Les soins palliatifs sont nés en France dans les années 1980

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LES SOINS PALLIATIFS : Quand et Comment ?
Dr Sabine VOISIN-SALTIEL
EMASP / DISSPO
Gustave Roussy
DUCC / 10 Décembre 2015
Les soins palliatifs sont nés en France dans les années 1980. Initialement, ils se résumaient aux
soins des mourants, mais en 30 ans leur champ s’est élargi aux soins et à l’accompagnement des
personnes atteintes de maladies graves et létales.
Les soins palliatifs interviennent en complémentarité d’une médecine hyperspécialisée qui
segmente les prises en charge.
Les soins palliatifs prennent en compte la personne dans sa globalité et sa singularité.
Les soins palliatifs s’inscrivent dans une continuité du soin qui voit s’inverser la proportion des
traitements spécifiques par rapport aux traitements palliatifs. Cette continuité permet de limiter la
violence de l’entrée dans la phase palliative.
Il est important d’anticiper la prise en charge palliative, tout en sachant qu’il sera toujours difficile
de mettre des mots sur le « non-guérir » et de parler du « mourir ».
Définition des soins palliatifs selon la Société Française d’Accompagnement et de Soins Palliatifs :
Les soins palliatifs sont des soins actifs délivrés dans une approche globale de la personne
atteinte d'une maladie grave, évolutive ou terminale. L’objectif des soins palliatifs est de
soulager les douleurs physiques et les autres symptômes, mais aussi de prendre en compte la
souffrance psychologique, sociale et spirituelle.
Les soins palliatifs et l'accompagnement sont interdisciplinaires. Ils s'adressent au malade en
tant que personne, à sa famille et à ses proches, à domicile ou en institution. La formation et le
soutien des soignants font partie de cette démarche.
Les soins palliatifs et l'accompagnement considèrent le malade comme un être vivant, et la mort
comme un processus naturel. Ceux qui les dispensent cherchent à éviter les investigations et les
traitements déraisonnables. Ils se refusent à provoquer intentionnellement la mort. Ils
s'efforcent de préserver la meilleure qualité de vie possible jusqu'au décès et proposent un
soutien aux proches en deuil. Ils s'emploient par leur pratique clinique, leur enseignement et
leurs travaux de recherche, à ce que ces principes puissent être appliqués.
On peut décrire trois situations en cancérologie :
1- le cancer en phase initiale ou curable : l’objectif des traitements est la guérison .La maladie
est une « parenthèse traumatisante » dans une vie. Sont concernés les cancers localisés et
certains cancers métastatiques. Les soins sont curatifs.
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2- le cancer en phase chronique ou incurable : l’objectif est de « vivre avec », le mieux
possible. La maladie est plus ou moins invalidante. Ce qui compte est le temps, mais aussi la
qualité du temps. Sont concernés la plupart des cancers métastatiques. Les soins curatifs
doivent s’associer aux soins palliatifs durant cette phase palliative « initiale ».
3- le cancer en phase terminale : l’objectif est de soulager et d’accompagner. Les soins sont
exclusivement palliatifs : c’est la phase palliative terminale, à ne pas confondre avec la
phase agonique.
Les premiers textes législatifs concernant les soins palliatifs remontent à 1986, avec la circulaire
« Laroque ».
La première grande loi est la loi du 9 juin 1999 qui dit que toute personne malade dont l’état le
requiert a le droit d’accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement.
Elle introduit la notion d’anticipation : les soins palliatifs ne sont pas réservés aux patients en
fin de vie, mais ils doivent être mis en place aussi tôt que possible .Une prise en charge
palliative n’implique pas obligatoirement l’arrêt des traitements spécifiques.
La loi du 4 mars 2002 renforce les droits des malades, particulièrement ceux en fin de vie ou
atteints de pathologie grave. Elle introduit la notion de proportionnalité des soins. Elle prévoit
qu’une personne malade peut désigner par écrit une personne de confiance pouvant lui suppléer si
elle était hors d’état d’exprimer sa volonté.
La loi du 22 avril 2005 (Loi « Leonetti ») clarifie et renforce les dispositions existantes : en
particulier sur l’obstination déraisonnable, sur l’obligation de dispenser des soins palliatifs, sur le
respect par le médecin de la volonté du malade en fin de vie.
La loi articule les trois grands principes éthiques qui gouvernent l’action médicale : la non
malfaisance, l’autonomie et la bienveillance.
Le rapport sur la fin de vie de Jean Léonetti et Alain Claeys du 12/12/2014 propose une loi qui
ouvre de nouveaux droits en faveur des malades en fin de vie :
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Droit du patient de limiter ou refuser les traitements.
Pour les patients en phase terminale, droit de demander une sédation prolongée et continue
jusqu’au décès.
Nécessité de simplifier et généraliser les directives anticipées afin que la décision du patient
soit respectée.
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L’enjeu est celui d’une médecine maitrisée, consciente de ses limites et soucieuse de la
proportionnalité des soins.
Mais si la décision médicale peut être celle de la limitation de certaines thérapeutiques, la nécessaire
continuité des soins de confort et du contrôle de la souffrance « globale » s’impose.
L’accompagnement de la famille et des proches est aussi un élément essentiel de cette démarche.
Qu’est-ce qu’une chimiothérapie palliative ?
La chimiothérapie en phase palliative est proposée dans le contexte d’un cancer chronique,
incurable, avec le souci d’une survie de qualité. Elle doit avoir un objectif clair, avec une
manifestation clinique précise. Sa place n’est pas supérieure aux traitements antalgiques, au soutien
nutritionnel, psychologique…
Importance de l’évaluation de l’espérance de vie :
La prédiction clinique de la survie est sujette à un nombre de facteurs qui en limitent la précision.
Certaines variables cliniques et biologiques ont été retenues comme des indicateurs de mauvais
pronostic.
Parmi les variables cliniques : Performans Status, anorexie, dysphagie, xérostomie, dyspnée,
confusion.
Parmi les variables biologiques : hyperleucocytose, lymphopénie, élévation de la CRP ; mais aussi :
anémie, hypo-albuminémie, hypo-pré albuminémie, PINI (Pronostic Inflammatory Nutritionnal
Index), hypercalcémie, élévation des LDH…
L’établissement d’un pronostic fait partie de l’alliance thérapeutique : les patients ont le droit d’être
informés, s’ils le désirent, de leur pronostic, et de participer à la prise de décision.
Le champ d’action des soins palliatifs :
Pour beaucoup, la compétence des « palliatologues » s’arrête au traitement de la douleur. Mais les
souffrances des patients atteints de maladie chronique évolutive sont multiples : troubles
respiratoires, digestifs, cutanés, neuropsychiques, etc…, souffrances d’autant plus nombreuses et
difficiles à contrôler que l’on s’approche du terme de la vie.
La cancérologie et les soins palliatifs ne doivent plus apparaître comme deux paradigmes éloignés.
Les soins de support permettent de relier deux logiques différentes dans le soin : les soins de
support ne sont pas une discipline mais une organisation permettant de mettre en lien ces deux
paradigmes, intégrant à la fois une démarche spécialiste et généraliste. Ils vont ainsi permettre une
meilleure efficacité des soins et une meilleure cohésion des équipes autour du malade.
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Quelques messages clés dans la prise en charge des symptômes :
DOULEUR et MORPHINIQUE
A propos des interdoses des traitements morphiniques : elles se situent entre le 1/6 et le
1/10ème. de la dose totale des 24 heures.
On peut associer un antalgique de palier I et un antalgique de palier III.
En cas de traitement morphinique, il faut prescrire SYSTEMATIQUEMENT un traitement
contre la constipation. Il faut prévenir le patient du risque de somnolence en début de traitement,
proposer pour les premiers jours un traitement anti-émétique, type métoclopramide ou halopéridol.
La dépression respiratoire sous morphinique est rare, mais il faut être vigilant chez les
patients polymédicamentés (association morphine-benzodiazépine = danger)
En cas de signe de surdosage, rechercher une insuffisance rénale.
On parle de surdosage quand il existe une bradypnée (FR < 10/mn)
Devant une douleur peu morphino-sensible, rechercher une composante neurogène, à traiter
en associant au morphinique un antiépileptique ou un antidépresseur tricyclique.
DYSPNEE EN FIN DE VIE
La morphine est le seul traitement à avoir montré son efficacité sur ce symptôme, avec une
marge thérapeutique plus étroite que dans le traitement de la douleur (demi-dose, au départ en prise
discontinue)
ENCOMBREMENT EN FIN DE VIE
Limiter l’hydratation
NAUSEES/ VOMISSEMENTS
Evoquer une iatrogénie et rechercher un trouble métabolique.
En première intention, à distance de la chimiothérapie et de la radiothérapie, utiliser un
prokinétique ou un neuroleptique anti-dopaminergique, plutôt qu’un sétron.
OCCLUSION
Avis chirurgical systématique.
Le traitement symptomatique repose sur la corticothérapie à forte dose durant 5 jours, le
traitement anti-nauséeux (halopéridol ou dropéridol de préférence), associé à un anti-reflux et un
antisécrétoire antispasmodique, anticholinergique type scopolamine (Scoburen®) ou un anti
sécrétoire analogue de la somatostatine.
Dans 2 cas sur 3, ce traitement va permettre de retirer la sonde naso-gastrique d’aspiration (non
adaptée au contexte de fin de vie) après 2 à 3 jours.
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Pour conclure :
En soins palliatifs, la notion d’équipe multidisciplinaire est essentielle. Elle permet de mettre en
commun et de confronter toutes les observations complémentaires des différents professionnels,
dans la mesure où chaque intervenant n’a qu’une vision partielle, très limitée dans le temps et le
patient n’a pas toujours le même langage avec chaque soignant.
Par ailleurs, cette approche protège contre les choix individuels liés à des projections trop
personnelles. Elle permet d’organiser ensemble une stratégie de soins adaptée et cohérente.
Ethique et soins palliatifs sont indissociablement liés.Les soins palliatifs reposent sur une approche
humaniste et non uniquement technique, des malades en fin de vie.
Les soins palliatifs, reconnus par la loi depuis 1999, ne sont plus un luxe, ni une option facultative,
mais une réelle obligation.
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