UNE PHASE DE COMPRESSION AU CRÉTACÉ TERMINAL ... A L'OUEST nu PORTUGAL: QUELQUES ARGUMENTS * por DENIS MOUGENOT ** RESUMO Durante o Cretácico superior a evolução geológica da bacia lusitaniana foi profundamente perturbada. Apresentam-se diferentes análises (paleogeográfica, tectónica, cinemática) desse acontecimento, baseadas em pesquisas submarinas. Elas confirmam a existência de uma fase tectónica ante-maestrichtiana, relacionada com a aproximação entre a África, a Ibéria e a Europa. Esta compressão teria originado a instalação, ao longo de um desligamento, dos maciços subvu1cânicos de Sintra, Sines e Monchique. RÉsUMÉ Au Crétacé supérieur, I'évolution géologique du bassin lusitanien est profondément bouleversée. Différentes approches (paléogéographique, tectonique, cinématique) de cet événement, qui doivent beaucoup aux recherches sous-marines, sont menées. Elles confirment I'existence d'une phase tectonique anté-maestrichtienne qui est un effet du rapprochement entre l'Afrique, I'Ibérie et I'Europe. Une conséquence de cette compression est la mise en place, le long d'un décrochement, des massifs subvo1caniques de Sintra, Sines et Monchique. Je me propose d'apporter quelques arguments à la connaissance des phénomenes qui, au Crétacé terminal, ont profondément bouleversé l'évolution géologique du bassin lusitanien. De nouvelles connaissances sur la paléogéographie, la tectonique et la cinématique de la Péninsule ibérique qui doivent beaucoup aux recherches sous-marines, permettent différentes approches de cet événement. Ces données confirment l'existence d'une phase de compression anté-maestrichtienne. L'APPROCHE PALÉOGÉOGRAPHIQUE Aterre, le bassin lusitanien correspond à un accumulation presque continue de sédiments néritiques, du Trias supérieur (série des «Gres de Silves»; PALAIN, 1976), au Turonien (calcaires à Pachyvascoceras; BERTHOU, 1978). Ces dépôts sont conservés dans le fossé tectonique d'un ancien rift continental (la «fosse mésozoique portugaise») et sur ses bordures. Ce bassin est une conséquence de l'ouverture de l'Atlantique nord entre l'Amérique (Terre-Neuve) et l'Ouest de la Péninsule ibérique. Des événements bien différents marquent la période qui va du Sénonien à la fin de l'Oligocene. 11 n'y a pas de dépôts marins, sauf au Campanien dans deux golfes d'extension restreinte (dans la région de Mira et sous le bassin du Tejo). La portion centrale de la «fosse mésozoique portugaise» se souleve et s'érode; elle forme le horst de l'Estremadura situ é dans le prolongement de la Cordilheira Central. Au contraire, sa bordure s'affaisse, donnant naissance à une cuvette endoréique ou s'accumulent des séries continentales paléogenes (<<formation de Benfica» ... ) et qui préfigure le bassin néogene du Tejo. On attribue à une phase tecto nique (phase «laramienne»; ANTUNES, 1980) ce changement de l'évolution géologique au Portugal. Mais on ne peut en préciser ni la chronologie ni les causes. Les marges continentales conservent un enregistrement sédimentaire plus continu que les bassins adjacents émergés. Sur ·la plate-forme continentale portugaise au Nord de l'accident de Nazaré (A. N., fig. 1; BOILLOT et. aI., 1975), des sédiments marins semblent se déposer en continuité, du Cénomanien jusqu'à l'Eocene supérieur. A la fin du Sénonien, ils montrent le début d'une évolution régressive. Des dépôts grossiers, néritiques à faune benthique prédominante (Nummofallotia ... ) du Campanien-Maes- * Contribution nO 171 du Groupe d'Étude de la Marge Continentale (ERA 605). ** Université P. & M. Curie (paris VI) et Station de Géodynamique sous-marine, B. P. 48, 06230 Villefranche-sur-Mer, France. 233 10° 41° 38° 37° 50km 10° 234 fig. 1 - Carte schématique du Portugal. Aterre, les accidents et les affleurements sont tirés de la Carta geológica de Portugal au 1/500000 (1972) et de la Carta tectónica de Portugal au 1/1000000 (1972). En tireté vertical, le socIe; en hachuré horizontal, la couverture mésozo'ique; en pointillé, les bassins tertiaires. Les accidents reportés sur la plate-forme ccntinentale proviennent de la Carta Geológica da Plataforma Continental au 1/1000000 (1978). En tiretés, les accidents profonds. A., position du perfil sismique (fig. 2). L'encart représente une interprétation schématique possible du dispositif de mise en place des trois massifs subvolcaniques. C1 , direction de raccourcissement. A.A.: accident d'Albufeira; A.N.: accident de Nazaré; A.R.: Arrábida; A.S.: accident de Sines; F.G.: faille de Guia; F.M.: faille de Mesquita; F.O.: faille d'Odemira; F.P.: faille de Portimão; F.S.: faille de Sesimbra; M.E.: mar da Ericeira; M.P.A.: Montanhas dos Príncipes de Avis. Fig. 2 - Pro/i! sismique A. La eoupe-temps montre la diseordanee <4 du Maestriehtien e du Paléoeene (e8 -e) sur (e1). ,Ces eouehes et .la, diseontinuité qU'elles surmontent, sont ?éformées dans un synelinal (se) d age eoeene supeneur. L ensemble est faIlle (f) et tronque par une surfaee d'aplarussement néogene. Pcsition sur la figure 1. I~A Cré!aeé inférie31~ · trichtien, succedent à des marno-calcaires à microfâune pélagique (Calcisphaerula et Globotruncanidés) du Turonien-Campanien. Au Paléocene, cette évolution s'accentue puisque l'on a pu prélever des calcaires à Microcodium. Au Sud de l'accident de Nazaré (BALDY et ai., · 1977), la plate~forme actuelle semble émergée et · soumise à l'érosion, comme à terre. Cependant, dans · un petit bassin synclinal situé à I'Ouest de Sintra · (fig. 2), on a idelitifié du Maestrichtien néritique à Nummofallotia. Sur la marge à l'Ouest du Baixo ,Alentejo (MOUGENOT et ai., 1980), à l'endroit des reliefs sous-marins appelés Montanhas dos Príncipes de Avis (M. P. A., fig. 1), le Maestrichtien est néritique (calcaire à Orbitoidés). Par contre, plus au Sud et plus à I'Ouest, iI a été retrouvé sous un facies pélagique (marnes à Globotruncana). Une telle différenciation paléo-bathymétrique n'existait pas auparavant: à I'emplacement des Montanhas dos Príncipes de Avis, les dépôts du Turonien et du Campanien sont pélagiques (micrites à Globotruncanidés). Sur la marge ouest-portugaise, une diminution de la profondeur d'eau s'observe donc au Campanien. A terre, la régression la plus importante intervient pendant le Turonien, mais de petits golfes marins apparus au Campanien disparaissent apreso Cette évolution régressive s'accentue à la fin du Maestrichtien puisque les calcaires à Microcodium d'âge paléocene sont des facies lacustres. Enfin, sur les bancs de Galice, au Nord de la marge ouest-ibérique (BOILLOT et ai., 1979), la profondeur d'eau varie brusquement à la limite du Crétacé et du Paléogene: un calcaire néritique de I'Eocene moyen remaniant des Microcodium succede à un dépôt bathyal du Maestrichtien supérieur. En définitive, les changements de facies s'étalent du Turonien, à terre, au Paléocene, sur la marge continentale. L'APPROCHE TECTONIQUE Au Crétacé terminal se mettent en place les trois massifs sub-volcaniques de Sintra, Sines et Monchique. Leur datation isotopique (Rb-Sr, sur roche totale et sur minéraux) effectuée par F. MENDES (1968), présente une dispersion importante. Néan- moins, I'auteur conclut que ces intrusions sont synchrones à 76:t: 4 Ma (Campanien). Cet âge est confirmé par N. M. S. ROCK (1976) dans son étude isotopique sur le massif de Monchique. Peu apres (72 ± 3 Ma) s'épanchent des formations volcaniques (basaltes de Lisboa). Enfin, I'intrusion de Sintra au sein d'une épaisse couverture jurassique, s'accompagne de dérormations importantes (apparition d'une schistosité dans le Malm et, à une autre échelle, formation d'un anticlinal chevauchant vers le Nord, la dorsale Sintra-Caneças). Comme le remarquait C. TEIXEIRA (1962), ces trois massifs forment un alignement presque rectiligne, de direction NNW-SSE (fig. 1). Allongées d'Est en Ouest, ces intrusions sont traversées par des décrochements dextres NW-SE, mais qui ne les décalent pas: la faille de Portimão (F. P., fig. 1) qui passe à l'Ouest de Fóia (massif de Monchique); la faille de Guia (F. G., fig. 1) et d'autres paralleles qui découpent le massif de Sintra en inselberge morphologiquement bien individualisés (à terre, Monge et Pico da Pena). Sur le massif de Sines, beaucoup moins proéminent, les anomalies magnétiques (MENDES VICTOR in CANILHO, 1971) suggerent qu'un décrochement dextre, d'orientation identique, sépare le massif en deux blocs (Chãos et du Farol). Au Crétacé terminal, il existe aussi des déformations liées à une phase de compression. En bordure de la plate-forme, à l'Ouest de Sintra (coupe A, fig. 1), un profil sismique (fig. 2) montre que le Maestrichtien repose par une discordance angulaire sur des terrains déformés du Crétacé inférieur (dont du Barrémien). Cette discordance anté-maestrichtienne est reprise par une déformation ultérieure (Éocene supérieur). Sur la marge à I'Ouest du Baixo-Alentejo, la sismique réflexion indique également une discontinuité au sein des formations bien stratifiées d'age crétacé supérieur à éocene inférieur. Cette discontinuité, due à une régression ou à une légere déformation, pourrait être d'âge anté-maestrichtien. 11 existe d'ailleurs au Campanien supérieur des mouvements tectoniques à I'Est des Pyrénées. Ils provoquent le «chevauchement nord-pyrénéen» qui est cacheté par du Garumnien (molasses continentales débutant à la fin du Campanien; BILOTTE, 1978). 235 Tableau 1 CHRONOLOGIE DES ÉVÉNEMENTS AU SÉNONIEN A G E I---""T"""------l ANOMALlE MAGNET. étage absolu 65- - - '70- z W I:I: MOUVEMENTS RELATIFS DES PLAQUES PERI-ATLANTIQUES r-- 31 émersion ........- _ rapprochement entre I' Afrique, l'lbérie et l'Europe 2 te I- o W <C ~ I - - 32 - - - - I z I 1-1___ ~ Z <C Q. ~, <C O 1--33 80- - I I I I I I I I I I I' ~34 85Ma , 1- discordanee premiêre collision entre "Ibérie et I' Europe (pyrénées orientales) - 75- PORTUGAL SANTONIEN 1-- ~, soulevements I - volcanlsme subduetion de la eroute oeéanique sous le Nord de l'lbérie(fermeture du Golfe de Gascogne) et raccourcissement de la croüte continentale amin cie (pyrénées) - I-- intrusion des massifs subvolcanlques fin de I' ouverture du Golfe de Gascogne ...._ _ _ divergence Ibérie-Europe (ouverture du Golfe de Gascogne) "'411--- réorientation majeure des ouvertures entre l'lbérie, I' Afrique et les Amél'iques Ce tableau montre la relation entre les âges abso:us, les étages et les anomalies magnétiques conformément à l'échelle définie par R. SCHLICH et aI. (1979). Les événements au Portugal sont corrélés avec les mouvements relatifs des plaques Amérique, Europe, Ibérie, Afrique. Enfin, des études microtectoniques menées sur l'ensemble du bassin méditerranéen (LETOUZEY & TREMOLIERES, 1980) montrent que cette phase anté-maestrichtienne correspond à un état de contrainte en compression dont la composante principale 0'1 est orientée N-S à NNE-SSW. Cette direction de raccourcissement se retrouve au Portugal dans les calcaires jurassiques de l' Arrábida et ceux du Cénomanien supérieur de la région de Lisboa (LEPVRlER & MOUGENOT, en préparation) sans qu'iI soit possible de la situer dans Ie temps ave c plus de précision. L'APPROCHE CINÉMATIQUE II est possible de reconstituer la position relative des plaques aux époques révolues en étudiant les anomalies du champ magnétique induites par la croute océanique. Ainsi, la séquence d'inversion de Heirtzler, qui va de I'anomalie 34 (83 Ma, Santonien) jusqu'à I'actuelle, a permis à Y. KRISTOFFERSEN (1978) de retracer l' ouverture de l' AtIantique nord par écartement progressif de l' Amérique du Nord, de I'Europe et de l'Ibérie. Utilisant toutes les inversions magnétiques (de 148 Ma, Kimméridgien, jusqu'à I'actuel) de l' AtIantique central, J. L. OLIVET (1978) a précisé Ies mouvements relatifs de l' Afrique par 236 rapport aux plaques précédentes. De ces deux études ressortent les faits suivants, qui concernent les déplacements de la pIa que ibérique (voir tableau 1). - L'lbérie se sépare completement de l' Amérique du Nord à I'anomalie J (110 Ma, Aptien). Elle s'écarte alors conjointement avec l' Afrique de l' Amérique du Nord. - Peu avant I'anomalie 34 (85 Ma, Santonien), on observe une réorientation importante dans Ies mouvements d'ouverture entre l'lbérie, l' Afrique et les deux Amériques (SIBUET & MAscLE, 1978; AUZENDE et aI., 1981). Une premiere ouverture franche entre l'Europe et I' Amérique du Nord commence au Sud de la zone de fracture Gibbs. Ces deux événements semblent avoir pour conséquence Ie début du rapprochement entre l' Afrique et I'Europe (fig. 3). - L'écartement entre I'lbérie et I'Europe s'arrête entre Ies anomalies 34 et 33 (81 Ma, base du Campanien). Aussi, ii est probable que la fin de I'ouverture du Golfe de Gascogne est une conséquence du rapprochement entre I' Afrique et l'Europe. Mais iI est difficile de préciser si la convergence entre l'lbérie et l'Europe débute aussitôt. En définitive, un bouleversement dans Ies rapports entre la Péninsule ibérique et Ies plaques environnantes intervient à peu pres au moment ou se m 700 EUROPE J • Niveau absolu de I'ocean au dessus de J'actuel 500 I BERIE '. J .. ,33 ·······l········· "j~33 .... __ ==--_ -_ ,-..........-' .... . Campo o '" AFRIQUE Fig. 3 - Mouvement relatif des plaques lbérie et Afrique par rapp0ll"t à L'Europe supposée stable (carte d'apres AUZENDE etl aI., 1979). On lit, sur cette figure, la trajectoire dans le temps des points O. Un changement de trajectoire important intervient à l'anomalie 34 (83 Ma, Santonien). Les auteurs l'ont représenté à l'anomalie 33 (79 Ma, Campanien) car H est plus facHe de reconstituer la position relative des plaques (en tireté, celle de I'Afrique) à cette époque. L'Ibérie commence à se déplacer par rapport à l'ensemble Amérique du NordcEurope à l'anomalie J (110 Ma, Aptien). J.,'Afrique a débuté son ouverture bien avant. crée l'anomalie 34. L' Atlantique poursuit son ouverture selon des directions différentes et les plaques Afrique, Ibérie, Europe deviennent alors convergentes. LA PHASE COMPRESSIVE MINAL 100 nu CRÉTACÉ TER- Chacune des approches précédentes permet de définir des limites de temps durant lesquelles un changement est intervenu et éclaire des aspects parti culiers de cette évolution. La confrontation de ces données établit l'existence d'une phase compressive dont ii est possible de préciser la chronologie, les causes et de mesurer les conséquences. La chronologie: la régression sénonienne est interprétée classiquement comme l'effet d'une phase tectonique. Aterre, elle débute durant le Turonien. En mer, une diminution de la tranche d'eau intervient au Campanien. J'explique ce diachronisme par l'intervention de deux mécanismes différents: - La régression turonienne est probablement d'origine eustatique. Si l'on se réfere à la courbe de variation absolue du niveau des océans durant le Crétacé supérieur de J. M HANCOCK & E. G. KAUFFMAN (1979; fig. 4), iI se produit au Turonien une importante diminution de la profondeur d'eau. - Par contre, le niveau de la mer monte au Campanien et au Maestrichtien. Seul un souIevement peut donc provoquer la régression observée au Portugal et sur la plate-forme à la fin du Campanien. Je propose d'expliquer cette déformation par une phase compressive à la limite du Campanien et du Maestrichtien. C'est à ce paroxysme tectonique, contemporain de la déformation des Pyrénées orien- 100 90 80 Age M.A. 70 Fig. 4 - Variations eustatiques absolues durant le Crétacé supérieur (courbe d'apres HANCOCK & KAUFFMAN, 1979). Cette figure montre que le niveau absO>!u des océans au Crétacé supérieur était bien supérieur à l'actuel (probablement pas autant que l'envisagent les auteurs). L'augmentation de profondeur de la tranche d'eau à cette époque est causée par la dilatation des dorsales océaniques. Elle est interrompue par une diminution au Turonien et à la fin du Maestrichtien qui se prolongera durant tout le Tertiaire. tales, que correspond la discordance anté-maestrichtienne. La déformation s'accentue probablement au Paléocene, 'au moins au Nord de la marge ouest-ibérique: la seule régression eustatique fini-maestrichtienne ne saurait en effet expliquer l'importance de la diminution de profondeur (plus de 1 000 m) des bancs de Galice. En définitive, tout porte à penser qu'iI s'est produit un paroxysme tectonique à la limite du Campanien et du Maestrichtien. Cet événement ré suite d'une augmentation des contraintes appliquées à la plaque ibérique. Mais sa mise en évidence au Sénonien terminal ne signifie pas que la compression débute ou se termine à cette époque. Les causes: les études microtectoniques montrent qu'un raccourcissement méridien s'est produit au Portugal apres le Cénomanien. Les contraintes responsables de cette déformation paraissent générales dans le domaine alpino Elles sont attribuées à un événement compressif d'âge crétacé terminal à éocene, lui-même interprété comme un effet du rapprochement de l' Afrique et de l'Europe. Les données paléomagnétiques précisent que cette convergence débute aux environs de la création de l'anomalie 34, c'est-à-dire au Santonien, 10 Ma avant le paroxysme anté-maestrichtien. Est-ce à dire que la compression avait commencé plus tôt? Je le pense. En effet, l'ouverture du Golfe de Gascogne s'arrête des le début du Campanien. Enfin, un certain laps de temps parait nécessaire pour que l'espace situé entre l'Est de l'lbérie et l'Europe disparaisse et qu'intervienne la collision des deux plaques. Car iI est probable que cette rencontre entre deu x lithosphêres continentales épaisses est à l'origne du paroxysme te ctonique anté-maestrichtien. Au Paléocene, la fermeture entre l'Europe et l'Ibérie se poursuit dans le Golfe de Gascogne dont la croute océanique plonge sous le Nord de la plaque ibérique, le long de la fosse nord-espagnole. Cette subduction peut expliquer l'importance du soule- 237 vement des bancs de Galice et sans doute des régions plus méridionales. C'est seulement à l'Eocene supérieur, apres une seconde phase paroxysmale (collision à l'Ouest des pyrénées) que cessera le rapprochement. Nous admettrons que la convergence entre l'Ibérie et l'Europe débute au Campanien inférieur et qu'un premier blocage du rapprochement est à l'origine de la phase compressive anté-maestrichtienne. Les conséquences: Cette phase tecto nique provoque le soulévement de certains compartiments (Montanhas dos Príncipes de Avis ... ). Localement s'observent des plissements, des érosions ou des régressions. Mais certaines régions sont relativement épargnées (le Nord de l'accident de Nazaré ... ). C'est une déformation discontinue, caractérisque de la remobilisation d'accidents anciens (les décrochements tardi-hercyniens) à l'intérieur d'une plaque soumise à une compression. Une tectonique de blocs identiques existe dans d'autre régions. Elle se traduit par des inversions de bassin, comme en mer du Nord au Maestrichtien et au Paléocene (ZIEGLER, 1975). Aussi peut-on penser que l'inversion de subsidence entre l'Estremadura et sa bordure (le futur bassin du Tejo) date de cette époque. Mais d'autres phénomenes, probablement contemporains de la mi se sous tension de la plaque ibéri que, semblent précéder le paroxysme anté-maestrichtien. Au Portugal, c'est l'épisode volcanique du Campanien, en particulier l'intrusion des massifs de Sintra, Sines et Monchique. Ces massifs de type anorogénique se mettent en place, toujours en distension (BONIN & LAMEYRE, 1978). Cependant, leur forme elliptique suggere qu'ils ont subi une déformation ductile le long d'un décrochement (STEPHENSON, 1976). Aussi A. RIBEIRO (1980) imagine leur intrusion au niveau d'un grande décrochement NNW-SSE le long duquel les contraintes deviendraient localement distensives (formation de bassins losangiques au niveau des courbures de l'accident). Se référant au schéma de J. S. MARSH (1973) qui souligne la re1ation entre les intrusions alcalines et les directions transformantes en domaine continental, ii propose que cet accident néoformé soit lié aux directions d'ouverture du Golfe de Gascogne. Si mes données confortent l'existence de ce grand accident, elles réfutent son origine supposée. Ce décrochement n'est pas directement visible en superficie, surtout à terre. Mais, sur la plate-forme existe un alignement tout à fait remarquable de fractures NW-SE qui forment une ceinture inc1uant les trois intrusions (fig. 1). Cette ceinture part des accidents bien développés au Nord-Ouest de Sintra (iIs délimitent actuellement le bassin néogene du Mar da Ericeira; M. E., fig. 1), passe à l'Ouest de l' Arrábida, jusqu'au massif de Sines (ces failles sont visibles grâce à leur rejeu au Néogene). Au Sud, la ceinture est plus difficile à suivre. L'accident de Sines (A. S., fig. 1) qui sépare deux anomalies magnétiques lui appartient peut-être, ainsi que celui d' Albufeira (A. A., fig. 1) qui a guidé la mise en place d'un diapir et, sur la pente, le creusement d'une grande excavation, la fossa Diogo Cão. II n'est pas possible de savoir si toutes ces failles ont joué au Campanien. Toutefois, elles sont paralleles aux décrochements dextres NW-SE qui sont synchrones des intrusions (leur décalage dans l'encaissant est absorbé par la déformation ductile des massifs) et 238 pourraient être considérés comme des failles synthétiques associées au grand décrochement NNW-SSE. La chronologie montre c1airement que le jeu de cet accident ne peut être contemporain de l'ouverture du Golfe de Gascogne: celle-ci était terminée au moment de la mise en place de ces massifs (voir tableau). Par contre, le sens du décrochement (dextre) et son orientation (NNW-SSE) sont compatibles avec la direction principale de raccourcissement (cr1' NNE-SSW; fig. 1) connue à l'époque. Chronologiquement et structuralement, l'intrusion de ces trois massifs est donc contemporaine du début du rapprochement entre l' Afrique, l'Ibérie et l'Europe. On peut d'ailleurs remarquer que leur alignement est situé dans le prolongement d'un décalage dextre important de la fosse nord-espagnole (au niveau de Theta Gap; GRIMAUD et aI., 1982). En définitive, la mise en place des intrusions de Sintra, Sines et Monchique illustre un type de déformation en compression ayant pu affecter la pIa que ibérique avant le paroxysme anté-maestrichtien. CONCLUSION L'étude de la phase compressive du Crétacé terminal me conduit à proposer le modele suivant. Au début du Campanien, le rapprochement de l' Afrique et de l'Europe est à l'origine d'une mise sous tension de la plaque ibérique. Les contraintes d'orientation méridienne provoquent un décrochement dextre profond qui guide l'intrusion des massifs de Sintra, Sines et Monchique. A la fin du Campanien, une premiere collision à l'Est des Pyrénées augmente brutalement ces contraintes. II en résulte, à l'Ouest du Portugal, une inversion de bassin, des soulevements accompagnés d'érosions ou de régressions, et des plis à l'origine de la discordance anté-maestrichtienne. Au Paléocene et à l'Éocene inférieur, la convergence entre l'Europe et l'Ibérie se poursuit jusqu'à ce qu'une deuxieme collision (Éocene supérieur) bloque le rapprochement. Ce second paroxysme tectonique est à l'origine de nouvelles déformations, si importantes au Sud du Portugal qu'elles masquent les conséquences éventuelles de la phase crétacé terminal. REMERCIEMENTS Je remercie G. Boillot qui a bien voulu relire avec attention et critiquer ce manuscript. Grâce à leur grande connaissance de la géologie portugaise, P. Y. Berthou et A. Ribeiro m'ont éclairé sur bien des points de l'évolution envisagée. BIBLIOGRAPHIE ANTUNES, M. T. (1980) - Crétacé terminal. ln Portugal, Introduction à la géologie générale. 26e C. G. I, Paris, pubI. G. 14. AuzENDE, J. M., BEUZART, P., OLIVET, J. L. & BONNIN, J. 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