L’ouverture économique
de la Chine
L’ouverture économique, qui n’est
qu’un des aspects des politiques de
réforme, a été un phénomène à la fois
graduel (elle s’étale de1979 à 1992)
et périphérique. Ces caractéristiques
s’expliquent par les fortes résistances
rencontrées au sein de l’appareil du
Parti, mais aussi par la prudence de
Deng Xiaoping, secrétaire général du
Parti communiste chinois (PCC) de1956
à 1967, puis dirigeant de facto de la
République populaire de Chine de1978
à 1992. Celui-ci entendait procéder à
partir d’expérimentations limitées, an,
le cas échéant, de pouvoir faire marche
arrière.
Ainsi, dans un premier temps, seules
quatre zones économiques spéciales
(ZES) sont définies sur le littoral des
provinces du Guangdong et du Fujian,
choix qui révèle un autre aspect de la
stratégieadoptée: une croissance tour-
née non vers le marché intérieur, mais
vers l’exportation. Zhuhai et Shenzhen
étaient, en1979, de vastes zones essen-
tiellement rurales, qui ont été choisies
à cause de leur situation à proximité de
Macao et surtout de Hong Kong. Pour
Shantou et Xiamen, deux villes d’impor-
tance moyenne, c’est le lien avec les com-
munautés de Chinois d’outre-mer, dont
on espérait attirer les investissements,
qui fut déterminant. Zhuhai et surtout
Shenzhen sont devenues en trente ans
des ports et des villes de première impor-
tance, tandis qu’au contraire, Shantou et
Xiamen n’ont guère été transformées par
leur accession au statut de ZES.
La seconde vague du milieu des an-
nées1980, si elle concerne un périmètre
plus large et des villes incomparablement
plus importantes (Canton, Shanghai et
Tianjin notamment), reste cependant
circonscrite à la périphérie maritime du
pays. C’est une étape importante, sur-
tout pour ce qui concerne Shanghai, qui
retrouve un rôle de premier plan alors
que, suspecte au régime, elle avait depuis
trente ans été laissée sous le boisseau.
L’intérieur du pays, lui, n’est ouvert aux
investissements étrangers que plus tardi-
vement, dans les années1990, au moment
où une impulsion nouvelle est donnée par
Deng. La vallée du Yangtsé renoue alors
avec sa fonction ancienne d’axe de péné-
tration de la modernisation économique
et industrielle. On voit le fruit de cette
ouverture dans les chiffres sur le produit
régional brut de2010. Ceux des provinces
que le Yangtsé traverse n’atteignent certes
pas le niveau des provinces littorales
comme le Guangdong, le Zhejiang ou le
Jiangsu, mais ils sont tout de même au-
dessus de la moyenne nationale.
L’entretien de Deng Xiaoping révèle en
creux à quelles difcultés considérables il
doit faire face en1979. Rassurer la vieille
garde du Parti est pour lui une chose cru-
ciale ; on le voit prendre soin de condam-
ner à plusieurs reprises le capitalisme et
se réclamer de Mao (la citation sur les
Cent Fleurs est largement sortie de son
contexte car il s’agissait à l’époque de
susciter des critiques contre le Parti). De
même, la Révolution culturelle est habi-
lement utilisée comme un repoussoir, la
responsabilité de la politique menée pen-
dant cette période étant reportée, confor-
mément à l’interprétation ofcielle (qui
a du reste toujours cours) sur Lin Biao et
la Bande des Quatre (constituée de Jiang
Qing, la femme de Mao, Zhang Chunqiao,
Wang Hongwen et Yao Wenyuan).
Deng met aussi en avant un slogan
préexistant, celui des quatre moderni-
sations (agriculture, industrie, sciences
et forces armées), lancé dans les an-
nées 1960 par Zhou Enlai, qui fut son
mentor. C’est là une manœuvre habile,
car il s’agit d’un mot d’ordre fort vague et
consensuel, alors même que l’originalité
du virage que Deng s’efforce d’imposer
porte non sur les objectifs à atteindre
(inne, la puissance que la Chine s’efforce
de retrouver depuis un siècle et demi),
mais sur les moyens d’y parvenir.
Cela étant, le tournant de1979 est tout
sauf une conversion au libéralisme éco-
nomique. L’ouverture aux étrangers ne
s’impose que parce qu’ils possèdent les
capitaux et les savoir-faire dont la Chine
a besoin pour lancer sa modernisation.
De façon comparable, le choix d’intro-
duire certains principes d’une économie
de marché est vu comme un moyen de
générer de la croissance économique et
non comme une n en soi.
Au début des années2000, l’opposi-
tion aux réformes au sein du Parti est
devenue sufsamment insigniante pour
qu’une étape nouvelle soit franchie avec
l’entrée de la Chine dans l’Organisation
mondiale du commerce (OMC). Cette
adhésion lui permet d’atteindre les nou-
veaux débouchés dont elle a besoin. En
échange, elle doit davantage ouvrir son
marché intérieur et adapter sa législa-
tion. L’opération se révèle très protable:
des excédents commerciaux records
s’accumulent (l’excédent de compte-
courant s’élevait en2010 à 183milliards
de dollars et le commerce extérieur
chinois représente 9,8% du commerce
mondial). Ces dernières années, si la
Chine continue d’attirer les investisseurs
(les entrées nettes d’investissements
directs étrangers ont dépassé les 220mil-
liards de dollars en2011), en retour, ses
grands groupes industriels commencent
à investir à l’étranger. ///
Yangtsé
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KIN
HONG KONG
MACAO
TIANJIN
SHANGHAI
CHONGQING
Shenzhen
Zhanjiang
Beihai
Qingdao
Lianyungang
Nantong
Xiamen
Shantou
HAINAN
Wenzhou
Ningbo
Fuzhou
Zhongshan
Dalian
Yingkou
Yantai
Qinhuangdao
Canton
Zhuhai
MONGOLIE
RUSSIE
KAZAKHSTAN
INDE
PAL
BHOUTAN
BANGLADESH
BIRMANIE
LAOS
CORÉE
DU SUD
CORÉE
DU NORD
THAÏLANDE
VIETNAM
Wuhan
Shenyang
Chengdu
Xi’an
Xining
Urumqi
Lanzhou
Yinchuan
Zhengzhou
Taiyuan
Hohhot
Shijiazhuang
Jinan
Heifei
Hangzhou
Nanjing
Changchun
Harbin
Nanning
Kunming
Lhassa
Guiyang
ChangshaNanchang
Sources : China Statistical Yearbook 2011.
D’après : Questions internationales n° 32, juillet-août 2008.
© Dila, Paris, 2013
Roberto GIMENO et Atelier de cartographie de Sciences Po, mai 2008
OCÉAN
PACIFIQUE
500 km
612 61
Moyenne nationale
123 246 369 615
Produit régional brut en 2010
(milliards d’euros1 )
Chronologie de l’ouverture
économique
Zones économiques spéciales
Villes littorales ouvertes
Régions
et zones littorales ouvertes
Villes ouvertes
de la vale du Yangtsé
Les agglomérations en lettres capitales correspondent aux provinces ou aux régions d’administration spéciale.
1
Les données initialement fournies en 100 millions de yuans ont été converties en milliards d’euros.
En parallèle, de nombreuses zones de libre-échange, de développement technologique
et dindustrie hightech sont créées.
À partir de 1992, la quasi-totalité du territoire chinois est considérée comme ouverte.
Ouverture des capitales
provinciales
et de plusieurs villes frontalières
1980
1984
1985
1988
1992
l’ouverture économique de la chine depuis les années1980
carte disponible sur transparent et en version numérique
deng Xiaoping et l’ouverture
à l’économie de marché, 1979
Sans accroissement des forces productives
pour rendre notre pays prospère et puissant
et améliorer les conditions de vie de notre
population, notre Révolution reste un vain
mot. […]
Bien sûr, nous ne voulons pas du capita-
lisme, mais nous ne voulons pas non plus
être pauvres sous le socialisme. […] Nous
croyons en la supériorité du socialisme
sur le capitalisme. Cette supériorité sera
démontrée par le fait que le socialisme
offre des conditions plus favorables à
l’accroissement des forces productives
que le capitalisme. […] Pendant une
décennie, les menottes mentales impo-
sées par LinBiao et la Bande des Quatre
ont entravé la réflexion du peuple et l’ont
empêché de mettre pleinement en œuvre
sa sagesse et sa créativité. Mais désormais
nous encourageons le peuple à libérer son
esprit et à reprendre la campagne “Que cent
fleurs s’épanouissent, que cent écoles riva-
lisent !”, qu’avait proposée le président Mao
Zedong, afin de créer les conditions néces-
saires au développement des initiatives du
peuple chinois pour mettre pleinement en
œuvre son intelligence et sa sagesse.
[…] Pour mener à bien les quatre moder-
nisations, nous devons suivre une politique
d’ouverture au monde extérieur. Bien que
nous nous reposions principalement sur
nos propres efforts, nos propres ressources
et nos propres valeurs pour mener à bien
les quatre modernisations, il nous serait
impossible d’atteindre cet objectif sans
coopération internationale. Nous devons
nous appuyer sur les réalisations scienti-
fiques et technologiques du monde entier,
ainsi que sur d’éventuels capitaux étran-
gers, pour réaliser au plus vite les quatre
modernisations.
“We can develop a market economy under socia-
lism” (“Nous pouvons développer une économie de
marché dans un régime socialiste”), 26novembre
1979. Extrait d’un entretien avec Frank B. Gibney,
vice-président du Compilation Committee de
l’Encyclopaedia Britannica.
Traduction de l’anglais: Mathieu Rigo © Dila.
Extrait de : Xavier Paulès,
La Chine. Des guerres de l’opium à nos jours
, Documentation photographique n° 8093, mai-juin 2013 © Dila, 2013
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