L’ISR à la recherche de nouveaux élans ? 71
d’une part, un niveau élevé de performance
extrafinancière et d’autre part, un haut
niveau de performance financière. Ainsi, si
l’on explique la performance financière par
la performance extrafinancière sans inté-
grer ces deux variables dans le modèle, les
deux performances sont dites endogènes et
ne pas en tenir compte biaise les résultats.
Des bases de données très complètes sont
donc nécessaires. Il est également souvent
supposé que le lien entre performances
financière et extrafinancière est linéaire,
alors que certains chercheurs ont mis en
évidence l’existence de niveaux extrafinan-
ciers optimaux à ne pas dépasser (Barnett et
Salomon, 2006), invitant à l’utilisation de
modèles plus sophistiqués.
Une autre difficulté majeure réside dans le
sens de la causalité. La performance extra-
financière est-elle un moyen d’améliorer
la performance financière de l’entreprise
ou, à l’inverse, une performance financière
est-elle une condition nécessaire à la per-
formance extrafinancière ? Pour répondre
à cette question, il faut distinguer l’impact
joué par la performance ESG, de celui joué
par la publicité et la R&D (deux variables
explicatives usuelles). Il est également
nécessaire de disposer de données sur des
périodes suffisamment longues pour pou-
voir observer les évolutions dans le temps.
Parmi les études qui traitent efficacement
ce point, Baron et al. (2008) trouvent une
causalité inversée : la performance extra-
financière augmenterait avec la quantité de
ressources financières disponibles.
Une autre difficulté concerne la nature
multidimensionnelle de la RSE. On résume
souvent ces différentes dimensions aux
critères environnementaux, sociaux et de
gouvernance (ESG), mais ceux-ci cachent
en pratique un large éventail de mesures.
La dimension environnementale renvoie par
exemple à l’incorporation dans la concep-
tion, la production et la distribution des pro-
duits de pratiques relatives à la prévention
et au contrôle de la pollution, la protection
des ressources en eau, la conservation de
la biodiversité, la gestion des déchets, la
gestion de la pollution locale ou encore
la gestion des impacts environnementaux
du transport. La dimension sociale renvoie
quant à elle aux pratiques innovantes de
gestion des ressources humaines (formation
et gestion des carrières, participation des
salariés, qualité des conditions de travail) et
peut inclure également les contributions aux
causes d’intérêt général et local ; le respect
des droits de l’homme ou encore l’élimina-
tion du travail des enfants. Enfin, la dimen-
sion gouvernance renvoie aux pratiques
des entreprises vis-à-vis de leurs action-
naires (respect du droit des actionnaires,
promotion de l’indépendance et la com-
pétence des administrateurs, transparence
de la rémunération des cadres dirigeants)
et peut être étendue aux comportements
sur les marchés et vis-à-vis des clients et
des fournisseurs (prévention des conflits
d’intérêts et des pratiques de corruption ou
anticoncurrentielles, sécurité des produits,
information donnée aux consommateurs sur
les produits, diffusion des bonnes pratiques
dans l’ensemble de la chaîne de valeur en
amont et en aval de la production). Tenir
compte des multiples dimensions de la RSE
est d’autant plus important que, comme le
soulignent Bénabou et Tirole (2010), les
firmes peuvent être proactives sur certaines
dimensions et en retrait sur d’autres. Il n’y
a pas de raison non plus que l’impact de
la RSE sur la performance économique et
financière soit uniforme à travers ces diffé-
rentes dimensions. Cavaco et Crifo (2013)
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