Infections secondaires à implantation de pacemaker

La Lettre du Cardiologue - n° 368 - octobre 2003
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MISE AU POINT
DONNÉES GÉNÉRALES
L’incidence des infections secondaires à l’implantation de pace-
maker est relativement faible : les infections autour du boîtier, de
l’ordre de 0,5 à 2 %, surviennent en moyenne 2,5 semaines après
l’implantation, tandis que le taux de septicémie et d’endocardite,
dont le délai moyen de survenue est de 33 semaines, est plutôt de
0,5 % (1). Cependant, la mortalité est évaluée à 10-30 %, rele-
vant ainsi le danger potentiel de ces infections, surtout si elles ne
sont pas décelées rapidement (2).
La morbi-mortalité est principalement liée aux risques d’endo-
cardite tricuspide, de formation de thrombus dans les cavités
droites, d’embolies pulmonaires septiques et de septicémie.
On distingue deux types d’endocardite après implantation de
sonde de PM : les endocardites précoces (un tiers des cas), qui
surviennent dans les trois premiers mois après pose du PM, et les
endocardites tardives (deux tiers des cas), qui surviennent plus
de trois mois après implantation (3). Certaines infections de sonde
peuvent même survenir plusieurs années après implantation, le
délai étant variable selon le germe impliqué.
FACTEURS FAVORISANTS
Les principaux éléments conduisant aux infections de sonde sont
au nombre de quatre.
1. Contamination locale : la plus fréquente, elle est incriminée
dans 90 % des cas, notamment dans les endocardites et les sep-
ticémies précoces. La contamination des sondes se fait par conti-
guïté avec progression de germes le long de la sonde. Ainsi, Da
Costa a démontré que le germe identifié plus tard au cours de la
septicémie était déjà présent en regard du futur siège d’implan-
tation en tant que saprophyte de la peau (4).
2. Érosion cutanée : par le boîtier, formant ainsi une porte d’en-
trée cutanée.
3. Greffe bactérienne : à partir d’un foyer septique secondaire à
distance ( cathéter veineux périphérique, cathéter de dialyse,
infection urinaire...).
4. Baisse du pouvoir bactéricide des polynucléaires neutrophiles :
par excès de stimulation (liée au matériel étranger) ; pénétration
insuffisante des antibiotiques au niveau du site de l’infection.
Infections secondaires
à l’implantation de pacemaker
Infectious complications of pacemaker implantation
D. Attias*, H. Lardoux*
* Service de cardiologie, CH Sud-Francilien, 91100 Corbeil-Essonnes.
Les infections secondaires à l’implantation de pacema-
ker (PM) représentent une complication assez rare mais
qui peut se révéler gravissime, en raison des risques sep-
tiques et emboliques.
L’examen clinique est relativement pauvre, se résumant
le plus souvent à une fièvre au long cours et à des frissons.
L’échographie transœsophagienne et les hémocultures
sont les deux maîtres examens pour poser le diagnostic,
souvent difficile, mais à évoquer systématiquement chez
un patient fébrile ayant bénéficié antérieurement de la pose
d’un pacemaker.
Le germe le plus fréquemment en cause est le staphy-
locoque (aureus ou epidermidis), provenant le plus sou-
vent d’une contamination locale lors de la pose du PM.
Le traitement doit être rapide et radical, consistant en
une ablation du matériel implanté (boîtier et sondes) asso-
ciée à une antibiothérapie adaptée prolongée.
Il est de plus en plus recommandé d’avoir recours à une
antibioprophylaxie lors de la pose du pacemaker afin de
diminuer davantage l’incidence de ces infections.
Mots-clés :
Endocardite infectieuse - Pacemaker - Écho-
cardiographie transœsophagienne - Staphylocoques - Abla-
tion du matériel.
Keywords:
Infective endocarditis - Pacemaker - Trans-
esophageal echocardiography - Staphylococcus species -
Ablation of the material.
Points forts
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MISE AU POINT
Les facteurs favorisants reconnus d’infection après pose de PM
sont la durée de l’implantation, le nombre de procédures (+++),
l’expérience de l’opérateur et l’abandon de sonde(s) d’entraîne-
ment dans les cavités droites (5).
D’autres facteurs de risque sont parfois retrouvés : l’immunodé-
pression (néoplasie, corticothérapie au long cours...) ; une der-
matose préexistante (notamment l’acné) ; le caractère urgent de
la mise en place du PM ; l’utilisation d’électrodes de stimulation
temporaire ; la fièvre supérieure à 37,5 °C au moment de l’im-
plantation ; un hématome ou une inflammation autour du boîtier
sont retrouvés dans environ 60 % des cas.
DIAGNOSTIC
Le diagnostic clinique peut s’avérer délicat car les signes cli-
niques sont très peu spécifiques. Les infections secondaires à
l’implantation de pacemaker touchent le plus souvent l’homme
(sex-ratio à 1,69) et les personnes de plus de 60 ans dans 75 %
des cas.
Signes cliniques et biologiques
Les signes locaux sont parfois au premier plan : infection au
niveau de la loge du PM, abcès, extériorisation du boîtier. Les
signes généraux peuvent se résumer à une fièvre (présente dans
85 % des cas), qui peut être intermittente et peu élevée, parfois
associée à une altération de l’état général. L’infection peut enfin
se révéler par des complications cardiaques (endocardite, insuf-
fisance tricuspide retrouvée dans 11 % des cas, rétrécissement
tricuspidien, HTAP...) ou emboliques (embolie pulmonaire sep-
tique, thrombophlébite septique, méningites, arthrites, spondy-
lodiscite, endophtalmie...). Il est important de signaler que le délai
entre le diagnostic et le début des signes est très variable : infé-
rieur ou égal à 2 mois dans 35 % des cas, de 2 à 12 mois dans
53 % des cas, supérieur à 12 mois dans 12 % des cas (5).
Au niveau biologique, la protéine C réactive est très souvent
élevée (dans 96,2 % des cas dans une série de 52 patients)
(6), l’hyperleucocytose étant, quant à elle, beaucoup plus
inconstante.
Le diagnostic est posé sur l’association d’images échographiques
évocatrices et sur la positivité des prélèvements bactériologiques
(hémocultures le plus souvent, voire culture de sonde post-extrac-
tion).
Germe
Le germe le plus fréquemment en cause est le staphylocoque,
retrouvé dans 90 % des cas, résultant d’une contamination locale
lors de l’implantation. Le staphylocoque doré (Staphylococcus
aureus), identifié dans près d’un tiers des cas, est plutôt impliqué
dans les endocardites aiguës et précoces (inférieures à 3 mois),
tandis que le staphylocoque non doré (Staphylococcus epidermi-
dis), identifié dans près de 40 % des cas, est fréquemment retrouvé
dans les endocardites tardives (plus de 3 mois) (tableau I).
Les autres germes retrouvés sont les autres types de staphylo-
coques (5 % des cas), les streptocoques non groupables, les
bacilles à Gram négatif, le Pseudomonas aeruginosa, les Can-
dida. Les hémocultures sont négatives dans 5 % des cas.
Échocardiographie
L’échographie cardiaque transthoracique est de trop faible sen-
sibilité (environ 30 %) pour que sa négativité puisse exclure le
diagnostic (figure 1) (7).
Le maître examen est l’échographie transœsophagienne, qui pré-
sente une sensibilité de 96 %. Elle retrouve le plus souvent des
végétations sessiles ou pédiculées sur la sonde et/ou sur la valve
tricuspide (figures 2a et 2b). Dans certaines études, on retrouve
jusqu’à 15 % des végétations vues en ETO qui se situent sur la
valve tricuspide (3). Le diamètre des végétations (> 10 mm) est
un point important pour la discussion du traitement adéquat et
le pronostic. Des microfilaments peuvent être également obser-
vés, mais ce ne sont pas des arguments diagnostiques décisifs,
car ils peuvent être présents en dehors de tout processus infec-
tieux.
Figure 1. Échographie transthoracique – Incidence apicale quatre cavi-
tés : l’examen des cavités droites est imprécis ; les sondes de stimulation
cardiaque intra-OD et VD ne sont pas visibles ; les cavités droites sont
dilatées.
Tableau I. Principales caractéristiques des endocardites bactériennes
sur sonde de stimulation cardiaque.
Endocardite précoce Endocardite tardive
Fréquence 1/3 des cas 2/3 des cas
Germe Staphylococcus aureus Staphylococcus epidermidis
42 % 48,5 %
Végétations en ETO 91 % 95 %
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MISE AU POINT
Cependant, l’ETO peut être d’interprétation délicate, car les
sondes de pacemaker sont responsables de réverbération et d’at-
ténuation acoustique gênant l’individualisation des végétations.
L’abord transgastrique complète de manière souvent précise,
sous différentes incidences, l’examen des sondes et de l’appa-
reil tricuspide (figures 3 et 4). L’examen échographique
permet également de faire le bilan des lésions engendrées :
insuffisance ou rétrécissement tricuspidien, HTAP, atteintes
d’autres valves, existence d’un foramen ovale perméable, etc.
En cas de négativité de l’ETO, il ne faut pas hésiter à la répé-
ter ou à proposer une échographie intracardiaque, technique
d’introduction récente, onéreuse, dont l’intérêt est de fournir
une image de haute définition grâce à une fréquence élevée
d’émission (5,5 à 10 MHz) (8).
Scintigraphie pulmonaire
L’existence d’embolies pulmonaires septiques, détectées à la
scintigraphie pulmonaire dans 40 à 50 % des cas (9), peut être
également d’un grand apport pour le diagnostic positif et jus-
tifie sa réalisation quasi systématique. Elles semblent être plus
fréquentes lorsque les végétations ont un aspect pédiculé à
l’ETO.
Figure 3. Échographie transœsophagienne, incidence transgastrique
centrée sur la valve tricuspide : volumineuse végétation “en chou-fleur”,
au niveau de la sonde de PM passant au travers de la valve tricuspide,
vers l’apex du VD. Noter l’extension de la végétation sous forme d’un
manchon engainant la sonde dans sa portion intra-OD.
Figure 4. Échographie transœsophagienne, incidence transgastrique
centrée sur la valve tricuspide : végétation sur sonde de stimulateur
cardiaque.
Figures 2a et 2b. Échographie transœsophagienne, incidence à 60 ° :
végétation de 18 mm de long, hypermobile ; sur la deuxième image,
les deux sondes de PM sont parfaitement individualisées.
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