Pour un changement de logique économique D epuis plusieurs décennies, la logique économique dominante mise sur la création de la richesse par l’entreprise privée à capital-actions et les politiques économiques sont établies pour favoriser son essor. Pourtant, force est de constater que la théorie de « l’effet percolateur » selon laquelle la richesse ainsi créée bénéficie à l’ensemble de la société et assure la prospérité de tous, ne tient pas la route ! Au contraire, une étude récente de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) indique clairement qu’en dépit d’un accroissement de la richesse dans les pays industrialisés, l’écart entre les riches et les pauvres n’a cessé de s’accroî tre et les problèmes sociaux et environnementaux de se multiplier. Plus que jamais, il est nécessaire de repenser la logique économique qui nous a mené vers cette situation. Toutefois, tout n’est pas à rejeter dans le modèle québécois. !"#$%&#$'!(#$)&$%*+, -.$%&#$/&0&"1#$)&#$23$4$%&#$'%1#$/567&#$#8"9$ &"$:8(&""&$#1';/5&1/#$)&$'/<#$)&$"&1=$=85#$!1>$/&0&"1#$)&#$23$4$%&#$ plus pauvres. Source Croissance et inégalités, OCDE, 2008, www.oecd.org À plus d’un titre, le Québec détient des avantages indéniables. Depuis plusieurs décennies, les acteurs locaux, les citoyens, les syndicats, les acteurs sociaux, environnementaux et culturels s’impliquent activement dans le développement de leur économie locale et régionale. Plusieurs collectivités ont montré la voie dans la revitalisation des quartiers urbains et villages ruraux. L’essor de l’économie sociale au Québec fait partie d’un mouvement international grandissant en faveur d’une économie plus juste, équitable et durable. Le Forum international de l’économie sociale et solidaire qui s’est tenu à Montréal en octobre 2011 illustre que ce mouvement est en pleine effervescence et que nous sommes de plus en plus nombreux à réclamer haut et fort la nécessité de reconnaî tre pleinement le potentiel de cette économie à valeurs humaines. Si les impacts néfastes de la dernière crise ont été moins percutants au Québec, les experts s’accordent pour dire que la résilience de l’économie québécoise s’explique en grande partie par sa diversité. Cette diversité s’exprime, entre autres, par la multiplicité des formes d’entreprises présentes dans l’économie québécoise et, notamment, par la présence d’entreprises d’économie sociale de formes coopérative, associative et mutualiste. Il est maintenant reconnu, notamment par le ministère du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation, que ces entreprises collectives ont 4 une durée de vie plus longue, sont plus stables et ont un enracinement et une forme de propriété qui font en sorte que les retombées de leurs activités économiques sont plus importantes que celles des entreprises privées traditionnelles. Pourquoi ? ?$ @&# &:'%85# A1*&%%&# 6/;&"9 )&:&1/&"9 %86!1> &9 68"9/5B1&"9 C %199&/ contre la pauvreté. ?$ @&1/$:8)&$)*8/D!"5#!958"$=!08/5#&$1"&$'/5#&$&"$67!/D&$)&#$ communautés par les communautés elles-mêmes, un contrôle et un pouvoir accrus sur la réponse à leurs propres besoins (empowerment). ?$ @&#$#1/'%1#$A1*&%%&#$D;"</&"9$#8"9$/;5"0&#95#$)!"#$%!$68::1"!19;E ?$ @&1/#$:5##58"#$#865!%&#.$61%91/&%%&#$&9$&"05/8""&:&"9!%&#$ produisent des retombées qui vont au-delà de la création d’emploi et des rendements financiers. ?$ @!$9/!"#'!/&"6&$&#9$)&$:5#&$)!"#$%!$D&#958"$)&#$68"9/!9#.$ notamment lorsqu’elles réalisent des contrats publics. Concernant les services publics... Les Québécois paient 7 milliards de plus à l’État que les Ontariens, mais ils reçoivent 17,5 milliards de plus en services de l’État que les Ontariens ! Références « Quand les brutes parlent de dette, c’est pas net ! », Le blogue de JeanFrançois Lisée, L’Actualité.com, le 2 mars 2010. Gill, Louis, L’heure juste sur la dette du Québec, Économie Autrement, http://www.economieautrement.org/IMG/pdf/Gill_Dette_Heurejuste.pdf Voilà un ensemble de raisons qui plaident pour une plus grande place des entreprises collectives dans l’économie québécoise ! Le potentiel de l’économie sociale comme vecteur de développement doit être pris au sérieux au Québec et non plus considéré comme un phénomène marginal, un pis-aller quand le secteur privé ne veut pas occuper un marché ou réaliser un mandat d’intérêt public. Il est temps que la place occupée par les entreprises d’économie sociale dans des secteurs lucratifs soit reconnue. Du Plan Nord aux énergies renouvelables, du secteur manufacturier aux nouvelles technologies de l’information, il importe plus que jamais d’opérer un changement de logique économique afin que les entreprises collectives soient tout autant l’objet de reconnaissance et de soutien que les entreprises privées et publiques. L’avenir des municipalités « Une nouvelle donne se dessine pour l’ensemble de la société à l’horizon 2031 avec des transformations fondamentales sur le plan de l’économie et de l’environnement. Mais ce sont les changements démographiques qui atteindront une ampleur sans précédent. Leurs répercussions sociales auront une influence capitale sur l’avenir des communautés. Ce nouvel environnement montre à quel point le lieu sera au centre des enjeux sociaux, environnementaux et économiques à venir. C’est aussi autour du lieu, à l’échelle d’une ville ou d’une collectivité territoriale, qu’on peut arriver à façonner une réponse globale adaptée à des problématiques de plus en plus imbriquées et inextricables les unes par rapport aux autres. Des initiatives marquantes sur le plan de l’économie sociale démontrent, à cet égard, la capacité d’innovation intrinsèque des communautés. » Extrait du Livre Blanc sur l’avenir des municipalités, Union des municipalités du Québec, Février 2012. La coop au cœur du village : la mobilisation citoyenne au service du développement rural ! Le village Saint-Joachim-de-Shefford, situé dans la MRC de La Haute-Yamaska, est déjà connu pour son dynamisme qui a débouché sur le projet «Le Pays de la poire» : la création d’une coopérative qui plantera, entretiendra et cueillera des poires sur des terres inexploitées et qui les transformera en plusieurs produits du terroir. En février 2006, les propriétaires du seul dépanneur du village avisent la population qu’ils cesseront leurs activités. L’Opération Cœur du village est alors lancée. La Coalition du Pacte rural de Saint-Joachim-de-Shefford, celle qui avait lancé l’idée du Pays de la poire, et les citoyens se rassemblent et fondent une coopérative de solidarité qui va mettre sur pied un complexe multiservice de proximité. Celui-ci regroupera un dépanneur, un restaurant et un poste d’essence. Le bâtiment abritera aussi le bureau de poste. La création de la Coop Au cœur du village entraîne une vitalité qui contribuera à la survie de la petite école du village qui voyait sa clientèle scolaire diminuer d’année en année et qui, entretemps, est devenue une école primaire internationale ! Extrait du Livre Blanc sur l’avenir des municipalités, Union des municipalités du Québec, Février 2012. Proposition Adopter une loi cadre sur l’économie sociale qui reconnaî t la contribution des entreprises collectives, assure une pleine reconnaissance dans l’ensemble des institutions et politiques gouvernementales et établit un lieu de dialogue permanent avec le gouvernement du Québec dans le but de poursuivre la mise en place de nouvelles politiques publiques. Question ouverte Si on parlait de changement constitutionnel autrement? La constitution actuelle de l’Équateur, approuvée en 2008, vise à permettre à tous de « bien vivre ». Au cœur de ce concept se trouve la notion d’un système économique juste, démocratique, productif, solidaire et durable, en harmonie avec la nature. La constitution de l’Équateur est la première au monde à reconnaî tre des Droits de la nature ou droits des écosystèmes légalement exécutables. Elle établit que tout développement doit privilégier l’équité sociale et territoriale, avoir comme objectif de maintenir un environnement sain et durable garantissant aux personnes et aux collectivités l’accès équitable, permanent et de qualité à l’eau, à l’air, au sol et à tous les bénéfices des ressources qui s’y trouvent. Elle place l’humain comme sujet et fin de ce développement en encourageant la participation et le contrôle social des politiques et établit que celles-ci doivent être définies de façon participative. Elle identifie aussi le système économique comme étant social et solidaire (et non « de marché ») et formé à la fois d’entreprises publiques, privées, mixtes, populaires et solidaires où l’État a notamment comme rôle d’établir une politique active de développement de l’économie populaire solidaire comme forme d’organisation émancipatrice des travailleurs. Les coopératives, les entreprises pour un monde meilleur « L’ONU a déclaré 2012 Année internationale des coopératives. […] Elle reconnaî t que le modèle d’entreprise coopérative est un facteur majeur dans le développement économique et social et elle invite gouvernements, institutions internationales, les coopératives et les autres intervenants à soutenir le développement et la croissance des coopératives dans le monde entier. » Source Alliance coopérative internationale, http://www.ica.coop/fr/ Lois cadres En 2011, l’Espagne a adopté une loi cadre sur l’économie sociale. Cette loi cadre reconnaî t la contribution de l’économie sociale sous toutes ses formes – coopératives, associatives, mutuelles et fondations – et énonce des principes directeurs à toutes ses entités. Elle reconnaî t leur nature démocratique, transparente et participative, leur autonomie envers l’État et leur engagement envers la solidarité internationale, le développement local, l’égalité des chances, la cohésion sociale et l’inclusion. Elle institutionnalise cette reconnaissance de diverses façons, notamment par un lieu de dialogue permanent entre les acteurs publics et les organisations d’économie sociale. D’autres pays ont adopté des lois cadres (Équateur, Colombie, Honduras) et des démarches en faveur d’une loi cadre sont en cours dans plusieurs autres pays européens, africains et latinoaméricains. Quels sont les meilleurs moyens pour assurer une pleine reconnaissance de l’économie sociale dans les administrations et institutions publiques ? 5