Les diarrhées chroniques - STA HealthCare Communications

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le clinicien mai 2010
Les diarrhées chroniques :
Par où commencer?
Mickael Bouin, M.D., Ph.D.
Présenté dans le cadre du
congrès La gastroentérologie,
de la Fédération des médecins
omnipraticien du Québec,
février 2009
Le cas de Mathilde
Mathilde, une femme de 35 ans ayant eu deux enfants, vous consulte pour une
diarrhée persistant depuis cinq ans, faite de cinq ou six selles liquides par jour et
sans douleur abdominale associée. L’examen clinique est sans particularité, mais la
formule sanguine montre une anémie ferriprive.
Quel diagnostic évoquez-vous?
Dr Bouin est
gastroentérologue.
Il travaille à
l’Hôpital Saint-Luc
(CHUM) et il est
professeur agrégé
de clinique à
l’Université de Montréal.
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La prévalence
des
diarrhées
chroniques
est de
3 à 5 %
dans la
population
active aux
États-Unis.
Définir et reconnaître une diarrhée chronique
La diarrhée chronique se définit par une augmentation de la quantité des selles
(supérieure à 300 g par jour) pendant plus de quatre semaines. En pratique, on
utilise plutôt la fréquence des selles. On parle de diarrhée lorsqu’il y a plus de trois
selles liquides par jour. S’il n’y a pas de signe de gravité, aucune investigation
n’est requise avant quatre semaines d’évolution1,2. Les diarrhées de l’enfant ne
seront pas traitées dans cet article.
Attention aux fausses diarres du consti, au suintement anal et à lincontinence
anale qui sont parfois considérés par les patients comme de la diarre et qui doivent
être éliminés au questionnaire et à l’examen. La prévalence des diarrhées chroniques est
de 3 à 5 % dans la population active aux États-Unis1. Les causes sont nombreuses, mais
un bon examen et un bilan de base permettent souvent une orientation, dès la première
visite.
Évaluation du patient
Le questionnaire
Le questionnaire joue un rôle primordial, car il permet de rechercher un contexte
particulier menant vers une cause de la condition.
Premièrement, il faut rechercher les antécédents familiaux et personnels de can-
cers digestifs, de maladies inflammatoires de l’intestin, un diabète, une dysthy-
roïdie ou une chirurgie digestive, en retenant que la plupart d’entres elles peu-
vent être responsables de diarrhée (gastrectomie, vagotomie, résection intesti-
nale, cholécystectomie, chirurgie pour diverticulite sigmoïdienne, etc.).
Deuxièmement, le mode de vie est très important concernant les voyages
récents, la prise de médicaments qui favorisent la diarrhée (antibiotiques, anti-
inflammatoires non stéroïdiens [AINS], médicaments à base de magnésium, laxa-
tif, metformine, etc.), la présence d’une infection au VIH et la prise d’alcool.
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Troisièmement, il faut déterminer la caractéristique des selles (leur aspect
sanglant ou graisseux), des signes associés (comme la douleur abdominale), la
perte de poids et la fièvre qui orientent vers une pathologie organique.
Enfin, il est important de préciser la durée de la diarrhée puisqu’une diarrhée
qui dure depuis plusieurs années a plus de chance d’être d’origine fonctionnelle
que celle qui a débuté il y a quelques semaines.
L’examen clinique
Il a deux objectifs principaux :
Rechercher des signes de gravité (Tableau 1), qui doivent toujours évoquer la
possibilité d’une hospitalisation;
Rechercher une cause : on cherchera une masse abdominale, des signes de fis-
tules ou d’abcès anopérinéaux, des signes cutanés orientant vers une maladie
inflammatoire de l’intestin ou des aphtes buccaux (maladies inflammatoires ou
maladie cœliaque).
Le bilan de base
Le bilan de base (Tableau 2)2a comme objectif de rechercher une malabsorption
(anémie, carence en fer, hypoalbuminémie), une hyperleucocytose (inflammation
ou infection), une hyperéosinophilie sanguine (parasitose, néoplasie, allergie ou
collagénose), une entéropathie exsudative (hypoalbuminémie), une colite infec-
tieuse ou parasitaire, un diabète, une hépatite, une dysthysoïdie. Il peut aussi
témoigner des conséquences de la diarrhée (désordres électrolytiques ou insuffi-
sance rénale).
Au terme de la première évaluation, trois
situations sont possibles :
1. La mise en évidence d’un contexte particulier vous orientant vers une cause
(chirurgie récente, dysthyroïdie, antibiothérapie, voyage).
2. Un phénomène récent et/ou des symptômes d’alarme, ce qui justifie souvent
une colonoscopie sans délai (Tableau 3), donc une consultation avec le gastro-
entérologue.
3. Les symptômes sont anciens et sans symptômes d’alarme. Vous devez
rechercher une colite microscopique, une malabsorption (Tableau 4) ou un
syndrome de l’intestin irritable3.
Qu’est-ce que la colite microscopique?
La colite microscopique est une inflammation microscopique du côlon. Elle com-
prend deux entités : la colite lymphocytaire et la colite collagène. La cause est le
plus souvent inconnue, mais le diagnostic nécessite toujours une colonoscopie
avec des biopsies4.
Les diarrhées chroniques
Tableau 1
Signes de gravité de la
diarrhée chronique
Déshydratation, hypotension
• Dénutrition
• Fièvre
Ascite ou œdème
Anémie (clinique ou biologique)
Défense abdominale
• Rectorragie
Comorbidité (diabète,
insuffisance rénale ou
cardiaque)
Déséquilibre électrolytique
Tableau 3
Intérêt de la
colonoscopie dans les
diarrhées chroniques
Dépistage du cancer du côlon
Visualiser le grêle terminal
(iléite, maladie de Crohn)
Permet des biopsies coliques à
la recherche d’une colite
microscopique
Tableau 2
Le bilan de base
devant une diarrhée
chronique
Formule sanguine complète
Électrolytes, glycémie, calcémie
Urée, créatinine
• TSH
Bilan hépatique, albumine
Parasitologie et cultures
des selles
Si anémie : vitamine B12 et
folates, bilan de fer
Qu’est-ce qu’une intorance au lactose?
Il s’agit d’un déficit acquis en lactase, qui touche environ 20 % de la population
caucasienne adulte (plus fréquente dans les populations asiatique et noire).
Cliniquement, c’est une diarrhée chronique, mais intermittente, souvent associée
à des ballonnements, et qui est concomitante à la prise de lactose, donc essentielle-
ment au lait. Lexamen clinique et les laboratoires de base sont normaux. Le diag-
nostic se fait soit par exclusion du lactose, qui entraîne la disparition des symptômes
en une semaine, soit par un test respiratoire au lactose disponible à l’Hôpital Saint-
Luc du CHUM.
Le traitement d’une intolérance au lactose est la dte sans lactose. Des enzymes
(lactase) peuvent être prises en même temps que les produits laitiers afin de mini-
miser les symptômes. Il n’y a aucune conséquence médicale à cette intolérance,
même si elle n’est pas traie.
Qu’est-ce que la maladie cœliaque?
Une maladie cœliaque est une intolérance immunologique au gluten, qui touche
environ 1 personne sur 200 et qui est, le plus souvent, cliniquement asympto-
matique. Elle peut se présenter sous la forme d’un tableau ressemblant au syn-
drome de l’intestin irritable ou, plus fréquemment, par un déficit biologique en
fer, en calcium, en folate ou en vitamines B12. Elle peut être découverte en rai-
son d’une ostéoporose précoce, par la mise en évidence d’une hypertransami-
nasémie inexpliquée ou par la présence d’une dermatite herpétiforme associée.
Le tableau classique associant diarrhée chronique et dénutrition est plus rare de
nos jours. Le dosage des anticorps antitransglutaminases permet de faire le
diagnostic dans 95 % des cas.
Les diarrhées chroniques
À retenir
Un bon examen et un bilan de base simple permettent, en général, de
s’orienter vers l’étiologie de la diarrhée chronique.
Une diarrhée chronique avec examen clinique et bilan de base normaux peut
être d’origine organique, même si elle dure depuis plus de 10 ans.
Les colites microscopiques et maladies cœliaques sont des causes de diarrhées
chroniques sous-diagnostiquées.
La colonoscopie doit être demandée rapidement devant une diarrhée avec
anomalie clinique ou biologique pour ne pas laisser passer une maladie
inflammatoire des intestins ou un cancer.
C
Tableau 4
Quels traitements
instaurer devant une
diarrhée chronique?5
Toujours :
Hydratation
Arrêt des médicaments favorisant
la diarrhée
Diète sans lactose
Sans risque :
• Cholestyramine
Possible :
Métronidazole pendant une
semaine (suspicion de giardiase)
Lopéramide (en absence de
C. Difficile)
Parfois :
Anticholinergique (dicyclomine,
amitriptyline)
Références :
1.Fine KD.AGA technical review on
evaluation and management of chronic
diarrhea. Gastroenterology 1999;
116(6):1464-1486.
2. Thomas PD. Guidelines for the
investigation of chronic diarrhoea. Gut
2003; 52 (suppl.V). v1-15.
3. Bouin M. Le syndrome du côlon irritable
: une affection douloureuse et difficile à
comprendre. Le Clinicien 2006; 21(6): 85-
88.
5. Dreyfus G. La prise en charge des
diarrhées chroniques. Gastroenterol Clin
Biol 1999; 23(1): 75-83.
4. Bouin M. Les colites microscopiques des
diarrhées fréquentes, méconnues et
faciles à traiter. Le Médecin du Québec
2006; 41(2): 85-90.
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