MISE AU POINT
La Lettre du Neurologue - n° 6 - vol. II - décembre 1998
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dodécamérique répétée (CCCCGCCCCGCG)nau-delà de
40 répétitions, les sujets sains ne comportant que deux ou trois
répétitions.
ÉPILEPSIE À HÉRÉDITÉ COMPLEXE
L’épilepsie myoclonique juvénile (EMJ)
Cette épilepsie généralisée idiopathique (EGI), débutant à la
puberté, est caractérisée par la présence de myoclonies des
membres supérieurs, et moins fréquemment des membres infé-
rieurs, survenant principalement au réveil. Ces myoclonies sont
associées à des polypointes-ondes généralisées sur l’EEG. On
retrouve des crises tonicocloniques généralisées (CTCG) dans
90 % des cas au réveil, et, chez environ 30 % des patients, des
absences.
C’est dans l’EMJ que fut mise en évidence pour la première fois
une liaison génétique associée à une épilepsie. Greenberg et
coll., en 1988, ont retrouvé une liaison sur le chromosome
6p21.3 (locus EMJ1), au niveau des régions Bf et du complexe
HLA. Par la suite, certaines études retrouvèrent cette localisa-
tion en 6p et d’autres l’infirmèrent. La discordance de ces résul-
tats peut être rattachée à plusieurs causes. L’existence d’une
hétérogénéité génétique est probablement l’une d’entre elles,
mais ne sera démontrée que lorsque d’autres loci auront été
identifiés. Une autre inconnue, qui rend les études familiales
dans l’EMJ difficiles, est le mode de transmission exact de cette
épilepsie (hérédité mendélienne, complexe, ou les deux ?). La
pénétrance de l’EMJ est probablement variable d’une famille à
l’autre, ce qui complique également les analyses de liaison.
Dans les études publiées, de nombreux modèles sont appliqués
(monogéniques autosomiques dominants et récessifs, polygé-
niques codominants, etc., avec des pénétrances variables), ren-
dant ainsi difficiles les comparaisons et expliquant probable-
ment certaines discordances. Un des principaux écueils dans les
analyses génétiques familiales des EMJ est représenté par les
critères cliniques et paracliniques (EEG) qui définissent le phé-
notype “malade”. Certains étiquetteront “malade” des sujets
avec des CTCG ou des absences isolées, voire un sujet avec des
anomalies EEG isolées, alors que ces mêmes sujets auront un
statut “inconnu”, voire “sain”, dans d’autres études. En fait,
pour s’affranchir de ces inconnues, il est nécessaire de réaliser,
dans l’EMJ, en plus des études familiales classiques, des études
génétiques dites non paramétriques, comme des études de paires
de germains, de trios (malade et ses deux parents), cas-témoins.
Ces méthodes comparent la répartition de certains allèles de
gènes candidats ou de marqueurs génomiques anonymes, per-
mettant la mise en évidence des loci de gènes de susceptibilité
à développer une affection, y compris celles dont l’hérédité
n’est pas clairement établie. Ainsi, pour l’EMJ, quelques études
pilotes utilisant la méthode cas-témoins sont en cours, et cer-
tains résultats préliminaires publiés. Les gènes candidats les
plus étudiés dans l’EMJ sont les sous-unités des récepteurs
GABAergiques et les sous-unités des récepteurs nicotiniques à
l’acétylcholine.
CONCLUSION
Nous avons vu dans cet article quelques exemples d’épilepsies
héréditaires illustrant les avancées dans la connaissance de la
génétique des épilepsies, avec notamment la mise en évidence
de gènes impliqués dans au moins deux épilepsies idiopa-
thiques, l’EFNFAD et le CNFB.
Une autre information intéressante, débordant du cadre des épi-
lepsies pour concerner le domaine plus vaste de la génétique, est
la première description d’une mutation instable causée par l’ex-
pansion d’une séquence dodécamérique dans l’EMP de type
Unverricht-Lundborg. Cette découverte ouvre un nouveau
champ d’investigations pour les mutations instables, puisque,
jusque-là, ces mutations instables n’étaient représentées que par
des triplets (CAG, CGG, CTG, GAA).
Avec l’exemple de l’EMJ, nous avons voulu illustrer la com-
plexité de la génétique des EGI, qui nécessite des études com-
plexes et variées, paramétriques (études familiales classiques
d’analyse de liaison) et non paramétriques (paires de germains,
trios, cas-témoins).
Pour conclure, nous voudrions insister sur l’intérêt des études
génétiques relatives aux épilepsies. En effet, il est nécessaire
d’identifier les gènes de susceptibilité de ces affections et d’éta-
blir leur fonction physiologique, pour ensuite mener des études
pharmacologiques et mettre au point de nouveaux traitements
antiépileptiques. ■
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