LE SÉMINAIRE DE MATHÉMATIQUES
1933–1939
édition réalisée et annotée par
Michèle Audin
1. Année 1933-1934
Théorie des groupes et des algèbres
Claude Chevalley
L’arithmétique dans une algèbre simple
Séminaire de mathématiques (1933-1934), Exposé 1-J, 6 p.
<http://books.cedram.org/MALSM/SMA_1933-1934__1__J_0.pdf>
Cet article est mis à disposition selon les termes de la licence
Creative Commons attribution – pas de modification 3.0 France.
http://creativecommons.org/licenses/by-nd/3.0/fr/
cedram
Exposé mis en ligne dans le cadre du
Centre de diffusion des revues académiques de mathématiques
http://www.cedram.org/
Séminaire de mathématiques 30 avril 1934
Exposé 1-J, p. 1 à 6
L’ARITHMÉTIQUE DANS UNE ALGÈBRE SIMPLE
par Claude Chevalley
L’arithmétique dans une algèbre simple (suite)
Notations. On désignera[1] par kun corps qui sera un corps de nombres algébriques
ou un corps de nombres p-adiques, par Sune algèbre simple de centre k, qui sera
algèbre complète de matrices sur un corps gauche K. On désignera pas nl’anneau des
entiers de k.
I.– Ordres maxima. On cherche à définir dans Sune notion d’entier. La première
idée consiste à appeler entiers les éléments de Squi satisfont dans kà une équation à
coefficients entiers, dont le premier coefficient soit 1. Mais on trouve qu’en général ces
éléments ne forment pas un anneau. On est alors conduit à utiliser la notion d’ordre
maximum, introduite par Weil dans le précédent exposé.
D’une manière générale, on appelle ordre de Sun anneau O, contenu dans S,
contenant n, qui est n-module fini, et qui satisfait à la condition kO=S. La troisième
condition peut se traduire de la manière suivante : soit (u1, u2, . . . , un)une k-base
minima de S: les éléments de Sétant mis sous la forme
N
X
1
αiui(αik), il doit
exister un entier δde ktel que, pour tous les éléments de O, les produits δαisoient 1/2
entiers. La dernière condition signifie que tout élément de Speut être mené dans O
en le multipliant par un élément convenable de n.
On appelle ordre maximum (o.m.) un ordre qui n’est contenu dans aucun autre
ordre.
Il est clair que si Oest un ordre maximum, et ϕun élément régulier de S,ϕ1Oϕ
est encore un ordre maximum. Dans le cas où kest un corps p-adique et où S=K,
il n’y a, comme on l’a vu, qu’un o.m.[2] Dans tous les autres cas, il y en une infinité.
On appelle (Artin) idéal à gauche (ou à droite) par rapport à un o.m. Oun O-
module à gauche (ou à droite) fini contenu dans S, et contenant des éléments de n.
2C. CHEVALLEY
Nous démontrerons les propriétés suivantes des idéaux :
Si aest un O-idéal à gauche, l’ensemble des éléments αde Stels que αaaest
un ordre maximum O0, en général 6=O.
Oet O0s’appellent ordre à gauche et à droite de a.
Un idéal apossède un inverse, c’est à dire qu’il existe un idéal a1tel que aa1=O,
a1a=O0,a1est l’ensemble des éléments βde Stels que βa⊂ O0,aβ⊂ O.
On remarquera que si un ordre Oest tel que tout O-idéal à gauche apossède2/3
un inverse a1tel que aa1=O,Oest maximum. En effet, si O0est un ordre
contenant O,O0est O-idéal à gauche, et O0=O02. En multipliant par O01il vient
O0=O.
Un idéal aest entier quand son inverse contient 1, c’est à dire encore quand il est
contenu dans ses ordres à droite et à gauche. Un o.m. Oétant n-module fini satisfait
au Teilerkettensatz pour les idéaux entiers à gauche (ou à droite).[3] Il en résulte que
tout idéal entier a6=Oest divisible par un idéal entier maximum P1(c’est à dire
qui n’est divisible par aucun autre idéal 6=O) ou irréductible. Si aP1
16=O, cet idéal
qui est entier est encore divisible par un idéal irréductible P2, etc... On en déduit, en
vertu du Teilerkettensatz, que :
Tout O-idéal à gauche entier se décompose en produit de facteurs irréductibles.
Cette décomposition n’est d’ailleurs pas unique.
II.– Cas des corps p-adiques. Pour établir les propositions précédentes, nous pren-
drons d’abord le cas où kest un corps de nombres p-adiques.
Nous introduirons un module de représentation MKde Sdans K; ce sera le module
des formes linéaires à nvariables u1, u2, . . . , un, à coefficients dans K:MKest S-
module droit, et toute base (v1, v2, . . . , vn)de MKconduit à une représentation, qui3/4
associe à l’élément ϕde Sla matrice (αi,j )définie par
viϕ=
n
X
j=1
αi,j vj(i= 1,2, . . . , n)
Réciproquement, étant donnés néléments w1, w2, . . . , wnde MK, il y a un élément
ϕde Set un seul tel que viϕ=wi(i= 1,2, . . . , n).
Nous désignerons par ol’ordre maximum de K, et nous considérerons les divers o-
modules finis Nde rang ncontenus dans MK. Pour chacun d’eux, nous introduirons
l’anneau b
Odes éléments ϕtels que NϕNb
Oest un anneau qui contient n, et qui
satisfait à kb
O=S. D’autre part, oétant un anneau à idéaux tous principaux,[4] N
possède par rapport à oune base minima (v1, v2, . . . , vn)et s’écrit :
N=ov1ov2 · · · ovn
On voit alors que les éléments de b
Osont ceux qui, dans la représentation définie par
la base (v1, v2, . . . , vn)se représentent par des matrices à coefficients entiers. Il en
résulte que b
Oest o-module fini, donc aussi n-module fini, et est un ordre.
(1-J) L’ARITHMÉTIQUE DANS UNE ALGÈBRE SIMPLE 3
Soit Aun b
O-idéal à gauche. On constate tout de suite que NA est un module N0
qui satisfait aux mêmes conditions que N. Donc N0se met sous la forme
N0=ov0
1ov0
2 · · · ov0
n
Soit ϕl’élément de Sdéfini par les formules viϕ=v0
i(i= 1,2, . . . , n). Il est clair que 4/5
Nϕ=N0. Je dis que ϕA.
1) On a vib
O=N(i= 1,2, . . . , n). En effet, soit uun élément quelconque de N.
L’élément ψde Sdéfini par viψ=u,vjψ= 0 (si j6=i) est dans b
O; donc
vib
O N. Comme d’autre part, Nb
O N, la formule est démontrée.
2) On en déduit viA=N0. Donc, pour chaque i,Acontient un élément ψitel que
viψi=v0
i. Soit θil’élément de b
Odéfini par viθi=vi,vj= 0 (j6=i). L’élément
Pθiψiest dans A, et on a vi(Pθiψi) = v0
i(i= 1,2, . . . , n). Cet élément est
donc égal à ϕ.
Donc Aϕ1b
O. Mais NAϕ1=N0ϕ1=N, donc Aϕ1b
O. On en déduit
A=b
Oϕ:Aest un idéal principal.
L’ensemble des éléments ψtels que Aψb
Oest évidemment ϕ1b
O, et on a
A·ϕ1b
O=b
O. Donc Apossède un inverse : il en résulte, comme nous avons vu, que
b
Oest un o.m. L’ordre à droite de A=b
Oϕest évidemment ϕ1b
Oϕ, qui est un o.m.,
car la transformation par ϕproduit un automorphisme intérieur de S. Nous avons
démontré dans le cas considéré les propositions annoncées. Nous avons vu de plus que
tout idéal est principal, et qu’un o.m. est l’ensemble des éléments de Squi, dans une 5/6
certaine représentation de Sdans Kse représentent par des matrices à coefficients
entiers.
Cherchons maintenant les idéaux bilatères. Reprenant les notations de plus haut,
il est clair que l’ordre à droite de Aest l’ensemble des éléments θde Stels que
N0θN0. Si Aest bilatère, cet ensemble est O. On a alors v1O=N,v0
1O=N0.
Dans ceci, v0
1n’est assujetti qu’à être un des éléments d’une base minima de N0. Or,
soit al’ensemble des éléments αde otels que αv1N0,aest un idéal par rapport
ào, et se met par suite sous la forme oα1. On a vu, dans l’exposé sur les modules,
que oαv1est un sous-module primitif de N0, et ue par suite, αv1peut être pris pour
premier élément d’une base minima de N0. Donc αv1O=N0=αN. On peut écrire
aussi, N0=Nαce qui montre que A=Oa. Donc :
Les idéaux bilatères par rapport à b
Osont les pmb
Opest l’idéal premier de K.
III.– Cas du corps de nombres algébriques. Dans ce cas, la méthode introduite
par Hasse, qui s’est montrée extrêmement féconde, consiste à considérer successive-
ment ce qui se passe dans tous les corps kprelatifs aux divers idéaux premiers[5] p
de k.
Pour chaque p, nous introduirons kpSqui est une algèbre simple Spde centre kp.6/7
Les éléments de Sppeuvent être considérés comme limites de suites d’éléments de
4C. CHEVALLEY
S, dans le sens suivant : soit (u1, u2, . . . , uN)une k-base de S. Une suite Pα(m)
iui
d’éléments de Sconvergera pour psi, pour chaque i, les α(m)
iforment une suite conver-
gente, dont la limite est αi. La limite de la suite sera alors par définition l’élément
Pαiuide Sp(on vérifie tout de suite que cette notion de limite est indépendante de
la base choisie). Eétant un ensemble d’éléments de S, on désignera par Epl’ensemble
des suites d’éléments de E.
Théorème fondamental de passage. Soit Mun n-module fini tel que kM=S·Mest
la partie commune à Set à tous les Mp. Si Nest un autre module du même type
que M, on a pour presque tous les p,Mp=Np. Enfin, si on se donne pour chaque
pun np-module fini, b
Np, tel que kpb
Np=Sp, de manière à ce que, pour presque tous
les p, on ait b
Np=Mp, l’intersection avec Sde tous les Npest un module Ntel que,
pour tous les p, on ait Np=b
Np.
1) Pour la première partie, il suffit de montrer que si ϕest un élément de Scontenu
dans tous les Mp,ϕest dans M. Soit (u1, u2, . . . , uN)une k-base minima de
S, et ϕ=Pαiui(αik). Si nous mettons les éléments de Msous la forme7/8 Pβiui,βNdécrit un idéal aNde n. L’hypothèse ϕMpentraîne αN(aN)p
quel que soit p. On a donc αNaNet par suite il y a un élément ϕNde Mdans
lequel le dernier coefficient est αN. On a ϕϕN=
N1
X
1
α0
iuiet ϕϕEMp,
quel que soit p. On en conclut, comme plus haut, qu’il y a un élément ϕN1de
Mde la forme
β1u1+β2u2+· · · +βN2uN2+α0
N1uN1.
On forme ϕϕN1ϕN2et on continue de la même manière. Finalement,
ϕse met sous la forme d’une somme ϕ1+ϕ2+· · · +ϕNd’éléments de M, ce
qui démontre la proposition.
2) Prenons des bases (v1, v2, . . . , vR)de Met (w1, w2, . . . , wS)de N. Il existe deux
éléments α,βde ntels que :
1) αv1, αv2, . . . , αvRsoient dans N.
2) βw1, βw2, . . . , βwSsoient dans M.
Supposons ppremier à αβ. Alors Mpα1Np,Npβ1Mp. Mais α1,β1
sont dans np. On a donc Mp=Np.
3) Prenons un élément Pαiuide b
Np. Pour chaque mon a des décompositions
αi=α(m)
iui+Πmβi,α(m)
ik,βinp. (Πreprésente un élément de ndivisible
par p). Il existe un entier m0tel que si m>m0, les Πmuisoient dans b
Np. On
a alors ϕ= lim ϕm, où ϕm=Pα(m)
iuiest un élément de Squi est dans Npsi8/9
m>m0. Il existe d’autre part pour chaque mun entier δmde ntel que δmϕm
soit dans M.
1 / 7 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !