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Sa gnoséologie est celle du non-savoir optimiste, où on ne prétend plus connaître
mais on laisse le sujet se dévoiler.
“La dimension du divin s’ouvre à partir du visage humain,” dit Levinas, en enten-
dant qu’une expérience fondamentale, celle du “dénuement et extrême vulnérabilité
d’un visage,” détermine la conception du sujet et du rapport au monde. Mais il est
loin de traiter l’autrui en termes phénoménologiques. Autrui est “visage”, non pas
dans le sens d’un visage “vu”, d’un visage pouvant se xer sur une photographie ou
dans la mémoire, mais expression, discours (Explorations Talmudiques).
L’important c’est que l’approche apothatique de Mikhaïl Bakhtine et celle post-
phénoménologique d’Emmanuel Levinas débouchent sur les mêmes fondements et
principes de l’éthique. Ce principe philosophique élucide les rapports entre la con-
science morale et la liberté devant l’acte et l’éthique sociale.
La reconnaissance de l’autre exige d’un individu un acte de volonté qui consiste
à franchir les limites de soi-même pour faire un pas vers la non-existence de soi et
l’existence de l’autre. Cet acte aussi dicile est à la fois une armation de soi, car il
permet d’envisager soi-même comme autrui et justie la vie de l’individu et sa liberté
dans ses propres yeux. Il est également une armation de la dignité de l’homme, sa
réhabilitation, au sens symbolique, après la Chute et, donc, accomplissement de sa
mission antropourgique.
La conscience active qui se dénit à partir de la reconnaissance de l’autre, acqui-
ert la puissance de franchir la barrière du temps et de la mort, car l’autre, la mort et
l’avenir sont semblables dans le fait qu’ils mettent des limites à soi et impliquent un
renoncement à soi en faveur de l’inconnu.
La cohésion entre la parole et l’altérité représente un autre prisme optique commun
pour les deux auteurs. “L’homme est là où il y a la parole, la parole est là où il y a le dia-
logue, le dialogue est là où il y a la littérature” (Bibler 79-80)—tels sont les points de
départ de la réexion de Bakhtine sur l’écriture. L’autre, selon Levinas, est d’emblée
et tout à la fois parole, demande, supplication, commandement, enseignement.
L’écriture apparaît comme un acte volontaire de transformation du soi en autre.
Elle se révèle comme une mise en œuvre des notions de l’éthique, la dominante de
l’existence responsable de la personnalité, l’auto-façonnement de la conscience ‘par
les yeux de l’autre’. La création verbale se fait une relation avec autrui, une “technolo-
gie d’acquisition de l’avenir” (Issoupov 13).
En décrivant l’éros, Levinas révèle qu’il n’est ni une lutte, ni une fusion, ni une
connaissance, mais, une relation avec la “dimension même de l’altérité” (Le Temps
et l’Autre 81). N’est-ce pas ce qu’est l’écriture? Elle, qui ne cherche ni à connaître,
ni à saisir, ni à dominer le sujet? Le texte, n’est il pas, tout comme l’autre, “l’absence
dans un horizon d’avenir” (Le Temps et l’Autre 83). L’écriture n’est elle pas comme la
caresse, qui “ne sait pas ce qu’elle cherche” (Le Temps et l’Autre 82), qui est un “ne pas
savoir” (Le Temps et l’Autre 82) apophatique.
Si on envisage le texte comme autrui ou l’écriture comme éros, probablement,
en s’inspirant du caractère de ces grandes données, on devinera—sans chercher à