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●Première situation (80 % des cas) : l’AM est unilatérale
et l’oreille controlatérale saine.
La constatation de la normalité de l’audition de l’oreille
controlatérale permet d’être rassuré quant à la possibilité de
l’enfant pour une acquisition du langage et une scolarité nor-
males. Il faut reconnaître que dans la période néonatale, cette
tranquillité acquise par le médecin n’est pas toujours comprise
par la famille. On peut alors s’aider de quelques phrases : “il
suffit d’une bonne oreille pour bien entendre...”, “il y a des
enfants qui naissent sans malformation évidente et chez qui on
découvre, vers 5-6 ans, à l’âge du téléphone, une surdité bien
plus importante, unilatérale, qui, jusque-là, était méconnue, car
sans gêne...”, “si une surdité unilatérale acquise peut être
gênante, une surdité congénitale l’est beaucoup moins...”, “en
outre, si votre enfant entend mal du côté de sa malformation, la
partie noble de l’audition, l’oreille interne, est présente ;
l’audition de cette oreille malformée est donc en réserve ; il
suffirait par exemple d’un appareillage pour que, si un malheur
survenait du côté de sa bonne oreille, il puisse entendre norma-
lement...”. Cette oreille “unique” nécessitera cependant, par
prudence, un suivi otoscopique et au moins acoumétrique
annuel. Le premier contrôle ORL est ainsi effectué vers l’âge
de 12-14 mois pour vérifier la mise en place normale du lan-
gage. Les parents sont alors rassurés.
Deux questions peuvent alors se poser :
– Le bilan radiotomodensitométrique (TDM), son indication et
sa date : il faut reconnaître que, dans ce cadre clinique, la
TDM apporte peu de choses : du côté de l’AM, il n’y a pas de
risque d’inclusion épithéliale (cf. supra) ; il n’y a pas d’indica-
tion de chirurgie à but fonctionnel (cf. infra) ; dès 5-6 ans, on
aura une certitude audiométrique de la normalité de l’oreille
interne du côté aplasié. Cependant, il est classique de deman-
der un bilan TDM, mais il doit être de bonne qualité et non pas
constitué de quelques coupes axiales chez un enfant qui a
bougé avec de mauvaises reconstructions coronales ou sagit-
tales. Il semble préférable d’attendre l’âge de 6-7 ans, âge
auquel la sagesse de l’enfant offre une immobilité suffisante
sans besoin de prémédication ni d’anesthésie générale pour
avoir de bonnes images coronales et axiales natives.
– Les otites sur AM. Aucune publication ne fait état d’otite
moyenne aiguë sur AM et, a fortiori, de complication. Les acci-
dents infectieux observés résultent d’une malformation du
pavillon avec, par exemple, une conque rétentive, ou surviennent
sur une fausse AM qui était en fait une Am avec un conduit en
sablier conduisant à un accident otitique externe. Il est donc
important de faire cette différence entre AM et Am ; dans les
rares cas où l’examen clinique ne le permet pas, le bilan TDM
permet de trancher. Pour expliquer cette absence d’accidents oti-
tiques aigus de l’oreille moyenne qui doivent pourtant exister, on
est condamné à se rappeler que la majorité des otites moyennes
aiguës se guérissent spontanément ou bien qu’il s’agit le plus
souvent d’une affection bilatérale, alors diagnostiquée par l’exa-
men du côté non malformé, et qui bénéficie d’un traitement par
voie générale à efficacité bilatérale. Acceptons le fait que l’otite
moyenne aiguë purulente sur AM n’est pas un problème.
La famille et nous-même aimerions quand même normaliser
l’audition de cette AM ! Voyons les résultats de cette chirurgie
et éliminons les “star patients” que l’on peut retrouver dans la
littérature, mais qui sont rares et imprévisibles. Sur des patients
sélectionnés (dont le bilan TDM montre une belle cavité
d’oreille moyenne et un étrier présent...), le gain auditif postopé-
ratoire moyen est de 20 dB pour une perte originelle de 70 dB.
Où est la stéréoacousie recherchée ? Il semble actuellement plus
raisonnable de renoncer à cette chirurgie en attendant qu’elle
fasse de réels progrès, et ce d’autant plus qu’elle est pénalisante
sur le plan plastique. De même, lors de la reconstruction plas-
tique du pavillon, il faudra veiller à ce que la technique
employée ne gêne pas notre successeur otologiste (cf. infra).
L’appareillage de type CROSS avec un micro du côté de l’AM
et un embout ouvert du côté de l’oreille normale est en règle
refusé par les patients, même après essai. Sauf progrès chirurgi-
cal, cet enfant ne sera donc ni policier, ni militaire... mais il
pourra être, sans chirurgie ni aide auditive, comme les autres,
premier en classe... cela paraît être le principal !
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● Deuxième situation (15 % des cas) : l’AM est bilatérale.
Nous avons un déficit auditif bilatéral de 70 dB incompatible
avec une normale acquisition spontanée du langage. L’examen
audiométrique subjectif adapté à l’âge et les PEATC sont obli-
gatoires. Le nourrisson est appareillé par voie osseuse sur
serre-tête avec une prise en charge orthophonique dès qu’il se
tient assis, vers 6 mois. Cette situation est beaucoup plus
lourde pour la famille et l’enfant mais, avec ces contraintes,
l’acquisition du langage et une scolarité quasi normale sont
préservées. Vers 5-7 ans, l’appareillage par voie osseuse
devient psychologiquement pesant : l’appareillage est visible,
le serre-tête se mobilise lors des activités physiques et, malgré
l’appareillage, l’enfant peut être gêné pour l’apprentissage des
langues étrangères.
On peut alors proposer un appareillage en conduction osseuse
directe sur vis de titane (BAHA), ou tenter une chirurgie fonc-
tionnelle qui est devenue, grâce à quelques progrès, acceptable
ici, dans le cadre d’une AM bilatérale qui nécessite a priori de
toute façon un appareillage auditif. Cette chirurgie a toujours
des gains auditifs en règle insuffisants, nous l’avons dit. Elle
conduit souvent à un néoconduit médio-conqual avec trou noir
dysharmonieux ; cependant, l’utilisation d’un lambeau galéal
pour venir tapisser l’ensemble du néoconduit (dont le tympan)
et qui sert de sous-sol bien vivant à son recouvrement épithé-
lial par une greffe de peau fine permet d’obtenir, dans plus de
70 % des cas, ce qui est acceptable, un néoconduit sec et
stable, appareillable par voie aérienne, en intra-conqual ou
intra-conduit (figure 1). En d’autres termes, si le problème de
la création d’un néoconduit est solutionné, même en cas de
base pétreuse très pneumatisée, le problème columellaire – par
exemple en cas d’ectopie du nerf facial gênant l’accès à la
fosse ovale, si on ne veut pas prendre le risque, pour le court et
le long terme, d’une fenestration labyrinthique – reste entier. Il
y a bien sûr des “star patients” sans nécessité d’appareillage
après chirurgie fonctionnelle, mais il y a aussi ceux dont le
gain auditif est nul et dont l’appareillage par voie aérienne est
moins performant que l’appareillage par voie osseuse. Pour
être dans la situation d’un appareillage par voie aérienne per-
formant, il faut en pratique un gain postopératoire de 20 dB, et
nous avons vu que cela est réaliste. Cette chirurgie à but fonc-
tionnel ne peut se faire qu’avec une parfaite connaissance
audiométrique et radiologique et l’assurance d’une bonne col-
DOSSIER
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La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - n° 246 - octobre 1999