M ini-revue Intraepithelial lymphocytes: impact in gastroenterology Georgia Malamut(1)(2)(3), Virginie Verkarre(1)(3)(4), Bertrand Meresse(1)(3), Christophe Cellier(1)(2)(3), Nadine Cerf-Bensussan(1)(3) 1 Universit e Paris Descartes, 15 rue de l’Ecole de M edecine, 75006 Paris 2 ^pital Europ Ho een Georges Pompidou, 20 rue Leblanc, 75 015 Paris 3 Inserm U989, 156 rue de Vaugirard, 75015 Paris 4 ^pital Necker Enfants Malades, service Ho d’anatomo-pathologie, 149 rue de Sevres, 75007 Paris e-mail : <[email protected]. fr> sume Re Les lymphocytes intra- epith eliaux (LIE) intestinaux sont dans l’ epith elium a l’interface avec le milieu environnemental. Les LIE sont h et erog enes et leur ^le dans la r situation particuli ere sugg ere un ro eponse immune inn ee et adaptative contre les pathog enes lors des infections ou des antig enes alimentaires en cas de rupture de tol erance. La perte d’hom eostasie intestinale des LIE peut alors conduire a leur expansion clonale a l’origine des complications lymphomateuses intestinales comme au cours de la maladie cœliaque. Cette revue dresse une br eve description des LIE intestinaux et de leur implication en pathologie digestive. s : lymphocytes intraepitheliaux (LIE), immunite intestinale, Recepteur T gamman Mots cle delta, integrine alphaEbeta7 (CD103), maladie cœliaque Abstract The intraepithelial lymphocytes (IEL) are in the epithelium at the interplay with the outside environment. The LIE are variable and their particular position suggests both a role in innate and adaptative immune response against pathogens during infections or against alimentary antigens when tolerance is broken. The impaired homeostasis of intestinal IEL may induce clonal expansion at the origin of lymphomatous complications as it is the case in celiac disease. In this review we address a brief description of intestinal IEL and discuss their role in digestive pathology. n Key words: intraepithelial lymphocytes (IEL), intestinal immunity, gamma-delta T cell receptor, integrin alphaEbeta7 (CD103), celiac disease es lymphocytes intra epith eliaux (LIE) de l’intestin forment une population h et erog ene de lymphocytes T (LT), localis ee entre les cellules epith eliales a la partie basale de l’epithelium intestinal. Les LIE appartiennent au syst eme lymphoı̈de associ e a l’intestin ou GALT (gut associated lymphoid tissue). l’ A etat normal chez l’homme, le nombre de LIE intestinaux est estim e a 20 pour 100 cellules L HEPATO GASTRO et Oncologie digestive num [1]. epith eliales dans le duode Leur nombre d ecroı̂t progressivement dans les parties distales de l’intestin et se situe autour de 2 a 5 pour 100 cellules epith eliales dans ^lon normal [2]. Les LIE sont le co distincts des LT p eriph eriques notoirement par leur enrichissement en LT CD8+ et en LT avec r ecepteur gd (TCRgd), et par l’expression de plusieurs r ecepteurs t emoignant soit de leur diff erenciation particuli ere y doi: 10.1684/hpg.2012.0732 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Lymphocytes intraépithéliaux : impact en gastroentérologie Tir es a part : G. Malamut Pour citer cet article : Malamut G, Verkarre V, Meresse B, Cellier C, Cerf-Bensussan N. Lymphocytes intra-epitheliaux : impact en gastroenterologie. Hepato Gastro 2012 ; 19 : 329-336. doi : 10.1684/hpg.2012.0732 HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 19 n8 5, mai 2012 329 des r ecepteurs NK [8]. La voie de diff erenciation des LIE non conventionnels reste discut ee. Une voie de diff erenciation intrathymique, distincte de celle des LT conventionnels, est l’hypoth ese formul ee [9, 10]. Ils acquerraient des r ecepteurs de homing pendant la diff erenciation thymique leur permettant d’int egrer l’ epith elium intestinal directement apr es leur sortie du thymus [10]. soit de leur implication dans les interactions avec leur partenaire epithelial. Origine et répertoire des lymphocytes intra-épithéliaux intestinaux Apport des travaux expérimentaux Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. s a l’e tude des LIE chez la De nombreux travaux consacre souris ont permis de d ecrire deux grandes sous-populations de LIE : l’une dite conventionnelle, proche des LT peripheriques, appartenant a l’immunit e adaptative et l’autre dite non conventionnelle, apparent ee a l’immunit e innee et ayant des caract eristiques ph enotypiques propres a l’intestin [3]. Les LIE dits conventionnels poss edent comme la plupart des LT peripheriques et du chorion le r ecepteur pour l’antig ene de type ab (TCRab). Compar es aux lymphocytes T peripheriques, les LIE conventionnels contiennent une proportion plus importante de LT CD8+ que de LT CD4+. Les donnees exp erimentales indiquent que cette souspopulation de LIE suit, comme les LT p eriph eriques, toutes les etapes thymiques de diff erenciation et de s election qui sont indispensables pour la reconnaissance des antig enes presentes par le complexe d’histocompatibilit e [4]. Les LT migrent ensuite en p eriph erie. Ces LIE se sensibilisent aux antigenes luminaux dans les plaques de Peyer puis empruntent le cycle hemolymphatique [5]. Brievement, les LIE conventionnels sont sensibilis es aux antig enes intraluminaux dans les organes lymphoı̈des associ es a l’intestin, plaques de Peyer et ganglions m esent eriques, ils acquierent les mol ou ecules de homing. En effet, la stimulation antigenique par les cellules dendritiques entraı̂ne egalement l’expression de l’int egrine a4b7 et du recepteur de chimiokine CCR9 essentiel a l’adressage des lymphocytes matures dans l’intestin [5]. L’int egrine a4b7 interagit avec son ligand, MADCAM-1 qui est fortement exprim e a la surface des vaisseaux sanguins intestinaux et permet l’adhesion des LT sur la paroi vasculaire intestinale [6]. Les LT quittent la muqueuse intestinale par le r eseau lymphatique sous-sereux pour gagner les ganglions m esent eriques la reponse immunitaire initi ou ee dans les plaques de Peyer ou la muqueuse est amplifi ee. Les LT rejoignent ensuite la circulation sanguine par le canal thoracique. Ils p en etrent a nouveau dans la muqueuse intestinale a travers les veinules post-capillaires de la lamina propria et migrent soit dans le chorion soit dans l’ epith elium [7]. Les LIE non conventionnels murins se divisent en deux populations : les LIE exprimant un TCRgd et les LIE exprimant erent des LT par l’expression d’un un TCRab [3]. Ces LIE diff corecepteur homodim erique CD8aa et n’expriment pas la chaine CD8b qui est indispensable a la diff erenciation thymique des LT CD8ab. Ces LT CD8aa peuvent exprimer 330 Description des lymphocytes intra-épithéliaux chez l’homme sentent une population Les LIE de l’intestin humain repre h et erog ene de LT exprimant tous le marqueur CD7 commun aux LT et NK [11]. Les LIE humains partagent un grand nombre de caract eristiques avec leurs homologues murins, en particulier l’enrichissement en LT CD8+ et en LT TCRgd qui les distingue des LT p eriph eriques et des LT de la lamina propria qui sont majoritairement CD4+. Il existe trois populations distinctes de LIE. Les deux populations principales expriment le complexe de surface CD3 et un recepteur T (90 %) soit TCRab (75 %) ou TCRgd (15 %). La troisi eme population plus minoritaire (10 %) n’exprime pas de CD3 en surface (CD7+sCD3e-). Quels que soient leurs marqueurs de surface, les LIE se distinguent des lymphocytes pr esents dans les autres sites lymphoı̈des par trois caract eristiques : – les LIE sont majoritairement des lymphocytes de type m emoire-effecteurs (exprimant CD45RO et CD28) [12] ; – 20 % d’entre eux contiennent des granulations cytoplasmiques tr es similaires a celles observ ees dans les lymphocytes cytotoxiques [13] ; – plus de 90 % d’entre eux expriment l’int egrine aEb7 ou CD103 (HML1), un antig ene exprim e chez moins de 1 % des lymphocytes sanguins ou des organes lymphoı̈des au repos et pr esent dans seulement 40 % a 50 % des lymphocytes T du chorion [14]. Le CD103 permet l’adh esion des LIE aux cellules epith eliales par l’interm ediaire de son ligand, l’ECadh erine, impliqu ee dans la formation des jonctions serr ees et indispensable a la coh esion epith eliale [14]. La molecule CD103 semble favoriser la retention des LIE au sein de l’ epith elium [15]. Dans le chorion, ce marqueur rev ele des cellules dendritiques qui sont capables de pr esenter l’antig ene. Environ 60 % des LIE expriment au moins un marqueur de type natural killer (NK) qui pourrait participer ^le de leur activation [11]. au contro Les LIE CD3+TCRab Ils repr esentent 65 % de tous les LIE et expriment majoritairement le cor ecepteur CD8ab ; seule une faible proportion de LIE CD3+TCRab+ expriment CD4 (moins de 15 % de tous les LIE). Les etudes du r epertoire de la chaı̂ne b effectu ees chez des t emoins ont montr e que ces LIE d erivaient d’un nombre restreint de clones variables d’un individu a l’autre [16]. HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 19 n8 5, mai 2012 Lymphocytes intra-épithéliaux (LIE) Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Les LIE TCRgd Leur proportion est enrichie dans l’intestin (15 %) par rapport a celle du sang et de la lamina propria (5 %) avec de larges variations individuelles et selon les territoires ^lon [2]. La majorit pouvant atteindre 40 % dans le co e d’entre eux sont CD4-CD8- mais ils peuvent exprimer le CD8aa. Les LIE TCRgd sont consid er es comme des sentinelles capables de r eagir rapidement aux agressions, notamment a travers la reconnaissance de mol ecules induites par le stress comme MICA et MICB [17]. Le r epertoire des LIE TCRgd pr esente des particularit es. L’analyse de la region de diversit e de la chaı̂ne d montre que le repertoire de ces LIE est restreint et devient oligoclonal apres la naissance. Comme pour les LIE TCRab, le repertoire est diff erent d’un individu a l’autre mais conserve sur toute la hauteur de l’intestin [18]. Les LIE CD7+CD3cepteur T (LIE Ils n’expriment ni le CD3 de surface ni le re CD3-TCR-) et sont CD4-, CD8- et CD103+. Ces LIE representent environ 10 % des LIE chez l’adulte sain (220 %) et 30 % a 40 % chez l’enfant. Leur nature reste controversee et semble ^ etre h et erog ene. Ils pourraient correspondre a des pr ecurseurs T poss edant un CD3 intracytoplasmique ou de ceux de cellules NK [19]. ‘‘ Les lymphocytes intra-épithéliaux intestinaux constituent une population hétérogène de lymphocytes T CD103+ majoritairement CD8+ ’’ Fonctions des lymphocytes intra-épithéliaux Activité cytotoxique La cytotoxicite peut s’exercer a travers le largage de molecules cytotoxiques comme la perforine et les granzymes ou l’induction d’apoptose des cellules cibles a travers l’expression du TNF ou du ligand de FAS. Chez la souris, l’activation cytotoxique des LIE conventionnels n ecessite l’activation du r ecepteur T [20]. L’activation de la cytotoxicite dans les LIE non conventionnels peut se faire a travers le recepteur T, mais aussi a travers des r ecepteurs NK dits actives. Les r ecepteurs NK pr esents sur les LIE T humains apparaissent essentiellement comme r ecepteurs modulant positivement (NKG2D, CD94/NKG2C, CDw101, CD160) ou negativement (CD94/NKG2A) l’activation du ^t que comme des mol TCR, pluto ecules NK autonomes [11]. Cependant, le signal d elivr e par l’interleukine IL-15 (IL-15) semble capable dans certaines circonstances d’enclencher une cytotoxicit e a travers des r ecepteurs NK [21] (figure 1). Synthèse de cytokines Les etudes in vitro montrent que les LIE humains sont capables de synth etiser de nombreuses cytokines aux activit es pro-inflammatoires (IFNg, TNF) ou anti-inflammatoires (TGF-b, IL-10). Les ARN des cytokines IL-2, IL-8, IFN-g, TNF-a et IL-1 b ont et e d etect es dans les LIE fraı̂chement isol es. Rôle des lymphocytes intra-épithéliaux conventionnels Les travaux r ealis es chez la souris sugg erent que les LIE conventionnels participent comme les LT p eriph eriques a l’immunit e adaptative. Ils pourraient favoriser l’ eradication sp ecifique des agents pathog enes et mettre en place une m emoire immunitaire pr evenant les r einfections [7]. L’ etude de la r eponse a des pathog enes dans plusieurs mod eles exp erimentaux a montr e effectivement l’activation des LIE TCRab CD8+ en r eponse a des r eovirus ou a Toxoplasma gondii [10]. Rôle des LIE non conventionnels Chez la souris, les LIE gd sont consid er es comme des sentinelles et participent aux defenses de la barri ere epith eliale a travers la production de peptides microbicides telle que la lectine bact ericide RegIIIg [22] et/ou favoriser la r eparation de l’ epith elium par la production de KGF [23]. Leur mode de reconnaissance diff ere de celui des LIE TCRab car il ne n ecessite ni appr^ etement antig enique ni interaction avec les mol ecules classiques du CMH. Leurs ligands dans l’intestin humain restent mal d efinis. Les LIE TCRgd utilisant la chaı̂ne Vd1 pourraient reconnaı̂tre des mol ecules induites dans l’ epith elium par le stress MICA et MICB, reconnaissance qui serait facilit ee par le marqueur NK NKG2D capable d’interagir avec ces mol ecules [7]. ‘‘ L’activation de la cytotoxicité des lymphocytes intra-épithéliaux intestinaux peut s’exercer au travers du récepteur T, mais aussi à travers des récepteurs NK ’’ Lymphocytes intra-épithéliaux et maladies digestives ^tre observ Une augmentation des LIE peut e ee a tous les niveaux du tractus gastro-intestinal. Dans l’estomac, la gastrite lymphocytaire est d efinie par un taux de LIE HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 19 n8 5, mai 2012 331 Contrôle de I'activation des LIE par des récepteurs de l’immunité innée ↓ Récepteurs inhibiteurs ↑ Récepteurs activateurs IL-15 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. NKp46 NKG2A NKG2D NKG2C MICA HLA-E NKG2D MICA HLA-E? LIE LIE Inhibition de I’activation Cytotoxicité IFNγ Prolifération Cytotoxicité Figure 1. Au cours de la maladie cœliaque active (non traitee), l’IL-15 favorise la cytotoxicite des LIE en augmentant notamment l’expression des r ecepteurs NK CD94 et NKG2D et leurs ligands MICA sur les cellules epitheliales (a gauche). Chez les patients non cœliaques les LIE CD94+NKG2A +TCRgd+ inhibent les LIE HLA-E+CD8+TCRab+ (a droite). superieur a 25 LIE pour 100 cellules epith eliales. Dans l’intestin gr^ele, le premier stade de la classification de Marsh (Marsh I) de la maladie cœliaque correspond a une augmentation isol ee de plus de 30 LIE pour 100 cellules ^lon, la colite lymphocytaire est epitheliales. Dans le co definie par un taux de LIE sup erieur a 20 pour 100 cellules epitheliales [24]. Les LIE peuvent d’ailleurs ^ etre augment es simultanement dans tout l’intestin avec gastrite lymphocytaire, maladie cœliaque et colite lymphocytaire associ ees [25]. ^ le, le premier stade Dans l’intestin gre de la classification de Marsh de la maladie cœliaque correspond à une augmentation isolée de plus de 30 lymphocytes intra-épithéliaux pour 100 cellules épithéliales ‘‘ ’’ Le developpement des techniques d’isolement des LIE de l’intestin gr^ele, de ph enotypage par cytom etrie de flux sur les LIE fraı̂chement isol es ou par immuno-histochimie sur lames couplees aux techniques d’ etudes des r earrangements des chaı̂nes du recepteur T par PCR Multiplex a permis de mieux caracteriser les LIE en pathologie digestive humaine et en particulier au cours de la maladie cœliaque [26]. 332 Lymphocytes intra-épithéliaux au cours de maladie cœliaque et de ses complications (Sprues réfractaires-lymphomes) action immunitaire intestinale Une caract eristique de la re associ ee a la maladie cœliaque est une hyperplasie massive des LIE incluant les diff erentes sous populations selon le stade de la maladie [1] [27]. Une augmentation du nombre des LIE TCRgd est observ ee a tous les stades de la maladie cœliaque, y compris dans sa forme latente et de façon prolong ee apr es r egime sans gluten, et sont consid er es essentiellement comme des r egulateurs de la r eponse immunitaire [27]. L’augmentation des LIE TCRab+CD8+ est elle essentiellement observ ee chez les patients actifs expos es au gluten [27]. Enfin, au cours de (SRII), on assiste a une disparition progressive de ces deux sous-populations remplac ees par des LIE de ph enotype anormal (figures 2 et 3). Contrairement aux LIE normaux, les LIE de la sprue r efractaire de type II n’expriment pas en surface le complexe CD3-r ecepteur T ni les mol ecules de co-stimulation CD4 et CD8 [28]. Ils peuvent par contre contenir des chaı̂nes intracellulaires du CD3 comme la chaı̂ne CD3e, r ev el ee en immunohistochimie. Cette caract eristique est a l’origine du HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 19 n8 5, mai 2012 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Lymphocytes intra-épithéliaux (LIE) trou phenotypique CD3+CD8- sur coupes de tissus [29] (figure 2). M^eme si la morphologie de ces LIE de la sprue r efractaire de type II reste identique a celle des LIE de la maladie cœliaque, ils pr esentent un r earrangement clonal des chaı̂nes du recepteur T, gamma ou delta [29, 30]. Ces LIE anormaux de la sprue r efractaire de type II expriment comme les LIE normaux, le marqueur CD103. Le ph enotype des LIE est normal au cours de la sprue r efractaire de type I (SRI) qui ne se distingue de la maladie cœliaque active que par la r esistance clinique et histologique au r egime sans gluten [30]. Differents mecanismes favoriseraient, au cours de la maladie cœliaque, l’expansion des diff erentes sous^le dans l’induction des populations de LIE et leur ro l esions epitheliales. L’activation des LT TCRab CD8+, augmentes essentiellement dans la maladie cœliaque active chez des patients non trait es, pourrait ^ etre favoris ee par la reconnaissance de certains peptides de la gliadine a travers leur r ecepteur T [27]. N eanmoins, celle-ci ne peut expliquer l’expansion de LIE TCRgd ou des LIE de la sprue r efractaire de type II d epourvus de r ecepteur T a leur surface. Deux autres m ecanismes ^le d compl ementaires semblent jouer un ro eterminant. Un premier m ecanisme implique la cytokine IL-15 dont la ee dans les ent erocytes synthese est nettement augment et les cellules monononucl ees du chorion chez les patients avec une maladie cœliaque active ou une sprue ^le l’expansion des r efractaire de type II [31]. L’IL-15 contro LIE et l’activation des fonctions effectrices des LT CD8+ notamment via la s ecr etion d’IFN-g et de TNF-a et une cytotoxicit e granzyme-perforine d ependante [31]. Le second m ecanisme implique des r ecepteurs NK. Il a, en effet, et e observ e une expression accrue de plusieurs r ecepteurs NK a la surface des LIE, notamment sur des LT A) Maladie cœliaque CD3 CD8 B) Sprue réfractaire de type II CD3 CD8 num de Figure 2. A) Atrophie villositaire partielle avec augmentation des LIE avec expression normale du CD3 et CD8 par les LIE dans le duode maladie cœliaque active (100). B) Atrophie villositaire subtotale. Presence de la chaı̂ne CD3 intracytoplasmique (CD3e) revelant le CD3 sur coupe et absence d’expression du CD8 temoignant du « trou phenotypique » d’une sprue refractaire de type II (200). HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 19 n8 5, mai 2012 333 B 87 3 1 6 5 1 88 103 0 102 103 104 105 -102 102 -235 -278 -89 0 102 103 CD3 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Sprue réfractaire (SRII) 104 9 104 105 Contrôle 105 A -206 0 102 103 104 105 2 0 12 3 103 103 -1,255 0 103 104 -102 0 -334 0 102 102 CD3 -142 105 76 104 22 104 105 CD103 105 2 2 -405 -10 0 10 103 104 105 CD8 Figure 3. Cytom etrie de flux de LIE normaux detectant en surface l’expression du CD3, CD8 et CD103 (A) sur des LIE normaux (population encerclee en bleu) et l’absence de CD3 et CD8 en surface sur les LIE anormaux de SRII conservant l’expression du CD103 (population encerclee en rouge) (B). TCRab CD8+ et sur des LT TCRgd, et une expression anormale de leurs ligands sur les ent erocytes au cours de la maladie cœliaque active et de la sprue r efractaire de type II. Les LIE activ es par l’IL-15 peuvent, a travers ces recepteurs NK, lyser les cellules epith eliales exprimant leurs ligands [21, 32] (figure 1). L’activation de ces r ecepteurs NK peut conduire a une attaque « auto-immune like » de l’epithelium par les LIE. Ces r ecepteurs g en eralement exprimes par des lymphocytes sans r ecepteur T (lymphocytes Natural Killer ou NK) peuvent ^ etre exprim es ou induits sur des 334 LT notamment sur des LT TCRab CD8+ et des LT TCRgd, une expression favoris ee par l’IL-15 [32]. Parall element a l’expression des marqueurs NK et l’activation des fonctions cytotoxiques, l’IL-15 exerce de puissants effets anti-apoptotiques et favorise la survie des LIE aussi bien au cours de la maladie cœliaque qu’au cours de la sprue r efractaire. Dans le cas de la sprue r efractaire de type II, les effets anti-apoptotiques de l’IL-15 paraissent emp^ echer l’ elimination des LIE anormaux et favoriser l’ emergence de lymphomes [33]. Un tel sc enario a et e HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 19 n8 5, mai 2012 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Lymphocytes intra-épithéliaux (LIE) observe chez la souris transg enique surexprimant l’IL-15 qui developpe des leuc emies et lymphomes CD8/NK [34]. Chez l’homme, la sprue r efractaire de type II est consid er ee comme un lymphome de bas grade et l’expression du marqueur CD103 associ ee au ph enotype caract eristique et au rearrangement clonal g/d du TCR permet d’apprecier la diffusion digestive, gastrique et colique de la sprue r efractaire de type II ainsi que les localisations extradigestives hematologiques lymphatiques, sanguines et m edullaire, mais egalement tissulaires epith eliales [30]. En effet, ces cellules anormales peuvent ^ etre retrouv ees au niveau de la peau ou de la muqueuse bronchique, attestant leur epitheliotropisme [30]. Un tr es fort taux de LIE anormaux intestinaux au diagnostic (environ 90 %) est d’ailleurs un facteur pr edictif d’une localisation extradigestive [35]. L’augmentation des LIE anormaux au cours de la SRII est proportionnelle a la diminution des LIE TCRgd normaux elle-m^eme corr el ee a la survenue de lymphomes T intestinal de haut grade [36]. Ces lymphomes T de haut grade (enteropathy associated t cell lymphoma-EATL) peuvent egalement compliquer directement une maladie cœliaque et sont caract eris es par l’expression du marqueur CD103 qui temoigne de leur origine epith eliale intestinale [29]. La filiation entre la sprue r efractaire de type II et EATL ee par la mise en evidence d’un m^ eme a pu ^etre demontr r earrangement clonal du TCRg [29]. ‘‘ L’hyperplasie de lymphocytes intra-épithéliaux anormaux est à l’origine des complications lymphomateuses de la maladie cœliaque, sprue réfractaire clonale (SRII) et lymphome T de haut grade (EATL) ’’ Lymphocytes intra-épithéliaux au cours des autres inflammations intestinales Une augmentation des LIE associ es ou non a une atrophie villositaire doit egalement faire chercher une ent eropathie li ee a un deficit primitif en immunoglobulines en particulier devant une resistance au r egime sans gluten [26]. Les trois quarts de nos patients avec d eficit immunitaire commun ^mes digestifs pr variable et sympto esentaient une hyperlymphocytose intestinale intra- epith eliale sur leurs biopsies duodenales. Une hyperlymphocytose CD8+ pr esente dans le sang veineux p eriph erique etait pr edictive de l’hyperlymphocytose intestinale pouvant laisser sugg erer que l’augmentation des LIE CD8+ etait le reflet d’une anomalie d’homeostasie lymphocytaire propre au d eficit immunitaire [26]. Les enteropathies auto-immunes constituent egalement un diagnostic differentiel de la maladie cœliaque caract eris ees T ake home messages Les lymphocytes intestinaux intra- epitheliaux (LIE) repr esentent une population h et erog ene de l’intestin enrichie en LT CD8+ et LT TCRgd. & Les LIE expriment de plus la mol ecule CD103 (aEb7) qui favorise leur interaction avec l’ epith elium. & & Leur situation dans les cellules epith eliales a l’interface avec l’environnement sugg ere une fonction de d efense contre les pathog enes. & Au cours de la maladie cœliaque l’activation des LIE pourrait favoriser une cytotoxicit e notamment par l’hyperexpression de r ecepteurs NK. & Les alt erations de l’hom eostasie des LIE au cours de la maladie cœliaque sont la source des complications lymphomateuses, sprues r efractaires et EATL. par un syndrome de malabsorption et une atrophie villositaire, mais l’augmentation des LIE est inconstante et mod er ee [37]. M^ eme si les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin sont surtout marqu ees par une inflammation du chorion, une augmentation des LIE, en particulier des LIE TCRgd ont et e retrouv es au cours de la maladie de Crohn et la rectocolite h emorragique [10]. L’augmentation des LIE au cours de la sprue tropicale ecanismes de t emoigne de leur implication dans les m d efense aux agents infectieux comme Listeria monocytogenes, Toxoplasme gondii ou Giardia Lamblia [10]. Chez la souris, des etudes de transfert de LIE CD8+ antig enes sp ecifiques dans des souris infect ees ont permis de montrer ^le protecteur contre le rotavirus notamment [10]. leur ro Conclusion L’ etude des LIE intestinaux, certes h et erog enes, mais porteurs de caract eristiques communes comme l’expression du CD103, r ev ele leur implication en pathologie digestive. Les activit es cytotoxiques des LIE impliqu ees dans la d efense immune muqueuse intestinale aux pathog enes, peuvent ^ etre d etourn ees et causer les l esions epith eliales observ ees au cours de la maladie cœliaque. L’hyperplasie des LIE est le nid des complications malignes de la maladie cœliaque, sprue r efractaire et EATL dont l’origine epith eliale intestinale est attest ee par l’expression du CD103. re ^ts : aucun Conflits d’inte HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 19 n8 5, mai 2012 & 335 20. Guy-Grand D, Cerf-Bensussan N, Malissen B, et al. Two gut intraepithelial CD8+ lymphocyte populations with different T cell receptors: A role for the gut epithelium in T cell differentiation. J Exp Med 1991 ; 173 : 471-81. Références Les r ef erences importantes apparaissent en gras 1. Ferguson A, Murray D. Quantitation of intraepithelial lymphocytes in human jejunum. Gut 1971 ; 12 : 988-94. 2. Cerf-Bensussan N, Guy-Grand D. Intestinal intraepithelial lymphocytes. 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