N°22 DÉCEMBRE 2013 ECONOTE Société Générale Département des études économiques LA ZONE EURO EST-ELLE DANS UNE TRAPPE À LIQUIDITÉ ? Une économie bascule dans une « trappe à liquidité » lorsque la politique monétaire conventionnelle devient inopérante du fait de taux d'intérêt à court terme proches de zéro. Près de cinq ans après l’éclatement de la crise financière internationale, la Banque centrale européenne (BCE) a abaissé ses taux directeurs à un niveau proche de zéro, mais l'économie de la zone euro continue de produire bien en-deçà de sa capacité. La zone euro souffre d’un manque de demande. Celui-ci peut être attribué aux politiques d'austérité menées, mais il peut être également symptomatique d’une trappe à liquidité. Lorsque la crise du crédit a éclaté en 2007, l'arrêt brutal des entrées de capitaux privés dans les pays de la périphérie a contraint les agents à un désendettement rapide. Or, un choc de désendettement peut plonger l'économie dans une situation où la baisse du taux d'intérêt nominal à zéro ne permet pas de sortir de la récession. La BCE a massivement recouru à des mesures de politique monétaire dites « non conventionnelles », en injectant des montants record de liquidités dans le système bancaire, qui se sont révélées incapables de relancer le crédit et la croissance. L'inefficacité du canal du crédit bancaire – une caractéristique de la trappe à liquidité – est largement imputable à la fragilité des bilans des banques et des entreprises en Europe périphérique. Comme l’a montré le Japon, une économie tombée dans une trappe à liquidité ne reprend pas automatiquement le chemin de la croissance. La décennie de stagnation économique qu'a connue ce pays dans les années 1990 a suscité un vif débat parmi les économistes sur la façon dont une banque centrale peut stimuler l'économie une fois ses taux directeurs abaissés à zéro. Des formes audacieuses d'assouplissement monétaire ont été évoquées comme : 1) relever la cible d'inflation, ou 2) taxer la monnaie. Marie-Hélène DUPRAT +33 1 42 14 16 04 [email protected] ECONOTE | N°22 – DÉCEMBRE 2013 Depuis 2010, deux crises (au moins) ont menacé l'existence même de l'euro : 1) une crise de confiance, qui a conduit à des attaques spéculatives autoréalisatrices sur les obligations des pays périphériques de la zone euro, susceptibles à elles seules de précipiter l’effondrement de l'Union monétaire, et 2) une crise de croissance qui a créé une spirale négative entre chômage et endettement. La première menace a été considérablement réduite grâce à l’OMT (« Outright Monetary Transactions ») de la BCE (annoncé en septembre 2012), qui est un programme d'achats potentiellement illimités d'obligations souveraines sur le marché secondaire1. En faisant savoir que sa capacité de financement illimitée serait mobilisée si besoin, la BCE a fortement réduit la vulnérabilité de la zone euro à une panique autoréalisatrice. Mais le déficit de croissance reste un problème critique. Le niveau du PIB réel dans les pays d'Europe périphérique était toujours, au deuxième trimestre 2013, bien inférieur au pic enregistré avant la crise. Au cours des cinq dernières années, les niveaux de prospérité ont considérablement chuté dans les pays du sud, et les perspectives de croissance restent atones. À l’image du Japon des années 1990, la zone euro court le risque de connaitre une « décennie perdue » de stagnation économique et de production très inférieure au potentiel2. LE « CHOC DE DÉSENDETTEMENT » LE SPECTRE D'UNE « DÉCENNIE PERDUE » La zone euro est sortie d'une récession longue de 18 mois au deuxième trimestre 2013, grâce à une amélioration de l’activité manufacturière. Mais la reprise reste insuffisante pour résoudre les multiples problèmes de la zone, notamment la progression continue de l'endettement et un taux de chômage record. Lorsque la crise financière mondiale a éclaté en 2007, une décennie de « boom » de la demande intérieure dans la zone euro s'est soudainement interrompue. La confiance s'est évanouie, la liquidité s’est évaporée. Et quand, fin 2009 – début 2010, l'ampleur du désastre des finances publiques grecques a été mise au jour, l'Europe a connu son « moment Minsky » (c.-à-d. une révision à la baisse brutale des niveaux de dette supportables, laquelle a imposé un désendettement massif). Les niveaux d'endettement, considérés comme acceptables la veille de l'annonce de la situation budgétaire réelle de la Grèce, sont devenus, tout à coup, intenables aux yeux des investisseurs. Les spreads des pays périphériques de la zone euro ont explosé, comme la perception du risque de défaut. 2 1 Aucun pays n'a encore eu recours aux OMT. Il existe de grandes différences entre le Japon et l'Europe. Tout d'abord, le taux de chômage au Japon n'a jamais égalé le niveau actuellement atteint en Europe. En outre, le Japon souffre d'un phénomène de déflation chronique, alors que l'inflation en Europe est toujours en territoire positif. 2 ECONOTE | N°22 – DÉCEMBRE 2013 long, lent et difficile, qui prend des années voire des décennies. Dans ce contexte, les pays du sud de l'Europe ont dû mettre en place des programmes de consolidation budgétaire draconiens afin de diminuer les ratios de dette par rapport au PIB, améliorant ainsi la « soutenabilité » de leur dette. Cependant, à l'exception de la Grèce, la crise des pays de la zone euro ne provient pas d’abord de l’excès de dépenses publiques. Avant la crise financière de 2008, la dette publique de l'Espagne et de l'Irlande était faible, et en 2006 et 2007, ces deux pays affichaient même un léger excédent budgétaire. Le problème de ces deux pays n'était pas alors la dette publique, il résidait dans une accumulation insoutenable de dette privée détenue par des investisseurs étrangers. En raison de l'assouplissement des contraintes de financement externe qui a suivi l'adoption de l'euro, l'Espagne, l'Irlande, la Grèce et le Portugal ont connu un boom du crédit sans précédent, qui a engendré un excès considérable de dette dans le secteur privé. Il n’en demeure pas moins que, quelles que soient les causes de la crise de la dette, les conséquences de la crise financière mondiale ont été les mêmes pour tous les pays affectés : l’« arrêt brutal » des entrées de capitaux privés étrangers a contraint les débiteurs (publics et privés) à réduire massivement leurs dépenses3. Mais le désendettement est un processus 3 Le surendettement n'est pas l'apanage de la zone euro, mais un mal commun à la plupart des économies développées. AUSTÉRITÉ La prescription standard de politique économique pour atténuer les effets de l'austérité budgétaire est de dévaluer la devise (« dévaluation externe ») afin de rendre les exportations plus compétitives (sauf poussée inflationniste), donc d’engendrer un accroissement de la demande extérieure à même de compenser, au moins en partie, la contraction de la demande interne induite par le resserrement budgétaire. Dans les pays du sud de l'Europe, la dévaluation de la devise est également nécessaire pour résorber les pertes de compétitivité accumulées depuis le début des années 2000 vis-à-vis de l'Allemagne et des autres pays du cœur. Comme la dévaluation externe n'est pas une option pour les pays endettés de la zone euro, ceux-ci sont contraints de recourir à une « dévaluation interne », souvent accompagnée de réformes structurelles destinées à stimuler la productivité. Afin, à la fois, de substituer la demande interne à la demande externe et de réaliser les gains de compétitivité nécessaires à la résorption des déséquilibres extérieurs avec les pays du cœur de l’Europe, les économies périphériques ont dû restreindre les salaires nominaux, les retraites et les autres coûts. Comme l’indique le graphique cidessous, les coûts unitaires du travail ont considérablement reculé depuis les pics 3 ECONOTE | N°22 – DÉCEMBRE 2013 précédemment atteints dans la plupart des pays périphériques (à l'exception de l'Italie). position d’équilibre extérieur, voire d’excédent. Il n’empêche, en dépit des progrès accomplis, l'ampleur des dévaluations internes réalisées par les pays périphériques n'a pas, à ce jour, permis d’effectuer l’ajustement nécessaire pour permettre à ces économies de retrouver le chemin d’une croissance solide. LE PIÈGE DE LA DETTE Ce processus d'ajustement a exercé d’importantes pressions à la baisse sur les prix. En octobre 2013, l'inflation dans la zone euro est tombée à 0,7 % (un niveau bien en-deçà de l'objectif de 2 % fixé par la BCE), versus 2,5 % à la même époque de l'année précédente, tandis que l'inflation sous-jacente annuelle ne ressortait qu’à 0,8 %. En Grèce, le taux d'inflation est passé en territoire négatif en avril et affichait un repli de 1,1 % en octobre. L'inflation reste positive (bien que très faible) dans les autres pays périphériques, car l’impact inflationniste des hausses de fiscalité indirecte et de prix administrés a plus que compensé les pressions déflationnistes engendrées par la baisse des salaires. Si l'on exclut l'alimentation, l'énergie et les effets des changements de taxes et des prix administrés, l'inflation dans les pays périphériques est aujourd’hui proche de zéro. Les pays touchés par la crise ont fait preuve d'une forte détermination dans la mise en place des mesures de consolidation budgétaire. Les déficits budgétaires ont été réduits et certains pays affichent même un excédent primaire (c.-à-d. hors paiement des intérêts). De plus, les salaires dans ces pays ont progressé moins rapidement que la productivité, d’où une baisse des coûts unitaires du travail, qui a amélioré leur compétitivité externe. Cela a contribué à un net rééquilibrage des balances courantes, et la plupart des pays périphériques sont désormais revenus dans une Des coûts unitaires du travail toujours trop élevés dans les pays de la périphérie (par rapport aux pays du nord de la zone euro), conjugués à une forte contraction de la demande globale ont entraîné dans ces pays des chutes d’emplois et de production dignes des pires épisodes de dépression économique. Et parce que les processus de désendettement et de dévaluation interne ne sont pas encore achevés, la croissance effective en Europe devrait rester durablement inférieure à la croissance potentielle. Richard Koo (2008)4 a fait valoir de manière convaincante que l'une des principales leçons à tirer de la « décennie perdue » du Japon était la mise en lumière de l’impact d’une « récession de bilan » (« balance-sheet recession »). L’expérience japonaise a montré que les reprises qui suivent les récessions de bilan sont lentes et modestes car les entreprises s’attachent davantage à la réduction de leur dette qu’à la relance de leurs investissements. L'économie ne retrouve alors le chemin d’une croissance autonome que lorsque le secteur privé a apuré ses dettes. Le problème en Europe c’est que la persistance d’importants « écarts de production » (ou « output gaps », c.-à-d. la différence entre la production observée et la production potentielle) risque de plonger les pays en crise dans un dangereux piège de la dette. Il y a, en fait, une possible contradiction dans la stratégie européenne d'aujourd'hui : la baisse des salaires et des coûts nécessaire pour améliorer la compétitivité risque d’aggraver le problème du surendettement5. La raison en est que la déflation 4 The Holy Grail of Macroeconomics (John Wiley, 2008). 5 Afin de contourner ce problème, certains économistes comme Paul Krugman, estiment que l'inflation dans les pays du cœur de 4 ECONOTE | N°22 – DÉCEMBRE 2013 réduit les revenus nominaux, alors que la valeur de la dette héritée (publique et privée) reste inchangée (sauf programme de restructuration de la dette). La baisse des prix entraîne une dégradation de la situation financière des débiteurs car elle augmente le poids réel de leurs dettes, selon un processus décrit par Irving Fisher en 19336. Plus les revenus des agents endettés se réduisent plus le poids de leur dette s’alourdit. L’alourdissement du poids de la dette conduit les gouvernements à procéder à de nouvelles coupes dans les dépenses publiques, ce qui dégrade encore un peu plus les perspectives économiques. D’où le besoin de procéder à de nouvelles dévaluations internes qui viennent, en retour, alourdir le poids de la dette – en un cercle vicieux. Le problème est que non seulement la déflation et la récession augmentent les ratios d'endettement, mais que le surendettement pèse sur la reprise économique7. La périphérie de la zone euro semble être prise dans un piège circulaire de la dette. La spirale déflationniste que l'on observe notamment en Grèce et en Espagne a entraîné dans ces pays une contraction de la production telle que les coupes budgétaires et les hausses d'impôt n'ont pas permis de réduire le ratio dette publique/PIB. Ce dernier a augmenté continûment dans la zone euro depuis 2008 et s'établit aujourd’hui à plus de 100 % (versus 70 % en 2007), tandis que le taux d’endettement du secteur privé non financier (ménages et entreprises non financières) reste bloqué au-dessus de 130 % (niveau virtuellement inchangé depuis la crise de 2008). La situation de la zone euro dans son ensemble contraste avec celle de l'Allemagne qui affiche une baisse des ratios d'endettement du secteur privé par rapport au début des années 2000. « SOUTENABILITÉ » DE LA DETTE l’Europe devrait être supérieure afin de fournir une marge de manœuvre à la résorption des déséquilibres de compétitivité dans la zone euro, sans pour autant imposer à l'Europe périphérique des politiques déflationnistes qui aggravent le problème de la dette. Voir Krugman (2012), « Internal devaluation, inflation, and the euro », New York Times, 29 juillet. 6 Fisher, Irving, (1933), « The debt-deflation theory of great depressions », Econometrica, Vol. 1, n°. 4. 4) 7 Un endettement public trop élevé pénalise la croissance car il agit comme une taxe implicite sur l'investissement. Voir Eduardo Cavallo, Eduardo Fernandez-Arias, (2012), « Coping with financial crises: Latin American answers to European questions », Vox, 17 octobre. Voir également Carmen M. Reinhart, Vincent R. Reinhart, Kenneth S. Rogoff, (2012), « Debt overhangs: past and present », NBER Working Paper N°. 18015, avril. La « soutenabilité » de la dette publique nécessite que le solde budgétaire primaire (recettes moins dépenses hors intérêts) compense l’effet « boule de neige », à savoir la différence entre le taux d'intérêt de la dette et le taux de croissance du PIB nominal. Ainsi, l'évolution du ratio dette publique/PIB dépend de quatre variables clé : - le déficit ou l'excédent primaire, - le taux d'inflation (prix du PIB), - le taux de croissance du PIB réel, - le taux d'intérêt moyen payé sur la dette publique. En plus de dégager un excédent primaire conséquent qui a fait jusqu’ici l'objet de toutes les attentions -, l'Europe devrait idéalement avoir une croissance du 5 ECONOTE | N°22 – DÉCEMBRE 2013 PIB réel élevée et des taux d'intérêt réels (c.-à-d. après déduction de l’inflation) à long terme bas. À l'heure actuelle, malgré les progrès importants réalisés en matière de consolidation budgétaire, les pays de l'Europe périphérique n'ont pas été en mesure de dégager l'excédent primaire nécessaire à la stabilisation de leur dette publique. Et bien que les pays européens, à l'exception de la Grèce, continuent d'afficher un taux d'inflation légèrement positif, le niveau de ce dernier n'est pas suffisant pour leur permettre de rembourser leur dette à moindre frais8. Surtout, le taux d'intérêt dont les gouvernements des pays périphériques doivent s'acquitter pour le service de leur dette est bien supérieur à leur taux de croissance nominale, du fait du niveau élevé des primes de risque souverain (un facteur clé qui explique la hausse du ratio dette publique/PIB dans ces pays)9. A l’inverse, l'écart taux d'intérêt-taux de croissance en Allemagne est négligeable, avec des taux d'intérêt à long terme très bas (dû au statut de « valeur refuge » de la dette publique allemande) comparables au taux de croissance du PIB nominal. monétaire a un impact sur la demande agrégée, du fait, principalement, de ses effets sur les taux d'intérêt réels à court et long terme11. Abaisser les taux d'intérêt permet d’augmenter le montant des investissements que les entreprises sont prêtes à réaliser, encourageant ainsi les sociétés et les consommateurs à emprunter, et de réduire les coûts d'emprunt pour les banques, qui peuvent alors accorder plus de crédits, ce qui stimule l'économie. LES MESURES CONVENTIONNELLES DEVIENNENT INOPÉRANTES DANS LA TRAPPE À LIQUIDITÉ En certaines circonstances, cependant, une politique monétaire expansionniste peut se révéler incapable de relancer l’activité économique. C'est ce qui s'est produit aux États-Unis lors de la Grande Dépression des années 30 et au Japon à la suite de l'éclatement de la gigantesque bulle immobilière en 1991, qui a laissé en héritage une énorme dette privée. Tout au long des années 90, la Banque du Japon a, à plusieurs reprises, assoupli sa politique monétaire et, à la fin de la décennie, les taux d'intérêt à court terme avaient été réduits à zéro, mais il n'y a avait aucun signe de reprise ou d'inflation. C’est ce que les économistes appellent une « trappe à liquidité »12. canal du prix des actifs (y compris celui du taux d'intérêt, du taux de change et du cours des actions), ainsi que le canal du crédit. La transmission de la politique monétaire via les prix des actifs réels (y compris le taux de change réel) dépend de la capacité des banques centrales à influencer les taux d'intérêt réels. 11 POLITIQUE MONÉTAIRE FACE AU RISQUE DE TRAPPE À LIQUIDITÉ ? Selon l’orthodoxie économique, la première ligne de défense contre un ralentissement de la croissance consiste à utiliser la politique monétaire, c'est-à-dire la possibilité qu'a la Banque centrale d'abaisser ses taux directeurs10. Dans un contexte normal, la politique 8 Une inflation plus élevée pourrait, in fine, se révéler défavorable. Tôt ou tard, les anticipations du marché obligataire s'ajusteront et le coût des emprunts pourrait augmenter. Les rendements nominaux pourraient augmenter plus que l'inflation (entraînant ainsi une hausse des taux d'intérêt réels) si les investisseurs exigent une prime plus élevée pour compenser le risque de nouvelles surprises concernant l'inflation. 9 La Grèce, le Portugal et l'Irlande ne payent pas le taux d'intérêt à long terme du marché puisque ces pays ont été exclus du marché de capitaux privés. 10 Les mesures conventionnelles de politique monétaire peuvent potentiellement stimuler l'économie via deux types de canaux : le Les théories classiques de la structure par terme des taux d'intérêt suggèrent que les taux d'intérêt à plus long terme sont principalement déterminés par les taux d'intérêt à court terme actuels et par les anticipations du marché des taux courts à venir (majorés d'une prime de risque). Les banques centrales contrôlent largement les taux d'intérêt à court terme en fixant un objectif pour le taux au jour le jour, et les anticipations du marché concernant la manière dont les banques centrales vont fixer les objectifs futurs pour ce taux doivent déterminer la trajectoire attendue des taux à court terme futurs. Dans ce cadre, les mesures de politique monétaires actuelles et anticipées jouent un rôle prépondérant dans la fixation des taux à long terme. 12 La notion de trappe à liquidité était très présente dans la littérature économique après la Grande Dépression, puis a été progressivement reléguée au second plan avant de faire son retour avec la « décennie perdue » du Japon. La question de la trappe à liquidité a été de nouveau mise en avant par le lauréat du prix Nobel d'économie Paul Krugman. Voir notamment Paul Krugman (1998), « It’s baaack: Japan’s slump and the return of the liquidity trap », Brookings Papers on Economic Activity, 2, pp. 137-205. Voir également Gauti B., Eggertsson et Michael Woodford (2003), « The zero bound on interest rates and optimal monetary policy », Brookings Papers on Economic Activity, 1, pp. 139-233, et Ben S. Bernanke, Vincent R. Reinhart, et Brian P. Sack (2004), « Monetary policy alternatives at the zero bound: an empirical assessment », FEDS Working Paper, septembre. Ces dernières années, cette notion a fait l'objet d'une attention accrue à la fois de la part de la communauté académique et des banques centrales, les taux directeurs ayant été abaissés à zéro ou à un 6 ECONOTE | N°22 – DÉCEMBRE 2013 peuvent normalement être inférieurs à zéro car personne n'accorderait de prêts à ces conditions de rémunération. Dans une trappe à liquidité, les opérations d'open market conventionnelles (achat par la Banque centrale de dette publique à court terme) perdent de leur influence sur l'économie réelle car les taux d'intérêt nominaux à court terme sont à zéro ou proches de zéro. Dans cette situation, les agents économiques sont virtuellement indifférents entre détenir des titres ou de la monnaie, qui deviennent des substituts parfaits13. La demande de monnaie devient virtuellement infinie et toute injection de liquidités entraîne alors, avant tout, une baisse de la vitesse de circulation de la monnaie. Lorsqu'une économie est tombée dans la trappe à liquidité, la monnaie créée est épongée par la thésaurisation, et l’activité de crédit n’augmente pas, car les banques préfèrent détenir des réserves excédentaires plutôt que d'accorder de nouveaux prêts. Comme l'avait noté John Maynard Keynes, la politique monétaire semble alors « pousser dans le vide » (« pushing on a string »)14. Dans une situation de trappe à liquidité, la demande effective reste durablement inférieure à la capacité de production de l’économie, en dépit de taux d'intérêt nominaux à court terme à zéro ou proches de zéro. Aujourd’hui, dans la zone euro, les taux d’intérêt directeurs de la BCE sont quasiment à leur niveau plancher de zéro16 : le taux d'intérêt des opérations principales de refinancement de l'Eurosystème a été réduit, le 7 novembre, à 0,25 %, son plus-bas historique ; le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal a également été abaissé de 25 points de base à 0,75 % ; et le taux auquel l'Eurosystème rémunère les liquidités placées en dépôt est à zéro. Le taux d’intérêt au jour le jour (mesuré par l'Eonia) est virtuellement à zéro (0,092 % le 1er novembre). Le problème alors est que même si les taux directeurs nominaux sont à zéro, les taux d'intérêt réels à court terme sont trop élevés. Les taux d'intérêt nominaux qui résulteraient de l’application de la politique monétaire conventionnelle (tels que déduits de la règle de Taylor15) sont négatifs, mais les taux nominaux ne niveau proche de zéro dans les principales économies développées. Voir Paul Krugman (2010), « How much of the world is in a liquidity trap? », New York Times, mars 17. 13 Dans des circonstances « normales », les agents économiques arbitrent entre rendement et liquidité. Ils détiennent de la monnaie (qui ne rapporte pas d'intérêt) pour sa liquidité, mais leur détention de monnaie est limitée par le coût d'opportunité résultant des intérêts non perçus sur la monnaie. Toutefois, lorsque les taux d'intérêt à court terme sont à zéro, il n’y a aucun coût d’opportunité et, par conséquent, le public détient la monnaie comme une réserve de valeur. 14 Keynes, John M (1936), The General Theory of Employment, Interest and Money, Macmillan. Cependant, l'économie de la zone euro continue de fonctionner bien en-deçà de ses capacités de production. Le FMI, la Commission européenne (CE) et l'OCDE s’accordent en effet à penser que la taille de l'output gap (la différence entre le niveau réel du PIB et l’output gap, et 3) un résidu purement aléatoire (appelé le « choc de politique économique »). 16 15 La règle de Taylor (du nom de John B. Taylor, qui a été le premier à décrire ces mécanismes monétaires) lie, de manière linéaire, le taux d'intérêt nominal à 1) l’écart entre l’inflation actuelle observée et l’objectif d’inflation de la Banque centrale, 2) La BCE fixe trois taux directeurs : le taux de rémunération des dépôts, le taux de refinancement et le taux de prêt marginal. Ces taux d'intérêt constituent le corridor dans lequel l'Eonia (le taux au jour le jour auquel les banques se prêtent mutuellement) fluctue. 7 ECONOTE | N°22 – DÉCEMBRE 2013 son niveau potentiel) dans la zone euro est importante, se situant entre -2,9 % du PIB (CE) et -3,8 % (OCDE) en 201317. ÉCART DE PRODUCTION (en % du PIB potentiel) 2009 2010 2011 2012 2013 France Allemagne Irlande Italie Portugal Espagne Grèce -2,7 -4,0 -4,4 -3,6 -2,7 -4,2 -1,2 -2,0 -1,2 -4,8 -1,8 -0,9 -4,7 -4,7 -1,1 0,8 -2,5 -1,5 -1,8 -4,4 -9,1 -2,1 0,0 -1,3 -3,2 -3,6 -5,1 -12,2 -2,9 -1,0 -0,9 -4,5 -4,6 -5,2 -12,8 Source: Commission Européenne, Automne 2013. Par conséquent, il est légitime d’arguer que la limite inférieure zéro représente aujourd’hui une contrainte réelle sur la configuration des taux d'intérêt de la BCE. POLITIQUE NON CONVENTIONNELLE Le cas du Japon a montré qu’une économie développée tombée dans la trappe à liquidité ne réussit pas à se redresser spontanément via la demande privée. Le Japon a basculé dans la trappe à liquidité au milieu des années 90 et a connu depuis des décennies de déflation et de PIB inférieur au potentiel. Pour sortir de la trappe à liquidité, une économie a besoin d’une politique budgétaire expansionniste18 et/ou de mesures non conventionnelles de politique monétaire. Les difficultés de coordination n’ayant pas permis de mettre en œuvre une politique budgétaire expansionniste au niveau de l’ensemble de la zone euro, tout le poids de la relance aujourd’hui en Europe repose sur la politique monétaire. Aussi la BCE (tout comme les autres principales banques centrales) a-telle eu massivement recours à des mesures non conventionnelles de politique monétaire. Ces mesures ont été mises en place afin 1) de restaurer le fonctionnement normal de l'intermédiation financière après l'éclatement de la crise mondiale du crédit et 2) d’introduire, une fois atteinte la limite inférieure zéro sur les taux courts, des mesures de stimulation supplémentaires. La forme la plus courante de politique monétaire non conventionnelle mise en œuvre dans les pays développés a consisté à créer de la monnaie pour acquérir des actifs, une stratégie communément appelée « assouplissement quantitatif » (en anglais, « quantitative easing » ou QE). Les principales banques centrales ont augmenté massivement la taille de leurs bilans, via l'acquisition de dette publique à long terme, d'obligations adossées à des crédits hypothécaires, etc., afin d’abaisser les taux longs et d’inciter les investisseurs à se reporter sur des actifs plus risqués et à en faire ainsi monter le prix. Les banques centrales ont également adopté une politique de « forward guidance », par laquelle elles s’engagent à maintenir des taux d'intérêt à court terme très bas pendant longtemps. La BCE, toutefois, étant donné l'importance des financements bancaires dans la zone euro (par opposition aux financements de marché)19, s’est principalement attachée à injecter d'importants volumes de liquidités dans le système bancaire. Contrairement aux autres banques centrales, les achats directs d'actifs privés et publics de la BCE ont été limités20. 17 Bien que l’output gap (qui est une mesure de la croissance qu’une économie peut soutenir sans risque d’inflation) soit un concept économique important, les méthodes utilisées pour estimer sa taille ne font pas toujours l'unanimité. En conséquence, les estimations d'output gap sont entachées d'incertitude. 18 Pour une discussion et des références, voir J. Bradford Delong et Lawrence H. Summers (2012), « Fiscal policy in a depressed economy », Brookings Papers on Economic Activity, Spring. La politique budgétaire, toutefois, peut échouer à stimuler la demande globale en cas d'équivalence ricardienne car les réductions d'impôt financées par de nouvelles émissions de dette publique n'ont alors pas d'effet sur la consommation privée, la dette ne représentant alors qu'un impôt différé. Il est également possible que l'État soit dans l'incapacité d'emprunter en raison d'une solvabilité insuffisante. 19 Dans la zone euro, 80 % de l'intermédiation financière passe par le système bancaire, alors qu'aux États-Unis 80 % des financements de l’économie proviennent des marchés de capitaux. 20 En 2012, le programme d'achat d'obligations sécurisées (Covered Bond Purchase Program ou CBPP) de la BCE ainsi que le Securities Markets Programme (SMP), lancé en mai 2010 en réponse à l'aggravation de la crise de la dette souveraine dans la zone euro, atteignaient seulement 3 % du PIB. 8 ECONOTE | N°22 – DÉCEMBRE 2013 L'apport de liquidités aux banques de la zone euro a été effectué pour l’essentiel via 1) la mise en œuvre d'une procédure d'appels d'offres à taux fixe pour garantir un accès illimité aux liquidités de la banque centrale au taux de refinancement (sous réserve de collatéral adéquat)21, 2) l'extension de la maturité des apports de liquidité22 et 3) l'élargissement de la liste des actifs admissibles en tant que collatéral. En décembre 2011 et mars 2012, la BCE a sorti l'artillerie lourde en lançant deux opérations de refinancement à 3 ans (LTRO), qui l’ont conduite à prêter plus de mille milliards d'euros aux banques de la zone euro. D’où une augmentation considérable de la taille du bilan de la BCE, qui a atteint plus de 3 mille milliards d'euros à son pic de la mi-2012. Le bilan de l’Eurosystème, toutefois, s'est considérablement réduit depuis la fin de l'été 2012, en raison du remboursement rapide des prêts LTRO par les banques23. La BCE a évoqué la possibilité de nouveaux LTRO à 3 ans en 2014, mais aucune décision n’a à ce jour été prise à ce sujet. La politique monétaire très expansionniste de la BCE a été efficace pour contrer l'instabilité financière et réduire la pression sur le financement des banques et sur les marchés de la dette publique24. Les injections massives de liquidités dans les banques en difficulté ont stabilisé le système financier, réduit les risques extrêmes et aidé les pays de la zone euro durement touchés à se refinancer, apaisant ainsi la crise de la dette souveraine. En septembre 2012, la simple annonce du lancement du programme OMT de la BCE prévoyant l'achat potentiellement illimité de dette publique a réussi à ramener le calme sur les marchés financiers, ouvrant la voie au retour des flux de capitaux vers les pays en crise, ce qui a permis une baisse significative des coûts d'emprunt pour les gouvernements et les entreprises. Ceux-ci, toutefois, se sont maintenus à des niveaux élevés dans les pays périphériques, du fait du haut niveau des primes de risque sur la dette publique et privée de ces pays. 21 Selon Lorenzo Bini Smaghi, la politique de la BCE relève davantage d'un « assouplissement endogène du crédit » que d'un « assouplissement quantitatif », la demande en liquidité à taux fixe des banques étant déterminante dans la fixation du montant des liquidités créées. Voir Lorenzo Bini Smaghi (2009), « Conventional and unconventional monetary policy », Conférence au Centre International d’Etudes Monétaires et Bancaires (ICMB), Genève, 28 avril. 22 L'Eurosystème a progressivement étendu ses opérations à plus long terme (apport de liquidités à 3 et 6 mois) en lançant trois opérations de plus long terme à un an en 2009 (en juin, octobre et décembre), puis deux opérations à plus long terme à 3 ans en décembre 2011 et mars 2012. 23 D'autres facteurs, comme la baisse de la valeur des réserves d'or (qui n'a pas de conséquences monétaires), ont contribué à la réduction de la taille du bilan de la BCE. De plus, la politique monétaire très accommodante n'a pas permis de relancer l'activité de crédit en Europe périphérique, conséquence, en partie, de la fragmentation persistante des marchés selon les frontières nationales. 24 Voir Ursula Szczerbowicz (2012), « The ECB unconventional monetary policies: have they lowered market borrowing costs for banks and governments? », Working Paper du CEPII, N°2012-36, décembre. 9 ECONOTE | N°22 – DÉCEMBRE 2013 PÉNURIE DE CRÉDIT DANS LA PÉRIPHÉRIE Malgré le très faible niveau des taux de la BCE et l'injection massive de liquidités, les économies en difficulté de la zone euro continuent de pâtir d’une aggravation du resserrement du crédit. En octobre 2013, les prêts bancaires accordés au secteur privé ont diminué de 2,1 %, après avoir reculé de 2 % en septembre. Les prêts aux ménages sont restés atones (+0,1 %), tandis que la contraction des prêts aux sociétés non financières a continué de s’accélérer (-3,7 %, après un repli de 3,6 % en septembre). En Grèce, en Espagne et en Italie, les crédits bancaires accordés au secteur privé ont continué de se contracter. Cette baisse du crédit dans la plupart des pays du sud de l'Europe résulte, à la fois, de la faiblesse de la demande d'emprunts, imputable aux efforts de désendettement du secteur privé, et de contraintes sur l'offre de crédit liées à une combinaison de facteurs incluant le renforcement des exigences réglementaires induites par Bâle III, le manque de fonds propres de certaines banques et le deleveraging du secteur financier. Compte tenu de la faiblesse de l'économie et de la montée du risque de défaut, les banques, soucieuses de limiter leur risque de crédit, rechignent à accorder de nouveaux crédits. Dans le même temps, les institutions financières faiblement capitalisées se voient obligées de réduire leurs prêts afin d'augmenter leurs ratios de fonds propres. De fait, « l'inondation » de liquidités à laquelle a procédé la BCE n'a pas permis d’enrayer la fragmentation financière de la zone euro, qui a engendré d’importantes disparités dans les conditions de crédit entre les pays périphériques et les pays du cœur de la zone (Allemagne et France). Les taux d'intérêt appliqués aux entreprises et aux ménages par les banques des pays du sud sont en effet largement plus élevés que ceux appliqués à leurs homologues des pays du cœur. Ceci reflète, à la fois, un coût du risque plus élevé dans les pays périphériques (conséquence de conditions économiques plus dégradées, donc d’une fragilité plus grande des bilans des entreprises) et un coût de financement plus important des banques de ces pays. Cette situation pèse plus fortement sur les petites entreprises que sur les grandes, ces dernières se finançant de plus en plus directement sur les marchés (« désintermédiation »). Comme le montrent les enquêtes de la BCE, les petites et moyennes entreprises (PME), qui constituent le pilier de l'économie de la zone euro25, rencontrent des difficultés à obtenir des crédits dans les pays de la périphérie. Bien que les taux d'intervention de la BCE soient virtuellement à zéro, les PME italiennes et espagnoles empruntent aujourd’hui à plus de 5 %, alors que les taux appliqués par les banques à leurs concurrents en Allemagne ou en France approchent des plus bas historiques. Ainsi donc, la politique de taux très faibles de la BCE ne s’est guère répercutée sur le coût du crédit pour les PME des pays périphériques de la zone euro. Alors que l'injection record de liquidités par la BCE visait principalement à rétablir le bon fonctionnement des mécanismes de transmission monétaire à travers le canal du crédit (via la substitution de financements publics aux financements défaillants du marché), la 25 Les petites et moyennes entreprises (PME) représentent les 3/4 de l’emploi et génèrent environ 60 % de l'ensemble de la valeur ajoutée dans la zone euro. Les pourcentages respectifs sont de : 85 et 70 % en Grèce, 80 et 68 % en Italie, 78 et 68 % au Portugal et 76 et 66 % en Espagne (source : BCE). 10 ECONOTE | N°22 – DÉCEMBRE 2013 crise du crédit s’aggrave, particulièrement dans les pays périphériques, du fait, notamment, de la fragilité des bilans des banques et des entreprises. INEFFICACITÉ APPARENTE DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE POUR STIMULER LA DEMANDE LIQUIDITÉ EXCÉDENTAIRE Comme cela est caractéristique d'une situation de trappe à liquidité, les institutions financières accumulent de la monnaie centrale. Les injections massives de liquidités par la BCE se sont simplement traduites par une accumulation de réserves excédentaires pour les banques de la zone euro, qui soit ont réinvesti les sommes auprès de la BCE, soit n'ont pas retiré leurs réserves excédentaires de la banque centrale. De façon révélatrice, la répartition des réserves excédentaires à la BCE est extrêmement hétérogène, celles-ci étant pour l’essentiel détenues par les banques des pays du cœur. Last but not least, le mécanisme de transmission de la politique monétaire par le canal du taux de change apparait tout aussi bloqué alors que l’ensemble des grandes banques centrales créent massivement de la monnaie pour soutenir leurs économies. Le problème, bien sûr, est que tous les pays ne peuvent pas dévaluer leur devise en même temps. Au total, en dépit de taux courts virtuellement à zéro et d’apports massifs de liquidités, l'économie de la zone euro fonctionne toujours bien en deçà de sa capacité de production. Si l’horizon s’est quelque peu dégagé récemment, la croissance économique dans la zone euro en 2014 et 2015 restera inférieure à la normale. Aussi de larges capacités excédentaires subsisterontelles dans les années à venir, sauf en Allemagne où l'output gap semble presque éliminé. Le problème le plus immédiat de la zone euro dans son ensemble est l'insuffisance de la demande, qui peut être la conséquence des politiques d'austérité budgétaire menées dans la plupart des pays, mais qui peut également être symptomatique d'un phénomène de trappe à liquidité où la politique monétaire perd de son efficacité en butant sur le plancher des taux zéro. Toute injection supplémentaire de liquidités est alors thésaurisée par le secteur privé, se révélant donc incapable de stimuler les dépenses. Comme l'a montré Paul Krugman (2010)26, un choc de désendettement peut aisément faire tomber une économie dans la trappe à liquidité. Lorsqu'une économie entre, à marche forcée, dans un processus de désendettement massif, même des taux d'intérêt à zéro sont insuffisants pour inciter les agents économiques à dépenser ou emprunter davantage. La fragilité du bilan de certaines banques, combinée au durcissement des contraintes prudentielles, ajoute aux difficultés : la nécessité pour les banques de se désendetter conduit à des restrictions du crédit, qui pèsent sur les investissements. Un facteur aggravant dans la zone euro est la fragmentation de ses marchés financiers. Les fortes disparités existant entre les coûts du crédit d’un pays à l’autre se sont traduites par une pénurie de crédit en Europe périphérique, qui demeure un obstacle majeur à la croissance dans ces pays. 26 Voir Paul Krugman (2010), « Debt, deleveraging, and the liquidity trap », New York Times, 18 novembre. 11 ECONOTE | N°22 – DÉCEMBRE 2013 Ainsi donc, en dépit d’un assouplissement sans précédent, la politique monétaire reste globalement restrictive au regard de l'économie réelle, surtout dans les pays de la périphérie. Il est possible, cependant, que la politique de soutien non conventionnelle de la BCE n'ait pas été encore suffisamment audacieuse ou d’ampleur suffisante pour venir à bout de la limite inférieure zéro sur les taux courts. VERS DES FORMES PLUS AUDACIEUSES D'ASSOUPLISSEMENT MONÉTAIRE ? Afin de surmonter la limite inférieure zéro sur les taux d'intérêt nominaux à court terme, certains économistes ont proposé des formes plus audacieuses d'assouplissement monétaire. Une littérature de plus en plus abondante s’est attachée à analyser d’autres solutions plus créatives pour relancer une économie tombée dans la trappe à liquidité. Les pistes de recherche récentes se sont concentrées sur deux stratégies possibles pour dissuader la thésaurisation et stimuler les dépenses : 1) relever la cible d'inflation afin d’accroître les anticipations inflationnistes et 2) taxer la monnaie. RELEVER LA CIBLE D'INFLATION Cette réflexion hors des sentiers battus a inspiré la Banque du Japon (BoJ) qui s’est récemment engagée dans un cycle d’assouplissement monétaire radical. Afin de sortir le pays de presque 15 années de déflation et d'atteindre une inflation de 2 % d'ici deux ans environ, la BoJ a relevé, en janvier dernier, sa cible d’inflation de 1 à 2 %. Puis, au mois d'avril, elle a annoncé une refonte majeure de sa politique, en retenant l’objectif de doubler la base monétaire du pays d'ici deux ans via l’augmentation de ses rachats de dette publique (dont la maturité passera d'environ trois ans à l'heure actuelle à sept ans). Krugman est l'un des plus fervents défenseurs du relèvement des cibles d’inflation pour dissuader la thésaurisation de la monnaie27. La transmission de la 27 Voir Paul Krugman (1998), « Japan’s trap » mai, web.mit.edu/krugman/www/jpage.html. Voir également Paul Krugman (1998), « Further notes on Japan’s liquidity trap », memo, juin. Voir aussi, par exemple, Bennett T. McCallum (2001), « Inflation targeting and the liquidity trap », NBER Working Paper 8225, avril. Afin de relever les anticipations inflationnistes dans une économie ouverte comme celle du Japon, Svensson se fait l’avocat de l’adoption d'une combinaison de mesures, dont une cible de niveau des prix, une dépréciation de la devise, un engagement vers un régime de change fixe, et des taux d'intérêt à zéro tant que l'objectif de niveau des prix n'a pas été atteint. Voir Svensson, L. (2001), « The zero lower bound in an open economy: a foolproof way of escaping from a liquidity trap », Bank of Japan, Monetary and Economic Studies, 19 (S-1), February, pp. 277-312. Voir également Svensson, L. (2003), « Escaping from a liquidity politique monétaire à l'économie réelle dépend de la capacité de la Banque centrale à influencer les taux d'intérêt réels. Si les taux d'intérêt nominaux à court terme ne peuvent être abaissés davantage, alors une hausse des anticipations d'inflation est la seule façon d’obtenir une réduction des taux d'intérêt réels. Les anticipations d’inflation, cependant, ne sont pas un instrument de politique monétaire. Pour accroitre les anticipations inflationnistes, la Banque centrale peut relever sa cible d'inflation. Mais une cible d’inflation plus élevée ne conduira à la hausse requise des anticipations d’inflation que si les agents économiques croient en cette cible. Afin de convaincre les consommateurs et les marchés que l'inflation va augmenter, Krugman fait valoir que la Banque centrale doit promettre une hausse permanente de la base monétaire plutôt qu’une hausse temporaire. Une fois que le public aura réellement intégré le message selon lequel la Banque centrale maintiendra son engagement à augmenter la base monétaire et ce, même si l'économie commence à se redresser (c'est-à-dire qu’elle recourra à une politique jugée irresponsable dans d'autres circonstances), les agents économiques anticiperont une augmentation de l’inflation, ce qui viendra réduire les taux d’intérêt réels, donc relancer les dépenses et l'économie. Mais cela peut-il marcher ? Jusqu’ici, la stratégie de ciblage d’inflation a été principalement adoptée par des pays cherchant à réduire l'inflation28. Aussi peut-il être difficile pour une Banque centrale qui a construit sa réputation sur la lutte contre l'inflation de convaincre le secteur privé qu'elle souhaite désormais atteindre des niveaux d'inflation durablement plus élevés. L'orthodoxie actuelle des banques centrales est d'atteindre 2 % d'inflation29. Paul Krugman, cependant, ainsi que d'autres économistes de renom (comme Olivier Blanchard), plaident en faveur d’un objectif d'inflation plus élevé – typiquement, 4 % – afin de surmonter la limite inférieure zéro sur les taux courts30. La plupart des banquiers centraux sont, toutefois, très trap and deflation: the foolproof way and others », Journal of Economic Perspectives, 17(4) Fall, pp. 145-166. 28 Il y a très peu d'exemples de pays ayant tenté d'augmenter les prix en utilisant un régime de ciblage de l’inflation. Dans les années 30, la Suède a été l'un des premiers pays à adopter un système de cible d’inflation pour accroitre l’inflation. La Nouvelle Zélande en 1990 est un autre exemple bien connu. 29 Outre la BoJ, la Fed a une cible d'inflation à 2 %, tandis que la BCE a un objectif d’inflation « inférieur à, mais proche de 2 % ». 30 Voir Paul Krugman (2012), End This Depression Now! W. W. Norton & Company ed., avril, et Blanchard, Olivier, Giovanni Dell’Ariccia et Paolo Mauro (2010), « Rethinking macroeconomic policy”, IMF Staff Position Note SPN/10/03. Voir également Laurence Ball (2013), « The case for 4% inflation », Vox, 24, mai. 12 ECONOTE | N°22 – DÉCEMBRE 2013 fortement opposés à l’adoption d’un objectif d'inflation de 4 %, de peur que cela ne nuise à leur crédibilité, qu’ils ont si durement acquise, en matière de ciblage d’inflation à 2 % - point d’ancrage à long terme aux anticipations31. Ils craignent, en particulier, qu’une telle politique se traduise par une remontée immédiate des taux d’intérêt nominaux, sans baisse des taux réels. TAXER LA MONNAIE Au cours de ces derniers mois, l'idée d'abaisser les taux d'intérêt nominaux en dessous de zéro a retenu l'attention. La BCE en particulier a déclaré ne pas exclure la mise en place d’un taux négatif sur sa facilité de dépôt, ce qui serait alors l'équivalent d'une taxe sur les réserves excédentaires des banques déposées auprès de la banque centrale32. L'idée d'abaisser les taux d'intérêt en territoire négatif n'est pas récente. Elle avait été initialement proposée par l'économiste allemand Silvio Gesell à la fin du 19ème siècle33. Gesell a proposé un système de monnaie « fondante » ou « estampillée » (en anglais, « stamped » money) avec l’application de frais de surestarie (en anglais « demurrage charge »), qui est une taxe sur la thésaurisation. Son raisonnement était que si la monnaie perdait de sa valeur au cours du temps (en d'autres termes, si elle portait un taux d'intérêt négatif), elle perdrait alors de son attractivité en tant qu’instrument de réserve de valeur et, par conséquent, circulerait plus rapidement, stimulant les dépenses. John Maynard Keynes a abondamment loué l’idée de Gesell de taxer la monnaie, qu’il considérait comme un moyen de sortir de la trappe à liquidité, même s'il a émis des doutes sur sa pertinence pratique compte 31 Comme Ben Bernanke l'a déclaré en 2010 : « La Fed a prouvé sa crédibilité sur une longue période dans le maintien de l'inflation à un niveau bas, proche de 2 % Si nous devions aller à 4 % et dire nous allons à 4 %, nous mettrions en péril cette crédibilité durement acquise, car les gens se diraient : eh bien, si nous allons vers les 4 %, alors pourquoi pas 6 % ? Il serait très difficile d’ancrer les anticipations à 4 %. » Voir Bernanke, Ben S (2010), « Testimony before the Joint Economic Committee of Congress », 14 avril. 32 Fin 2012, Mario Draghi a déclaré que la BCE était prête, opérationnellement, à abaisser les taux de rémunération des dépôts jusqu'en territoire négatif. Au mois de mai, alors qu'il lui était demandé lors d'une conférence si le taux de rémunération des dépôts pourrait passer en dessous de son niveau actuel de zéro, Mario Draghi a répondu : « Nous regarderons cela avec un esprit ouvert ». 33 Voir Silvio Gesell, The Natural Economic Order: a Plan to Secure an Uninterrupted Exchange of the Products of Labour, 1911, Trans. Philip Pye. Berlin: Neo-Verlag. Irving Fisher était tellement enthousiaste à l’égard de ses idées qu'il a proposé le système au président Roosevelt dans le contexte de la Grande Dépression. Il a écrit un livre entier sur le sujet (voir Fisher, I. and Fisher, H. (1934), Mastering the crisis (with additional chapters on stamp scrip), George Allen & Unwin Ltd, London). tenu des difficultés administratives de mise en œuvre. Au cours du siècle passé, le système de monnaie fondante de Silvio Gesell a été largement appliqué dans le cadre des dispositifs de monnaies parallèles (voir Encadré 1). L’idée a été récemment reprise par des économistes de renom34 comme une solution possible pour surmonter la limite inférieure zéro sur les taux d'intérêt nominaux à court terme. Si le paiement d'intérêts négatifs sur les billets et pièces de monnaie ou autres titres anonymes négociables sans endossement, tels que les obligations au porteur, soulève des difficultés pratiques, abaisser les taux en-dessous de zéro sur les avoirs monétaires détenus par les banques auprès des banques centrales ne pose, en revanche, pas de problème technique. La logique derrière l’application de taux d'intérêt négatifs sur les réserves des banques (ce qui revient à dire que la Banque centrale ferait payer des frais de conservation aux banques) serait qu'elle décourage les banques de détenir des liquidités en dépôt auprès de la banque centrale, les incitant ainsi à prêter davantage aux consommateurs et aux entreprises. Un autre avantage pourrait être de faire baisser le taux de change, en décourageant la détention de dépôts en monnaie domestique. Quant à savoir si la mise en œuvre d’un taux d'intérêt négatif sur les dépôts serait dans la zone euro une mesure de relance monétaire efficace, cela reste une question ouverte. En augmentant le coût d'opportunité de la détention des réserves excédentaires, l’application d’un taux de dépôt négatif entrainerait probablement un recul de la demande de monnaie centrale des banques dans les pays du cœur de l'Europe (qui détiennent l’essentiel des réserves excédentaires de la zone euro), mais elle impliquerait également une pression supplémentaire sur la rentabilité des banques, qui pourrait avoir pour conséquence non désirée de renchérir le coût du crédit bancaire. Une telle mesure pourrait aussi avoir comme effets pervers : i) au lieu de réduire la fragmentation et favoriser l’octroi de crédit dans la périphérie, d’inciter les banques excédentaires des pays du cœur à acheter des bons du Trésor nationaux, avec le risque de créer une « bulle » sur ceux-ci, ou d’encourager les banques allemandes à accorder des prêts immobiliers avec trop 34 Voir Willem Buiter and N. Panigirtzoglou (1999), « Liquidity traps: how to avoid them and how to escape them », NBER Working Paper, W7245, Willem Buiter (2005), « Overcoming the zero bound on nominal interest rates: Gesell’s currency carry tax vs. Eisler’s parallel virtual currency », Discussion Paper 96, Hitotsubashi University Research Unit for Statistical Analysis in Social Sciences, and Willem Buiter (2009), “The wonderful world of negative nominal interest rates, again”, Vox, 4 juin. Voir également Gregory Mankiw (2009), « It may be time for the Fed to go negative », in: New York Times, April 18. 13 ECONOTE | N°22 – DÉCEMBRE 2013 de largesse, au risque, là encore, de nourrir une bulle sur ce marché ; ii) de conduire à la fermeture de nombreux fonds monétaires (OPCVM), ce qui rendrait ensuite difficile la recréation d’un marché monétaire actif et dynamique. Il y a eu récemment en Europe quelques cas d'application de taux d'intérêt négatifs. En juillet 2009, la Banque centrale suédoise a abaissé ses taux de dépôt au jour le jour à -0,25 %, mais l'expérience n'a duré guère plus d'un an. En juillet 2012, la Banque centrale danoise a introduit un taux négatif sur les dépôts, mais pour enrayer l'appréciation de la devise locale et non pour stimuler l'économie. En pratique, il n'y a que très peu d'exemples d'abaissement des taux d'intérêt en dessous de zéro par les banques centrales, en partie parce que faire payer les déposants plutôt que les emprunteurs n'est pas dans l'ordre habituel des choses. RETOUR AU PROBLÈME DES TAUX D’INTERÊT À ZÉRO Au total, une Banque centrale plus proactive peut introduire des mesures de politique monétaire pour tenter de stimuler le crédit bancaire et la croissance économique une fois atteinte la limite inférieure zéro sur les taux courts, mais celles-ci sont expérimentales, perçues comme risquées et ne sont pas, en conséquence, pleinement exploitées. Dans la zone euro, une contrainte supplémentaire sur la politique monétaire réside dans le fait que les mesures non conventionnelles se situent souvent aux frontières de la politique budgétaire, et peuvent donc se traduire in fine par des transferts d’un pays à l’autre. D’où la difficulté de les mettre en œuvre en l’absence d’union budgétaire. La fragmentation des marchés financiers constitue également un obstacle majeur à la bonne transmission monétaire spécifique à la zone euro. Du fait de la structure unique de la zone euro (une monnaie unique sans union budgétaire et bancaire), les défis auxquels la politique monétaire est confrontée dans cette région ne sont pas entièrement comparables à ceux des autres économies développées. Mais dans tous les pays développés (dans la zone euro et ailleurs), l’orthodoxie économique tend à limiter la pleine utilisation des outils non conventionnels de politique monétaire. Il en résulte que la limite inférieure zéro sur les taux d'intérêt nominaux courts représente une contrainte majeure pesant sur la politique économique. 14 ECONOTE | N°22 – DÉCEMBRE 2013 ENCADRÉ 1 – MONNAIES PARALLÈLES ET THÉORIE DE LA MONNAIE FONDANTE DE GESELL L'idée de taxer la monnaie a été développée par Silvio Gesell (1862-1930), un économiste né en Allemagne, qui fut un entrepreneur prospère en Argentine. Pour Gesell, l’économie, lors d’une période d'instabilité financière, souffre de la thésaurisation des liquidités. Pour dissuader la thésaurisation et stimuler les dépenses, il a défendu l’idée selon laquelle l’argent, comme toutes les marchandises, devrait être considéré comme denrée périssable. C’est le principe de la « monnaie fondante » : la monnaie, selon lui, devrait avoir un coût de détention (appelé « demurrage charge » ou « intérêt négatif »), qui lui inflige une perte de valeur régulière. Si l'idée de Gesell de taxer la monnaie n'a, à ce jour, jamais été adoptée à l’échelle nationale, il y a eu de très nombreux cas d’application locale au cours du siècle passé. Les dispositifs de monnaie locale développés à partir de sa théorie de la monnaie fondante ont connu un succès remarquable et ce, dans des cultures et des contextes historiques très différents. Tous ces dispositifs ont, jusqu'ici, opéré en parallèle avec la monnaie classique (habituellement appelée monnaie nationale ou fiduciaire). Il y a eu, dans les années 1930, un boom des monnaies alternatives ou parallèles, dont l'exemple le plus célèbre est le système de certificats émis par la ville de Wörgl (petite commune autrichienne). Le « miracle de Wörgl » a débuté le 31 juillet 1932 lorsque le maire de la ville a émis des certificats appelés « certificats de travail ». Ces certificats étaient échangeables contre la monnaie ayant cours légal (monnaie officielle), mais à un coût (des frais de 2 % étaient appliqués en cas de conversion), et ils se dépréciaient de 1 % par mois. Le succès a été phénoménal : l'introduction de cette monnaie a, en l’espace de quelques mois, ouvert la voie à un redressement spectaculaire de l'activité économique de la ville et à une chute du chômage. Six villages voisins ont alors décidé d'adopter le système de Wörgl. Mais le 1er septembre 1933, alors qu'une assemblée réunissant 200 maires d'autres communes du pays venait de voter à l'unanimité l'adoption de ces certificats, la Banque centrale autrichienne a ordonné au conseil municipal de Wörgl de mettre fin à ce système, source, selon elle, d'inflation. En quelques mois, l'économie locale est retombée en dépression et le taux de chômage s’est envolé à 30 %. Depuis la fin des années 2000, les difficultés économiques croissantes des pays développés ont, de la même manière, entraîné un fort regain d'intérêt pour ces systèmes de monnaies alternatives. Les monnaies parallèles (qui sont parfaitement légales tant que l'on s'acquitte de l'impôt sur le revenu) ont notamment proliféré dans les pays de la zone euro. L'Allemagne détient le record en matière de monnaies parallèles en circulation, avec le Chiemgauer, sa principale monnaie alternative, utilisée dans le sud de la Bavière par plus de 3 000 personnes dont plus de 600 entreprises. Les Chiemgauer sont échangeables contre des euros, et vice versa, mais il faut payer une taxe de 5 ou 10 % lors du rachat d'euros. La durée de validité du Chiemgauer est de 3 mois. Si un billet n'est pas utilisé, il peut être renouvelé pour trois mois grâce au paiement d'un timbre coûtant 2 % de sa valeur - ce qui représente une dépréciation de la monnaie de 8 % au bout d’un an. Pour éviter cette taxe, les participants dépensent le Chiemgauer le plus vite possible. On estime que dans la région le Chiemgauer s'échange trois fois plus que l'euro. Cette monnaie, qui a également séduit les banques coopératives et les établissements de crédit locaux, est devenue la monnaie alternative la plus utilisée dans le monde, avec un volume de plus de 5 millions par an et un taux de croissance annuel de 100 %. Les monnaies parallèles ne sont généralement pas créées par les banques ou les gouvernements centraux, mais par des communautés (individus, entreprises etc.). Plus récemment, toutefois, ces innovations monétaires ont directement associé les autorités locales, qui reconnaissent, de plus en plus, leur utilité dans le soutien social, la relocalisation des activités économiques ou l'apport d'opportunités de revenus aux personnes les plus défavorisées. Si les monnaies parallèles ont connu une forte expansion ces dix dernières années, leur importance économique en termes de chiffre d’affaires reste marginale. Cela est principalement imputable à l’absence de dynamique intégrée de ces dispositifs, qui ne visent pas à s'étendre au-delà de la communauté de leurs membres. Le fait que ces monnaies alternatives soient restées locales et modestes par leur taille explique, dans une large mesure, pourquoi les banques centrales ne s'en préoccupent pas outre mesure, contrairement à ce qui s'est passé dans les années 30. 15 ECONOTE | N°22 – DÉCEMBRE 2013 16 ECONOTE | N°22 – DÉCEMBRE 2013 NUMÉROS PRÉCÉDENTS N°22 La zone euro est-elle dans une trappe à liquidité ? Marie-Hélène DUPRAT (Décembre 2013) N°21 Hausse de la dette publique au Japon : jusqu’à quand ? Audrey GASTEUIL (Novembre 2013) N°20 Pays-Bas : à la périphérie du cœur Benoît HEITZ (Septembre 2013) N°19 États-Unis : Un exportateur de gaz naturel liquéfié Marc-Antoine COLLARD (Juin 2013) N°18 France : Pourquoi le solde des paiements courants se dégrade-t-il depuis plus de 10 ans ? Benoît HEITZ (Juin 2013) N°17 Indépendance énergétique des États-Unis Marc-Antoine COLLARD (Mai 2013) N°16 Pays développés : Qui détient la dette publique ? Audrey GASTEUIL-ROUGIER (Avril 2013) N°15 Chine : Débat sur la croissance Olivier DE BOYSSON, Sopanha SA (Avril 2013) N°14 Chine : Prix immobiliers : l’arbre ne doit pas cacher la forêt Sopanha SA (Avril 2013) N°13 Le financement de la dette des États : vecteur de (dés-)intégration de la zone euro ? Léa DAUPHAS, Clémentine GALLÈS (Février 2013) N°12 La performance à l’exportation de l’Allemagne : analyse comparative avec ses pairs européens Marc FRISO (Décembre 2012) N°11 Zone euro : une crise unique Marie-Hélène DUPRAT (Septembre 2012) N°10 Marché immobilier et politiques macro-prudentielles : le Canada est-il synonyme de réussite ? Marc-Antoine COLLARD (Août 2012) N°9 Le «Quantitative Easing» britannique : plus d’inflation mais pas plus d’activité ? Benoît HEITZ (Juillet 2012) N°8 Turquie : Une politique monétaire atypique mais dépendante Régis GALLAND (Juillet 2012) N°7 Chine : Investissements directs à l’étranger : beaucoup de bruit pour rien Sopanha SA, Meno MIYAKE (Mai 2012) N°6 Royaume-Uni : Retour du spectre de l’inflation ? Marc-Antoine COLLARD (Février 2012) N°5 L’ajustement letton est-il un bon exemple pour les pays de la périphérie de la zone euro ? Anna SIENKIEWICZ, Ariel EMIRIAN (Janvier 2012) N°4 Chine : l'internationalisation sans convertibilité du renminbi Sopanha SA, Meno MIYAKE (Décembre 2011) N°3 États-Unis : États fédérés et collectivités locales, un frein à la reprise économique Clémentine GALLÈS, Kim MARCH (Juin 2011) 17 ECONOTE | N°22 – DÉCEMBRE 2013 ÉTUDES ÉCONOMIQUES CONTACTS Olivier GARNIER Chef économiste du Groupe +33 1 42 14 88 16 [email protected] Constance BOUBLIL Europe centrale et du sud-est +33 1 42 13 08 29 [email protected] Olivier de BOYSSON Chef économiste Pays Émergents +33 1 42 14 41 46 [email protected] Marc-Antoine COLLARD Pays du Golfe, Amérique Latine, Matières Premières +33 1 57 29 62 28 [email protected] Marie-Hélène DUPRAT Conseiller auprès du chef économiste +33 1 42 14 16 04 [email protected] Ariel EMIRIAN Macroéconomie et analyse pays / Pays CEI +33 1 42 13 08 49 [email protected] Marc FRISO Zone euro, Europe du nord et Afrique Subsaharienne +33 1 42 14 74 49 [email protected] Régis GALLAND Bassin Méditerranéen et Asie Centrale +33 1 58 98 72 37 [email protected] Benoît HEITZ Macroéconomie et analyse pays / Zone euro Clément GILLET et Europe +33 1 58 98 74 26 Europe du sud [email protected] +33 1 42 14 31 43 [email protected] Clémentine GALLÈS Emmanuel PERRAY Analyse macrosectorielle / États-Unis +33 1 57 29 57 75 Analyse macrosectorielle clementine.GALLÈ[email protected] +33 1 42 14 09 95 [email protected] Françoise BLAREZ Sofia RAGHAI Analyse macrosectorielle +33 1 58 98 82 18 Analyse macrosectorielle franç[email protected] +33 1 42 14 30 54 [email protected] Sopanha SA Asie +33 1 58 98 76 31 [email protected] Isabelle AIT EL HOCINE Assistante +33 1 42 14 55 56 [email protected] Valérie TOSCAS Assistante +33 1 42 13 18 88 [email protected] Sigrid MILLEREUX-BEZIAUD Documentaliste +33 1 42 14 46 45 [email protected] Tiphaine CAPPE de BAILLON Études statistiques et édition +33 1 42 14 00 25 [email protected] Société Générale | Études Économiques | 75886 PARIS CEDEX 18 www.societegenerale.com/nos-metiers/etudes-economiques Tél : +33 1 42 14 55 56 — Tél : +33 1 42 13 18 88 – Fax : +33 1 42 14 83 29 Ce document reflète l’opinion du seul département des études économiques de la Société Générale à la date de sa publication. Il ne reflète pas nécessairement les analyses des autres départements ou la position officielle de la Société Générale ou de l’une de ses entités juridiques, filiales ou succursales (ensemble, ci-après dénommé « Société Générale »). Il ne constitue pas une sollicitation commerciale et a pour seul objectif d’aider les investisseurs professionnels et institutionnels et eux seuls, mais ne dispense pas ceux-ci d’exercer leur propre jugement. La Société Générale ne garantit ni l’exactitude, ni l’exhaustivité de ces opinions comme des sources d’informations à partir desquelles elles ont été obtenues, bien que ces sources d’informations soient réputées fiables. La Société Générale ne saurait donc engager sa responsabilité, au titre de la divulgation ou de l’utilisation des informations contenues dans ce document qui est, par ailleurs, susceptible d’être modifié à tout moment et sans notification. 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