du méca-
nisme de segmentation chez les vertébrés (8). Ce
modèle proposait l’existence d’une horloge contrô-
lant la formation rythmique des somites dans le
PSM. La première preuve expérimentale de l’exis-
tence de cette horloge, appelée “horloge de la seg-
mentation” découle de l’observation de l’expression
cyclique du gène c-Hairy 1 dans les cellules du PSM
de l’embryon du poulet (9). Des gènes cycliques ont
été identifiés chez le poisson, les oiseaux et les mam-
mifères, suggérant que l’horloge de segmentation
est conservée chez les vertébrés, y compris chez
l’homme (figure 3, p. 22) [10].
Avant leur individualisation morphologique à l’extré-
mité antérieure du PSM sous forme de somites, les
futurs segments embryonnaires sont tout d’abord
définis au niveau moléculaire sous forme d’une
bande de cellules exprimant certains gènes dits
“de segmentation”. Cette bande se forme dans la
partie antérieure du PSM et définit génétiquement
les futures frontières du somite. Le niveau où se
forme cette bande est appelé “front de détermi-
nation”. Sa position est définie par 2 gradients de
concentration parallèles présentant leur maximum
dans la partie la plus postérieure de l’embryon : un
gradient de signalisation de la voie FGF ainsi qu’un
gradient de signalisation de la voie Wnt (11, 12). Les
facteurs sécrétés FGF 4 et FGF 8 sont distribués en
gradients et maintiennent les cellules du PSM à un
stade indifférencié (13). Le front de détermination
correspond à un seuil de concentration des ligands
FGF et Wnt dans le PSM. Passé ce seuil, les cellules
du PSM deviennent compétentes pour répondre
au signal périodique de l’horloge de segmentation.
À chaque nouvelle oscillation, les cellules qui ont
passé le niveau du front de détermination au cours
du cycle précédent répondent de manière synchrone
au signal de l’horloge en activant les gènes de seg-
mentation. Ce mécanisme conduit à l’expression
de facteurs de transcription comme le gène Mesp2
dans le PSM antérieur, dans 2 groupes de cellules
localisés de part et d’autre du tube neural et situés
juste après le front de détermination. Au sein de
ces bandes s’établira la polarité antéropostérieure
des somites caractérisée par l’expression des gènes
marqueurs de cette polarité, Mesp2 et Ephrin B2, au
futur compartiment postérieur, et des gènes Uncx4.1,
La Lettre du Rhumatologue • No 381 - avril 2012 | 19
Points forts
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