Le cancer du sein inflammatoire

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Le cancer du sein inflammatoire
● G. Auclerc*, D. Buthiau**, A. Brunet***
L
e cancer inflammatoire du sein est heureusement une
forme rare des cancers localement avancés, car il
demeure toujours de très mauvais pronostic (1). Il
représente 1 à 4 % de l’ensemble des cancers du sein. Les premières descriptions, faites par Charles Bell, remontent à près
de deux siècles. Depuis lors, diverses dénominations ont été
utilisées : mastite carcinomateuse, cancer du sein aigu, le
terme de cancer inflammatoire du sein ayant été introduit par
Taylor et Meltzer en 1938 (2).
Le pronostic du cancer inflammatoire du sein est redoutable,
avec une survie médiane de 18 à 24 mois en cas de traitement
locorégional exclusif. L’utilisation de la chimiothérapie, en particulier néoadjuvante, associée au traitement radiochirurgical, a
permis d’améliorer le pronostic qui demeure encore réservé, avec
une survie sans récidive (SSR) à 5 ans, entre 30 % et 50 % (1).
ÉPIDÉMIOLOGIE
La fréquence du cancer inflammatoire du sein varie selon les
pays. Il représente plus de 50 % des cancers en Tunisie (3),
contre 3 à 5 % dans les pays occidentaux. Aux États-Unis, la
proportion est plus importante chez les femmes de race noire
(10,1 %) par rapport aux Caucasiennes (6,2 %) (4). L’âge
moyen se situe autour de 50 ans, comme dans les autres
formes de cancer du sein. Les grossesses et la lactation ne
semblent pas jouer un rôle prédisposant dans le développement
de ce type de cancer.
Le volume tumoral est très difficile à évaluer cliniquement, et
même en mammographie.
L’IRM est l’examen qui mesure le mieux ce volume et montre
une éventuelle plurifocalité. Elle sera donc utile, lorsqu’elle est
accessible, pour l’évaluation de l’efficacité thérapeutique (chimiothérapie néoadjuvante) et pour la surveillance.
Définition d’un carcinome inflammatoire
Il est important de souligner que le diagnostic du caractère
inflammatoire du cancer ne repose que sur deux signes :
l’inflammation à l’examen clinique et la présence d’emboles
dans les lymphatiques du derme profond et/ou de l’hypoderme
à l’examen anatomopathologique. Cette confirmation anatomopathologique (emboles) n’est retrouvée que dans 67 % des
diagnostics cliniques (5).
Signes cliniques isolés ou emboles lymphatiques sur une
biopsie cutanée sont suffisants pour affirmer le caractère
inflammatoire d’un cancer du sein.
En pratique, on distingue les cancers inflammatoires avec
emboles lymphatiques, les cancers inflammatoires sans
emboles lymphatiques, et les cancers non inflammatoires avec
emboles lymphatiques. Il existe une controverse sur la valeur
pronostique de ces trois formes : absence de différence pour
certains (5, 6), survie moins bonne en cas d’association clinique et histologique pour d’autres (7).
DIAGNOSTIC D’UN CANCER INFLAMMATOIRE
Suspecté de manière plus ou moins forte à l’examen clinique,
assez peu aidé par l’imagerie, le diagnostic repose sur l’examen histologique d’un échantillon tumoral obtenu par biopsie, ou sur un prélèvement cutané (voir l’article de J.R. Garbay, p. 6 à 8).
* Centre Charlebourg, La Garenne-Colombes ; SOMPS, hôpital de La
Salpêtrière, Paris.
** Centre RMX, Paris.
*** Centre Charlebourg, La Garenne-Colombes.
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Présentation clinique
Les cancers inflammatoires correspondent habituellement à
une poussée évolutive avec augmentation de volume rapide,
érythème, œdème cutané ou peau d’orange touchant plus ou
moins tout le sein, qui est sensible et chaud. Une masse palpable mal limitée est parfois retrouvée. La patiente est apyrétique.
Cette présentation clinique typique peut suffire à évoquer le
diagnostic. Mais il est des présentations moins évidentes, pouLa Lettre du Sénologue - n° 3 - décembre 1998 - janvier 1999
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vant simuler une mastite ou un abcès du sein (voir l’article de
J.R. Garbay).
Enfin, il peut être parfois difficile de distinguer un cancer
d’emblée inflammatoire d’une forme localement avancée (diagnostic différentiel), qui, secondairement, atteint la peau puis
provoque une réaction inflammatoire (1). Cette différenciation
a pour certains (8) une valeur pronostique, ce qui n’est pas le
cas pour d’autres (9).
Classification
Les cancers du sein inflammatoires sont classés T4d (stade
IIIB) dans la classification TNM (voir rubrique Vocabulaire).
L’Institut Gustave-Roussy a proposé, pour évaluer l’inflammation clinique, la classification PEV (potentiel évolutif) (10),
qui est utilisée essentiellement en France. L’étendue et l’intensité des signes inflammatoires sont importantes à préciser car
ces derniers ont une grande valeur pronostique ; ils sont corrélés à la cinétique tumorale (11).
Lorsqu’une partie du sein présente un aspect inflammatoire, il
s’agit d’un PEV2, alors que le PEV3 correspond à une inflammation diffuse à l’ensemble de la glande ou “mastite carcinomateuse”.
Cette mesure est toujours quelque peu subjective. La comparaison entre différentes séries est difficile, car on ne peut être
certain qu’il s’agisse des mêmes lésions.
Histologie
Le cancer inflammatoire du sein ne correspond pas à une entité
histologique spécifique. Tous les types habituels de carcinome
du sein peuvent être rencontrés, qu’il s’agisse des formes canalaires ou lobulaires infiltrantes, des cancers médullaires, ou à
petites cellules. La spécificité n’est pas histologique.
L’envahissement axillaire est très fréquent, touchant de 40 à
100 % des patientes. Les récepteurs hormonaux sont le plus
souvent négatifs (1), avec plus de 50 % de patientes RO- RP-.
Pronostic
Les variables classiques sont unanimement reconnues comme
pronostiques : atteinte axillaire, tumeur supérieure à 5 cm,
récepteurs hormonaux négatifs, histologie indifférenciée.
Thomas (12) ne retrouve parmi tous les critères d’une analyse
multivariable que la taille tumorale supérieure à 10 cm et les
grades histologiques 2 et 3. Cependant, peut-être du fait du très
mauvais pronostic à court terme, relativement peu de facteurs
pronostiques spécifiques ont été identifiés ; on retiendra le
caractère plus ou moins étendu de l’inflammation et l’existence
de métastases d’emblée.
En fait, actuellement, le facteur pronostique le plus important
est la régression tumorale sous chimiothérapie, cette dernière
étant désormais utilisée en première intention du fait du mauvais
pronostic lié à la rapidité de la dissémination métastatique.
TRAITEMENT
Dans le cancer inflammatoire, les traitements locorégionaux
sont insuffisants pour contrôler la maladie. Il ne faut néanmoins pas les négliger puisque le taux de récidive influe sur la
survie.
Leur place se situe après la chimiothérapie d’induction. On
peut considérer que c’est une faute de ne pas commencer la
séquence thérapeutique par une chimiothérapie dans le cadre
d’un cancer inflammatoire, lorsque l’état général de la patiente
le permet (problème des femmes âgées).
Traitement systémique
Il est constitué essentiellement par la chimiothérapie, première
étape thérapeutique obligatoire, lorsqu’elle est possible.
La contribution d’un traitement général par chimiothérapie est
essentiel, le pronostic des cancers inflammatoires étant lié
essentiellement à la diffusion métastatique, premier mode de
rechute dans la majorité des cas (12).
Intérêt et inconvénients de la chimiothérapie première
L’intérêt est double : limiter au maximum le développement
de clones des micrométastases qui, par mutation, deviennent
chimiorésistantes, et évaluer la régression tumorale (réponse
clinique), qui est le facteur pronostique le plus important.
Par réponse clinique, on entend la disparition des signes
inflammatoires et la régression (voire la disparition) des
volumes tumoraux mammaire et ganglionnaire. L’évaluation chiffrée de cette régression tumorale n’est pas aisée ;
l’échographie et, lorsqu’elle est disponible, l’IRM sont très
utiles.
L’IRM est l’examen qui mesure le mieux la masse tumorale.
Elle sera donc très utile, lorsqu’elle est accessible, dans l’évaluation de l’efficacité thérapeutique, la recherche de lésions
résiduelles après traitement conservateur et lors de la surveillance (Figures 1, 2 et 3).
Figure 1. Carcinome
mammaire inflammatoire
en IRM sagittal T1
après gadolinium :
la prise de contraste
est intense.
Une réponse histologique complète après chimiothérapie
initiale est un facteur prédictif d’une survie prolongée (13),
mais n’est observée que chez 15 à 20 % des patientes.
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33 à 93 % des cas, avec une moyenne de 62 % (307 patientes
sur 495) (1). La majorité des réponses sont cependant le plus
souvent partielles (49 %), avec seulement 13 % de réponse clinique complète.
Figure 2. Carcinome
mammaire inflammatoire
en IRM après gadolinium (imagerie de soustraction) : la prise de
contraste est très intense,
précoce et durable.
Figure 3. Image
résiduelle microponctuée
témoignant d’une
réponse tumorale
marquée après chimiothérapie de carcinome
inflammatoire en IRM
avec gadolinium et après
soustraction.
En outre, la chimiothérapie initiale peut rendre opérables des
lésions initialement inopérables. Le geste chirurgical peut parfois être conservateur (essentiellement dans les PEV2).
Le cancer inflammatoire présente souvent un caractère multicentrique, et un taux élevé de rechute locale a été noté dans les
séries limitées de patientes traitées par conservation mammaire
après chimiothérapie initiale (14). C’est pourquoi Brooks et
coll. recommandent une mastectomie seule ou associée à une
radiothérapie dans les cancers inflammatoires du sein (13).
Certains auteurs ont poursuivi la chimiothérapie initiale jusqu’à
obtention d’une réponse maximale, mais les durées de chimiothérapie ont été très variables ; d’autres auteurs ont proposé
d’utiliser, après le traitement locorégional, une chimiothérapie
différente, non “cross-resistant”, sans que cela n’affecte la survie sans récidive (SSR) ni la survie globale (15).
Les inconvénients sont les modifications du “staging” clinique
et histologique postchirurgical (abaissé), l’éventuelle potentialisation des chimiorésistances et, en cas d’inefficacité, un traitement locorégional également plus difficile (chimiorésistance
correspond souvent à radiorésistance).
Dans ce dernier cas, certains ont proposé une dose quotidienne
plus importante (> 2 Gy) ou l’utilisation de la radiothérapie
bifractionnée (deux séances par jour).
Protocole chimiothérapique
La plupart des études comportent deux à quatre cycles de chimiothérapie initiale, utilisant le plus souvent des anthracyclines ; elles induisent une réponse partielle ou complète dans
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Résultats
La SSR à 5 ans après chimiothérapie initiale, traitement locorégional et éventuelle chimiothérapie d’entretien tourne entre
22 et 48 %, avec des médianes de survie allant de 25 mois à
plus de 56, la survie globale à 5 ans étant de 30 à 75 %.
Dans une étude, avec 20 ans de recul, du MD Anderson Cancer Center (16), 28 % des 178 patientes avec cancer inflammatoire sont toujours sans récidive à 15 ans après un traitement
de chimiothérapie suivi de mastectomie et de radiothérapie. Il
est à noter que cette SSR atteint 44 % chez les patientes qui
avaient une réponse complète à la chimiothérapie initiale,
31 % chez celles qui avaient une réponse partielle, et seulement 7 % chez les autres.
L’adjonction d’anthracyclines s’avère bénéfique également sur
la survie à long terme. Brooks (13) rapporte 100 % de réponse,
dont 40 % de réponse complète en cas d’adjonction d’anthracyclines à une chimiothérapie néoadjuvante. Koh et coll. (17)
rapportent 72 % de réponse chez 106 patientes avec cancer
inflammatoire du sein, avec une chimiothérapie type AVCMF ;
après la chimiothérapie initiale et le traitement locorégional,
97 % des patientes sont en rémission et, à 5 ans, la SSR est de
34 % et la survie globale de 40 %, avec une médiane à 44 mois.
Il constate également un meilleur pronostic chez les patientes
répondeuses et il observe un taux de rechute locale de seulement
18 %, taux exactement identique à celui de Thomas et coll. (12),
qui utilisaient également l’AVCMF comme chimiothérapie initiale. Chevallier et coll. (18), sur 178 patientes, retrouvent une
survie globale à 5 ans identique et un bénéfice chez les patientes
répondeuses, bénéfice plus net chez celles qui avaient reçu, pour
le contrôle local, une chirurgie plutôt qu’une radiothérapie.
L’intensification avec autogreffe de moelle a-t-elle un intérêt ?
Le pronostic des cancers du sein inflammatoires est, d’une
part, lié à certains signes initiaux, comme l’importance des
signes inflammatoires (11), et, d’autre part, comme nous
l’avons vu, à l’importance de la régression après chimiothérapie initiale. Pour essayer d’augmenter le taux de régression, et
donc le bénéfice à long terme, différents auteurs ont proposé
une chimiothérapie à haute dose, avec autogreffe de moelle,
dans la mesure où cette stratégie thérapeutique permettait
d’obtenir des taux de réponse complète dans les formes métastatiques de plus de 50 % (19), l’utilisation de facteurs de
croissance hématopoïétique (G-CSF, GM-CSF) permettant de
réduire les décès par toxicité hématologique. Compte tenu de
la rareté des cancers du sein inflammatoires, les études
publiées portent sur de petites séries. Antman et Vahdat (20)
rapportent, sur 56 patientes après chimiothérapie à fortes doses
et autogreffe, 89 % de réponse clinique complète, et 42 % de
survie sans récidive à 3 ans ; ils soulignent le rôle pronostique
prédominant de la réponse complète. Viens et coll. (21), sur
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une série de 17 patientes traitées par quatre à cinq cycles de
FAC puis intensification par mitoxantrone/cyclophosphamide/melphalan à fortes doses, suivie d’une autogreffe puis, dans
un délai moyen de 2 mois, d’une mastectomie, observent une
réponse complète macroscopique dans 56 % des cas, et surtout
une réponse complète pathologique dans 39 % des cas. Avec
un recul médian de 3 ans, dix patientes sont toujours sans
rechute.
Cagnoni (22), sur une série de 30 patientes avec un recul
moyen inférieur à 2 ans, obtient 70 % de SSR, avec un seul
décès par toxicité. Ces résultats paraissent très encourageants, mais le recul est insuffisant. Par ailleurs, deux études
très récentes sur les cancers du sein à haut risque de Rodenhuis et coll. (23) et Hortobagyi et coll. (24) tempèrent fortement cet enthousiasme. Ces deux études randomisées (la
première pour des patientes avec des adénopathies sous-claviculaires, la seconde avec un envahissement axillaire
important), regroupant 97 patientes pour la première et 78
pour la seconde, traitées par quatre cures de FAC préopératoire puis randomisées entre traitement standard et intensification avec autogreffe, ne montrent aucun bénéfice pour
l’intensification, mais une toxicité aiguë et chronique plus
importante, sans compter l’aspect socio-économique.
Il paraît donc difficile, vu les données actuelles quant à l’utilisation des chimiothérapies à forte dose avec autogreffe de
moelle, d’affirmer un bénéfice apporté par ce traitement par
rapport aux thérapeutiques standards dans les formes inflammatoires.
Hormonothérapie
Elle s’avère très décevante lorsqu’elle est utilisée seule ou
avant les thérapeutiques locorégionales chirurgie-radiothérapie. Les résultats à long terme ne sont pas supérieurs à ceux
des seuls traitements locorégionaux (1).
Toutefois, il reste des indications au décours de la chimiothérapie chez les patientes RH+.
Traitement locorégional
Il est évident que l’amélioration de la survie passe par un
meilleur contrôle local, et c’est le rôle de la chirurgie et/ou de
la radiothérapie.
Chirurgie
La chirurgie permet :
– l’exérèse des lésions tumorales macroscopiques résiduelles,
– l’évaluation de l’envahissement ganglionnaire résiduel,
– l’évaluation de la chimiosensibilité de la tumeur et des
ganglions.
En l’absence de chimiothérapie initiale, les résultats de la chirurgie sont catastrophiques, avec une survie à 5 ans, en moyenne
inférieure à 5 %, et une médiane entre 12 et 32 mois (1).
Cependant, après plusieurs cycles de chimiothérapie, la chirurgie retrouve toute sa place.
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Radiothérapie
De même que la chirurgie, la radiothérapie utilisée seule ou en
association avec la chirurgie n’a aucun effet bénéfique sur la
survie, même si elle améliore le contrôle locorégional.
Historiquement, la mastectomie a été comparée à la radiothérapie. Il existe une diminution plus importante des rechutes locales
avec la mastectomie qu’en cas de simple radiothérapie (25).
Perez (26) retrouve même une amélioration de la survie sans
récidive et de la survie globale. Mais dans une étude prospective
comparant, comme traitement locorégional, chirurgie-radiothérapie versus radiothérapie seule, Koh et coll. (17) ne retrouvent
aucun bénéfice de l’association des deux traitements, tant en
survie sans récidive qu’en survie globale. Malgré ce dernier
résultat, cette différence éventuelle pourrait s’expliquer par la
persistance d’une maladie résiduelle intramammaire après la
radiothérapie, ce qui serait moins fréquent après la chirurgie
radicale. Jaiyesimi et coll. (1), regroupant 17 études et
453 patientes avec radiothérapie comme seul traitement local et
15 études pour 221 patientes avec radiothérapie et chirurgie,
retrouvent les mêmes taux de survie à 5 ans.
Le traitement radiochirurgical conservateur a été peu étudié de
manière spécifique, mais il semble donner un aussi bon contrôle
local que la mastectomie lorsque les indications sont bien
posées.
À l’heure actuelle, le radiothérapie est utilisée de façon systématique après la chirurgie, avec les mêmes protocoles que
pour les tumeurs non inflammatoires (voir le dossier thématique de La Lettre du Sénologue n° 1).
Le traitement radiochirurgical conservateur peut être indiqué en cas de bonne régression locale.
CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
Le pronostic des cancers du sein inflammatoire a été considérablement modifié par l’adjonction d’une chimiothérapie
néoadjuvante aux thérapeutiques locorégionales classiques,
chirurgie seule ou irradiation seule ou association de ces deux
traitements. Ainsi, après chimiothérapie, une réduction tumorale est observée dans plus de deux tiers des cas. L’association
de ces différents traitements permet une survie à 5 ans autour
de 40-50 % (1). Du fait de la fréquente absence de récepteurs
hormonaux, l’hormonothérapie adjuvante ne semble pas
apporter en elle-même de bénéfice, mais les séries sont faibles,
et il se peut que, conjuguée à la chimiothérapie, elle apporte un
véritable plus.
Après traitement locorégional, la poursuite d’une chimiothérapie de consolidation améliore les bénéfices (16, 18). En
revanche, le changement de chimiothérapie pour éviter toute
résistance croisée ne semble pas avoir un impact positif.
De même, l’utilisation d’intensification de chimiothérapie avec
autogreffe par cellules-souches périphériques ne peut être
recommandée en routine : malgré un taux de réponse initiale
complète élevé, les résultats à long terme sont fragmentaires et
la survie ne semble pas améliorée. Pour certains auteurs, la
chronologie de l’intensification avec autogreffe et de la mammectomie pourrait influer sur l’évolution.
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L’importance de la réponse à la chimiothérapie néoadjuvante
est un facteur pronostique des plus importants (13, 16, 17).
L’obtention d’une réponse complète s’avère donc un objectif
primordial, qui est en partie atteint grâce à l’utilisation des
anthracyclines. L’association récente de celles-ci aux taxanes
majore les taux de réponse (27). De même, l’utilisation de perfusions continues peut accroître le taux de réponse complète.
L’arrivée de prodrogues orales de 5-FU, comme la capécitabine,
ou d’inhibiteurs de la thymidine synthétase oraux stimulera les
essais de traitements continus.
Une autre voie, qui semble encore plus intéressante, concerne
les agents modulateurs ; Slamon (28), sur près de 500 malades
en première phase métastatique (HER2+), a comparé une chimiothérapie (avec anthracyclines) seule à l’association avec un
anticorps anti-HER2 ; ce dernier a permis un doublement du
taux de réponse et un délai sans progression qui passe de 5,5 à
8,6 mois. Ce résultat montre l’intérêt du trastuzumab (antiHER2) en association avec une chimiothérapie avec anthracyclines dans les cancers du sein métastatiques surexprimant
HER-2, et cela avec une très bonne tolérance. Compte tenu de
la rapidité de diffusion des micrométastases dans les cancers
inflammatoires et du mauvais pronostic à court terme des
formes surexprimant C-erbB-2, l’indication de cette nouvelle
voie thérapeutique en association avec la chimiothérapie de
consolidation après traitement locorégional, voire en situation
néoadjuvante, paraît des plus intéressantes.
Les formes inflammatoires de cancer du sein demeurant heureusement rares, la mise en place d’études randomisées multicentriques s’avérera la meilleure solution pour confirmer ces
nouvelles stratégies. De telles études sont actuellement en
cours en France (Pégase 01 à 05).
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EPU cancer du sein :
nouvelles approches diagnostiques et thérapeutiques
11 mars 1999
Organisateurs : Drs K.B. Clough et A. Fourquet
Renseignements : P. Debruyne, 26, rue d’Ulm,
75248 Paris Cedex 05.
Tél. : 01 44 32 41 87 - Fax : 01 44 32 40 12
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La deuxième Conférence européenne
sur le cancer du sein aura lieu à Bruxelles
du 26 au 30 septembre 2000
(E-mail : [email protected],http://www.fecs.be).
La Lettre du Sénologue - n° 3 - décembre 1998 - janvier 1999
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