L’investissement socialement responsable (ISR), en paroles ou en
actes ?
L’investissement socialement responsable (ISR), en paroles ou en actes ? | 1
Suite de notre feuilleton sur la fraude intrinsèque à l’économie de marché rendant
son éthique illusoire. Épisode 2: nous explorons la notion d’investissement
socialement responsable (ISR) et les limites de ce concept marketing développé par
les acteurs financiers pour rendre leurs produits plus présentables. Extraits d’une
contribution académique de Deontofi.com à la revue internationale Éthique
Publique, pour son ouvrage intitulé : Éthique et reconfigurations de l’économie de
marché : nouvelles alternatives, nouveaux enjeux.
Les entreprises revendiquent leur responsabilité sociétale et environnementale (RSE),
tandis que les banques mettent en avant leur investissement socialement responsable
(ISR), mais est-ce plus qu’un maquillage marketing pour dissimuler des pratiques
nettement moins avouables ? (photo © GPouzin)
L’investissement « éthique » est apparu dans les années 1960 pour gérer l’argent de
congrégations en accord avec leur morale, en excluant par exemple tout investissement lié
au tabac, à l’alcool ou à l’armement. Ce concept a ensuite été décliné par les banques pour
séduire un public sensible à l’éthique, notamment dans les fonds de retraite supervisés par
les syndicats.
Plus la mondialisation et la financiarisation de l’économie frappent les citoyens, plus le
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concept d’investissement éthique est mis en avant. Ce concept a été relancé avec des
nuances variées, comme le développement durable, l’ISR (investissement socialement
responsable), la RSE (responsabilité sociale d’entreprise) ou les critères ESG
(environnementaux, sociaux et de gouvernance).
Les premières agences de notation qui ont utilisé ces critères « extra-financiers » sont
apparues dans les années 1980, avant d’être plus nombreuses dans les années 1990. Parmi
quelques exemples, on peut citer l’agence de notation environnementale Oekom Research,
créée en Allemagne en 1993, Innovest Strategic Value Advisors, créée aux États-Unis en
1995 par un ancien collaborateur de la Banque mondiale, le Canadien Matthew Kiernan, qui
l’a revendue depuis, l’ARESE, créée en France en 1997, à l’origine de l’agence Vigéo,
fondée en 2002 par l’ex-secrétaire du syndicat CFDT, Nicole Notat.
La réglementation a renforcé ce concept. En France, la loi du 17 février 2001 oblige les
sociétés disposant d’un plan d’épargne salarial (PEE) à proposer des fonds d’ISR. En 2005,
sous l’impulsion du secrétaire général Kofi Annan, les Nations Unies ont invité les plus
grands investisseurs mondiaux à développer les « principes pour l’investissement responsa-
ble » (UN Principles for Responsible Investment, www.unpri.org). Début 2014, cette
initiative regroupait 1 200 signataires gérant 34 000 milliards de dollars.
En théorie, l’investissement « responsable » aurait pu contribuer à améliorer l’éthique des
affaires. Pourtant, le nombre de fraudes et le montant de celles-ci ont explosé, y compris
dans les sociétés « socialement responsables ». Au-delà des difficultés à mettre en œuvre
une démarche d’investissement éthique (établir et contrôler les critères du bien et du mal),
voire de son impossibilité (distinguer l’éthique au milieu de l’immoralité), des professionnels
critiquent un manque d’ambition. Philippe Zaouati, président-directeur général de la société
d’investissement socialement responsable Mirova (groupe Natixis, France), estime que les
critères des « meilleurs élèves » (best in class, dans le jargon de l’ISR) les amènent à
« prendre le monde tel qu’il est » plutôt qu’à vouloir le changer, ce qui aboutit à une forme
de green washing : les fonds d’investissement qui ont un label ISR achètent quasiment les
mêmes actions que ceux qui n’en ont pas.
Sur le fond, l’engagement réel des sociétés à promouvoir la RSE est également à remettre
en question. « Comment peut-on parler de RSE sans donner les moyens aux salariés
d’exercer leur responsabilité sociale sans la peur d’être virés ? », s’interrogeait ainsi la
secrétaire du syndicat français des cadres CGT, Marie-José Kotlicki, à l’occasion du dixième
anniversaire du Comité intersyndical pour l’épargne salariale (citée dans Pouzin, 2012).
Les entreprises revendiquent généralement la plus grande éthique, le respect des lois, des
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intérêts de leurs clients autant que de la dignité de leurs salariés. Dans la pratique, il n’est
pourtant pas rare qu’elles multiplient les infractions ou les fraudes, au seul profit de leurs
dirigeants. Dans ces situations, une société socialement responsable devrait protéger les
lanceurs d’alerte (whistleblowers) contre les menaces et les représailles de leur hiérarchie,
et les fraudes qu’ils dénoncent devraient être punies.
Et pourtant, les fraudeurs s’en tirent souvent mieux que leurs dénonciateurs !
Lire la suite, épisode 3 : Les lanceurs d’alerte, ou crieurs d’alarme, plus menacés que
protégés
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illusoire
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