WWW.PROFESSIONSANTE.CA OCTOBRE 2011 VOL. 58 N° 6 QUÉBEC PHARMACIE 33
Le traitement de la maladie de Raynaud
nitroglycérine 1 % à 2 %, les timbres transdermi-
ques (0,1 à 0,8 mg/hr) et les comprimés sublin-
guaux étaient ecaces dans de très petites étu-
des, mais leur place dans l’arsenal thérapeutique
du PR est encore controversée puisque leur uti-
lisation est souvent combinée à d’autres traite-
ments pharmacologiques et non pharmacologi-
ques22,23,24. Leur utilisation demeure limitée par
leurs effets secondaires, soit les maux de tête,
l’hypotension et la tolérance à long terme. Ainsi,
bien que la nitroglycérine topique ait été un des
premiers agents utilisés dans le traitement du
PR, elle est maintenant rarement prescrite
compte tenu des risques d’effets secondaires
graves. Une nouvelle formulation de nitroglycé-
rine topique, préparée dans une base de propy-
lène glycol, est présentement à l’étude au Canada
et aux États-Unis. Le MQX-503 aurait une faible
absorption systémique, ce qui lui conférerait un
profil d’innocuité plus acceptable. Dans une
étude26, l’application de MQX-503 0,5 % et
1,25 % lors des crises a réduit la gravité des cri-
ses, mais pas leur fréquence ni leur durée. L’inci-
dence des effets secondaires était similaire à
celle du groupe placebo.
Traitements de deuxième intention
Inhibiteurs des phosphodiestérases (PDE)
L’oxyde nitrique exerce ses eets vasodilatateurs
et son inhibition de l’activité plaquettaire en
générant de la GMPc. Les phosphodiestérases
sont des enzymes qui régulent les concentra-
tions intravasculaires de GMPc en les dégra-
dant rapidement in vivo. Les inhibiteurs de PDE
augmentent les concentrations de GMPc, pro-
duisant ainsi une relaxation des muscles lisses et
une vasodilatation15,20.
Plus récemment, les inhibiteurs des PDE-5
ont été l’objet de plusieurs études à cause de
leurs eets potentiels sur la circulation micro-
vasculaire et macrovasculaire. En effet, des
concentrations plus faibles de PDE-5 ont été
retrouvées non seulement dans le corpus caver-
nosum, mais également dans d’autres tissus,
comme les plaquettes, les muscles squelettiques
et les muscles lisses vasculaires et viscéraux.
Une augmentation de l’eet antiplaquettaire du
NO in vitro et in vivo, ainsi qu’une dilatation
vasculaire et artérielle in vitro peuvent être
observées lors de l’inhibition de PDE-5 par le
sildénal, le tadalal ou le vardénal27. Bien que
plusieurs rapports de cas semblent démontrer
un effet très favorable des inhibiteurs des
PDE-5, les études cliniques sont de faible enver-
gure (moins de 40 patients et d’une durée
moyenne de quatre semaines) et les résultats ne
sont pas toujours concluants15, 17. Leur ecacité
semblerait par contre plus importante dans les
cas de PR secondaire27. Le sildénal est l’agent le
plus étudié à ce jour. À des doses de 25 à 150 mg
par jour, il permettrait une diminution de la
fréquence et de la durée des crises28. Un eet
similaire a été observé avec le tadalal 20 mg
par jour et le vardénafil 10 mg deux fois par
jour15,27,29,30. Les maux de tête, la congestion
nasale et le ushing sont les eets secondaires
les plus fréquemment observés27. Ces agents
n’ont pas l’approbation de Santé Canada pour
cette indication.
Antagonistes des récepteurs
alpha-adrénergiques
Puisque la vasoconstriction caractéristique des
crises de Raynaud est en partie liée à une stimu-
lation du système nerveux sympathique, une
inhibition de cette activité pourrait s’avérer e-
cace dans la résolution des crises. Il a été démon-
tré que des antagonistes alpha-adrénergiques,
comme la prazosine et le méthyldopa, sont e-
caces dans le traitement du PR. Par contre, ce ne
sont pas des antagonistes spéciques des récep-
teurs alpha-2c adrénergiques et leur utilisation
est limitée par leur risque d’hypotension, sur-
tout posturale1,31.
Inhibiteurs de l’enzyme de conversion de
l’angiotensine (IECA) et antagonistes des
récepteurs de l’angiotensine (ARA)
L’administration d’IECA et d’ARA a été tentée
pour traiter le PR. Une étude de 12 semaines
comparant la nifédipine (40 mg par jour) au
losartan (50 mg par jour) a conclu à une réduc-
tion statistiquement signicative de la fréquence
des crises chez les patients recevant le losartan,
ainsi qu’une amélioration des symptômes32.
Dans une étude réunissant 15 patients, le capto-
pril à raison de 25 mg trois fois par jour a amé-
lioré la circulation aux extrémités, mais n’a pas
diminué la fréquence ou la gravité des crises33.
Bien que plusieurs rapports de cas aient conclu
à l’ecacité des IECA et des ARA dans le traite-
ment du PR, des études de grande envergure
n’existent pas, limitant ainsi leur rôle dans la
pharmacothérapie du PR.
Inhibiteurs sélectifs du recaptage
de la sérotonine (ISRS)
Le rôle de la sérotonine dans la pathogenèse et le
traitement du PR n’est pas encore complètement
élucidé. Ce neurotransmetteur a des propriétés
de vasoconstriction sélective ainsi que d’activa-
tion plaquettaire8,20. Quelques rapports de cas
ont été publiés, appuyant des eets bénéques
dans le PR, plus particulièrement avec la uoxé-
tine, l’escitalopram et la sertraline, mais peu
d’études cliniques existent à ce sujet15,20. En eet,
la uoxétine diminuerait de 95 % la concentra-
tion de sérotonine plaquettaire20. Une étude
menée sur 53 patients a comparé la uoxétine à
la nifédipine34; 26 patients avec un PR primaire
et 27 autres atteints de PR ont reçu soit de la
uoxétine 20 mg par jour, soit de la nifédipine
40 mg par jour, pendant six semaines. Après
une période de deux semaines sans traitement
pharmacologique, chaque patient enrôlé rece-
vait alors l’agent alternatif. Une diminution de
la fréquence et de l’intensité des crises a été
observée dans les deux groupes, mais la dié-
rence n’était statistiquement signicative que
dans le groupe traité par la fluoxétine. L’effet
bénéque était plus signicatif chez les patients
atteints de PR primaire que chez ceux atteints
de PR secondaire. Par contre, les résultats de ces
études n’ont jamais été reproduits8. Paradoxale-
ment, plusieurs rapports de cas ont aussi décrit
des exacerbations des symptômes à la suite de
l’instauration d’un ISRS et d’agonistes partiels
de la sérotonine15.
Traitement des complications
Prostaglandines
Les prostaglandines inhibent l’agrégation pla-
quettaire et exercent des actions vasodilatatri-
ces et antiprolifératives sur la vasculature. Les
formulations orales ou par inhalation n’ont
pas été étudiées dans le traitement du PR14,
mais les prostaglandines administrées par voie
intraveineuse peuvent être utilisées surtout
dans le traitement des crises sévères, dans le
but de prévenir ou de traiter une ischémie digi-
tale14,31. Par contre, les résultats des études cli-
niques sont contradictoires. L’iloprost (non
commercialisé au Canada), un analogue de la
prostaglandine I2 , est l’agent de cette classe qui
a été le plus étudié. Parmi sept études rando-
misées, à double aveugle contre placebo, cinq
ont conclu qu’une infusion intraveineuse
intermittente à raison de 0,5-2 ng/kg/minute
durant 6 heures et pendant 3 à 5 jours pouvait
réduire la fréquence et la gravité des crises,
mais seulement deux études ont pu démontrer
Cas clinique (suite)
Quatre mois plus tard, Ella revient afin de renou-
veler son ordonnance d’Adalat XL et de Nico-
derm, traitement qu’elle a entamé le mois précé-
dent. Elle vous confie qu’elle a essayé les mesures
non pharmacologiques pendant un mois, mais
qu’il n’y a pas eu une réduction suffisante de la
fréquence de ses crises. Elle a donc décidé de
commencer le traitement et a remarqué une dif-
férence non seulement dans la fréquence des cri-
ses, mais également dans la douleur qui y est
associée. Par contre, elle se plaint que, durant le
dernier mois, elle a eu deux épisodes d’étourdis-
sements. De plus, elle a pris sa pression artérielle
aujourd’hui. Elle était de 105/75.
Vous lui expliquez qu’une réduction de la pres-
sion artérielle est attendue avec ce médicament.
Vous lui conseillez de joindre son médecin afin
d’ajuster la dose et vous la rassurez en lui disant
que si la réduction de dose n’est pas suffisante,
un autre agent, tel que le losartan, pourrait être
une autre option.