m i s e a u p o i n t
* Service de physiologie,
hôpital de Bicêtre-AP-HP, Université Paris-
Sud XI, Le Kremlin-Bicêtre.
Hémoglobine, hématocrite
et risque cardiovasculaire
D. Chemla*
À
côté des facteurs de risque card i ova s -
c u l a i re dits traditionnels”, de nom-
b reux tra v aux ont souligné les liens
potentiels entre morbimortali card i o va s c u-
l a i r e, hémoglobine et hématocrite. Le pro b l è -
me clinique le plus immédiat est celui de
l’anémie, qui diminue les apports tissulaire s
en oxygène. Les mécanismes compensateurs
visant à préserver l’oxynation tissulaire ont
des conséquences modynamiques et humo-
rales susceptibles de provoquer ou de pcipi-
ter un certain nombre d’événements card i o-
va s c u l a i res à risque. À l’inverse, l’hyperv i s c o -
sité sanguine modifie la rhéologie des circ u l a -
tions locales, en particulier coro n a i res et ré-
b rales, et le ralentissement du débit sanguin
local favorise l’hypoxie tissulaire et la thro m-
bose. Enfin, des liens entre statut en fer et
a t h é r o s c l é rose ont été suspectés. À la lumière
des études les plus récentes, nous abord e ro n s
s u c c e s s i v ement les problèmes liés aux diffé-
rentes finitions de lanémie, les consé-
quences card i ova s c u l a i res de l’anémie, et les
liens entre risque card i ova s c u l a i re, hémoglo-
bine, hématocrite et statut en fer.
DES DIFFÉRENCESIMPORTANTES EXISTENT
DANS LA DÉFINITION DE LANÉMIE
La prévalence d’une anémie chez les sujets
a m b u l a t o i res ou hospitalisés est difficile à
apprécier car différentes définitions ont été uti-
lisées dans la littérature. L’anémie est classi-
quement définie par une concentration d’hémo-
globine inférieure à 13 g/dl chez l’homme et
inférieure à 12 g/dl chez la femme (critères
OMS) (1) (tableau I), et cette définition est utili-
sée dans de nombreuses études. Dans d’autres
études, des valeurs seuil d’hémoglobine de
12 g/dl ou surtout de 11 g/dl ont été utilisées,
sans tenir compte du sexe du patient. Dans ce
dernier cas, la prévalence de l’anémie est évi-
demment plus faible que lorsque les critères de
l’OMS sont utilisés.
Dans certaines études, l’anémie a été diagnosti-
quée sur la base d’une diminution de l’hémato-
crite, mais il faut une fois de plus noter la dispa-
rité des définitions utilisées : soit un hématocri-
te inférieur à 38 % chez la femme ou inférieur à
41 % chez l’homme, soit un hématocrite infé-
rieur ou égal à 37 % chez tous les patients.
71
Correspondances en Risque CardioVasculaire - Vol. II - 2 - avril-mai-juin 2004
L’anémieestunfacteurderisquecardiovasculairechezlesujetd’âgemoyen
(étudeARIC).
L’anémieestfréquentechezl’insuffisantcardiaqueetelleestassociéeàunmau-
vaispronosticencasd’insuffisancecardiaquesévère.
L’anémieestassociéeàunesurmortalitédansl’infarctusdumyocardeetchezle
coronarientraitéparangioplastieouparpontage.
Unhématocriteélevéestunfacteurderisqued’hypertrophieventriculairegauche
etd’accidentvasculairecérébralischémique ;l’augmentationdurisqued’insuffi-
sancecoronaireestencorediscutée.
Tableau I. Définitions de l’anémie utili-
sées dans les études cliniques.
Homme Femme
Critères OMS
Hémoglobine Hémoglobine
<13 g/dl <12 g/dl
Autres
Hématocrite Hématocrite
<41 % <38 %
Seuil indiscutable
Hémoglobine <11 g/dl
Enfin, pour étudier le rôle pronostique de l’ané-
mie dans le risque cardiovasculaire, certaines
études ont traité hématocrite et hémoglobine
comme des variables continues ; d’autres ont
comparé des sous-groupes en fonction des
valeurs médianes ou de la distribution de ces
variables dans la population totale…
CONSÉQUENCES CARDIOVASCULAIRES
DE LANÉMIE :PHYSIOPATHOLOGIE
Quel que soit le terrain card i ova s c u l a i re du
patient, une anémie a des conséquences car-
d i ova s c u l a i res importantes (2, 3). L’ a n é m i e
réduit les capacités de tra n s p o rt de l’ox y g è n e
par le sang artériel. Des mécanismes compen-
sateurs visent à préserver la consommation tis-
s u l a i r e en oxygène : augmentation de l’extra c-
tion tissulaire de l’oxygène et augmentation de
la production d’érythropétine. Surv i e n n e n t
ensuite des mécanismes compensateurs hémo-
dynamiques avec redistribution du débit car-
diaque vers les tissus les plus sensibles à l’hy-
p oxie et augmentation du débit cardiaque. La
s u rc h a rge de tra vail cardiaque liée à la surc h a r-
ge volumique des anémies chroniques est re s-
ponsable d’une dilatation et d’une hypert ro-
phie ve n t r i c u l a i re gauche, avec remodelage car-
diaque et va s c u l a i re.
La physiopathologie de l’augmentation de débit
c a rdiaque est complexe. La tachyc a rdie est
inconstante. Le volume d’éjection systolique
ve n t r i c u l a i re gauche est maintenu constant,
voire augmente, grâce à la vasodilatation arté-
rielle périphérique (diminution de la postchar-
ge), à l’augmentation du retour veineux (aug-
mentation de la précharge) et à l’augmentation
de la contractilité cardiaque. L’hypoxie tissulaire
et la diminution de la viscosité sanguine liées à
l’anémie sont en effet responsables d’une vaso-
dilatation artérielle riprique hypox i q u e ,
entraînant une diminution des résistances vas-
culaires systémiques, de la pression artérielle
systémique et de la perfusion rénale. La sur-
c h a rge volumique contribue également à la
vasodilatation artérielle par un mécanisme
débit-dépendant, mais les effets cardiovascu-
laires médiés par le NO dépendent de nombreux
facteurs, en particulier du type d’anémie et du
statut en fer.
Sur le plan coronarien, une anémie aiguë dimi-
nue les résistances coronaires, tandis qu’une
anémie chronique stimule la formation de vais-
seaux coronaires collatéraux. L’hypoperfusion
rénale va provoquer une activation du système
rénine-angiotensine-aldostérone et du système
sympathique. L’hyperaldostéronisme provoque
une rétention d’eau et de sel. L’augmentation
des taux circulants d’angiotensine II et de nora-
drénaline a des effets myocardiques délétères
(ischémie, hypertrophie, apoptose).
CONSÉQUENCES CARDIOVASCULAIRES
DE LANÉMIE :RÔLE DU TERRAIN
ET DE LA RAPIDITÉ DINSTALLATION
DE LANÉMIE
La tolérance de l’anémie dépend donc principa-
lement du recrutement de deux réserves physio-
logiques : la réserve d’extraction de l’oxygène et
la réserve de bit cardiaque ( t a b l e a u I I ) .
L’importance de ces réserves varie selon le ter-
rain et elles diminuent physiologiquement avec
l’âge. Chez un sujet sans pathologie cardiovas-
culaire, le débit cardiaque de repos augmente
en cas d’anémie importante (Hb <10 g/dl), du
fait de l’augmentation du volume d’éjection sys-
tolique et de la fréquence cardiaque. Cette der-
nière est inconstante ou modérée si l’anémie
s’est installée très progressivement. Chez un
sujet sans pathologie cardiaque, ce n’est qu’en
cas d’anémie sévère (Hb <5g/dl) que s’observe
une insuffisance cardiaque aiguë.
L’utilisation au repos de la réserve de débit car-
diaque chez les patients souffrant d’insuffisan-
ce cardiaque explique pourquoi il existe un lien
entre anémie et symptomatologie fonctionnelle
d’effort chez ces sujets, indépendamment de la
fonction ve n t r i c u l a i r e gauche. Les patients
insuffisants cardiaques souffrant d’anémie ont
une symptomatologie fonctionnelle plus sévère,
une moins bonne tolérance à l’exercice et une
VO
2
max diminuée compara t i vement aux
patients sans anémie, alors que leur fraction
d’éjection ventriculaire gauche est comparable
(4, 5)
. Ces cardiaques anémiques ont une créa-
m i s e a u p o i n t
Correspondances en Risque CardioVasculaire - Vol. II - 2 - avril-mai-juin 2004
72
Tableau II. Facteurs de gravité cardiovas-
culaire de l’anémie.
1. Liés à l’anémie
Anémie importante
(Hb <10 g/dl) ou sévère
(<5 g/dl)
Absence de mécanismes
compensateurs (installation
rapide de l’anémie)
Étiologie
2. Liés au terrain
Absence de réserve de débit
cardiaque (insuffisant cardiaque)
Absence de réserve d’extraction
de l’O
2
(insuffisant coronaire)
Apports débit-dépendants
(sténose vasculaire, surtout
à l’effort)
Terrain (âge, cardiopathie,
insuffisance rénale, diabète)
A u t r es facteurs de risque associés
3. Liés au contexte
Hypotension artérielle associée
tininémie plus élevée et, selon les études, sont
soit plus âgés
(5)
soit d’âge comparable aux
patients sans anémie
(4)
.
L’absence de réserve d’extraction d’oxygène au
niveau myocardique explique la gravité de l’ané-
mie chez le coronarien, et sa plus grande sensi-
bili à l’hypotension et à la tachyc a r d i e .
Lorsque l’anémie se développe très lentement,
un sujet normal souffrira d’angor d’effort pour
une Hb inférieure à 7 g/dl. Par contre, une ané-
mie plus modérée sera responsable de la révé-
lation ou de la majoration d’un angor d’effort
chez un patient porteur d’une card i o p a t h i e
ischémique. Ainsi, lors d’un stress (augmenta-
tion de la demande), l’anémie démasque les
capacités limitées d’adaptation du débit
(apports) à travers la sténose coronaire.
On comprend que l’anémie peut augmenter le
risque card i ova s c u l a i re dans la population
g é n é r ale. De plus, si elle survient chez un
patient ayant une pathologie cardiovasculaire
connue, l’anémie augmente la morbimortalité
lors du stress (effort, période périopératoire de
chirurgie cardiovasculaire ou non)
(6)
. L’anémie
est ainsi à rechercher systématiquement lors du
bilan médical régulier ou à l’occasion d’un épi-
sode de décompensation de la pathologie car-
diovasculaire sous-jacente.
L’ANÉMIE EST UN FACTEUR DE RISQUE
CARDIOVASCULAIRE CHEZ LES SUJETS
DÂGE MOYEN
Les données récentes issues de l’étude pros-
pective ARIC semblent le démontrer
(7)
. Un
effectif de 14 410 sujets sans pathologie cardio-
vasculaire a été inclus entre 1986 et 1989. Leur
âge moyen était de 54 ans (45-64 ans), et la
population comportait 8 1 4 3 femmes et
6 267 hommes. Parmi eux, 1 058 femmes (13 %)
et 300 hommes (4,8 %) étaient anémiques à
l’entrée selon les critères de l’OMS
(1)
. Durant
un suivi moyen de 6,1 ans, 549 événements car-
diovasculaires (3,8 %) sont survenus, à type
d’infarctus du myocarde, d’angioplastie ou de
pontage coronaire, ou de mort d’origine car-
diaque. La présence d’une anémie à l’entrée
dans l’étude était associée de façon indépen-
dante à un risque cardiovasculaire augmenté
(hazard-ratio 1,41 ; IC 95 %= 1,01-1,95) et à un
risque de décès d’origine card i ova s c u l a i re
(hazard-ratio 1,65 ; IC 95 % = 1,03-2,19) dans la
population totale. Il n’y avait pas d’interaction
significative entre le risque cardiovasculaire lié
à l’anémie d’une part et l’âge, l’ethnie et les fac-
teurs de risque traditionnels d’autre part
(7)
.
Dans une étude néerlandaise récente portant
sur une population de 755 personnes âgées de
85 ans ou plus, 17 % des femmes et 28 % des
hommes souffraient d’anémie
( 8 ) .
C o m p a ra -
t i vem ent aux patients normocymiques, le
risque mortel dans les 5 ans était significative-
ment augmenté chez l’homme (x 2,29) et chez la
femme (x 1,60). Ces différences n’étaient pas
explicables par une pathologie sous-jacente.
Chez les personnes ne rapportant pas sponta-
nément de pathologie connue, le risque moyen
était de 2,21 en cas d’anémie. En cas d’anémie,
la surmortalité était expliquée par l’augmenta-
tion du pourcentage des tumeurs et des infec-
tions, mais pas des pathologies cardiovascu-
laires. Une synthèse récente fait le point sur les
conséquences d’une anémie du sujet âgé, en
particulier en termes de complications cardio-
vasculaires et neurologiques
(9)
.
L’ANÉMIE EST FRÉQUENTE
C H E Z LI N S U F F ISA N T CA R D I A Q U E C H R O N I Q U E
L’anémie est fréquente chez les patients en
insuffisance cardiaque chronique, et ce d’autant
plus qu’il s’agit d’un sujet âgé, avec une gêne
fonctionnelle importante, une dysfonction systo-
lique sévère et une insuffisance rénale
(4, 10-13)
.
L’incidence varie de façon importante selon la
valeur seuil utilisée pour définir l’anémie. Il peut
s’agir d’une anémie vraie dont la physiopatholo-
gie est complexe, ou d’une fausse anémie par
hémodilution chez les patients hypervo l é m i q u e s
( 1 3 )
, chez lesquels le syndrome œdémateux cli-
nique est cependant inconstant. Le risque à
c o u r t terme reste accru même après prise en
compte des signes cliniques congestifs
( 1 4 )
.
La prévalence de l’anémie augmente avec la
classe fonctionnelle : chez les patients en clas-
se IV de la New York Heart Association (NYHA),
73
Correspondances en Risque CardioVasculaire - Vol. II - 2 - avril-mai-juin 2004
Correspondances en Risque CardioVasculaire - Vol. II - 2 - avril-mai-juin 2004
74
et selon la définition de l’anémie et l’étude, sa
prévalence atteint 14 % (Hb 11g/dl)
(11)
, 68 %
(hématocrite <38 % chez la femme et <41 %
chez l’homme)
(13)
, voire 79 % (Hb <12 g/dl)
(10)
. Sur une large cohorte de 12 065 patients
(âge moyen 78 ans) chez qui une insuffisance
cardiaque congestive venait d’être diagnosti-
quée, 17 % avaient une anémie liée à une affec-
tion chronique dans 58 % des cas
(15)
. Les
patients anémiques étaient significative m e n t
plus âgés, de sexe féminin et souffraient d’une
insuffisance rénale chronique. Parmi les
806 patients de l’étude OPTIME-CHF (insuffisan-
ce cardiaque décompensée sur dysfonction sys-
tolique ventriculaire gauche) ayant eu un dosa-
ge sanguin, 49 % avaient une anémie définie
selon les critères OMS et 9 % avaient une ané-
mie importante (Hb <10 g/dl)
(14)
.
L’ANÉMIE EST ASSOCIÉE À UN MAUVAIS
P R O N O S T I C DA N S LI N S U F F I SA N C E CA R D I AQ U E
Il est généralement admis que l’anémie est asso-
ciée à un mauvais pronostic dans l’insuffisance
c a r diaque sére ou avérée
(4, 10, 12)
. Les sujets
s o u f f r ant d’anémie par hémodilution semblent
a v oir un pronostic encore moins bon, ce qui sou-
l i g n e r ait le rôle de la surc h a rge volumique
( 1 3 )
.
L’anémie est un facteur prédictif indépendant de
m o rtalité à trois ans chez le sujet insuffisant car-
diaque selon une analyse tro s p e c t i ve de la
banque de données de l’étude SOLVD portant sur
66 3 5 patients dont la fraction d’éjection ve n t r i-
c u l a i re gauche était inférieure ou égale à
3 5 %
( 1 6 )
. L’anémie est également un facteur pré-
dictif indépendant de mortalité à un an chez le
sujet insuffisant cardiaque âgé de plus de 65 a n s
( 1 7 )
. Dans cette étude portant sur 2 2 8 1 p a t i e n t s
( 5 8 % de femmes), âgés en moyenne de 79 ±
8 ans, la valeur médiane de l’hématocrite était de
3 8 %. Après ajustement pour les facteurs démo-
g r aphiques et cliniques, chaque baisse de 1 % de
l’hématocrite était associée à une augmentation
s i g n i f i c a t i ve de 2 % de la mortaliau bout d’un
an. Les patients ayant un hématocrite inférieur ou
égal à 27 % (25
e
p e rcentile) avaient une mort a l i t é
annuelle de 40 % supérieure à celle des patients
ayant un hématocrite supérieur à 42 % (75
e
p e r -
centile), soit un risque relatif (RR) de 1,40 (inter-
valle de confiance 95 %, 1,02-1,92). Ce risque
était similaire à celui conféré par des facteurs de
risque plus traditionnels, comme une fra c t i o n
d’éjection ve n t r i c u l a i re gauche inférieure ou
égale à 20 % par exemple (RR = 1,50). Un héma-
tocrite bas était également associé à un risque
accru de hospitalisation
( 1 7 ) .
Une étude prospective portant sur 1 130 sujets
a vec dysfonction systolique sévère (fra c t i o n
d’éjection ventriculaire gauche inférieure à 30 %
et classe IIIB et IV de la NYHA) a montré un
risque de mortalité accrue chez les sujets ané-
miques, risque lié plus à l’aggravation progres-
sive de l’insuffisance cardiaque qu’à d’autres
causes, dont la mort subite
(18)
. Après prise en
compte des facteurs confondants potentiels, les
patients dans le quintile le plus bas (hématocri-
te <37,5 %) avaient un risque mortel plus élevé
(+ 52 %) que les patients dans le quintile le plus
haut (hématocrite >46 %). Chez les patients
dans le quintile le plus bas, chaque diminution
de 1 % de l’hématocrite était associée à un
risque significativement augmenté (+ 11 %).
LES LIENS ENTRE ANÉMIE ET SURVIE SONT
ENCORE DISCUTÉS DANS LINSUFFISANCE
CA R D I AQ U E N O U V E L L E M E N T D I A G N O S T I Q U É E
Dans la cohorte décrite plus haut des
12 065 patients chez qui une insuffisance car-
diaque congestive venait d’être diagnostiquée,
et suivis en moyenne 573 jours, l’odds-ratio
pour la mortalité était de 1,34 (IC 95 %= 1,24-
1,46) en cas d’anémie, après ajustement des
autres facteurs de risque
(15)
. Cependant, sur
une population similaire dinsuffisants car-
diaques nouvellement diagnostiqués (n = 552),
une étude, parue également en 2003, ne retrou-
ve pas à trois ans de risque lié à l’anémie
lorsque l’âge et la créatininémie sont pris en
compte
(19)
. Les auteurs soulignent que ces
résultats inattendus sont peut-être liés à la
bonne fonction systolique de leurs patients
(24 % seulement avaient une dysfonction systo-
lique sévère) et précisent que l’on ne peut élimi-
ner un rôle délétère de l’anémie aux stades plus
tardifs de l’insuffisance cardiaque congestive.
m i s e a u p o i n t
INFARCTUS DU MYOCARDE,ANGIOPLASTIE,
PONTAGE :MORTALITÉ ACCRUE EN CAS
DANÉMIE
Dans une étude pro s p e c t i ve portant sur
78 974 patients âgés de 65 ans et plus (âge
moyen : 78 ans ; 54 % de femmes), hospitalisés
à la phase aiguë d’un infarctus du myocarde,
43 % des patients avaient un hématocrite infé-
rieur à 39 % à l’entrée
(20).
Un hématocrite bas
était associé à une mortalité plus élevée à
30 jours, à un taux accru d’événements au cours
de l’hospitalisation (incluant choc, insuffisance
cardiaque et décès) et à un séjour hospitalier
plus long. La mortalité à 30 jours était négative-
ment corrélée à l’hématocrite.
Une étude tro s p e c t i v e portant sur
689 patients ayant bénéficié d’une angioplastie
c o ro n a i re percutanée et suivis en moye n n e
6 9 7 jours montre une mortalité accrue en cas
d’anémie diagnostiquée avant la pro c é d u re
( 2 1 )
.
Une étude pro s p e c t i ve sur 2 0 5 9 p a t i e n t s
(1 724 hommes) ayant bénéficié d’un monopon-
tage (mammaire interne dans 96 % des cas)
montre une mortalité à huit jours, cinq fois
supérieure chez les patients ayant une hémo-
globine inférieure à 10 g/dl avant l’interven-
tion
(22)
. Les auteurs suggèrent que ces résul-
tats seraient expliqués moins par la valeur pré-
opératoire de l’hémoglobine que par l’associa-
tion de l’anémie à une véri accrue du
tableau clinique et à une comorbidité.
HÉMATOCRITE ÉLEVÉ ET INSUFFISANCE
CORONAIRE :DES LIENS COMPLEXES
L’augmentation de l’hématocrite entraîne une
hyperviscosité sanguine associée à un ralentis-
sement du débit sanguin local qui favorise l’hy-
poxie tissulaire et la thrombose. L’hypothèse
d’une courbe en J (ou en U) décrivant la relation
entre risque cardiovasculaire et hématocrite a
é évoquée
( 2 3 )
. Cependant, l’association
entre hématocrite élevé et risque coronarien est
contestée. Un hématocrite élevé est souvent
associé aux autres facteurs de risque corona-
rien, en particulier le tabagisme, l’hypertension
artérielle et l’hypercholestérolémie. Lorsque ces
facteurs sont pris en compte, le risque conféré
par l’anémie est très légèrement supérieur à un,
comme le montre une ta-analyse récen-
te
(24)
. Les résultats sont discordants dans une
analyse de 8 896 adultes inclus dans l’étude
NHANES II et suivis pendant 17 ans, qui montre
que le risque de décès par cardiopathie isché-
mique est significativement augmenté pour des
valeurs élevées d’hématocrite (>41,5 %) chez la
femme, et qu’il persiste après prise en compte
des autres facteurs de risque
(25)
. Chez l’hom-
me, certains travaux ont confirmé ce risque,
d ’ a u t res pas
(24, 25)
. Un tra vail récent ne
retrouve cependant pas de lien entre hypervis-
cosité et maladie coronaire chez la femme
(26)
.
ABSENCE DE LIEN ENTRE STATUT EN FER
ET MALADIE CORONAIRE
Différentes études épidémiologiques se sont
intéressées aux liens existant entre le statut en
fer et la maladie coronaire, mais leurs résultats
ont été souvent contradictoires. Dans une méta-
analyse de douze études ayant inclus un total
de 7 800 cas, il n’a pas été retrouvé de lien entre
risque coronaire d’une part et ferritine sérique,
saturation de la transferrine, capacité de fixa-
tion du fer, fer sérique ou apport alimentaire en
fer d’autre part
(27)
. Une étude diététique très
récente ne retrouve pas de lien entre statut en
fer et oxydation des LDL
(28)
.
ANÉMIE,HYPERVISCOSITÉ
ET HYPERTROPHIE VENTRICULAIRE GAUCHE
L’hypertrophie ventriculaire gauche (HVG) est
un facteur de risque cardiovasculaire bien docu-
menté. L’anémie peut s’accompagner d’une
augmentation du débit cardiaque potentielle-
ment à l’origine d’une augmentation de la
masse cardiaque avec hypert rophie ve n t r i c u l a i re
gauche. De même, l’augmentation de l’hémato-
crite entraîne une hyperviscosité sanguine res-
ponsable d’une augmentation des résistances
vasculaires systémiques et donc de la postchar-
ge, source potentielle d’HVG. Ainsi, l’hypothèse
d’une courbe en J ou en U entre hématocrite et
75
Correspondances en Risque CardioVasculaire - Vol. II - 2 - avril-mai-juin 2004
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