DÉCEMBRE 2016 - N° 331 - L’INFIRMIÈRE LIBÉRALE MAGAZINE 39
moments propices à l’écoute et à
l’empathie, c’est finalement tout ce
que demandent les patients. »
Virginie Verdu, hôpital Lyon-Sud,
Lyon (Rhône): « Les patients en ont
assez des discours divergents à pro-
pos de la maladie et des traitements,
ils veulent des informations claires
et validées. À l’issue du programme,
ils se sentent moins seuls et mieux
armés pour faire face à la maladie. »
Et en milieu libéral?
Daprès les différentes IDE interrogées
à l’hôpital, « les aspects éducatifs et
relationnels sont essentiels dans la
profession infirmière, qu’elle s’exerce
en milieu hospitalier ou libéral. Même
si le format des ateliers est pour le
moment propre à l’hôpital, les Idels
connaissent beaucoup mieux les
patients que nous et font déjà de “lédu-
cation thérapeutique sans le savoir
[même si l'ETP s'inscrit en théorie dans
un cadre précis, NDLR]. L’important,
cest la répétition des mêmes messages
et leur homogénéi tout au long du
parcours de soins du patient. »<
*Voir notre hors-série de novembre 2016, le mento de la pres-
cription infirmière, 10eédition.
Témoignages d’IDE
en milieu hospitalier
Armelle Sirvent et Isabelle Dal-
mazzone, hôpital de la Timone, Mar-
seille: « Nos ateliers sont centrés sur
la personne et sur ce qu’elle vit. Les
thématiques sont souvent currentes
dun patient à lautre: hygiène, hydra-
tation, alternatives au grattage, peur
de la cortisone… »
Nathalie Bauduin, Centre hospi-
talier d’Arles (Bouches-du-Rhône):
«Les moments dédiés à l’ETP sont
des temps forts l’on instaure un
climat de confiance, ce sont des
La dermatite atopique
gées, parents d’enfants atopiques
ou adultes atteints de dermatite ato-
pique, se déclarent corticophobes.
De quoi ont peur
les corticophobes?
D’effets secondaires locaux:
les
personnes craignent une atrophie
cutanée, c’est-à-dire un amincisse-
ment de la peau et sa fragilisation:
retard de cicatrisation, vergetures
Ils redoutent d’autres effets cutanés
comme le blanchiment de la peau,
l’acné, la pousse des poils.
D’une atteinte systémique:
sont
redoutés un retard de croissance,
une prise de poids…, par analogie
avec les corticoïdes oraux et en sup-
posant que la totalité des principes
actifs passent dans le sang.
D’une dépendance:
les cortico-
phobes ont peur de la dépendance
et de la perte d’efficacité au long
cours. Les dermocorticoïdes sont
aussi souvent accusés, après avoir
fait “rentrer leczéma, de faire “sortir
l’asthme”.
Facteurs d’anxté
Poids de l’histoire
et de la culture
Dans l’imaginaire collectif, il peut
par exemple subsister la doctrine
des “humeurs” qui suppose que la
peau est un émonctoire – une voie
d’élimination des déchets – et que
les dermatoses sont un moyen natu-
rel de rétablir l’équilibre interne...
Professionnels
non raccords
Le manque d’homogénéité des dis-
cours des différents professionnels
Mme H., 42 ans, a une prescription pour des soins locaux dans le cadre
dune dermatite atopique sévère. En arrivant chez elle, elle vous
dit qu’elle ne fera sans doute pas le traitement à base dermocorticoïdes:
«Ce n’est pas efficace et, en plus, je suis sûre que cest dangereux pour ma
peau et mon corps.» Elle redoute les phénomènes daccoutumance
et de rebond: «Ma mère en a pris longtemps pour sa polyarthrite et cest
revenu encore pire.»
Vous interrogez la patiente: « De quoi avez-vous peur exactement? Vous
avez lu ou entendu des choses négatives? Quoi exactement? » Vous lui
dites également que vous entendez ses craintes, mais que de nombreuses
études et des dizaines dannées de recul permettent aujourdhui dutiliser
ces produits en toute sécurité, selon des modalités dapplication bien
précises que vous abordez avec elle au moment du soin. Vous rappelez
également que les dermocorticoïdes permettent uniquement de traiter
la poussée en cours. Quant à largument concernant sa mère, vous
expliquez à la patiente qu’il faut distinguer les dermocorticdes de la
cortisone par voie systémique.
Quand le traitement
fait peur
LA CORTICOPHOBIE
finition
Aussi appelée dermocorticophobie
ou corticoréticence, la corticophobie
est la crainte, la peur, voire le refus
d’utiliser des dermocorticoïdes.
Fréquence
Selon une étude française datant de
2011, 80% des personnes interro-
© Espaceinfirmier.fr, Initiatives Santé 2016
de santé, par exemple entre le der-
matologue qui prescrit et le phar-
macien qui délivre, renforce la peur.
dias bavards,
à tort et à travers
La désinformation peut aussi être
présente dans l’environnement non
médical du patient: ne pas négliger
le rôle potentiellement délétère de
l’entourage, des médias et des
forums de discussion sur Internet.
Notices trop? – exhaustives
La corticophobie est entretenue par
la lecture des notices, qui peuvent
être vues comme anxiogènes par le
patient, puisqu’y figurent notam-
ment les effets les plus graves, rar-
rissimes voire exceptionnels si l’uti-
lisation est conforme.
Conquences
léres
Vers l’échec, sans doute
La corticophobie conduit imman-
quablement à l’échec thérapeutique.
Le traitement, démarré trop tardi-
vement ou à des doses trop faibles,
ne soulage pas efficacement le
patient, ce qui expose à un risque
de complications. L’inconfort et le
prurit s’aggravent, les lésions de
grattage sont plus nombreuses. La
peau se lichénifie et le risque de
surinfection augmente.
Fuite en avant
Tant que le traitement n’est pas
compris ni appliqué correctement,
tant que la dermatite atopique n’est
pas perçue comme une dermatose
chronique évoluant par poussées,
les familles continuent de chercher
des solutions, consultent de nom-
breux médecins avec un noma-
disme médical fréquent. Les
patients renoncent parfois aux trai-
tements de base et se tournent alors
exclusivement vers les médecines
alternatives.
40 L’INFIRMIÈRE LIBÉRALE MAGAZINE - N° 331 - DÉCEMBRE 2016
Cahier de
formation n° 96
Et moi, Idel, suis-je un peu
corticophobe? N’ai-je pas
tendance à mettre en
garde exagérément contre
les corticoïdes locaux?
Faire le point
Évaluer sa propre
corticophobie en rerant
ses automatismes face
aux corticoïdes locaux.
Le questionnaire Topicop,
initialement destiné aux
patients (lire ci-aps),
ne propose pas de score
pour linterprétation,
mais il permet de révéler
ses propres fiances.
Se (re)former
C’est la clé pour oublier
ses idées précoues sur
les corticoïdes locaux et
livrer un message exact
aux patients. Insister sur
le mode daction, la
pharmacocinétique et
rassurer quant à
l’apparition d’effets
insirables.
Le questionnaire
Topicop
Le terme CC désigne les
crèmes aux corticdes
(ou dermocorticoïdes ou
crèmes à la cortisone).
Pour chaque item, se
positionner en choisissant
l’une des quatre réponses
possibles:
Pas du tout d’accord
Pas vraiment daccord
Presque daccord
Tout à fait d’accord
Croyances
Les CC passent dans
le sang
Les CC favorisent
les infections
Les CC font grossir
Les CC ament la peau
Les CC ont des effets
sur ma santé future
Les CC favorisent
l’asthme
Comportement
Je n’en connais pas
les effets secondaires
mais jai peur des CC
J’ai peur d’utiliser
une dose de crème
trop importante
J’ai peur d’en mettre
sur certaines zones
la peau est plus fine,
comme les paupres
Je me traite le plus
tard possible
Je me traite le moins
longtemps possible
J’ai besoin d’être
rassuré vis-vis du
traitement par CC
Questionnaire en ligne: bit.ly/1Ta997p
Et si j’étais corticophobe...
Point de vue
« L’IDE renforce le dialogue »
DrSandrine Rappelle, Centre hospitalier dArles
(Bouches-du-Rhône)
« Dans la dermatite atopique comme dans toutes
les maladies chroniques, l’IDE, qu’elle exerce en milieu
liral ou hospitalier, apporte son soutien au patient et le remotive dans
la poursuite du traitement quotidien. Elle peut aussi réorienter un patient
vers la consultation alors que ce dernier avait baissé les bras pensant
qu’il n’y a plus rien à faire après une prise en charge ancienne. Sur le plan
strictement clinique, l’IDE renforcera le dialogue pour éventuellement
samorcer une peur des traitements dermocorticoïdes et sera capable
de dépister une complication de la dermatite atopique, due à la maladie
elle-même ou à son traitement. »
DR
© Espaceinfirmier.fr, Initiatives Santé 2016
DÉCEMBRE 2016 - N° 331 - L’INFIRMIÈRE LIBÉRALE MAGAZINE 41
voire inexistant. Les effets indésirables
généraux tels que prise de poids, dia-
bète, retard de croissance ne sont
quexceptionnellement observés.
« Ce traitement conduit
à des risques daccoutumance
et de rebond »
Contrairement aux corticoïdes sys-
miques qui doivent être manipulés
avec précaution et faire l’objet d’une
décroissance progressive en cas de
traitement au long cours, les dermo-
corticoïdes peuvent être utilisés de
façon plus binaire: appliquer dès
l’apparition des plaques, arrêter dès
leur disparition. En revanche, un
épuisement de l’effet est parfois
observé après un nombre plus ou
moins grand d’applications – c’est la
tachyphylaxie. Lorsque cette tolé-
rance saccompagne d’une augmen-
tation des doses, le risque d’effets
secondaires cutas peut être majoré.
Le phénomène est réversible à l’arrêt
ou à l’espacement des applications.
Enfin, la survenue d’un asthme chez
un patient qui a souffert d’une der-
matite dans son enfance peut être
liée à l’évolution naturelle de l’atopie,
mais pas aux dermocorticoïdes.
LE BON USAGE
DES DERMOCORTICOÏDES
Quand les appliquer?
Une application par jour le soir sur
une peau encore un peu humide,
jusqu’à disparition totale des sions.
Reprendre le traitement quotidien
dès les premiers signes d’eczéma.
les appliquer?
Les dermocorticoïdes ne s’appli-
quent que sur les plaques d’eczéma;
un émollient est appliqué partout
ailleurs sur la peau saine pour lutter
contre la cheresse cutae. Appli-
quer sur les lésions inflammatoires
actives en dépassant un peu en
couche ni trop fine, ni trop épaisse,
puis masser légèrement.
Quelle quantité utiliser?
La quanti à passer est très variable
d’un patient à l’autre et d’une pous-
sée à l’autre. La “bonne” quantité
est celle qui permet de traiter effi-
cacement le patient à un moment
donné. Si possible, il faut compter
le nombre de tubes consommés
entre deux consultations et établir
un calendrier des poussées, afin
que le médecin puisse se faire une
idée de la façon dont les dermocor-
ticoïdes sont utilisés et apporter
son aide le cas échéant. <
CONTRER
LA CORTICOPHOBIE
La marche à suivre consiste à traiter
les doutes de la personne les uns
après les autres en reprenant ses
termes pour ne pas donner limpres-
sion de les passer sous silence ou
de les minimiser. Bien entendu, le
soignant ne doit pas être cortico-
phobe lui-même(lire l’encadré en
bas de la page ci-contre).
Entendre la peur
La corticophobie n’est pas un simple
caprice à balayer d’un revers de main,
mais une vraie peur quil faut entendre
sans la juger ni la minimiser. Il ne faut
pas accabler les patients ou les
parents, mais plutôt les rassurer. Dans
tous les cas, il ne faut pas rompre
avec la vision des patients ou des
parents, mais écouter leurs angoisses.
monter
les idées reçues
« Ce n’est pas efficace »
Les dermocorticoïdes constituent un
traitement purement symptomatique
de la dermatite atopique. Si celle-ci se
manifeste de nouveau, ce nest pas à
cause dun manque defficacité du pro-
duit, mais bien en raison du caractère
chronique et cyclique de la maladie.
Une sous-consommation au moment
de la crise conduit à sa non-résolution
tandis quune utilisation optimale per-
met de soulager rapidement.
« C’est très dangereux
pour ma peau et
pour mon organisme »
La survenue deffets secondaires cuta-
nés résulte des propriétés métaboliques
et immunosuppressives des molécules
prescrites. Mais ces réactions locales
sont rares, souvent réversibles. De
plus, l’action locale se concentre au
niveau épidermique, siègent les
plaques d’eczéma. Se souvenir que
lépiderme nétant pas vascularisé, le
passage dans le sang est très faible,
La dermatite atopique
Les dermocorticoïdes favorisent
les infections.
Faux. Leur utilisation conforme
aux recommandations et
de fon suffisamment précoce
permet de lutter efficacement
contre l’inflammation,
de restaurer la fonction barrre
de la peau et donc de prévenir
les phénones de surinfection.
En revanche, en cas d’infection
cutae constituée, suspendre
transitoirement lapplication car
il sagit d’une contre-indication
à leur usage.
Ils sont incompatibles avec
l’exposition solaire.
Faux. Les dermocorticoïdes
ne sont pas photosensibilisants.
Certains patients développent
une allergie aux dermocorticoïdes.
Vrai. Cela se traduit par
une résistance au traitement
bien conduit d’une dermatose
classiquement “corticosensible
ou par l’apparition de nouvelles
sions sur des zones
inhabituelles, sur les mains
ou autour des lésions
préexistantes. Cet eczéma
de contact reste anmoins
très rare.
VRAI-FAUX ?
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