DÉCEMBRE 2016 - N° 331 - L’INFIRMIÈRE LIBÉRALE MAGAZINE 29
DERMATOLOGIE
Le zona . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.46
PRESSION ARTÉRIELLE
Lautomesure tensionnelle . . . . . . . p.48
Quiz
Réponses du quiz :
1- a ; 2 - a ; 3 - b et c
LE POINT SUR
DOSSIER
La dermatite atopique
Cahier de
formation n° 96
L’auteur a déclaré des liens d’intérêts
(membre de l’Association française de l’eczéma).
Sommaire
Savoir
La dermatite atopique est une dermatose chronique
inflammatoire prurigineuse. D’apparence bénigne, elle
peut avoir un impact très négatif sur la qualité de vie.
Savoir faire
Soulager et accompagner le patient
Lorsque des patients atopiques vivent une poussée très
re, les Idels peuvent être sollicitées pour continuer les
soins, selent technique, relationnel et éducation.
Quand le traitement fait peur
La corticophobie, ou “peur des dermocorticoïdes”, est
le principal problème rencont dans la prise en charge
de la dermatite atopique. Entendre les craintes, expliquer
et rassurer sont les maîtres mots.
La peau aussi vieillit
Les personnes âgées souffrent parfois de prurit sénile
et d’eczéma, dont la prise en charge est très similaire
à celle de la dermatite atopique.
Savoir plus
CAHIERRÉALISÉPARFLORENCELEANDRO, PHARMACIENNE, AVECLAIMABLE
RELECTUREDUDRSANDRINERAPPELLE, DERMATOLOGUEAUCENTREHOSPITALIER
DARLES (BOUCHES-DU-RHÔNE)
Quiz
1. La dermatite atopique touche
surtout :
a. les enfants entre 3 mois
et 5 ans ;
b. les adolescents ;
c. les adultes.
2. Le traitement des poussées
inflammatoires repose surtout
sur des dermocorticoïdes:
a. vrai ;
b. faux.
3. Au quotidien, pour limiter
les poussées de la maladie,
il est généralement conseillé de :
a. supprimer lait et œuf
de l’alimentation ;
b. prendre des douches
rapides et tièdes, avec
un lavant doux, et secher
par tamponnement ;
c. hydrater la peau avec
un émollient.
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DES RAPPELS
SUR LA PEAU
Anatomie
La peau (ou gument) regroupe plu-
sieurs entités distinctes: en profon-
deur, l’hypoderme est un tissu
conjonctif lâche vascularisé et
innervé, associé à un tissu adipeux;
au-dessus de lui, le derme est un
tissu conjonctif fibreux, vascularisé
et innervé, riche en eau; enfin, l’épi-
derme est un épithélium de revête-
ment avasculaire mais inner, pavi-
menteux, stratifié et kératinisé,
recouvert par une couche de cellules
mortes (la couche cornée ou stratum
corneum) et un film hydrolipidique
de surface. À tout ceci s’ajoutent des
annexes cutanées: les poils (ou fol-
licules pileux), les ongles et les che-
veux (ou phanères), les glandes ba-
cées et sudoripares.
Rôles fondamentaux
La peau joue plusieurs rôles pri-
mordiaux pour l’organisme: régu-
lation thermique, protection contre
les chocs, rôle sensoriel... Elle repré-
sente également une barrière
majeure: une première ligne de
défense non spécifique et efficace
contre la plupart des agents nocifs
pour l’organisme.
Cette fonction barrière est assurée
non seulement par l’agencement et
la cohésion des cellules épider-
miques entre elles, les espaces inter-
stitiels étant remplis par un ciment
lipidique, mais également par un
pH acide (5,5), des peptides antimi-
crobiens sécrétés par les kératino-
cytes et une forte connexion au sys-
tème immunitaire et aux ganglions
sous-jacents. Le microbiote cutané,
constitpar une flore microbienne
très diversifiée, apparaît de plus en
plus comme un élément majeur de
la fonction barrière.
LA DERMATITE
ATOPIQUE
finition
Selon la Société française de derma-
tologie, à l’origine d’une conférence
de consensus sur la dermatite ato-
pique de lenfant en 2005, la dermatite
atopique est une dermatose inflam-
matoire prurigineuse chronique évo-
luant par poussées et touchant pré-
férentiellement le jeune enfant.
Description de la maladie
nPoussées
Des plaques d’eczéma apparais-
sent à certains endroits du corps et
du visage, les localisations variant
en fonction de l’individu et notam-
ment de son âge (voir schéma p.32).
L’aspect des lésions est variable
selon la gravité, l’âge, le moment
de l’examen. Dans la plupart des
cas, elles sont érythémateuses,
rugueuses et prurigineuses, avec
souvent une sensation de chaleur
associée. Elles peuvent également
être suintantes, notamment chez le
jeune enfant en début de poussée,
ou plus épaisses et dites “lichéni-
fiées” chez l’adolescent et l’adulte,
lorsque les plaques sont anciennes
et apparaissent de façon récurrente
toujours aux mêmes endroits.
nRémissions
En dehors des poussées de la maladie,
la peau reste sèche et fragile, plus ou
moins en fonction des patients. Par
exemple, la xérose, ou sécheresse
cutanée, n’apparaît pas tout de suite
chez le petit enfant, mais plutôt aux
alentours de 1 ou 2 ans.
ncanisme
physiopathologique
Une poussée deczéma comprend clas-
siquement trois phases successives:
la sensibilisation:
premier contact
asymptomatique avec l’allergène,
activation du système immunitaire
et production de lymphocytes T
spécifiques;
l’expression:
il s’agit de la phase
inflammatoire ;
la résolution,
dont les canismes
sont encore mal connus.
nRetentissement
psychologique
Il a tendance à être sous-estimé, alors
qu’il est bien présent et touche à la
fois le patient et sa famille. Les man-
geaisons mobilisent de l’énergie,
beaucoup et longtemps. Elles entraî-
nent des troubles du sommeil et de
l’irritabilité. De nombreux enfants
atteints ont du mal à rester attentifs
en classe. Le regard des autres est
30 L’INFIRMIÈRE LIBÉRALE MAGAZINE - N° 331 - DÉCEMBRE 2016
Cahier de
formation n° 96
Savoir
La dermatite atopique est une dermatose chronique inflammatoire prurigineuse.
Les périodes de crise, où des plaques deczéma apparaissent, alternent avec des périodes
de rémission, pendant laquelle la peau reste sèche et fragile. Dapparence bénigne,
cette maladie peut avoir un impact très négatif sur la qualité de vie.
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DÉCEMBRE 2016 - N° 331 - L’INFIRMIÈRE LIBÉRALE MAGAZINE 31
nnn
La dermatite atopique
© D’après la Fondation pour la dermatite atopique
La peau atopique et ses fauts
parfois difficile à vivre, d’où une
importante baisse de l’estime de soi.
Facteurs responsables
de la maladie
La dermatite atopique résulte d’une
combinaison de facteurs génétiques
et environnementaux. Il n’est pas
pertinent de rechercher une seule
et unique cause à cette maladie.
nAtopie
Les patients atteints de dermatite
atopique présentent une prédispo-
sition génétique du système immu-
nitaire à privilégier des réactions
d’hypersensibilité vis-à-vis d’anti-
nes communs dans l’alimentation,
l’environnement exrieur ou domes-
tique. Ces allergènes sont appelés
“atopènes”.
nAnomalies nétiques
cutanées
Au niveau cutané, la dermatite ato-
pique est le résultat d’une double
anomalie génétique:
d’une part,
la barrière épider-
mique est défaillante à plusieurs
niveaux
, le plus connu étant la perte
de fonction d’une protéine appelée
filaggrine, qui participe à la cohésion
et à la fonction barrière de la peau.
L’eau
s’échappe
plus
Les allergènes
nètrent plus
facilement
Stratum corneum
de mauvaise qualité
La dermatite atopique est
principalement une maladie
de l’épiderme
Cellules mal agencées,
ciment de mauvaise qualité
= l’épiderme atopique
est une passoire
Les nerfs atteignent l’épiderme: inconfort, prurit
Inflammation
Réaction
immunitaire
excessive
En dehors
des poussées
Les vaisseaux sanguins n’atteignent pas ou peu l’épiderme:
les traitements locaux ne passent pas dans le sang
La peau devient alors une ritable
passoire laissant séchapper trop d’eau
etnétrer trop d’allergènes;
d’autre part, il existe
des dysfonc-
tionnements du système immuni-
taire cutané
, qui réagit excessive-
ment face au moindre allergène du
quotidien (voir schéma ci-dessous).
nFacteurs environnementaux
en cause
Les causes possibles sont multiples,
elles peuvent être intéressantes à
repérer, mais les mesures d’éviction
ne doivent pas perturber la vie des
familles. Les principaux facteurs
favorisant les poussées sont les pol-
lens, les acariens, la poussière de
maison, les moisissures, les poils
d’animaux, le froid, le vent, la sueur,
les frottements, le contact avec des
matières ou des substances irri-
tantes, certains aliments, le stress,
les infections, les poussées den-
taires... Chaque patient réagit dif-
féremment, voire ne réagit pas du
tout, à chacun des éléments de cette
liste non exhaustive.
Épidémiologie
La dermatite atopique est une
maladie fquente et essentiellement
infantile. Elle touche environ un
enfant sur cinq, et constitue le pre-
mier motif de consultation en
dermo-pédiatrie.
Dans les pays industrialisés, la p-
valence de la maladie a é multiple
par trois en trente ans. L’hypothèse
hygiéniste consiste à expliquer ce
phénomène par l’augmentation du
niveau de vie et la baisse des infec-
tions. Le système immunitaire n’ap-
prend plus à se défendre contre les
pathogènes et se met à réagir à tous
les éléments qui l’entourent, et
notamment les plus anodins.
Dermatite atopique du petit enfant: plaques
d’eczéma localisées sur les membres.
© Association française de l'eczéma
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Cahier de
formation n° 96
© pushinka11 - Fotolia
Les localisations classiques des plaques selon l’âge
Tronc
Joues,
menton
Faces
externes
des jambes
et des bras
Cou
Derrière l’oreille
(pli sous-auriculaire)
Mains et
poignets Plis des genoux
et des coudes
Chevilles
Paupières
Mains
Tête
et cou
0-2 ans
enfant > 2 ans
adulte
= Zones convexes
(ou zones bombées) = Plis
= Atteintes localisées
Eczéma plutôt
suintant Eczéma plutôt
lichénifié
Évolution de la maladie
nSelon l’âge
La dermatite atopique apparait typi-
quement vers l’âge de 3 mois et dis-
paraît en général avant 5 ans, et au
plus tard à la préadolescence. Cer-
tains patients peuvent néanmoins
souffrir de la maladie tout au long
de leur vie, avec par exemple des
cas de recrudescence des symp-
tômes à l’âge adulte après des années
d’accalmie. Il est impossible de pré-
voir à l’avance ce qui va se passer
pour chaque patient.
nAutres manifestations
Un individu atteint de dermatite ato-
pique peut potentiellement déve-
lopper d’autres aspects de l’atopie
au cours de sa vie, et notamment de
l’asthme à l’adolescence ou de la
rhino-conjonctivite allergique à l’âge
adulte. encore, cela dépend de
chaque patient.
nPrincipales complications
Le staphylocoque doré est une
bactérie plus fréquemment présente
sur la peau atopique et donc plus à
me de surinfecter les sions: ces
dernières prennent un aspect d’im-
pétigo (suintement et croûtes jau-
nâtres) et sont dites imtiginisées”.
Des surinfections virales dues au
virus de l’herpès peuvent être
potentiellement graves avec appa-
rition de lésions nécrotiques et
hémorragiques.
Une autre complication à men-
tionner est l’eczéma de contact (lire
ci-après), souvent à l’application
répétée de topiques.
Comment
diagnostiquer?
Le diagnostic est surtout basé sur
l’examen clinique et l’interrogatoire,
ce dernier étant essentiel si le patient
n’est pas en poussée au moment de
la consultation.
nCritères de diagnostic
La dermatite atopique est une der-
matose prurigineuse associée à au
moins trois des critères suivants:
antécédents personnels de der-
matite des plis de flexion, aux coudes,
dans les creux poplités, sur la face
antérieure des chevilles, au cou (les
joues chez les moins de 10 ans);
antécédents personnels d’asthme
ou de rhinite allergique (ou antécé-
dents de maladie atopique chez un
parent au premier degré chez l’en-
fant de moins de 4 ans);
Dermatite atopique de l’adulte: plaques
d’eczéma localisées sur les mains.
© Association française de l'eczéma
© Espaceinfirmier.fr, Initiatives Santé 2016
DÉCEMBRE 2016 - N° 331 - L’INFIRMIÈRE LIBÉRALE MAGAZINE 33
COMMENT TRAITER UNE
DERMATITE ATOPIQUE
Stragie thérapeutique
Il n’existe pas encore de traitement
étiologique et définitif de cette mala-
die. Le traitement de la dermatite ato-
pique est purement symptomatique.
nTraitement de base
Il est local et comprend deux volets,
un peu comme dans la prise en
charge de l’asthme : le traitement
des poussées ainsi que le traitement
de fond.
Le traitement des poussées
En première intention, les dermo-
corticoïdes sont choisis parmi dif-
férents niveaux de puissance, à appli-
quer une fois par jour jusqu’à
disparition des lésions. Ces médi-
caments agissent localement et rapi-
dement mais souffrent d’une mau-
vaise réputation limitant leur bon
usage (lire Savoir faire p.39).
En seconde intention, en cas
d’échec ou d’intolérance vis-à-vis
des dermocorticoïdes, le dermato-
logue ou le pédiatre peut prescrire
un traitement immunosupresseur
local à base de tacrolimus (Protopic)
aux adultes et aux enfants de plus
de 2 ans. Le tacrolimus est une alter-
native intéressante notamment sur
le visage, mais nest plus recom-
mandé chez l’enfant, et remboursé
uniquement dans la dermatite ato-
pique sévère des plus de 16 ans.
En parallèle de ces soins locaux,
des antihistaminiques sont parfois
prescrits pour lutter contre les
mangeaisons et apaiser le patient,
notamment la nuit.
Le traitement de fond
Il correspond à l’application quo-
tidienne, ou pluriquotidienne en
fonction des besoins, d’un émollient.
Celui-ci va renforcer la fonction bar-
rière pour limiter la fréquence et l’in-
tensité des poussées de la maladie.
Un traitement d’entretien à base
de dermocorticoïdes et/ou de tacro-
limus est parfois proposé, à appli-
quer deux fois par semaine sur les
zones habituellement touchées par
l’eczéma.
nEn cas d’échec
Des alternatives existent pour traiter
les poussées de la maladie, tandis
que le traitement de fond reste
inchangé, à base d’émollients.
La photothérapie
Réalisée le plus souvent en milieu
hospitalier, elle reproduit les effets
bénéfiques du soleil sur la peau
inflammatoire. La photothérapie
est efficace chez certains patients
mais peut s’avérer délétère chez
d’autres, avec une recrudescence
des poussées. Sont à prendre en
compte les effets indésirables pos-
sibles tels les coups de soleil, le pru-
rit, voire les complications ophtal-
mologiques ou encore les cancers
cutanés, ainsi que les contraintes
horaires avec la nécessité de plu-
sieurs séances par semaine.
Les immunosuppresseurs per os
Ils sont parfois utilisés, notamment
la ciclosporine qui posde une auto-
antécédents de peau sèche géné-
ralie au cours de la dernre année;
eczéma visible des grands plis (ou
eczéma des joues, du front et des
convexités des membres chez l’en-
fant au-dessous de 4 ans);
début des signes cutanés avant
l’âge de 2 ans (critère utilisable chez
les plus de 4 ans uniquement).
nCompter
le diagnostic
Des échelles peuvent compléter
le diagnostic et permettent d’évaluer
la gravité de l’atteinte et/ou l’impact
sur la qualité de vie.
Un bilan allergologique n’est indi-
qué que dans certains cas bien pré-
cis, par exemple en cas de sistance
au traitement bien conduit ou chez
un enfant avec stagnation ou cassure
de la courbe staturo-pondérale.
nDiagnostics
différentiels
Il existe un certain nombre de
diagnostics différentiels: dermatite
séborrhéique, gale chez le bébé ;
lymphome cutané chez l’adulte;
psoriasis à tout âge... D’où le
recours à des examens complé-
mentaires si besoin. Exemples : exa-
men au dermatoscope à la
recherche du sarcopte de la gale,
biopsie pour éliminer un diagnostic
de lymphome...
Ne pas confondre la dermatite ato-
pique avec d’autres types d’eczéma,
en général rencontrés chez l’ado-
lescent et l’adulte : c’est le cas par
exemple de l’eczéma de contact (la
peau réagit localement en présence
de l’agent allergisant: nickel, par-
fum...), de l’eczéma dyshidrosique
(atteinte surtout palmo-plantaire
avec des vésicules pouvant confluer
entre elles, se rompre et former des
croûtes) ou du prurit sénile (lire
Savoir faire p.42). Mais les différentes
formes d’eczéma peuvent se cumuler
chez un même patient. nnn
La dermatite atopique
La maladie est-elleditaire?
Un enfant a entre 50 et 70% de risque de velopper une
dermatite atopique si un parent est atteint, et 80% si les deux
parents sont touchés par la maladie. Latopie est constitutionnelle
et met en jeu des gènes, mais l’environnement a aussi un rôle très
important. Il est plus juste de parler de prédisposition génétique.
Question de patient
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