ECONOTE | N°22 – DÉCEMBRE 2013
4
précédemment atteints dans la plupart des pays
périphériques (à l'exception de l'Italie).
Ce processus d'ajustement a exercé d’importantes
pressions à la baisse sur les prix. En octobre 2013,
l'inflation dans la zone euro est tombée à 0,7 % (un
niveau bien en-deçà de l'objectif de 2 % fixé par la
BCE), versus 2,5 % à la même époque de l'année
précédente, tandis que l'inflation sous-jacente annuelle
ne ressortait qu’à 0,8 %. En Grèce, le taux d'inflation
est passé en territoire négatif en avril et affichait un
repli de 1,1 % en octobre. L'inflation reste positive
(bien que très faible) dans les autres pays
périphériques, car l’impact inflationniste des hausses
de fiscalité indirecte et de prix administrés a plus que
compensé les pressions déflationnistes engendrées
par la baisse des salaires. Si l'on exclut l'alimentation,
l'énergie et les effets des changements de taxes et des
prix administrés, l'inflation dans les pays périphériques
est aujourd’hui proche de zéro.
Les pays touchés par la crise ont fait preuve d'une
forte détermination dans la mise en place des mesures
de consolidation budgétaire. Les déficits budgétaires
ont été réduits et certains pays affichent même un
excédent primaire (c.-à-d. hors paiement des intérêts).
De plus, les salaires dans ces pays ont progressé
moins rapidement que la productivité, d’où une baisse
des coûts unitaires du travail, qui a amélioré leur
compétitivité externe. Cela a contribué à un net
rééquilibrage des balances courantes, et la plupart des
pays périphériques sont désormais revenus dans une
position d’équilibre extérieur, voire d’excédent. Il
n’empêche, en dépit des progrès accomplis, l'ampleur
des dévaluations internes réalisées par les pays
périphériques n'a pas, à ce jour, permis d’effectuer
l’ajustement nécessaire pour permettre à ces
économies de retrouver le chemin d’une croissance
solide.
L
E PIÈGE DE LA DETTE
Des coûts unitaires du travail toujours trop élevés dans
les pays de la périphérie (par rapport aux pays du nord
de la zone euro), conjugués à une forte contraction de
la demande globale ont entraîné dans ces pays des
chutes d’emplois et de production dignes des pires
épisodes de dépression économique. Et parce que les
processus de désendettement et de dévaluation
interne ne sont pas encore achevés, la croissance
effective en Europe devrait rester durablement
inférieure à la croissance potentielle. Richard Koo
(2008)
4
a fait valoir de manière convaincante que l'une
des principales leçons à tirer de la « décennie perdue »
du Japon était la mise en lumière de l’impact d’une «
récession de bilan » (« balance-sheet recession »).
L’expérience japonaise a montré que les reprises qui
suivent les récessions de bilan sont lentes et modestes
car les entreprises s’attachent davantage à la réduction
de leur dette qu’à la relance de leurs investissements.
L'économie ne retrouve alors le chemin d’une
croissance autonome que lorsque le secteur privé a
apuré ses dettes. Le problème en Europe c’est que la
persistance d’importants « écarts de production » (ou «
output gaps », c.-à-d. la différence entre la production
observée et la production potentielle) risque de plonger
les pays en crise dans un dangereux piège de la dette.
Il y a, en fait, une possible contradiction dans la
stratégie européenne d'aujourd'hui : la baisse des
salaires et des coûts nécessaire pour améliorer la
compétitivité risque d’aggraver le problème du
surendettement
5
. La raison en est que la déflation
4
The Holy Grail of Macroeconomics (John Wiley, 2008).
5
Afin de contourner ce problème, certains économistes comme
Paul Krugman, estiment que l'inflation dans les pays du cœur de