
La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXVII - n° 4 - juillet-août 2012 | 161
Points forts
»Les infections sont les complications les plus fréquentes après transplantation rénale.
»La nature du risque évolue en fonction du délai écoulé après la greffe.
»
La plupart d’entre elles sont bactériennes et les 2 localisations les plus fréquentes sont urinaires
et respiratoires.
»Malgré de nouveaux traitements, les infections fongiques, plus rares, restent graves.
»
Les greffons sont une source potentielle d’infection bactérienne ou fongique héritée du donneur,
qui justifie une vigilance particulière.
Mots-clés
Transplantation rénale
Infections
bactériennes
Infections fongiques
systémiques
Infections transmises
par le greffon
Highlights
»
Infectious diseases are the
most common complications
in renal transplant recipients.
»
Type and risk of infectious
diseases change with time.
»
Bacterial urinary tract and
respiratory tract infections
remain the most frequent.
»
Despite new treatments,
systemic fungal infections,
although rare, remains
severe.
»
The risk of graft trans-
mitted infections, both
bacterial or fungal, requires
special attention.
Keywords
Renal transplant recipients
Bacterial infectious diseases
Systemic fungal infectious
diseases
Graft transmitted infections
communautaires courantes, bien que le risque d’infec-
tions opportunistes reste réel en cas d’exposition
massive, ou à l’occasion d’un état d’immunodépres-
sion plus intense lié au traitement d’un rejet ou à une
insuffisance rénale avancée, par exemple (6, 7). Les
taux d’incidence de chaque type d’infection ne sont
pas définis formellement, et sont soumis à une grande
variabilité épidémiologique, notamment géogra-
phique, qui s’oppose à l’établissement de taux d’inci-
dence universels pour la plupart de ces infections. Par
ailleurs, les patients transplantés rénaux usent volon-
tiers de leur autonomie pour voyager et sont donc
régulièrement exposés aux infections endémiques
dans les régions qu’ils visitent. Il est néanmoins
établi que les infections les plus fréquentes après
la transplantation rénale sont d’origine bactérienne
chez l’adulte, suivies par les infections virales (plus
fréquentes en revanche chez les enfants), puis par
les infections fongiques (8). L’incidence globale des
infections après la greffe est maximale au cours du
premier mois, pour décroître ensuite rapidement (7).
Les infections opportunistes, qui sont numériquement
“anecdotiques”, sont malgré tout préoccupantes, car
elles peuvent engager le pronostic vital.
Infections bactériennes
après transplantation rénale
Les infections bactériennes sont les plus fréquentes
des complications infectieuses de l’adulte après
transplantation rénale. Leurs caractéristiques épidé-
miologiques sont variables dans le temps (9, 10),
leur incidence globale étant maximale au cours du
premier mois qui suit la greffe, période dominée
par le risque d’infections nosocomiales (7). Les
germes en cause sont surtout des germes patho-
gènes, mais le risque d’infection à germes non
pathogènes est réel, que ce soit à partir de la flore
endogène commensale ou à partir de bactéries
opportunistes environnementales. Tous les organes
ou tissus peuvent être infectés, et les présentations
cliniques sont volontiers peu spécifiques, voire
atypiques. Les prélèvements microbiologiques
sont souvent difficiles à interpréter lorsqu’ils sont
négatifs, lorsqu’ils isolent une bactérie de la flore
commensale, ou lorsque le site prélevé est suscep-
tible d’être colonisé (vessie, cavité buccale, voies
aériennes supérieures). La première difficulté est
donc diagnostique, en particulier lorsque le tableau
clinique est celui d’une fièvre nue ; la deuxième réside
dans la décision et le choix d’une antibiothérapie.
En effet, les interactions pharmacologiques avec les
traitements immunosuppresseurs, la toxicité rénale
ou le risque, aujourd’hui sous-estimé, de sélectionner
une flore résistante chez ces patients soumis à une
forte pression antibiotique tout au long de leur exis-
tence représentent autant de difficultés pratiques.
Les indications d’antibiothérapie chez les patients
transplantés rénaux doivent donc être pesées, et les
traitements ciblés.
Épidémiologie des infections bactériennes
après transplantation rénale
◆Infections bactériennes nosocomiales
Les sources d’infections bactériennes après trans-
plantation sont très nombreuses et incluent le
greffon, la flore endogène, l’environnement et les
personnes-contact. Le risque d’infection nosocomiale
est conditionné par la nature et le nombre des procé-
dures invasives, l’exposition aux agents pathogènes
(incluant les colonisations ou infections antérieures)
et la durée d’exposition à ces risques. La rupture des
barrières naturelles par les sondes urinaires, les
abords vasculaires et la chirurgie de transplantation
favorisent la survenue des infections bactériennes,
qui peuvent se développer soit à partir de la flore
endogène du patient, soit par transmission inter-
humaine, le plus souvent manuportée. Les patients
hospitalisés sont alors exposés à des transmissions
épidémiques, souvent croisées, de bactéries multi-
résistantes (BMR) telles que les bacilles à Gram
négatif sécréteurs de bêtalactamases à spectre élargi
(BLSE), voire totorésistants, les entérocoques résis-
tants à la vancomycine (ERV), ou encore les Staphy-
lococcus aureus résistants à la méticilline (SARM).
La description récente de telles épidémies, dans le
contexte de la transplantation rénale, plaide pour
l’application stricte des règles d’hygiène hospitalière
et pour le développement systématique de politiques
de maîtrise de l’antibiothérapie, bien que la prévalence
des colonisations de la flore endogène des patients