ment, afin qu’elle soit respectée dans le
monde. Emeric Deutsch, disait : « L’image
de quelqu’un, c’est la somme de toutes les
fausses idées que l’on se fait sur lui ».
Quant à la polémique autour de la can-
didature d’Evelyne Gougenheim, j’estime
qu’avec la commission juridique du
Consistoire, nous avons préservé l’institu-
tion et son honneur. Il eut été parfaite-
ment inconcevable de s’opposer à cette
candidature, au risque d’aller à l’encontre
du droit associatif français. Il n’est pas
pour autant question d’abdiquer la règle
de Halakha, mais la Halakha – faut-il le
rappeler – s’inscrit dans ce que l’on ap-
pelle la Hanaga, c’est-à-dire la conduite.
Mon travail consiste aussi à arbitrer entre
les avis, parfois nombreux et contradictoi-
res, des décisionnaires.
: Au-delà de cette affaire,
comment expliquez-vous la crispation
d’une partie du Consistoire sur des
attitudes de femmes que la Halakha
n’interdit pas ?
H.K : Il y a une différence entre vouloir
quelque chose et en faire un symbole. Si
une femme veut réciter le Kaddish pour
elle, pourquoi le lui interdire ? Pour autant,
on ne va pas chercher à ce que tout le
monde y réponde. Il en va de même pour la
lecture de la Torah. Il n’y a aucun mal à ce
qu’une femme lise, bien au contraire, mais
pourquoi aller ensuite demander la pré-
sence d’hommes derrière une Me’hitsa ? Et
pourquoi ne pas participer tout simplement
à nos offices qui sont accueillants et portent
la tradition d’un judaïsme authentique ?
: Cela fait deux ans et demi
que vous êtes grand rabbin de France.
Comment esquissez-vous les contours de
votre fonction et votre relation avec les
autres responsables communautaires ?
H.K. : J’essaie de poser des gestes et de
dire les choses quand il me semble utile de
le faire. Pour autant, je m’inscris dans une
dynamique collective. Avec le président du
Consistoire, Joël Mergui, nous travaillons
en bonne intelligence. Avec le grand rabbin
de Paris, Michel Gugenheim, qui assume
également, avec la sagesse que nous lui re-
connaissons tous, la présidence du Tribunal
rabbinique de Paris, nous échangeons très
régulièrement et je prête toujours la plus
grande attention à ses avis. Sur d’autres su-
jets, j’envoie au-devant d’autres rabbins qui
connaissent bien les dossiers. C’est le cas
notamment du grand rabbin Claude Maman
s’agissant de la Hevra Kadicha, du rabbin
Michaël Azoulay pour les affaires sociéta-
les, du rabbin Moshé Sebbag pour les rela-
tions avec Israël ou du grand rabbin Bruno
Fizson pour la Chehita. Comme dit Sun Tzu
dans l’Art de la Guerre, « quand un général
est sur le champ de bataille, c’est lui qui dé-
cide ». Je n’ai donc pas vocation à m’attri-
buer tous les mérites, mais à synthétiser
l’expression de tout ce que font les rabbins
et tout ce qui émane du judaïsme. Je tra-
vaille dans un réel partenariat avec le Crif,
le FSJU, l’OSE, le Casip, les écoles et l’en-
semble des institutions qui, sur le terrain,
portent un dévouement qui force au quoti-
dien mon admiration et mes bénédictions.
: Une question revient de
manière récurrente chaque année et sur
laquelle vous êtes très impliqué. Où en
est le problème des examens universi-
taires qui tombent un jour de chabbat
ou de fête ?
H.K. : Nous avons réalisé un travail consi-
dérable avec le soutien appuyé du minis-
tère. Il n’en demeure pas moins que nous
avons essuyé des échecs. J’assume de
n’avoir pas toujours su trouver les mots
avec les uns et les autres, dans un climat de
laïcisme dur qui n’a plus rien à voir avec la
laïcité mais avec le rejet de tout ce qui est
religieux. Nous sommes donc trop souvent
devenus des dégâts collatéraux et je ne
veux pas que le judaïsme passe en France
par pertes et profits.
Nos étudiants concernés par ce problème
des examens sont des héros de la Républi-
que. Ils défendent une laïcité intelligente,
celle de la liberté de pratique religieuse. Ils
sont aussi des héros du judaïsme. Et c’est un
enjeu majeur. Il en va de la garantie pour nos
jeunes de pouvoir continuer leurs études en
France. C’est un enjeu qui dépasse la ques-
tion du judaïsme et qui touche à ce qu’est la
France. Peut-on oui ou non respecter sa foi et
poursuivre un enseignement supérieur dans
notre pays ? Ma réponse est clairement posi-
tive et je peux vous annoncer que dans la loi
université, le zéro éliminatoire va disparaître,
ce qui est une avancée fondamentale.
: Autre domaine problémati-
que, celui de l’abattage rituel. Doit-on
craindre, au-delà des bonnes conclusions
du récent rapport parlementaire, que sa
pratique soit menacée en France ?
H.K. : Il faut dire et redire les choses. Le
gouvernement, quel qu’il soit, a toujours
été d’une aide sans aucune ombre sur ce
sujet. Améliorer le traitement des animaux
dans leur mise à mort est une nécessité, au
regard des scandaleuses vidéos de souf-
france animale qui ont circulé, et qui rappe-
lons-le, ne concernaient pas les bêtes abat-
tues rituellement.
Rendons aussi hommage à la qualité du
travail du grand rabbin Fiszon qui est dans
la recherche permanente d’une solution sa-
tisfaisante pour tous.
Dans son rapport, la commission parle-
mentaire a rappelé sa préoccupation de
garantir le bien-être animal et préconisé
que les responsables religieux soient par-
ties prenantes aux comités d’éthique des
abattoirs. Elle n’a pas rendu obligatoire
l’étourdissement réversible ou post-jugu-
lation, ce qui nous satisfait pleinement.
Ainsi, les députés ont réaffirmé leur atta-
chement intangible à la laïcité, en préser-
vant l’abattage rituel et le libre exercice
de culte. Pour autant, il nous faut demeu-
rer particulièrement vigilants, car d’autres
propositions de loi visant à interdire
l’abattage rituel sans étourdissement sont
actuellement à l’étude.
: Certains grands chevillards
de la communauté seraient aujourd’hui
tentés d’aller vers d’autres certifications
cachères que le Consistoire. Ce qui re-
présenterait un manque à gagner gigan-
tesque pour l’institution…
H.K. : Ce n’est pas au moment où le pou-
voir politique va fortement conseiller, pour
ne pas dire obliger, à canaliser les ressour-
ces de l’abattage rituel musulman vers des
besoins communautaires, que nous allons
agir en sens contraire. Il faut intégrer les
opérateurs qui ont toujours porté une
préoccupation du bien commun. Le Consis-
toire a, en la matière, un rôle central qui
doit être équilibré. Il a toujours considéré
les besoins de chaque obédience, dans la
mesure où celles-ci respectent les règles.
La situation et la fragilité de notre sys-
tème globalisé vont nous obliger à trouver
des chemins intelligents. Cela devra
conduire à une meilleure péréquation, sa-
chant que ce circuit de consommation de la
viande cachère doit produire du bien pour
l’ensemble de la communauté.
: les 11 et 12 novembre
se déroulera le Chabbat mondial.
En quoi cet événement est-il important ?
H.K. : Ce projet que porte mon conseiller
spécial, le rabbin Moché Lewin, avec beau-
coup de bénévoles, est une façon de mon-
trer à ceux qui pensent que le Chabbat est
N° 1407 - JEUDI 6 OCTOBRE 2016
www.actuj.com
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P’tit Déj’ avec le grand rabbin de France Haïm Korsia
« Le circuit de consommation de
la viande cachère doit produire
du bien pour l’ensemble
de la communauté »
« Le judaïsme
s’est toujours
engagé dans la
construction
de la Nation »
EREZ LICHTFELD