Infections secondaires à implantation de pacemaker

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Infections secondaires
à l’implantation de pacemaker
Infectious complications of pacemaker implantation
● D. Attias*, H. Lardoux*
DONNÉES GÉNÉRALES
Points forts
■ Les infections secondaires à l’implantation de pacemaker (PM) représentent une complication assez rare mais
qui peut se révéler gravissime, en raison des risques septiques et emboliques.
■ L’examen clinique est relativement pauvre, se résumant
le plus souvent à une fièvre au long cours et à des frissons.
L’échographie transœsophagienne et les hémocultures
sont les deux maîtres examens pour poser le diagnostic,
souvent difficile, mais à évoquer systématiquement chez
un patient fébrile ayant bénéficié antérieurement de la pose
d’un pacemaker.
■ Le germe le plus fréquemment en cause est le staphylocoque (aureus ou epidermidis), provenant le plus souvent d’une contamination locale lors de la pose du PM.
L’incidence des infections secondaires à l’implantation de pacemaker est relativement faible : les infections autour du boîtier, de
l’ordre de 0,5 à 2 %, surviennent en moyenne 2,5 semaines après
l’implantation, tandis que le taux de septicémie et d’endocardite,
dont le délai moyen de survenue est de 33 semaines, est plutôt de
0,5 % (1). Cependant, la mortalité est évaluée à 10-30 %, relevant ainsi le danger potentiel de ces infections, surtout si elles ne
sont pas décelées rapidement (2).
La morbi-mortalité est principalement liée aux risques d’endocardite tricuspide, de formation de thrombus dans les cavités
droites, d’embolies pulmonaires septiques et de septicémie.
On distingue deux types d’endocardite après implantation de
sonde de PM : les endocardites précoces (un tiers des cas), qui
surviennent dans les trois premiers mois après pose du PM, et les
endocardites tardives (deux tiers des cas), qui surviennent plus
de trois mois après implantation (3). Certaines infections de sonde
peuvent même survenir plusieurs années après implantation, le
délai étant variable selon le germe impliqué.
■
Le traitement doit être rapide et radical, consistant en
une ablation du matériel implanté (boîtier et sondes) associée à une antibiothérapie adaptée prolongée.
■ Il est de plus en plus recommandé d’avoir recours à une
antibioprophylaxie lors de la pose du pacemaker afin de
diminuer davantage l’incidence de ces infections.
Mots-clés : Endocardite infectieuse - Pacemaker - Échocardiographie transœsophagienne - Staphylocoques - Ablation du matériel.
Keywords: Infective endocarditis - Pacemaker - Transesophageal echocardiography - Staphylococcus species Ablation of the material.
* Service de cardiologie, CH Sud-Francilien, 91100 Corbeil-Essonnes.
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FACTEURS FAVORISANTS
Les principaux éléments conduisant aux infections de sonde sont
au nombre de quatre.
1. Contamination locale : la plus fréquente, elle est incriminée
dans 90 % des cas, notamment dans les endocardites et les septicémies précoces. La contamination des sondes se fait par contiguïté avec progression de germes le long de la sonde. Ainsi, Da
Costa a démontré que le germe identifié plus tard au cours de la
septicémie était déjà présent en regard du futur siège d’implantation en tant que saprophyte de la peau (4).
2. Érosion cutanée : par le boîtier, formant ainsi une porte d’entrée cutanée.
3. Greffe bactérienne : à partir d’un foyer septique secondaire à
distance ( cathéter veineux périphérique, cathéter de dialyse,
infection urinaire...).
4. Baisse du pouvoir bactéricide des polynucléaires neutrophiles :
par excès de stimulation (liée au matériel étranger) ; pénétration
insuffisante des antibiotiques au niveau du site de l’infection.
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Les facteurs favorisants reconnus d’infection après pose de PM
sont la durée de l’implantation, le nombre de procédures (+++),
l’expérience de l’opérateur et l’abandon de sonde(s) d’entraînement dans les cavités droites (5).
Tableau I. Principales caractéristiques des endocardites bactériennes
sur sonde de stimulation cardiaque.
Endocardite précoce
Endocardite tardive
1/3 des cas
2/3 des cas
Fréquence
D’autres facteurs de risque sont parfois retrouvés : l’immunodépression (néoplasie, corticothérapie au long cours...) ; une dermatose préexistante (notamment l’acné) ; le caractère urgent de
la mise en place du PM ; l’utilisation d’électrodes de stimulation
temporaire ; la fièvre supérieure à 37,5 °C au moment de l’implantation ; un hématome ou une inflammation autour du boîtier
sont retrouvés dans environ 60 % des cas.
DIAGNOSTIC
Le diagnostic clinique peut s’avérer délicat car les signes cliniques sont très peu spécifiques. Les infections secondaires à
l’implantation de pacemaker touchent le plus souvent l’homme
(sex-ratio à 1,69) et les personnes de plus de 60 ans dans 75 %
des cas.
Germe
Staphylococcus aureus Staphylococcus epidermidis
42 %
48,5 %
Végétations en ETO
91 %
95 %
Les autres germes retrouvés sont les autres types de staphylocoques (5 % des cas), les streptocoques non groupables, les
bacilles à Gram négatif, le Pseudomonas aeruginosa, les Candida. Les hémocultures sont négatives dans 5 % des cas.
Échocardiographie
L’échographie cardiaque transthoracique est de trop faible sensibilité (environ 30 %) pour que sa négativité puisse exclure le
diagnostic (figure 1) (7).
Signes cliniques et biologiques
Les signes locaux sont parfois au premier plan : infection au
niveau de la loge du PM, abcès, extériorisation du boîtier. Les
signes généraux peuvent se résumer à une fièvre (présente dans
85 % des cas), qui peut être intermittente et peu élevée, parfois
associée à une altération de l’état général. L’infection peut enfin
se révéler par des complications cardiaques (endocardite, insuffisance tricuspide retrouvée dans 11 % des cas, rétrécissement
tricuspidien, HTAP...) ou emboliques (embolie pulmonaire septique, thrombophlébite septique, méningites, arthrites, spondylodiscite, endophtalmie...). Il est important de signaler que le délai
entre le diagnostic et le début des signes est très variable : inférieur ou égal à 2 mois dans 35 % des cas, de 2 à 12 mois dans
53 % des cas, supérieur à 12 mois dans 12 % des cas (5).
Au niveau biologique, la protéine C réactive est très souvent
élevée (dans 96,2 % des cas dans une série de 52 patients)
(6), l’hyperleucocytose étant, quant à elle, beaucoup plus
inconstante.
Le diagnostic est posé sur l’association d’images échographiques
évocatrices et sur la positivité des prélèvements bactériologiques
(hémocultures le plus souvent, voire culture de sonde post-extraction).
Germe
Le germe le plus fréquemment en cause est le staphylocoque,
retrouvé dans 90 % des cas, résultant d’une contamination locale
lors de l’implantation. Le staphylocoque doré (Staphylococcus
aureus), identifié dans près d’un tiers des cas, est plutôt impliqué
dans les endocardites aiguës et précoces (inférieures à 3 mois),
tandis que le staphylocoque non doré (Staphylococcus epidermidis), identifié dans près de 40 % des cas, est fréquemment retrouvé
dans les endocardites tardives (plus de 3 mois) (tableau I).
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Figure 1. Échographie transthoracique – Incidence apicale quatre cavités : l’examen des cavités droites est imprécis ; les sondes de stimulation
cardiaque intra-OD et VD ne sont pas visibles ; les cavités droites sont
dilatées.
Le maître examen est l’échographie transœsophagienne, qui présente une sensibilité de 96 %. Elle retrouve le plus souvent des
végétations sessiles ou pédiculées sur la sonde et/ou sur la valve
tricuspide (figures 2a et 2b). Dans certaines études, on retrouve
jusqu’à 15 % des végétations vues en ETO qui se situent sur la
valve tricuspide (3). Le diamètre des végétations (> 10 mm) est
un point important pour la discussion du traitement adéquat et
le pronostic. Des microfilaments peuvent être également observés, mais ce ne sont pas des arguments diagnostiques décisifs,
car ils peuvent être présents en dehors de tout processus infectieux.
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Figure 3. Échographie transœsophagienne, incidence transgastrique
centrée sur la valve tricuspide : volumineuse végétation “en chou-fleur”,
au niveau de la sonde de PM passant au travers de la valve tricuspide,
vers l’apex du VD. Noter l’extension de la végétation sous forme d’un
manchon engainant la sonde dans sa portion intra-OD.
B
Figures 2a et 2b. Échographie transœsophagienne, incidence à 60 ° :
végétation de 18 mm de long, hypermobile ; sur la deuxième image,
les deux sondes de PM sont parfaitement individualisées.
Cependant, l’ETO peut être d’interprétation délicate, car les
sondes de pacemaker sont responsables de réverbération et d’atténuation acoustique gênant l’individualisation des végétations.
L’abord transgastrique complète de manière souvent précise,
sous différentes incidences, l’examen des sondes et de l’appareil tricuspide (figures 3 et 4). L’examen échographique
permet également de faire le bilan des lésions engendrées :
insuffisance ou rétrécissement tricuspidien, HTAP, atteintes
d’autres valves, existence d’un foramen ovale perméable, etc.
En cas de négativité de l’ETO, il ne faut pas hésiter à la répéter ou à proposer une échographie intracardiaque, technique
d’introduction récente, onéreuse, dont l’intérêt est de fournir
une image de haute définition grâce à une fréquence élevée
d’émission (5,5 à 10 MHz) (8).
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Figure 4. Échographie transœsophagienne, incidence transgastrique
centrée sur la valve tricuspide : végétation sur sonde de stimulateur
cardiaque.
Scintigraphie pulmonaire
L’existence d’embolies pulmonaires septiques, détectées à la
scintigraphie pulmonaire dans 40 à 50 % des cas (9), peut être
également d’un grand apport pour le diagnostic positif et justifie sa réalisation quasi systématique. Elles semblent être plus
fréquentes lorsque les végétations ont un aspect pédiculé à
l’ETO.
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TRAITEMENT
Une fois le diagnostic posé, le traitement doit être rapide et radical. Il associe idéalement une ablation la plus rapide possible du
boîtier et de la sonde à une antibiothérapie adaptée, double, bactéricide, prolongée 4 à 12 semaines, avant et après extraction. En
cas de refus du patient ou de contre-indication opératoire, une
antibiothérapie prolongée seule est à proposer, tout en sachant
que la mortalité est plus élevée.
L’extraction du matériel peut être réalisée soit de manière percutanée, par simple traction, soit chirurgicalement, avec ou sans
CEC (3). La simple traction expose principalement aux risques
de fragmenter les sondes et de les laisser in situ dans les cavités
droites.
La cardiotomie, réalisée quant à elle le plus souvent sous circulation extracorporelle, semble être le traitement le plus efficace.
Ses indications sont : l’échec des méthodes percutanées, une fragmentation des sondes, l’existence de migrations pulmonaires
emboliques, des végétations de plus de 10 ou 20 mm selon les
équipes, une insuffisance tricuspide importante pouvant nécessiter une plastie (1).
Il est important de poser de manière concomitante la nécessité de
la réimplantation du PM. On préfère en général poser des électrodes épicardiques avec le boîtier positionné dans la loge épigastrique. Cependant, il est possible de les introduire par voie
endovasculaire controlatérale, à distance ou dans le même temps
opératoire que l’ablation.
Étant donné le risque de ces infections, la place de la prophylaxie est primordiale. Il faut insister sur la nécessité d’une asepsie et d’une hémostase rigoureuses lors de la pose du pacemaker,
qui doit être installé dans le temps opératoire le plus bref possible. Il faut aussi limiter, si possible, le recours à une sonde
d’EES, le nombre de réinterventions, et éviter d’implanter en
contexte fébrile.
Les données de la méta-analyse rapportée par Da Costa semblent
en faveur d’une monoantibiothérapie orale systématique, prophylactique, préopératoire utilisant soit une pénicilline M, soit
une céphalosporine de deuxième génération (céfazoline) (10). En
effet, elle montre une diminution significative des infections à
court terme (infection de la poche, septicémie), mais n’évalue pas
l’incidence des endocardites à long terme, notamment après deux
ans. Les dernières recommandations françaises préconisent l’abs-
CONCLUSION
L’infection secondaire à l’implantation d’un pacemaker est un
diagnostic difficile et de pronostic grave, à évoquer systématiquement chez un patient présentant une fièvre au long cours ou
des frissons intermittents. Le diagnostic se fait sur l’association
d’hémocultures positives (le plus souvent à staphylocoque) et
d’images échocardiographiques évocatrices (intérêt majeur de
l’ETO). Le traitement doit être rapide, se résumant à une ablation du boîtier et des sondes associée à une antibiothérapie adaptée. Une antibioprophylaxie orale semble se justifier de plus en
plus avant chaque implantation de pacemaker.
■
Bibliographie
1. Da Costa A, Kirkorian G, Chevalier P et al. Infections secondary to implantation of cardiac pacemakers. Arch Mal Cœur 1998 ; 93 : 753-7.
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pacemaker leads. A review. Ann Med Interne 2000 ; 151 : 456-64.
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Report of 7 cases and review of the literature. Cardiology 1998 ; 90 : 244-8.
10. Da Costa A, Kirkorian G, Cucherat M et al. Antibiotic prophylaxis for permanent pacemaker implantation : a meta-analysis. Circulation 1998 ; 97 : 1796-803.
11. Modifications du profil de l’endocardite infectieuse - Groupe d’enquête de
l’Association pour l’étude et la prévention de l’endocardite infectieuse (AEPEI).
Arch Mal Cœur 2003 ; 96 : 111-20.
1. Quel est le germe le plus souvent retrouvé dans les
infections sur sonde de PM tardives ?
2. Quelle(s) mesure(s) de prévention peut-on prendre pour
diminuer l’incidence des infections sur sonde de PM ?
a. Pseudomonas aeruginosa
b. Staphylococcus epidermidis
c. Candida
d. Staphylococcus aureus
e. Escherichia coli
a. désinfection soigneuse du site lors de l’implantation
b. prophylaxie oslérienne lors de soins dentaires, par
exemple chez les porteurs de PM
c. antibiothérapie préventive p.o. avant la pose de PM
d. antibiothérapie préventive p.o. par Bristopen® à chaque
poussée de fièvre chez un porteur de PM
e. pose du PM la plus brève possible
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1. b ; 2. a, c, e.
FMC
RÉPONSES FMC
AUTOQUESTIONNAIRE
tention d’une prophylaxie oslérienne chez les patients valvulaires,
mais conseillent la prescription d’une antibioprophylaxie orale
systématique avant toute implantation de pacemaker (11).
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