Développement de la charnière crânio-rachidienne

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Développement de la charnière crânio-rachidienne
C. Morgand, M. Catala
Laboratoire d’Histologie et Embryologie et UMR CNRS 7000
Faculté de Médecine Pitié-Salpêtrière - Université Pierre et Marie Curie
105, Bd de l’Hôpital - 75634 Paris Cedex 13
Résumé
Summary
a charnière crânio-rachidienne est une structure complexe tant sur le plan anatomique
qu’embryologique. Elle a subi de profonds
remaniements au cours de la phylogénèse pour s’adapter aux contraintes mécaniques inhérentes au
mode de vie des mammifères. L’embryogénèse de la
charnière crânio-rachidienne est indissociable du
mésoderme para-axial, tissu dérivé de la gastrulation.
Anatomiquement, l’os occipital est décrit sous la
forme de quatre sous-unités (basi-occipital, exo-occipital, supra-occipital et interpariétal). En fait, il faut
d’emblée séparer l’os interpariétal qui appartient à la
voûte du crâne du reste de la charnière qui est une
véritable interface entre le chondrocrâne et le rachis.
Le « chondro-occipital » et les deux premières vertèbres cervicales dérivent du mésoderme para-axial. Il
existe encore des controverses quant aux participations exactes des somites occipitaux et cervicaux pour
la genèse de ces os. On commence à mettre en évidence des gènes impliqués dans le contrôle de la morpho-
he cranio-spinal junction is a complex anatomical region prone to malformations. In order
to understand how these malformations arise,
it is mandatory to know the phases taking place during
the normal development. A tremendous amount of data
is now available thanks to the different animal models
that can be used in Developmental Biology. The cranio-spinal junction has been dramatically modified
during the evolution from fishes to mammals. The
eventual anatomical aspect is adapted for the human
way of life. It is necessary to work on the development
of the para-axial mesoderm in order to understand the
mechanisms that lead to the formation of the bones
constituting the junction. The para-axial mesoderm is
a primordial layer that is settled down during gastrulation. This event takes place during the third week of
gestation in humans. This mesoderm is organized into
domains: a rostral one, namely the cephalic mesoderm
that stays unsegmented, and a caudal one constituted
by metameric units, the somites. Each somite dissocia-
T
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DOSSIER
article original
C. Morgand, M. Catala
génèse de cette région. Les gènes Hox contrôlent l’identité positionnelle selon l’axe antéro-postérieur.
D’autres gènes contrôlent plus spécifiquement certains des éléments osseux de cette région. Toutes ces
données devraient être utilisées pour une meilleure
lecture intégrée des malformations de la charnière.
tes to form three derivatives: the sclerotome, the myotome and the dermatome. The axial skeleton derives
from the sclerotome.
It is commonly accepted in anatomical textbooks that
the occipital bone is built from four primordia (basioccipital, exo-occipital, supra-occipital and interparietal bones). It is important to remain that the interparietal bone belongs to the skull vault and is derived
from neural crest cells contrarily to the other parts of
the occipital bone. The cranio-spinal junction is thus
constituted by the occipital part of the chondrocranium and represents a genuine interface between the
skull and the spine. The “chondro-occipital” and the
first and second vertebrae derive from the para-axial
mesoderm. The fate mapping of this region has been
performed only in avian embryos using the quail-chick
chimera technique. However, the results published by
two different groups are divergent. It seems that the
somites represent the major source of cells forming the
chondro-occipital. A contribution from the cephalic
mesoderm is still plausible.
Nowadays, some genetic factors involved in the
control of the development of this junction begin to be
unravelled. Hox genes play a crucial role in establishing a positional identity of the cells according to the
antero-posterior axis. Other genes seem to control
very specific regions of the occipital bones. In the next
future, the understanding of the development of this
region will be clearer allowing proposing new lectures
of human malformations affections the cranio-spinal
junction.
Mots-clefs : Somites - Sclérotome - Gènes Hox - Développement Interactions cellulaires.
Key-words : Somites - Sclerotome - Hox genes - Development - Cell
interactions.
a charnière crânio-rachidienne représente un
véritable défi biomécanique. En effet, la mobilité de cet ensemble doit être importante pour
l’appréhension visuelle de l’environnement (détection
d’une proie potentielle en vue de la nutrition, et repérage d’un individu hostile potentiellement dangereux).
Mais cette charnière doit aussi être résistante car les
éléments du système nerveux central inclus dans le
canal central jouent un rôle vital primordial (moelle
allongée, moelle cervicale haute). La charnière crâniorachidienne représente l’interface entre les os du crâne
(c’est à dire l’os occipital à ce niveau) et les deux premières vertèbres cervicales.
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Phylogénèse
La charnière crânio-rachidienne est une structure anatomique ayant considérablement évolué au cours de la
phylogénèse des vertébrés. Chez les poissons, les vertèbres ne présentent pas de caractères régionaux et il
n’est donc pas possible de décrire différentes régions
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Développement de la charnière crânio-rachidienne
spinales. Avec le développement des premiers tétrapodes terrestres, une des contraintes à laquelle se sont
trouvés confrontés ces animaux a été la possibilité de
pouvoir relever la tête afin de permettre une meilleure
appréhension visuelle de l’environnement. Cet avantage adaptatif est une acquisition majeure tant pour les
prédateurs que pour les proies. Cette acquisition s’est
traduite par une régionalisation des vertèbres : cervicales rostrales, thoraciques, lombo-sacrées et caudales. Le rachis cervical a pour particularité d’être très
mobile assurant l’érection de la tête et des yeux audessus du plan du sol.
La mobilité de ces régions s’est considérablement
accrue au cours de l’évolution. Ainsi, les reptiles et les
oiseaux ont une articulation crânio-rachidienne à un
seul degré de liberté. Au contraire, les mammifères
jouissent d’une articulation très mobile dans les trois
plans de l’espace.
Les somites,
le sclérotome et le
mésoderme céphalique
Somites, sclérotomes et mésoderme céphalique, précurseurs des éléments squelettiques rachidiens et de
certains os du crâne, dérivent du mésoderme paraaxial. Ce tissu se met en place lors de la troisième
semaine du développement chez l’homme au cours de
la gastrulation (voir 4 pour une revue). Le mésoderme
provient de cellules situées initialement au niveau de la
ligne primitive. La partie la plus rostrale du mésoderme para-axial forme le mésoderme céphalique qui ne
se segmente pas. Caudalement, le mésoderme paraaxial forme des structures segmentées, les somites
(figures 1 et 2). Les somites se forment selon un gradient rostro-caudal chez l’homme comme dans toutes
les espèces vertébrées. Le nombre total de somites a
été diversement apprécié par les différents auteurs des
traités d’embryologie humaine classique et ces chiffres
ne sont donnés qu’à titre indicatif pour nos lecteurs :
40 pour Tuchmann-Duplessis (24), 42 à 44 pour
Rabineau (20), Sadler (22), Larsen (13), Encha-Razavi
et Escudier (7), Moore et Persaud (17). Toutefois, ce
nombre est discuté et il serait plus proche de 38 ou 39
selon O’Rahilly et Müller (18) d’après une étude basée
sur l’observation des embryons de la collection de
l’Institut Carnegie et qui, de ce fait, représente plus de
valeurs à nos yeux.
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Figure 1 : Vue dorsale de l’extrémité céphalique d’un embryon de poulet
présentant 16 paires de somites. Le tube neural est segmenté selon l’axe
antéro-postérieur : Tél (télencéphale), Di (diencéphale), M (mésencéphale), Rh (rhombencéphale). La vésicule otique (Vo), précurseur de l’oreille
interne et les vésicules optiques (Op), précurseur de la rétine sont bien
visibles. Le mésoderme céphalique est segmenté en somites (So) au niveau
caudal alors que son extrémité céphalique (MC) reste insegmentée.
Figure 2 : Coupe transverse d’un embryon de poulet présentant 11 paires
de somites et colorée par le violet de crésyl. Ce stade montre l’aspect histologqiue du somite (So). Ao : aorte, En : endoderme, ES : ectoderme de
surface, n : notochorde, TN : tube neural.
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téines cytoplasmiques Gli (dont il existe trois formes
chez les vertébrés). Ces modifications entraînent l’action nucléaire des Gli qui modulent la transcription
génomique.
La greffe de notochorde (ou de toute autre source de
SHH) à proximité de la région dorsale du somite induit
le développement de cellules du sclérotome. Les cellules du sclérotome expriment un facteur de transcription nommé Pax1 qui est impliqué dans la différenciation des tissus en cartilage et dans la formation des
vertèbres (23). La molécule SHH serait donc responsable de l’activation de Pax 1 et impliquée par conséquent dans la détermination de ce tissu en cartilage
puis en vertèbre.
Un autre dérivé mésodermique intervient dans la formation du crâne : le mésoderme céphalique (figure 1).
Situé en position antérieure par rapport à la formation
des somites dans le mésoderme, ce tissu embryonnaire est à l’origine de la formation de nombreux dérivés
tels que les muscles de la face, certains muscles oculaires extrinsèques et certains os de la face ; les autres
os de la face dérivant des cellules des crêtes neurales
céphaliques. Les cellules des crêtes neurales migrent à
partir du toit du tube neural et forment les arcs pharyngés ainsi que le bourgeon naso-frontal, à l’origine
des différentes structures de la face. Seules les cellules
des crêtes neurales céphaliques peuvent générer du
tissu qui est normalement dérivé du mésoderme (on
parle de mésectoderme pour décrire les cellules mésenchymateuses dérivant des crêtes neurales). Les cellules des crêtes neurales du corps à l’exception de la
tête sont à l’origine de cellules gliales et neuronales et
de mélanocytes mais sont incapables de donner du
tissu osseux ou cartilagineux.
Figure 3 : Coupe transverse d’un embryon de poulet présentant 24 paires
de somites et colorée par le violet de crésyl. Ce stade montre la dissociation somitique en dematome (De), myotome (My) et sclérotome (Scl). Ao :
aorte, ES : ectoderme de surface, n : notochorde, TN : tube neural.
Par la suite, les somites se dissocient selon l’axe dorsoventral (figure 3). Ils génèrent ainsi trois dérivés (voir
2 pour une revue) : le dermatome, dorsal à l’origine du
derme et de l’hypoderme de la région dorsale du
corps, le myotome, intermédiaire, qui donne naissance
aux fibres musculaires striées squelettiques et le sclérotome, tissu le plus ventral à l’origine des vertèbres,
des ligaments, des méninges spinales et d’une partie
des côtes. Le devenir d’un somite n’est pas fixé selon
l’axe dorso-ventral : en effet, si on inverse la polarité
d’un somite, de telle sorte que l’hémisomite ventral
occupe une position dorsale et que l’hémisomite dorsal occupe une position ventrale, on constate que les
tissus se différencient selon leur nouvel environnement (3). Des études récentes montrent que le myotome est le premier tissu à se spécifier et que le dermotome et le sclérotome restent plastiques plus longtemps.
Le sclérotome joue un rôle majeur dans la formation
des os de l’axe médian de l’organisme. Ce dérivé
somitique est induit par la notochorde (mésoderme
axial) et par le plancher du tube neural sous l’influence de la molécule sécrétée Sonic Hedgehog (SHH). Le
signal SHH est très complexe (1); en effet, la cellule
qui synthétise cette protéine génère un précurseur
clivé en deux régions dont une est modifiée (par greffe de deux groupements, un cholestérol et un radical
palmytoil). Le fragment modifié est sécrété et agit sur
un complexe de récepteurs membranaires composés de
Patched, molécule à 12 domaines transmembranaires
et de Smoothened, récepteur à 7 domaines transmembranaires. En absence de SHH, Patched inhibe
Smoothened. SHH inhibe Patched et libère donc
Smoothened. Ceci conduit à des modifications de proRACHIS - Vol. 17, n°1, Mars 2005
Une lecture anatomique
de l’os occipital
La description classique des anatomistes montre que
l’os occipital est, chez les vertébrés supérieurs, constitué de quatre sous-unités qui sont : le basi-occipital,
l’exo-occipital, le supra-occipital et l’interpariétal
(voir 19 et 21 pour revues). On peut raisonnablement
s’interroger quant à cette description tranchée pour
laquelle les éléments constitutifs de l’os occipital
représentent des entités morphogénétiques différentes.
L’analyse de l’apparition des points d’ossification permet de comprendre cette partition. Pourtant, l’ossifi-
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Développement de la charnière crânio-rachidienne
différents éléments que sont les compartiments dérivés
du cartilage. Il nous paraît beaucoup plus rigoureux et
plus proche de la réalité d’opposer un chondro-occipital (composé du basi-occipital, de l’exo-occipital et du
supra-occipital) qui s’intègre au chondro-crâne et un
inter-pariétal qui est un des os de la voûte crânienne et
qui dérive des cellules de la crête neurale (10).
Vers une lecture
embryologique de la
charnière crâniorachidienne
L’étude précoce de l’origine embryonnaire des cellules
qui contribuent à la formation de la charnière crâniorachidienne n’a été réalisée que chez l’oiseau (6, 8).
Ces deux auteurs ont utilisé la technique des chimères
caille - poulet décrite par Nicole Le Douarin (14)
basée sur la possibilité de reconnaître les cellules des
deux espèces grâce à des caractéristiques distinctives
révélées soit par la coloration de Feulgen-Rossenbeck
soit par l’utilisation d’anticorps monoclonaux (QCPN)
reconnaissant spécifiquement les noyaux des cellules
de la caille.
Bien que l’approche expérimentale des deux équipes
soit assez similaire, les résultats sont discordants (voir
tableau 1 et figure 4). Ceci montre la difficulté d’interprétation des manipulations expérimentales d’em-
Figure 4 : Vue de profil d’un crâne de poulet. Origine embryonnaire des
structures squelettiques de la charnière crânio-rachidienne selon Huang et
al. (8) A et Couly et al. (6) B.
cation est un processus tardif qui ne préjuge en rien
des données embryologiques. Ainsi, le basi-occipital,
l’exo-occipital et le supra-occipital dérivent à partir
d’une matrice cartilagineuse unique (ossification
endochondrale) alors que l’interpariétal est un os de
membrane (19). De plus, la matrice cartilagineuse primordiale ne permet en aucun cas de reconnaître les
Couly et al. (6)
Huang et al. (8)
Arc antérieur * de l’atlas
Somite 5
Arc postérieur * de l’atlas
Somite 6
Portion céphalique de l’apophyse
odontoïde de l’axis
Portion caudale de l’apophyse
odontoïde de l’axis
Portion céphalique de l’axis
Exo-occipital
Basi-occipital
Supra-occipital
Condyles occipitaux
Somite 5
Somite 5 (partie crânienne)
Somite 6 (partie caudale)
Somite 5 (partie crânienne)
Somite 6 (partie caudale)
Somite 5
Somite 6
Somite 6
Somite 6
Somite 1
Somites 2, 3 et 4
Mésoderme céphalique
Somite 5
Somite 6
Somites 1, 2, 3, 4 et 5
Somites 1, 2, 3, 4 et 5
Somites 1 et 2
Somite 5
Tableau 1 : Contributions embryonnaires aux différentes parties de la charnière crânio-rachidienne selon Couly et al. (6) et Huang et al. (8).
* Gérard Couly et al. (6) ont utilisé la nomenclature arcs antérieur et postérieur pour ventral et dorsal.
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let. En effet, la greffe hétérotopique de mésoderme
présomitique normalement à l’origine de somites thoraciques dans un embryon hôte plus jeune au niveau
du mésoderme présomitique à l’origine de somites
cervicaux montre l’apparition de côtes dans le cou de
l’embryon receveur mettant ainsi en évidence le fait
que le mésoderme greffé se différencie en accord avec
sa position d’origine (12). Ainsi, L’information de
position de ces somites selon l’axe antéro-postérieur
est définie de façon très précoce au cours du développement embryonnaire et est à corréler au devenir de ce
tissu.
Il est possible de modifier le code Hox d’une région
axiale chez la souris. Ainsi, si on force l’expression du
gène Hox d4 (normalement exprimé par les somites
cervicaux mais pas par les somites occipitaux) dans un
domaine plus céphalique englobant les somites occipitaux, on observe une réduction de l’os occipital avec
apparition d’arcs neuraux supplémentaires (arcs proatlantaux) (15). Cette manipulation génétique révèle la
nature somitique de l’occipital et valide, en partie, la
théorie vertébrale du crâne proposée par Goethe. Par
ailleurs, l’invalidation ciblée des deux gènes Hoxa3 et
Hoxd3 conduit à une disparition de l’atlas (5). Ces
données montrent l’importance du code Hox dans le
contrôle de la morphogénèse de la charnière crâniovertébrale.
Enfin, d’autres facteurs de transcription jouent aussi
un rôle dans ces processus. L’invalidation du gène
Prx1 (anciennement MHox) chez la souris conduit, à
l’état homozygote à de nombreuses malformations
osseuses dont une disparition du supra-occipital alors
que les autres régions occipitales sont conservées (16).
Ce résultat montre que le contrôle génétique est complexe et peut n’affecter qu’une partie de la structure
incriminée.
bryologie. De plus, ces discordances invitent à la plus
grande prudence quant aux généralisations des résultats d’études embryologiques d’une espèce à l’autre.
Ainsi, l’os supra-occipital est un dérivé du mésoderme
céphalique pour Couly et al. (6) alors qu’il est un dérivé des somites 1 et 2 pour Huang et al. (8). L’os basioccipital dérive des somites 2 à 4 pour Couly et al. (6)
alors qu’il provient des cinq premiers somites pour
Huang et al. (8). L’os exo-occipital ne dérive que du
premier somite selon Couly et al. (6) alors que les cinq
premiers somites participent à sa formation selon
Huang et al. (8).
De la même façon, l’origine des deux premières vertèbres cervicales diffèrent selon les auteurs. Pour Couly
et al. (6), la ligne de démarcation de l’atlas passe dans
un plan ventro-dorsal contrairement à toutes les autres
vertèbres. Au contraire, Huang et al. (8) délimitent une
contribution céphalo-caudale qui est la grande règle de
la resegmentation somitique et qui s’applique à toutes
les vertèbres.
Ainsi, l’origine embryologique de la charnière crâniorachidienne reste encore discutée et il convient d’être
encore très prudent quant aux interprétations des malformations affectant cette région.
Contrôle moléculaire
de la morphogénèse
de la charnière
L’implication de la famille des gènes Hox (qui code
des facteurs de transcription à homéodomaine) dans le
contrôle de l’identité rostro-caudale des segments de
l’organisme a été mise en évidence chez de nombreuses espèces. Chez la souris, l’expression des gènes
Hox représente un code qui permet d’établir les différences régionales observables au niveau des vertèbres
(11). Chaque vertèbre ou groupe de vertèbres est
caractérisée par une combinaison d’expression de
gènes Hox (voir 9 pour une revue). Par exemple, la
première vertèbre cervicale exprime Hox a2, b2, a3,
b3 et d4 alors que la deuxième vertèbre cervicale
exprime Hox a2, b2, a3 et b3 mais pas d4 (9). De
même, les somites occipitaux expriment Hox a2 et b2
mais aucun autre des paralogues (9).
La régionalisation des somites selon l’axe antéro-postérieur a été montrée pour la première fois chez le pouRACHIS - Vol. 17, n°1, Mars 2005
Vers une lecture
intégrée des
malformations de la
charnière
Toutes ces données embryologiques devraient permettre de mieux appréhender les malformations affectant
cette région. Ainsi, une occipitalisation de l’atlas s’explique plus facilement avec les résultats de Huang et
al. (8). Dans ce cas, elle résulterait d’un défaut de
10
Développement de la charnière crânio-rachidienne
Beaucoup de travail reste à faire tant sur le plan expérimental que sur les corrélations anatomo-embryologiques pour proposer une lecture intégrée de cette
région. Toutefois, une meilleure transdisciplinarité
devrait aider à faire progresser ce problème.
■
resegmentation du 5 ème somite. Le défaut d’ossification entre les portions céphalique et caudale de l’apophyse odontoïde s’explique par leur origine différente
(respectivement 5 ème et 6 ème somite) et par un défaut de
fusion des deux ébauches.
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