UNE PHASE DE COMPRESSION AU CRÉTACÉ TERMINAL A L

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UNE
PHASE DE COMPRESSION AU CRÉTACÉ TERMINAL
...
A L'OUEST nu PORTUGAL: QUELQUES ARGUMENTS *
por
DENIS MOUGENOT **
RESUMO
Durante o Cretácico superior a evolução geológica da bacia lusitaniana foi profundamente perturbada. Apresentam-se diferentes análises (paleogeográfica, tectónica, cinemática) desse acontecimento, baseadas em pesquisas submarinas. Elas confirmam a existência de uma fase tectónica ante-maestrichtiana, relacionada com a aproximação entre a África, a Ibéria e a Europa. Esta compressão
teria originado a instalação, ao longo de um desligamento, dos maciços subvu1cânicos de Sintra, Sines e Monchique.
RÉsUMÉ
Au Crétacé supérieur, I'évolution géologique du bassin lusitanien est profondément bouleversée. Différentes approches (paléogéographique, tectonique, cinématique) de cet événement, qui doivent beaucoup aux recherches sous-marines, sont menées. Elles confirment I'existence d'une phase tectonique anté-maestrichtienne qui est un effet du rapprochement entre l'Afrique, I'Ibérie et I'Europe.
Une conséquence de cette compression est la mise en place, le long d'un décrochement, des massifs subvo1caniques de Sintra, Sines et
Monchique.
Je me propose d'apporter quelques arguments à
la connaissance des phénomenes qui, au Crétacé terminal, ont profondément bouleversé l'évolution géologique du bassin lusitanien. De nouvelles connaissances sur la paléogéographie, la tectonique et la
cinématique de la Péninsule ibérique qui doivent
beaucoup aux recherches sous-marines, permettent
différentes approches de cet événement. Ces données
confirment l'existence d'une phase de compression
anté-maestrichtienne.
L'APPROCHE PALÉOGÉOGRAPHIQUE
Aterre, le bassin lusitanien correspond à un accumulation presque continue de sédiments néritiques,
du Trias supérieur (série des «Gres de Silves»;
PALAIN, 1976), au Turonien (calcaires à Pachyvascoceras; BERTHOU, 1978). Ces dépôts sont conservés
dans le fossé tectonique d'un ancien rift continental
(la «fosse mésozoique portugaise») et sur ses bordures. Ce bassin est une conséquence de l'ouverture de
l'Atlantique nord entre l'Amérique (Terre-Neuve) et
l'Ouest de la Péninsule ibérique.
Des événements bien différents marquent la
période qui va du Sénonien à la fin de l'Oligocene.
11 n'y a pas de dépôts marins, sauf au Campanien
dans deux golfes d'extension restreinte (dans la
région de Mira et sous le bassin du Tejo). La portion centrale de la «fosse mésozoique portugaise» se
souleve et s'érode; elle forme le horst de l'Estremadura situ é dans le prolongement de la Cordilheira
Central. Au contraire, sa bordure s'affaisse, donnant
naissance à une cuvette endoréique ou s'accumulent
des séries continentales paléogenes (<<formation de
Benfica» ... ) et qui préfigure le bassin néogene du
Tejo. On attribue à une phase tecto nique (phase
«laramienne»; ANTUNES, 1980) ce changement de
l'évolution géologique au Portugal. Mais on ne peut
en préciser ni la chronologie ni les causes.
Les marges continentales conservent un enregistrement sédimentaire plus continu que les bassins
adjacents émergés. Sur ·la plate-forme continentale
portugaise au Nord de l'accident de Nazaré (A. N.,
fig. 1; BOILLOT et. aI., 1975), des sédiments marins
semblent se déposer en continuité, du Cénomanien
jusqu'à l'Eocene supérieur. A la fin du Sénonien,
ils montrent le début d'une évolution régressive. Des
dépôts grossiers, néritiques à faune benthique prédominante (Nummofallotia ... ) du Campanien-Maes-
* Contribution nO 171 du Groupe d'Étude de la Marge
Continentale (ERA 605).
** Université P. & M. Curie (paris VI) et Station de Géodynamique sous-marine, B. P. 48, 06230 Villefranche-sur-Mer,
France.
233
10°
41°
38°
37°
50km
10°
234
fig. 1 - Carte schématique du Portugal. Aterre, les accidents et les
affleurements sont tirés de la Carta geológica de Portugal au 1/500000
(1972) et de la Carta tectónica de Portugal au 1/1000000 (1972). En tireté
vertical, le socIe; en hachuré horizontal, la couverture mésozo'ique; en pointillé, les bassins tertiaires. Les accidents reportés sur la plate-forme ccntinentale proviennent de la Carta Geológica da Plataforma Continental au
1/1000000 (1978). En tiretés, les accidents profonds. A., position du perfil
sismique (fig. 2). L'encart représente une interprétation schématique possible du dispositif de mise en place des trois massifs subvolcaniques. C1 ,
direction de raccourcissement. A.A.: accident d'Albufeira; A.N.: accident
de Nazaré; A.R.: Arrábida; A.S.: accident de Sines; F.G.: faille de Guia;
F.M.: faille de Mesquita; F.O.: faille d'Odemira; F.P.: faille de Portimão;
F.S.: faille de Sesimbra; M.E.: mar da Ericeira; M.P.A.: Montanhas dos
Príncipes de Avis.
Fig. 2 - Pro/i! sismique A. La eoupe-temps montre la diseordanee <4 du Maestriehtien e du Paléoeene (e8 -e) sur
(e1). ,Ces eouehes et .la, diseontinuité qU'elles surmontent, sont ?éformées dans un synelinal (se)
d age eoeene supeneur. L ensemble est faIlle (f) et tronque par une surfaee d'aplarussement néogene. Pcsition sur la
figure 1.
I~A Cré!aeé inférie31~
· trichtien, succedent à des marno-calcaires à microfâune pélagique (Calcisphaerula et Globotruncanidés)
du Turonien-Campanien. Au Paléocene, cette évolution s'accentue puisque l'on a pu prélever des
calcaires à Microcodium.
Au Sud de l'accident de Nazaré (BALDY et ai.,
· 1977), la plate~forme actuelle semble émergée et
· soumise à l'érosion, comme à terre. Cependant, dans
· un petit bassin synclinal situé à I'Ouest de Sintra
· (fig. 2), on a idelitifié du Maestrichtien néritique à
Nummofallotia. Sur la marge à l'Ouest du Baixo
,Alentejo (MOUGENOT et ai., 1980), à l'endroit des
reliefs sous-marins appelés Montanhas dos Príncipes
de Avis (M. P. A., fig. 1), le Maestrichtien est néritique (calcaire à Orbitoidés). Par contre, plus au
Sud et plus à I'Ouest, iI a été retrouvé sous un facies
pélagique (marnes à Globotruncana). Une telle différenciation paléo-bathymétrique n'existait pas auparavant: à I'emplacement des Montanhas dos Príncipes de Avis, les dépôts du Turonien et du Campanien sont pélagiques (micrites à Globotruncanidés).
Sur la marge ouest-portugaise, une diminution
de la profondeur d'eau s'observe donc au Campanien. A terre, la régression la plus importante intervient pendant le Turonien, mais de petits golfes
marins apparus au Campanien disparaissent apreso
Cette évolution régressive s'accentue à la fin du
Maestrichtien puisque les calcaires à Microcodium
d'âge paléocene sont des facies lacustres. Enfin, sur
les bancs de Galice, au Nord de la marge ouest-ibérique (BOILLOT et ai., 1979), la profondeur d'eau
varie brusquement à la limite du Crétacé et du Paléogene: un calcaire néritique de I'Eocene moyen remaniant des Microcodium succede à un dépôt bathyal
du Maestrichtien supérieur. En définitive, les changements de facies s'étalent du Turonien, à terre, au
Paléocene, sur la marge continentale.
L'APPROCHE TECTONIQUE
Au Crétacé terminal se mettent en place les trois
massifs sub-volcaniques de Sintra, Sines et Monchique. Leur datation isotopique (Rb-Sr, sur roche
totale et sur minéraux) effectuée par F. MENDES
(1968), présente une dispersion importante. Néan-
moins, I'auteur conclut que ces intrusions sont
synchrones à 76:t: 4 Ma (Campanien). Cet âge est
confirmé par N. M. S. ROCK (1976) dans son étude
isotopique sur le massif de Monchique. Peu apres
(72 ± 3 Ma) s'épanchent des formations volcaniques
(basaltes de Lisboa). Enfin, I'intrusion de Sintra au
sein d'une épaisse couverture jurassique, s'accompagne de dérormations importantes (apparition d'une
schistosité dans le Malm et, à une autre échelle, formation d'un anticlinal chevauchant vers le Nord,
la dorsale Sintra-Caneças).
Comme le remarquait C. TEIXEIRA (1962), ces
trois massifs forment un alignement presque rectiligne, de direction NNW-SSE (fig. 1). Allongées
d'Est en Ouest, ces intrusions sont traversées par
des décrochements dextres NW-SE, mais qui ne
les décalent pas: la faille de Portimão (F. P., fig. 1)
qui passe à l'Ouest de Fóia (massif de Monchique);
la faille de Guia (F. G., fig. 1) et d'autres paralleles
qui découpent le massif de Sintra en inselberge morphologiquement bien individualisés (à terre, Monge
et Pico da Pena). Sur le massif de Sines, beaucoup
moins proéminent, les anomalies magnétiques (MENDES VICTOR in CANILHO, 1971) suggerent qu'un
décrochement dextre, d'orientation identique, sépare
le massif en deux blocs (Chãos et du Farol).
Au Crétacé terminal, il existe aussi des déformations liées à une phase de compression. En bordure
de la plate-forme, à l'Ouest de Sintra (coupe A, fig. 1),
un profil sismique (fig. 2) montre que le Maestrichtien
repose par une discordance angulaire sur des terrains
déformés du Crétacé inférieur (dont du Barrémien).
Cette discordance anté-maestrichtienne est reprise
par une déformation ultérieure (Éocene supérieur).
Sur la marge à I'Ouest du Baixo-Alentejo, la sismique réflexion indique également une discontinuité
au sein des formations bien stratifiées d'age crétacé
supérieur à éocene inférieur. Cette discontinuité,
due à une régression ou à une légere déformation,
pourrait être d'âge anté-maestrichtien. 11 existe d'ailleurs au Campanien supérieur des mouvements tectoniques à I'Est des Pyrénées. Ils provoquent le
«chevauchement nord-pyrénéen» qui est cacheté par
du Garumnien (molasses continentales débutant à
la fin du Campanien; BILOTTE, 1978).
235
Tableau 1
CHRONOLOGIE DES ÉVÉNEMENTS AU SÉNONIEN
A G E
I---""T"""------l ANOMALlE
MAGNET.
étage
absolu
65-
-
-
'70-
z
W
I:I:
MOUVEMENTS RELATIFS DES PLAQUES PERI-ATLANTIQUES
r-- 31
émersion
........- _ rapprochement entre I' Afrique, l'lbérie et l'Europe
2
te
I-
o
W
<C
~
I - - 32
-
-
-
-
I
z
I 1-1___
~
Z
<C
Q.
~,
<C
O
1--33
80-
-
I I
I I
I I
I I
I I
I'
~34
85Ma
,
1-
discordanee
premiêre collision entre "Ibérie et I' Europe
(pyrénées orientales)
-
75-
PORTUGAL
SANTONIEN
1--
~,
soulevements
I - volcanlsme
subduetion de la eroute oeéanique sous le Nord
de l'lbérie(fermeture du Golfe de Gascogne) et
raccourcissement de la croüte continentale amin
cie (pyrénées)
-
I--
intrusion
des
massifs
subvolcanlques
fin de I' ouverture du Golfe de Gascogne
...._ _ _ divergence Ibérie-Europe
(ouverture du Golfe de Gascogne)
"'411---
réorientation majeure des ouvertures entre
l'lbérie, I' Afrique et les Amél'iques
Ce tableau montre la relation entre les âges abso:us, les étages et les anomalies magnétiques conformément à
l'échelle définie par R. SCHLICH et aI. (1979). Les événements au Portugal sont corrélés avec les mouvements relatifs
des plaques Amérique, Europe, Ibérie, Afrique.
Enfin, des études microtectoniques menées sur
l'ensemble du bassin méditerranéen (LETOUZEY &
TREMOLIERES, 1980) montrent que cette phase anté-maestrichtienne correspond à un état de contrainte
en compression dont la composante principale 0'1
est orientée N-S à NNE-SSW. Cette direction de
raccourcissement se retrouve au Portugal dans les
calcaires jurassiques de l' Arrábida et ceux du Cénomanien supérieur de la région de Lisboa (LEPVRlER
& MOUGENOT, en préparation) sans qu'iI soit possible de la situer dans Ie temps ave c plus de précision.
L'APPROCHE CINÉMATIQUE
II est possible de reconstituer la position relative
des plaques aux époques révolues en étudiant les
anomalies du champ magnétique induites par la
croute océanique. Ainsi, la séquence d'inversion de
Heirtzler, qui va de I'anomalie 34 (83 Ma, Santonien)
jusqu'à I'actuelle, a permis à Y. KRISTOFFERSEN (1978)
de retracer l' ouverture de l' AtIantique nord par
écartement progressif de l' Amérique du Nord, de
I'Europe et de l'Ibérie. Utilisant toutes les inversions
magnétiques (de 148 Ma, Kimméridgien, jusqu'à
I'actuel) de l' AtIantique central, J. L. OLIVET (1978)
a précisé Ies mouvements relatifs de l' Afrique par
236
rapport aux plaques précédentes. De ces deux études ressortent les faits suivants, qui concernent les
déplacements de la pIa que ibérique (voir tableau 1).
- L'lbérie se sépare completement de l' Amérique
du Nord à I'anomalie J (110 Ma, Aptien). Elle s'écarte
alors conjointement avec l' Afrique de l' Amérique
du Nord.
- Peu avant I'anomalie 34 (85 Ma, Santonien),
on observe une réorientation importante dans Ies
mouvements d'ouverture entre l'lbérie, l' Afrique et
les deux Amériques (SIBUET & MAscLE, 1978; AUZENDE
et aI., 1981). Une premiere ouverture franche entre
l'Europe et I' Amérique du Nord commence au Sud
de la zone de fracture Gibbs. Ces deux événements
semblent avoir pour conséquence Ie début du rapprochement entre l' Afrique et I'Europe (fig. 3).
- L'écartement entre I'lbérie et I'Europe s'arrête
entre Ies anomalies 34 et 33 (81 Ma, base du Campanien). Aussi, ii est probable que la fin de I'ouverture
du Golfe de Gascogne est une conséquence du
rapprochement entre I' Afrique et l'Europe. Mais
iI est difficile de préciser si la convergence entre
l'lbérie et l'Europe débute aussitôt.
En définitive, un bouleversement dans Ies rapports entre la Péninsule ibérique et Ies plaques environnantes intervient à peu pres au moment ou se
m
700
EUROPE
J
•
Niveau absolu de I'ocean
au dessus de J'actuel
500
I BERIE
'.
J
..
,33
·······l·········
"j~33
.... __ ==--_
-_
,-..........-'
....
.
Campo
o
'"
AFRIQUE
Fig. 3 - Mouvement relatif des plaques lbérie et Afrique par rapp0ll"t à L'Europe supposée stable (carte d'apres
AUZENDE etl aI., 1979). On lit, sur cette figure, la trajectoire dans le temps des points O. Un changement de
trajectoire important intervient à l'anomalie 34 (83 Ma,
Santonien). Les auteurs l'ont représenté à l'anomalie 33
(79 Ma, Campanien) car H est plus facHe de reconstituer
la position relative des plaques (en tireté, celle de I'Afrique) à cette époque. L'Ibérie commence à se déplacer par
rapport à l'ensemble Amérique du NordcEurope à l'anomalie
J (110 Ma, Aptien). J.,'Afrique a débuté son ouverture bien
avant.
crée l'anomalie 34. L' Atlantique poursuit son ouverture selon des directions différentes et les plaques
Afrique, Ibérie, Europe deviennent alors convergentes.
LA PHASE COMPRESSIVE
MINAL
100
nu CRÉTACÉ TER-
Chacune des approches précédentes permet de
définir des limites de temps durant lesquelles un changement est intervenu et éclaire des aspects parti culiers de cette évolution. La confrontation de ces
données établit l'existence d'une phase compressive
dont ii est possible de préciser la chronologie, les
causes et de mesurer les conséquences.
La chronologie: la régression sénonienne est interprétée classiquement comme l'effet d'une phase tectonique. Aterre, elle débute durant le Turonien.
En mer, une diminution de la tranche d'eau intervient au Campanien. J'explique ce diachronisme par
l'intervention de deux mécanismes différents:
- La régression turonienne est probablement
d'origine eustatique. Si l'on se réfere à la courbe de
variation absolue du niveau des océans durant le
Crétacé supérieur de J. M HANCOCK & E. G. KAUFFMAN (1979; fig. 4), iI se produit au Turonien une
importante diminution de la profondeur d'eau.
- Par contre, le niveau de la mer monte au
Campanien et au Maestrichtien. Seul un souIevement peut donc provoquer la régression observée
au Portugal et sur la plate-forme à la fin du Campanien. Je propose d'expliquer cette déformation
par une phase compressive à la limite du Campanien
et du Maestrichtien. C'est à ce paroxysme tectonique,
contemporain de la déformation des Pyrénées orien-
100
90
80
Age
M.A.
70
Fig. 4 - Variations eustatiques absolues durant le
Crétacé supérieur (courbe d'apres HANCOCK & KAUFFMAN,
1979). Cette figure montre que le niveau absO>!u des océans
au Crétacé supérieur était bien supérieur à l'actuel (probablement pas autant que l'envisagent les auteurs). L'augmentation de profondeur de la tranche d'eau à cette époque est
causée par la dilatation des dorsales océaniques. Elle est
interrompue par une diminution au Turonien et à la fin du
Maestrichtien qui se prolongera durant tout le Tertiaire.
tales, que correspond la discordance anté-maestrichtienne.
La déformation s'accentue probablement au
Paléocene, 'au moins au Nord de la marge ouest-ibérique: la seule régression eustatique fini-maestrichtienne ne saurait en effet expliquer l'importance
de la diminution de profondeur (plus de 1 000 m)
des bancs de Galice.
En définitive, tout porte à penser qu'iI s'est produit un paroxysme tectonique à la limite du Campanien et du Maestrichtien. Cet événement ré suite
d'une augmentation des contraintes appliquées à la
plaque ibérique. Mais sa mise en évidence au Sénonien terminal ne signifie pas que la compression débute ou se termine à cette époque.
Les causes: les études microtectoniques montrent qu'un raccourcissement méridien s'est produit
au Portugal apres le Cénomanien. Les contraintes
responsables de cette déformation paraissent générales dans le domaine alpino Elles sont attribuées à
un événement compressif d'âge crétacé terminal à
éocene, lui-même interprété comme un effet du rapprochement de l' Afrique et de l'Europe. Les données
paléomagnétiques précisent que cette convergence
débute aux environs de la création de l'anomalie 34,
c'est-à-dire au Santonien, 10 Ma avant le paroxysme
anté-maestrichtien. Est-ce à dire que la compression
avait commencé plus tôt? Je le pense. En effet, l'ouverture du Golfe de Gascogne s'arrête des le début
du Campanien. Enfin, un certain laps de temps
parait nécessaire pour que l'espace situé entre l'Est
de l'lbérie et l'Europe disparaisse et qu'intervienne
la collision des deux plaques. Car iI est probable
que cette rencontre entre deu x lithosphêres continentales épaisses est à l'origne du paroxysme te ctonique anté-maestrichtien.
Au Paléocene, la fermeture entre l'Europe et
l'Ibérie se poursuit dans le Golfe de Gascogne dont
la croute océanique plonge sous le Nord de la plaque
ibérique, le long de la fosse nord-espagnole. Cette
subduction peut expliquer l'importance du soule-
237
vement des bancs de Galice et sans doute des régions
plus méridionales. C'est seulement à l'Eocene supérieur, apres une seconde phase paroxysmale (collision à l'Ouest des pyrénées) que cessera le rapprochement.
Nous admettrons que la convergence entre l'Ibérie et l'Europe débute au Campanien inférieur et
qu'un premier blocage du rapprochement est à l'origine de la phase compressive anté-maestrichtienne.
Les conséquences: Cette phase tecto nique provoque le soulévement de certains compartiments (Montanhas dos Príncipes de Avis ... ). Localement s'observent des plissements, des érosions ou des régressions.
Mais certaines régions sont relativement épargnées
(le Nord de l'accident de Nazaré ... ). C'est une déformation discontinue, caractérisque de la remobilisation d'accidents anciens (les décrochements tardi-hercyniens) à l'intérieur d'une plaque soumise à
une compression. Une tectonique de blocs identiques existe dans d'autre régions. Elle se traduit par
des inversions de bassin, comme en mer du Nord
au Maestrichtien et au Paléocene (ZIEGLER, 1975).
Aussi peut-on penser que l'inversion de subsidence
entre l'Estremadura et sa bordure (le futur bassin
du Tejo) date de cette époque.
Mais d'autres phénomenes, probablement contemporains de la mi se sous tension de la plaque ibéri que, semblent précéder le paroxysme anté-maestrichtien. Au Portugal, c'est l'épisode volcanique du
Campanien, en particulier l'intrusion des massifs
de Sintra, Sines et Monchique. Ces massifs de type
anorogénique se mettent en place, toujours en distension (BONIN & LAMEYRE, 1978). Cependant, leur
forme elliptique suggere qu'ils ont subi une déformation ductile le long d'un décrochement (STEPHENSON, 1976). Aussi A. RIBEIRO (1980) imagine leur
intrusion au niveau d'un grande décrochement NNW-SSE le long duquel les contraintes deviendraient
localement distensives (formation de bassins losangiques au niveau des courbures de l'accident). Se
référant au schéma de J. S. MARSH (1973) qui souligne la re1ation entre les intrusions alcalines et les
directions transformantes en domaine continental,
ii propose que cet accident néoformé soit lié aux
directions d'ouverture du Golfe de Gascogne. Si
mes données confortent l'existence de ce grand
accident, elles réfutent son origine supposée.
Ce décrochement n'est pas directement visible
en superficie, surtout à terre. Mais, sur la plate-forme
existe un alignement tout à fait remarquable de fractures NW-SE qui forment une ceinture inc1uant les
trois intrusions (fig. 1). Cette ceinture part des accidents bien développés au Nord-Ouest de Sintra
(iIs délimitent actuellement le bassin néogene du
Mar da Ericeira; M. E., fig. 1), passe à l'Ouest de
l' Arrábida, jusqu'au massif de Sines (ces failles sont
visibles grâce à leur rejeu au Néogene). Au Sud, la
ceinture est plus difficile à suivre. L'accident de
Sines (A. S., fig. 1) qui sépare deux anomalies magnétiques lui appartient peut-être, ainsi que celui d' Albufeira (A. A., fig. 1) qui a guidé la mise en place
d'un diapir et, sur la pente, le creusement d'une
grande excavation, la fossa Diogo Cão. II n'est pas
possible de savoir si toutes ces failles ont joué au
Campanien. Toutefois, elles sont paralleles aux
décrochements dextres NW-SE qui sont synchrones
des intrusions (leur décalage dans l'encaissant est
absorbé par la déformation ductile des massifs) et
238
pourraient être considérés comme des failles synthétiques associées au grand décrochement NNW-SSE.
La chronologie montre c1airement que le jeu de
cet accident ne peut être contemporain de l'ouverture du Golfe de Gascogne: celle-ci était terminée
au moment de la mise en place de ces massifs (voir
tableau). Par contre, le sens du décrochement (dextre) et son orientation (NNW-SSE) sont compatibles
avec la direction principale de raccourcissement
(cr1' NNE-SSW; fig. 1) connue à l'époque. Chronologiquement et structuralement, l'intrusion de ces
trois massifs est donc contemporaine du début du
rapprochement entre l' Afrique, l'Ibérie et l'Europe.
On peut d'ailleurs remarquer que leur alignement est
situé dans le prolongement d'un décalage dextre
important de la fosse nord-espagnole (au niveau
de Theta Gap; GRIMAUD et aI., 1982).
En définitive, la mise en place des intrusions de
Sintra, Sines et Monchique illustre un type de déformation en compression ayant pu affecter la pIa que
ibérique avant le paroxysme anté-maestrichtien.
CONCLUSION
L'étude de la phase compressive du Crétacé terminal me conduit à proposer le modele suivant. Au
début du Campanien, le rapprochement de l' Afrique
et de l'Europe est à l'origine d'une mise sous tension
de la plaque ibérique. Les contraintes d'orientation
méridienne provoquent un décrochement dextre profond qui guide l'intrusion des massifs de Sintra,
Sines et Monchique. A la fin du Campanien, une
premiere collision à l'Est des Pyrénées augmente
brutalement ces contraintes. II en résulte, à l'Ouest
du Portugal, une inversion de bassin, des soulevements accompagnés d'érosions ou de régressions,
et des plis à l'origine de la discordance anté-maestrichtienne.
Au Paléocene et à l'Éocene inférieur, la convergence entre l'Europe et l'Ibérie se poursuit jusqu'à
ce qu'une deuxieme collision (Éocene supérieur)
bloque le rapprochement. Ce second paroxysme
tectonique est à l'origine de nouvelles déformations,
si importantes au Sud du Portugal qu'elles masquent
les conséquences éventuelles de la phase crétacé terminal.
REMERCIEMENTS
Je remercie G. Boillot qui a bien voulu relire avec attention et
critiquer ce manuscript. Grâce à leur grande connaissance de la
géologie portugaise, P. Y. Berthou et A. Ribeiro m'ont éclairé sur
bien des points de l'évolution envisagée.
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