extension spatio-temporelle, qui ne font pas que restreindre l’activité humaine et
la canaliser dans des structures prédéfinies, mais la rendent possible en
permettant aux gens de s’appuyer sur ces règles et ces ressources. En ce sens,
tout le présent ouvrage est à son tour une réflexion sur les concepts que propose
Giddens d’“habilitation” et de “contrainte”, une tentative de déterminer aussi
exactement que possible à quelle sorte d’activité, de qui et dans quelles
conditions, les institutions modernes apportent habilitation ou contrainte»,
(Wagner, 1996 : 14-15).
Cette lecture confirme, enfin, la pression qu’exerce la modernité sur les
individus. Ces derniers sont soumis à l’intégration nécessaire de nouvelles
compétences sociales. Cette pression n’est pas toujours assortie de conséquences
fâcheuses, mais elle pèse sur les individus qui sont soumis, pour paraphraser
Beck, aux incohérences des systèmes (Beck, 1996 ; Bauman, 2005). «Les
transformations historiques de la modernité exigent de puissants efforts des
individus pour définir leur place dans la société – avec des résultats souvent
bien incertains. La nécessité de ces efforts tient à la constante extension
historique des institutions et à la fracture des identités sociales qu’elle a pour
effet», (Wagner, 1996 : 16). Parmi les transformations qui semblent peser sur le
devenir des identités sociales, c’est la possibilité de convergence dans des
grands collectifs qui paraît la plus affectée. «Aujourd’hui, certaines formes
d’autoréalisation sont beaucoup plus accessibles, mais d’autres sont devenues
difficiles ou impossibles. Parmi ces dernières, figure la possibilité d’un rapport
de communication avec un collectif valable et assez nombreux, où déterminer
son propre destin. On peut parler à ce propos d’une tendance à l’auto-
extinction de la capacité d’action politique (du libéralisme, de l’utopie libérale),
(…)», (Wagner, 1996 : 17).
La crise actuelle serait liée à la transition entre une configuration sociale
organisée et une configuration sociale libérale restreinte. Une rétrospective
historique permettra d’asseoir cette thèse. «Ce retour sur le passé de la
modernité confirmera la thèse selon laquelle nous avons sous nos yeux une
restructuration majeure. C’est à tort que l’on y voit seulement un renforcement
de certaines tendances de la modernité, une poursuite de la “modernisation”.
Cela étant, les changements d’aujourd’hui sont bien loin de signifier une
quelconque “fin de la modernité”, “fin de l’histoire” ou “fin du sujet” (…). Ces
notions suggèrent la naissance d’une configuration sociale ne reposant plus sur
les idées constitutives, quant à la vie humaine et sociale, qui s’étaient
développées entre le XVI e et le XVIII e siècle. (…) Il convient bien plutôt de
comparer les changements actuels, quant à leur forme et leur portée, à ceux qui
vers la fin du XIX e siècle menèrent à ce que l’on devrait plutôt appeler “société
de masse” ou “société industrielle”. Pour ma part, je tenterai de caractériser la
configuration sociale de cette époque comme “modernité organisée”. La
configuration qui surgit maintenant, et dont les contours ne sont pas encore
pleinement ni clairement visibles, présente certains traits en commun avec les