Université Descartes-Inserm) avec 14 patients, ainsi que l’équipe américaine de Maria Karayiorgou à
New York (Université Columbia) auprès de 53 schizophrènes et leurs parents.
Le résultat a été une riche moisson de mutations spécifiques chez les malades: 15 dans le premier cas
et 32 dans le second; la moitié d’entre elles ont été jugées délétères pour l’organisme et donc
potentiellement responsables de la maladie.
Pour la professeure Kim Do Cuénod, qui dirige le Centre de neuro"sciences psychiatriques du CHUV à
Lausanne, «ces travaux sont très intéressants. Ils révèlent qu’un nombre considérable de gènes,
formant des associations différentes, sont potentiellement impliqués dans une forme ou une autre de
la maladie.»
Les mutations portent sur des protéines inconnues, ou parfois déjà associées à la schizophrénie, qui
sont autant de pistes pour mieux comprendre l’origine de la maladie. Ou plutôt des maladies car,
comme le précise Marie-Odile Krebs, «il est probable que pour une part, la schizophrénie soit un
ensemble de maladies rares dont l’expression se ressemble, et qu’au-delà des différences de
populations apparaisse un très grand nombre de mutations différentes. On ne peut exclure qu’elles
touchent, à des niveaux variés, une même fonction ou une voie de signalisation des cellules qui
pourra alors devenir une cible thérapeutique.» La majorité des cas de schizophrénie relèveraient ainsi
de mutations sporadiques dans le génome, comme le suggère aussi la même approche pour d’autres
troubles mentaux complexes tels que l’autisme ou le retard mental.
Si ces résultats pouvaient être anticipés au vu des travaux antérieurs et de l’épidémiologie de la
maladie, une surprise attendait néanmoins les chercheurs: le taux particulièrement élevé de mutations
délétères chez les schizophrènes. L’origine de cette fréquence élevée reste inconnue. Mais l’âge du
père pourrait parfois être en cause. Une étude récente publiée dans la revue L’Encéphale par des
chercheurs français a en effet montré que le risque d’avoir un enfant schizophrène augmentait avec
l’âge du père; il était même multiplié par quatre au-delà de 50 ans. Or la probabilité d’apparition de
mutations dans le génome croît avec le nombre de divisions des cellules précurseurs des
spermatozoïdes qui ont été accumulées chez l’homme. D’autres facteurs semblent toutefois impliqués
car le nombre de mutations transmises par les parents paraît très variable d’un individu à l’autre.
Rançon d’un développement particulièrement poussé, notre système nerveux s’avère ainsi à la merci
de mutations d’origines diverses et imprévisibles. La schizophrénie sera-t-elle pour cela toujours
inévitable? «Non, estime Marie-Odile Krebs. D’abord parce que les facteurs génétiques ne sont pour
l’instant qu’un facteur de risque. Et même s’il existe des mutations potentiellement causales, la
démonstration qu’elles mènent inéluctablement à la maladie n’est pas faite. Ensuite le pronostic peut
être considérablement amélioré avec une prise en charge ayant lieu très tôt. Chez les sujets
présentant des signes avant-coureurs, des programmes d’intervention précoce se développent et
montrent leur efficacité pour réduire l’apparition d’un premier épisode psychotique.»
Ainsi, face à une maladie aussi complexe c’est finalement le dépistage et l’accompagnement humain
des personnes à risque qui feront, demain encore, toute la différence.
© 2011 Le Temps SA