Fusion laser sélective de pièces céramiques oxydes à hautes performances MONIZ Lilianaa, COLIN Christophea, BERGER Marie-Hélènea, BARTOUT JeanDominiquea a MINES ParisTech, PSL Research University, MAT - Centre des matériaux, Evry, France Résumé Pour anticiper les besoins des industriels dans le domaine des céramiques techniques, une étude a été lancée pour appliquer la fusion laser sélective (Laser Beam Melting LBM) à ces matériaux et en particulier à l’Al2O3-ZrO2. La semi-transparence de ce matériau au rayonnement laser Nd:YAG a été contournée par l’ajout de dopants à la poudre. Les propriétés des lits de poudre ainsi que celles des bains de fusion ont été comparées aux résultats sur les matériaux métalliques pour lesquels le procédé est déjà bien étudié. Introduction La majorité des recherches menées dans le domaine de la fabrication additive ont trait à des pièces polymères ou métalliques. L’application de cette technologie aux pièces céramiques constitue un enjeu de taille, qui permettrait le design de nouvelles pièces à formes complexes sans surcoût d’usinage, ce dernier pouvant représenter jusqu’à 80% du coût de production d’une pièce en céramique [1]. L’application du LBM à la céramique oxyde Al2O3-ZrO2 à haut point de fusion repose sur un passage à l’état liquide du matériau. De cette manière, la densité des pièces peut être améliorée par rapport au procédé de frittage laser sélectif (Selective Laser Sintering SLS) mettant en jeu la pyrolyse d’un polymère. La mise en forme des céramiques par LBM a été retardée car ces céramiques oxydes n’absorbent que très faiblement les rayonnements des lasers usuels et possèdent une faible résistance aux chocs thermiques. Le but de l’étude est de définir une stratégie de construction de pièces en céramique oxyde Al2O3-ZrO2 de composition eutectique ainsi que d’étudier l’interaction laser-matière. Résultats expérimentaux Poudres et lits de poudre Le choix a été fait d’additionner un dopant à la poudre céramique, de manière à ce que ce dernier absorbe le rayonnement laser et le transmette par conduction à la poudre céramique. Le carbone a été sélectionné pour sa forte absorption et sa quasi-disparition lors du passage du faisceau laser dans une atmosphère de travail oxydante. La caractérisation des lits de poudre a consisté à évaluer les densités versées, tapées et densité réelle obtenue lors de la mise en couche sur la machine de fabrication. Il a été remarqué que la densité réelle du lit de poudre mis en couche lors de la fabrication est proche de la densité versée et ceci, quel que soit le nombre de couches déposées. Cette faible densité relative du lit de poudre (voisine de 43%) est responsable d’un retrait conséquent propre à chaque type de bain lors de la consolidation du lit de poudre. Lignes de fusion sur substrats Des études paramétriques 1D ont été menées sur monocordons en variant les puissances et vitesses de fabrication sur un domaine étendu d’énergies linéiques allant de 0,05 à 3,5 J.mm-1. Les résultats montrent des bains aux profondeurs de pénétration très importantes aux fortes valeurs d’énergies linéiques (El 0,84J.mm-1), ce qui met en évidence un phénomène de « keyhole » avec une remontée de matière très prononcée. La Figure 1 représente un bain en forme de clou avec une grande porosité en bas du bain (200µm de long sur 60µm de large) ainsi qu’une calotte en haut du bain qui est issue de la remontée de liquide par le capillaire gazeux du keyhole. Figure 1. Bain d’Al2O3-ZrO2 obtenu sur compact de poudre dopé au carbone pour une puissance de 126W et une vitesse de 100mm/s (El=1,26 J.mm-1) sous air. Les premières observations microstructurales des bains ont quant à elles, permis d’identifier des colonies à fin eutectique lamellaire dont les largeurs de lamelles sont sub-microniques (Figure 2). Au regard des mono-cordons 1D obtenus et des vidéos de la consolidation par caméra rapide, l’éjection des particules de poudre semble plus marquée qu’avec les poudres métalliques, notamment aux fortes vitesses de balayage laser. Son origine reste encore à définir mais ce phénomène devra être pris en compte pour l’établissement de la stratégie de construction 3D. Cette dernière sera nécessairement différente de celle utilisée pour les métalliques puisque ces éjections peuvent mener à des vides de part et d’autre du cordon bien plus importants, [2] Vinson, P., Fusion sélective par laser de lits de poudre : Étude sur le recyclage de la poudre et détection de défauts au cours de la fabrication par imagerie thermique. 2015. Thèse MINES-ParisTech. [3] Bityukov, V.K., Petrov, V.A., Absorption Coefficient of Molten Aluminum Oxide in Semitransparent Spectral Range. 2013. Applied Physics Research 5. Figure 2 : Microstructure d’un bain Al2O3-ZrO2 obtenu sur compact de poudre dopée au carbone pour une puissance de 126W et une vitesse de 50mm/s (El=2,52 J.mm-1) sous air ainsi qu’à des instabilités sur les cordons. De plus, grâce à l’adaptation des modèles de consolidation développés pour les métalliques [2], la quantité de poudre chassée peut être précisément connue. Cette profondeur de pénétration importante et ces éjections de particules impactent les morphologies des bains qui sont très différentes de celles obtenues pour les matériaux métalliques. Ceci implique alors que des nouveaux critères doivent être définis pour déterminer la stabilité des bains céramiques. Par ailleurs, les profondeurs de pénétration des bains liquides obtenues dans des substrats non dopés sont relativement importantes mais ne traversent pas l’intégralité du matériau, ce qui parait surprenant pour un matériau qui devrait être quasi-transparent au rayonnement laser. Ce phénomène ainsi que certaines données de la littérature [3] laissent penser que l’absorption du matériau augmente après qu’il soit passé à l’état liquide. Conclusion La mise en évidence d’un important phénomène de keyhole, et des dimensions de bains fortement influencées par l’éjection de particules de poudre, fournit des informations essentielles pour établir la stratégie de construction 3D. Il sera probablement nécessaire de mettre en jeu des stratégies de balayage atypiques. Néanmoins, la fabrication de céramiques oxydes par LBM semble être prometteuse à condition de définir la paramétrie permettant de minimiser les éjections de particules de poudres (maximales à fortes vitesses) tout en limitant le phénomène de keyhole (maximal à faibles vitesses). Références [1] Travitzky, Nahum, Alexander Bonet, Benjamin Dermeik, Tobias Fey, Ina Filbert-Demut, Lorenz Schlier, Tobias Schlordt, Peter Greil , Additive Manufacturing of Ceramic-Based Materials, 2014, Advanced Engineering Materials 16 (6): 729‑54.