À ce stade, les amis et la famille commencent à exprimer leur inquiétude, à trouver la
malade extrêmement maigre, émaciée même. Mais l’anorexique voit les choses autrement.
« Je ne me trouvais pas squelettique », dit Alain, un garçon de 1.75 mètres tombé un moment
à 33 kilos. « Plus vous perdez du poids, explique-t-il, plus votre esprit est faussé. Vous ne
vous voyez plus tel que vous êtes en réalité*. »
À la longue, l’anorexie peut provoquer de graves problèmes de santé, tel l’ostéoporose
ou des lésions rénales. Parfois même, elle est fatale. « Mon médecin m’a expliqué que j’avais
tellement privé mon corps d’éléments nutritifs que si j’avais continué comme sa deux mois de
plus, je serais morte d’inanition », dit Hélène. Un bulletin médical (The Harvard Mental
Health Letter) signale que, sur dix ans, environ 5% des femmes déclarées anorexiques
meurent.
La boulimie : gavages et purges
Le trouble du comportement alimentaire appelé boulimie nerveuse se caractérise par
des crises hyperphagiques (ingestion rapide de grandes quantités de nourriture, représentant
parfois un apport de 5 000 calories ou plus) suivies de purges (le sujet se vide l’estomac,
souvent en se faisant vomir ou en prenant des laxatifs**).
Contrairement à l’anorexie, la boulimie passe facilement inaperçue. La malade n’est
pas forcément d’une maigreur inhabituelle, et, vues de l’extérieur, ses habitudes alimentaires
semblent souvent parfaitement normales. Pourtant, la boulimique mène une existence
chaotique. En fait, on obsession de la nourriture est telle que tout le reste est sans importance.
« Plus je me gavais et vomissais, moins je me souciais du reste et des autres, se souvient
Murielle, 16 ans. J’avais oublié ce que c’est que de s’amuser avec ses amis. »
Geneen Roth, auteur et éducatrice spécialisée dans les troubles du comportement
hyperphagique comme « un épisode de frénésie d’une demi-heure, une descente aux enfers ».
Lors de la crise, explique-t-elle, « rien ne compte plus, ni les amis, ni la famille […] ; rien
d’autre que la nourriture ». Lydie, une boulimique de 17 ans, emploie une image frappante
pour décrire son état : « J’ai l’impression d’être un compacteur. J’enfourne, je broie, je rejette.
Et le cycle ne s’arrête jamais. »
La malade fait tout pour éviter la prise de poids qui devrait normalement résulter de
ces séances de gavage : immédiatement après la crise, elle sa fait vomir ou prend des laxatifs
afin d’éliminer toute la nourriture avant que le corps ne la transforme en graisse***. Ces
purges peuvent paraître répugnantes, mais la boulimique qui s’y est habituée voit les choses
différemment. « Plus vous mangez et vous purgez, plus l’exercice devient facile, dit Nancy
Kolodny. Le dégoût, voire la peur, du début, font rapidement place à un désir irrésistible de
répéter ces pratiques boulimiques. »
La boulimie est extrêmement dangereuse. Par exemple, les fréquents vomissements
provoqués soumettent la bouche à l’action corrosive des sucs gastriques, susceptibles de
* De l’avis de certains spécialistes, lorsqu’un individu perd 20 à 25% de son poids, la chimie
de son cerveau peut s’en trouver modifiée, ce qui risque de perturber ses facultés de
perception. Il verra alors de la graisse là où il n’y en a pas.
** Pour certains, L’hyperphagie compulsive sans purge est, elle aussi, à classer dans les
troubles du comportement alimentaire.
*** Pour ne pas prendre de poids, beaucoup de boulimiques font chaque jour des séances de
sport exténuantes. Certaines y arrivent si bien qu’elles finissent par devenir anorexiques,
adoptant alors un comportement tantôt anorexique, tantôt boulimique.