1 Claude Smadja Présentation de la psychosomatique Introduction

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Claude Smadja
Présentation de la psychosomatique
Introduction
La psychosomatique est un nouveau regard sur l'homme malade et participe de ce fait
à l'histoire de la médecine. Depuis ses origines la médecine s'est construite selon
différents courants conceptuels au sein desquels la vie de l'esprit a pris une place plus
ou moins importante. C'est dans la seconde moitié du XIXe siècle que le terme
psychosomatique est né. On attribue sa paternité à un psychiatre allemand Heinroth.
L'apparition de ce nouveau courant médical que le terme désignait visait à introduire
dans le courant organiciste et expérimental de la médecine du XIXe siècle des facteurs
d'ordre psychique pour rendre compte de la causalité et de l'étiopathogénie de
certaines maladies. Cette approche nouvelle et globale de l'homme malade s'est
poursuivie jusqu'à nos jours dans la pratique médicale et en constitue l'un de ses
courants. Son activité s'est cependant heurtée au développement des découvertes et
des conceptions biologiques qui organisent aujourd'hui et plus que jamais les
soubassements de la médecine occidentale.
Depuis l'invention de la psychanalyse par Freud, une nouvelle voie d'abord des
malades somatiques s'est trouvée ouverte et plusieurs psychanalystes l'ont utilisée
dans leurs observations cliniques et dans leurs cures psychanalytiques. Ainsi s'est
développé un nouveau courant psychosomatique, d'origine psychanalytique, par
opposition au courant strictement médical. Ce dernier part de la notion de maladie pour
en rechercher tous les facteurs étiologiques, facteurs biologiques et facteurs d'origine
psychique. Au contraire, la psychosomatique psychanalytique part de l'homme malade
et de son fonctionnement psychique pour comprendre les conditions dans lesquelles a
pu se développer une maladie somatique.
Histoire de la psychosomatique psychanalytique
Dans toute l'uvre de Freud ne figure aucun travail de recherche spécifiquement associé
à la psychosomatique. Cependant, un certain nombre de travaux et d'outils
conceptuels, élaborés par lui-même dans d'autres champs de la psychopathologie, vont
servir de base aux élaborations futures des psychanalystes intéressés aux malades
atteints de maladie somatique.
Si Freud ne s'est pas intéressé à la psychosomatique au sens où nous l'entendons
aujourd'hui, il a par contre beaucoup étudié les différents états du corps. L'ensemble de
ces travaux concernant les symptômes à expressions corporelles s'inscrivent tous dans
des préoccupations théoriques relatives à l'économie pulsionnelle. En parcourant l'uvre
de Freud on peut ainsi décrire quatre types de symptômes somatiques : les symptômes
conversionnels hystériques, les symptômes somatiques de la névrose actuelle, les
symptômes hypocondriaques et les maladies organiques constituées. Par ailleurs,
Freud a souligné au cours de plusieurs observations certaines relations paradoxales et
énigmatiques entre des états pathologiques du corps et des états psychopathologiques.
Ainsi en est-il de l'inconciliabilité clinique et économique entre un état de névrose
traumatique et une atteinte corporelle, de même que l'effacement d'un état névrotique
lors de l'installation d'une maladie somatique. Ces mouvements de bascule entre des
états psychiques et des états somatiques et leurs liens paradoxaux semblent mettre en
jeu la qualité de l'organisation masochique du sujet. Après Freud, plusieurs
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psychanalystes se sont intéressés à la psychanalyse des malades somatiques.
A. Les courants théoriques d'avant-guerre
Ferenczi a consacré une partie de son uvre à la psychanalyse des maladies
organiques. La notion de pathonévrose qu'il a créée cherchait à rendre compte des
remaniements névrotiques et, par extension, psychotiques ou narcissiques survenant à
la suite d'une maladie organique. La place du masochisme dans ces évolutions a été
envisagée par l'auteur.
Groddeck a élaboré une doctrine psychanalytique de maladies organiques selon
laquelle le ça tout puissant était apte à produire aussi bien un symptôme névrotique, un
trait de caractère qu'une maladie somatique. Toute maladie somatique se voit ainsi
attribuée une valeur symbolique et est susceptible d'être traitée par la méthode
psychanalytique. L'absence de toute espèce de discrimination et de différenciation
entre les différents niveaux psychiques et les niveaux biologiques et physiologiques
comptent parmi les points les plus critiquables de la théorie de Groddeck.
F. Alexander, élève et collaborateur de Ferenczi, a développé principalement aux ÉtatsUnis, au sein de l'École de Chicago qu'il a créée, un courant de psychosomatique
appelé le courant de la médecine psychosomatique. Sa conception repose sur une
approche dualiste du malade somatique associant un point de vue psychanalytique et
un point de vue physiopathologique. La médecine psychosomatique s'est construite sur
deux ensembles théoriques : la théorie de la névrose d'organe issue de la conception
freudienne de la névrose actuelle postule que les émotions durablement réprimées sur
le plan psychique sont véhiculées par des voies nerveuses autonomes jusqu'aux
organes qu'ils modifient dans leur fonctionnement, dans un premier temps pour aboutir
à des troubles fonctionnels puis dans un second temps à des maladies organiques.
La théorie de la spécificité postule qu'à chaque émotion correspond un syndrome
physiopathologique spécifique. Les travaux d'Alexander et de ses collaborateurs de
l'École de Chicago, ainsi que d'autres auteurs nord-américains, ont abouti à l'édification
de profils de personnalités reliés à un certain nombre de maladies somatiques, dites
psychosomatiques. Si les conceptions du courant de la médecine psychosomatique
sont critiquables du point de vue psychanalytique, les observations et travaux au sujet
d'une certain nombre d'affections, tels l'asthme bronchique, l'ulcère gastro-duodénal ou
l'hypertension artérielle gardent un grand intérêt historique et ont ouvert la voie aux
travaux ultérieurs de psychosomaticiens, en particulier en France après la seconde
guerre mondiale.
B. Les courants théoriques d'après-guerre en France
C'est au début des années 50 qu'un certain nombre de psychanalystes français a
commencé à s'intéresser aux malades somatiques. La diffusion en Europe des travaux
des psychosomaticiens nord-américains et la critique de leurs positions théoriques ont
abouti à des conceptions psychanalytiques nouvelles vis-à-vis du fait psychosomatique.
Le recentrage de la pratique psychanalytique avec les patients somatiques sur la
relation et le transfert ont permis aux différents auteurs d'élaborer une approche
nouvelle (?) psychanalytique de faits psychosomatiques. Les débats théoriques qui se
sont alors développés entre différentes écoles se sont principalement centrés sur la
question du sens du symptôme somatique. Pour les uns le symptôme somatique était
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un vecteur de sens, pour les autres il résultait d'une structure psychique dont l'effet
majeur était la dégradation à des niveaux divers du sens.
1. La conversion généralisée de J.P. Valabrega
La conception de J.P. Valabrega repose sur l'idée de l'existence d'un noyau
conversionnel chez tout individu. Le corps est ainsi conçu comme un préconscient
chargé d'une mémoire signifiante. Ainsi, tout symptôme somatique contient un sens que
le travail de la cure psychanalytique vise à découvrir et à élaborer.
2. L'École de Paris de Psychosomatique
Vers la fin des années 40 est née l'École de Paris de Psychosomatique. Elle réunit un
certain nombre de psychanalystes de la Société de Psychanalytique de Paris : P. Marty,
M. Fain, M. de M'Uzan, Ch. David, auxquels se sont joints d'autres psychanalystes. Les
premiers travaux dirigés par P. Marty, seul ou en collaboration avec M. Fain, ont
concerné des malades céphalalgiques, rachi-algiques ou allergiques et datent des
années 50. Ils mettaient l'accent sur l'insuffisance des mécanismes de défense
névrotique et attribuaient aux symptômes somatiques une valeur substitutive mais
dépourvue de dimension symbolique, comme le symptôme conversionnel-hystérique.
La notion de régression somatique est née au cours de ces années par analogie à la
notion de régression psychique libidinale. Au début des années 60, une vaste synthèse
théorico-clinique a été élaborée et a pris forme dans un ouvrage collectif L'investigation
psychosomatique (1962) rédigé par P. Marty, M. de M'Uzan et Ch. David. Cet ouvrage
peut être considéré comme l'acte de naissance de la psychosomatique en tant que
discipline psychanalytique. De nouvelles notions cliniques apparaissent tels la
dépression sans objet, la pensée opératoire, le mécanisme de reduplication projectif, et
un nouveau point de vue domine désormais l'investigation psychosomatique de patients
atteints d'affections somatiques graves, le point de vue économique. Selon ce nouveau
point de vue, toutes les productions humaines sont envisagées dans leur transformation
les unes par rapport aux autres. Ainsi en est-il des productions psychiques, symptômes
névrotiques, traits de caractère, perversions, sublimations mais aussi des
comportements et des somatisations.
À partir de L'Investigation psychosomatique et au sein de l'École de Paris, différentes
sensibilités théoriques vont se développer. P. Marty élabore une doctrine évolutionniste
de l'économie psychosomatique. Celle-ci repose sur la coexistence et l'alternance de
deux types de mouvements individuels. Les premiers, dits de vie, sont des mouvements
d'organisation hiérarchisée. Les seconds, dits de mort, sont des mouvements de
désorganisation. L'évolution individuelle aboutit ainsi, pour chaque individu, à
l'édification de systèmes de fixation-régression plus ou moins résistants au courant de
désorganisation. D'une manière générale, les somatisations résultent de façon plus ou
moins durable de l'échec de ces systèmes de défense.
Dans ses travaux, M. Fain met l'accent sur l'inachèvement de la structure dipienne du
petit de l'homme et futur somatisant lié à la prééminence de conjonctures traumatiques
dans sa relation précoce à sa mère et à son père. De ce fait, la voie de la réalisation
hallucinatoire du désir est plus ou moins durablement barrée et le Moi s'organise
prématurément sur un mode autonome. L'état de déliaison pulsionnelle fait ainsi le lit
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des somatisations qui peuvent alors être interprétées comme un destin singulier de la
pulsion.
M. de M'Uzan distingue les troubles psycho-fonctionnels des maladies organiques. Les
premiers seraient liés à un processus de régression tandis que les secondes
résulteraient d'une modalité spécifique de fonctionnement mental. Cette modalité,
qualifiée initialement de structure psychosomatique par son auteur, appartiendrait en
fait à la palette habituelle de fonctionnements psychiques chez tout individu. Elle
associe une carence de la vie fantasmatique, une pensée opératoire et le mécanisme
de reduplication projective, et résulte d'une déqualification de l'énergie psychique.
Cliniques et théories psychosomatiques
Au contraire de l'approche psychosomatique médicale qui envisage le malade à partir
de sa maladie, l'approche psychanalytique l'envisage à partir du repérage dans son
fonctionnement psychique d'un processus de somatisation. Ainsi la clinique
psychosomatique ne se dégage-t-elle qu'au travers du filtre de la relation qu'établit le
psychanalyste avec son patient malade. Un processus de somatisation est une chaîne
d'événements psychiques qui favorisent le développement d'une affection somatique.
On distingue habituellement deux modalités de processus de somatisation : le
processus de somatisation par régression et le processus de somatisation par déliaison
pulsionnelle. Ces deux mouvements psychiques s'opposent par la qualité de la
mentalisation sur laquelle ils se développent.
La mentalisation est une notion utilisée classiquement par les psychanalystes
psychosomaticiens et qui recouvre tout le champ de l'élaboration psychique. La
mentalisation concerne donc principalement l'activité représentative et fantasmatique
de l'individu. Dans la mesure où le travail de liaison des représentations s'opère dans le
système préconscient, l'évaluation de la qualité de la mentalisation et celle de la qualité
du préconscient sont quasi équivalentes. Pour P. Marty la mentalisation s'apprécie
selon trois axes, chacun représentant l'une des dimensions de l'activité des
représentations : son épaisseur, sa fluidité et sa permanence.
A. Le processus de somatisation par régression
Il s'agit d'un processus qui conduit habituellement à des crises somatiques bénignes et
réversibles. Ainsi en est-il, par exemple, des crises d'asthme, des crises céphalalgiques
ou rachi-algiques, des crises ulcéreuses, cholitiques ou des crises hypertensives. Il
s'agit de somatisations qui reviennent souvent sous la même forme chez un même
individu.
Ces somatisations surviennent en général chez des sujets dont le fonctionnement
psychique est organisé sur un mode névrotico-normal. Leur mentalisation est
habituellement satisfaisante ou peu altérée. Ici les somatisations surviennent au
décours de variations du fonctionnement psychique que P. Marty qualifiait d'irrégularités
du fonctionnement mental. On qualifie ainsi de discrets changements de régime du
fonctionnement mental, habituels et réversibles, qui transforment momentanément
l'économie psychosomatique. Ces variations laissent la place à des activités
sublimatoires ou perverses, des traits de caractère ou de comportement ou des
somatisations bénignes.
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B. Le processus de somatisation par déliaison pulsionnelle
Il s'agit d'un processus psychique qui aboutit habituellement à des maladies évolutives
et graves pouvant conduire à la mort. Ainsi en est-il en particulier des maladies autoimmunes et des maladies cancéreuses. Ce processus se développe en général soit
chez des sujets présentant une organisation non névrotique du Moi, soit chez des
sujets ayant subit des traumatismes psychiques qui ont réactivé des blessures
narcissiques profondes et précoces.
Dans tous les cas, la dimension de perte narcissique est présente et fait le lit d'un
trouble de la mentalisation momentané ou durable. Cette dimension de perte
narcissique génère un état de déliaison pulsionnelle qui modifie l'ensemble de l'équilibre
psychosomatique du sujet. Au cours de l'évolution on voit se développer dans un
premier temps des modifications psychopathologiques puis dans un second temps les
modifications physiopathologiques énoncées plus haut. Sur le plan psychique, on
observe un certain nombre de symptômes regroupés sous le nom de vie opératoire : un
certaine qualité de dépression, la dépression essentielle, et une certaine qualité de
pensée, la pensée opératoire. La dépression essentielle est une modalité dépressive
caractérisée par l'absence d'expressions symptomatiques. Elle a été décrite par P.
Marty en 1966 et se définit par un abaissement général du tonus de vie sans
contrepartie économique. On ne retrouve en effet dans le vécu dépressif essentiel ni
sentiment de culpabilité ni auto-accusation mélancolique. La dépression essentielle se
révèle ainsi par sa négativité symptomatique.
La pensée opératoire est un mode de pensée actuelle, factuelle et sans lien avec une
activité fantasmatique ou de symbolisation. Elle accompagne les faits plus qu'elle ne les
représente. Il s'agit en réalité d'une non-pensée dans la mesure où elle a perdu ses
liens avec sa source pulsionnelle. La vie opératoire peut s'installer dans la chronicité ou
prendre la forme d'un état critique, momentané et réversible. Elle représente
habituellement une modalité fragile et instable d'équilibre psychosomatique. Dans les
formes prononcées de vie opératoire on observe souvent une dégradation de la qualité
du Surmoi et sa substitution par un puissant système idéalisant, que P. Marty qualifiait
de Moi idéal. Le Moi idéal, de toute puissance narcissique, est un trait de comportement
défini par sa démesure. Il repose sur des exigences inépuisables du sujet vis-à-vis de
lui-même comme vis-à-vis des autres. L'intérêt majeur du repérage d'un Moi idéal chez
un patient réside dans l'absence de capacités régressives et de passivité psychique
qu'il implique et qui constituent un risque d'effondrement tant psychique que somatique.
Une fois installée la vie opératoire dépend de la qualité de l'environnement faste qui
entoure le patient et en particulier de la mise en place d'un cadre de traitement
psychanalytique adapté. Compte tenu de la réduction des capacités mentales
d'intégration des événements traumatiques qu'elle suppose, elle représente toujours un
risque majeur de désorganisation somatique. C'est pourquoi l'évolution peut toujours
s'ouvrir vers le développement d'une affection somatique grave.
La pratique psychosomatique psychanalytique
Selon la conception des psychanalystes de l'Institut de Psychosomatique de Paris créé
par P. Marty en 1972, le traitement psychothérapique des patients atteints de maladie
somatique doit être réalisé par des psychanalystes formés à la clinique et à la théorie
psychanalytiques et ayant reçu une formation approfondie dans le champ de la
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psychosomatique. Ce traitement est conçu comme complémentaire des thérapeutiques
médicales et chirurgicales classiques et vise à permettre au patient malade de retrouver
ou de trouver son meilleur niveau de fonctionnement psychique possible.
Le lieu où se déroule la psychothérapie psychosomatique doit être différent de celui
dans lequel se réalisent les soins médicaux. Le choix du cadre revêt une grande
importance en raison de la fragilité habituelle du fonctionnement psychique comme du
fonctionnement somatique des malades. Lorsque nous avons affaire à des patients qui
présentent des somatisations critiques bénignes et potentiellement réversibles, et dont
le fonctionnement psychique est proche d'un fonctionnement névrotique, le choix du
divan peut être indiqué dans un protocole de cure psychanalytique classique à raison
de trois séances hebdomadaires. Au contraire, lorsque nous avons affaire à des
patients qui présentent une affection somatique grave et évolutive, avec un
fonctionnement psychique dominé par une insuffisance narcissique et des secteurs plus
ou moins étendus de vie opératoire, le choix du fauteuil en face-à-face est indiqué et la
fréquence des séances peut aller d'une à trois par semaine. Cette fréquence doit être
appréciée en fonction de la capacité du patient à supporter la source d'excitation que
représente la présence d'un psychanalyste en face de lui. La règle du "ni trop ni trop
peu" doit ici guider le choix du psychanalyste. Dans tous les cas la présence vivante du
psychanalyste, au fil des séances, représente un étayage narcissique d'une inestimable
valeur pour son patient sans lequel aucun remaniement psychique n'est possible ou
durable.
L'activité interprétative du psychanalyste doit continuellement se moduler et s'adapter
aux différents niveaux du fonctionnement psychique de son patient et en même temps
tenir le plus grand compte du poids économique de la maladie et de son génie évolutif.
P. Marty a énoncé une règle cadre qui indique l'éventail des possibles dans le champ
de l'activité interprétative : "De la fonction maternelle à la psychanalyse". Cette règle
énonce deux pôles, l'un est la fonction maternelle du thérapeute, l'autre la fonction
d'interprète dans le cours des psychanalyses classiques. La fonction maternelle du
thérapeute est une attitude d'accompagnement de tous les mouvements psychiques du
patient qui repose sur les aptitudes identificatoires primaires et narcissiques du
psychanalyste à son patient. Elle vise à établir ou à rétablir un pare-excitation lorsque
celui-ci fait défaut chez le patient ou au contraire à apporter des sources d'excitations
nouvelles lorsque celles-ci sont défaillantes, en particulier en raison de l'importance de
la dépression essentielle. Lorsque celle-ci commence à se dissiper et que s'opèrent des
remaniements psychiques, le psychanalyste peut réduire son activité et s'approcher
d'une position psychanalytique plus classique.
Dans tous les cas, il s'agit de maintenir vivante la relation psychothérapique qui est
garante des réaménagements narcissiques et masochistes du patient. Le travail du
psychanalyste psychosomaticien suppose que l'on ne s'ennuie pas avec son patient, en
particulier lorsqu'il évolue dans des moments opératoires. Ici, "l'art de la conversation"
doit être manié avec tact sans pour autant quitter sa tenue de psychanalyste. Le
psychanalyste pourra également choisir des interprétations sur le mode
psychodramatique et ludique pour court-circuiter des discours fermés sur le mode
opératoire et rationalisant. Ces différentes activités langagières du psychanalyste
doivent s'adapter aux variations du fonctionnement mental du patient.
La fin du traitement pose souvent des problèmes délicats avec des patients
somatiques. Pour un certain nombre d'entre eux il est possible d'envisager une
décroissance régulière de la fréquence des séances pour aboutir à une séparation
entre patient et psychanalyste. Pour d'autres, au contraire, nous devons nous résigner
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à poursuivre le traitement indéfiniment. Il n'est pas rare en effet qu'une interruption du
traitement, alors même que l'état psychique et somatique du patient semble stabilisé,
puisse générer une reprise évolutive du processus de la maladie avec son potentiel
létal. Quoi qu'il en soit, aucun cadre systématique ne prévaut pour l'ensemble des
patients et il appartient au psychanalyste et au psychosomaticien d'utiliser toute la
palette de ses aptitudes personnelles et psychanalytiques pour aider son patient à vivre
dans ses meilleures conditions possibles.
Bibliographie
Fain M. Prélude à la vie fantasmatique. Revue Française de Psychanalyse, n° 3-4, Puf,
1971.
Marty P. Les mouvements individuels de vie et de mort. Essai d'économie
psychosomatique, Tome I. Paris, Payot, 1976.
Marty P. L'ordre psychosomatique, Les mouvements individuels de vie et de mort.
Essai d'économie psychosomatique, Tome II. Paris, Payot, 1980.
de M'uzan M. Psychodynamic mechanism in psychosomatic symptom formation
Actes du IIème Congrès international de médecine psychosomatique, Amsterdam,
1973. in : Psychotherapies and psychosomatic ball.
Smadja C. Le fonctionnement opératoire dans la pratique psychosomatique
C.P.L.F.P.R., Revue française de psychosomatique, 1998, n° 5, Puf
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