Kinesither Rev 2016;16(176–177):16–23 Savoirs / Contribution originale Fiabilité médiocre des tests de décentrages de l'articulation scapulo-humérale Poor reproducibility of shoulder-joint decentering assessment Sylvain Peterlongo 1, avenue de Corbera, 75012 Paris, France Reçu le 30 avril 2016 ; accepté le 22 mai 2016 RÉSUMÉ MOTS CLÉS Contexte. – Le concept de décentrage de l'articulation scapulo-humérale est largement utilisé pour la kinésithérapie de l'épaule. Objectif. – Évaluer la reproductibilité inter-évaluateur des tests de décentrage. Méthode. – Au total, 29 patients consécutifs ont été inclus. Ils étaient adressés en cabinet de kinésithérapie pour une plainte de l'épaule. Six kinésithérapeutes ont formés des pairs spontanés d'évaluateurs en insu. Deux évaluations espacées de 5 minutes des tests de décentrage antéro-supérieur et en rotation médiale et ont été effectuées. Résultats. – La reproductibilité est médiocre. Le coefficient kappa est de 0,37 0,34 (p < 0,05) pour le test de décentrage antéro-supérieur et de 0,23 0,36 (p > 0,05) pour le test de décentrage en rotation médiale. Conclusion. – La reproductibilité inter-évaluateur des tests de décentrage est trop faible pour permettre de recommander leur usage dans la pratique clinique. La principale source de variation est la perception tactile de la fermeté. Niveau de preuve. – 4. Décentrage Épaule Évaluation Reproductibilité Test KEYWORDS Decentering Shoulder Assessment Reproductibility Test © 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. SUMMARY Context. – The concept of scapulohumeral joint decentering is widely used in shoulder physiotherapy in France. Objective. – To determine the interrater reproducibility of decentering assessment. Method. – In total, 29 consecutive patients referred to our physiotherapy clinic for shoulder complaints were included. Six physiotherapists formed blinded pairs of raters, on spontaneous criteria. Anterosuperior and medial rotation decentering was assessed twice at 5-minutes' interval. Results. – Reproducibility was poor. Kappa coefficient was 0.37 0.34 (P < 0.05) for anterosuperior decentering and 0.23 0.36 (P > 0.05) for medial rotation. Conclusions. – Interrater reproducibility was insufficient for recommendation in clinical practice. The principal source of variation was tactile perception of stiffness. Level of evidence. – 4. © 2016 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. INTRODUCTION Les pathologies musculo-squelettiques de la région de l'épaule sont les plus fréquentes après celle de la région lombaire et du genou. Entre 14 et 21 % de la population souffre de l'épaule. Les pathologies de l'épaule représentent à elles seules 25 % des maladies Adresse e-mail : [email protected] http://dx.doi.org/10.1016/j.kine.2016.05.019 © 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. 16 Savoirs / Contribution originale Fiabilité médiocre des tests de décentrages de l'articulation scapulo-humérale professionnelles [1]. La rééducation de l'épaule demande un investissement important du patient. La Haute Autorité de Santé (HAS) recommande 25 séances de kinésithérapie et jusqu'à 50 séances après chirurgie [2]. Dans le cadre de douleurs de la région de l'épaule, le diagnostic du kinésithérapeute amène à différentes hypothèses. L'une d'elles est un positionnement pathologique de l'articulation scapulo-humérale ; autrement dit « quelque chose n'est pas à sa place dans cette articulation ». Ce positionnement articulaire pathologique se situe dans les amplitudes physiologiques, sans perte de continuité articulaire, ce n'est donc pas une luxation ou subluxation. Selon les concepts, il est évoqué une malposition, une translation, un dérangement, ou un décentrage. La notion de décentrage est largement utilisée et enseignée en France. Cette notion est notamment diffusée par la Société Française de Rééducation de l'Épaule (SFRE) et évoquée dans les recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS, 2001) [2]. Le terme de décentrage de l'épaule est utilisé pour la première fois par Sohier en 1959 [3]. Trois types de décentrage sont alors décrits : supérieur, antérieur et en rétroversion. Il s'agit conceptuellement d'un trouble positionnel qui mène à la pathologie en altérant la cinétique articulaire. Cette approche est actuellement enseignée en formation initiale et continue de kinésithérapie et repose sur des avis d'expert et quelques études de cas cliniques [4–10]. À partir de cette approche Marc et al. [5] puis Srour et al. [6] ont décrit différentes formes de décentrages, n'en retenant que deux types : antéro-supérieur et en rotation médiale. Une articulation scapulo-humérale décentrée présenterait un positionnement articulaire de repos pathologique perturbant son schéma biomécanique physiologique (Fig. 1). Un déplacement anormal du centre instantané de rotation lors de la mobilisation de l'articulation serait responsable de douleur et de lésion des tissus péri-articulaires. Des études de modélisation informatique et des études cadavériques montrent qu'un décentrage est possible d'un point de vue biomécanique sans qu'il n'en soit fait directement allusion [11–13]. Plusieurs techniques de recentrage sont décrites [7]. Ce sont des techniques de mobilisation de thérapie manuelle ou des exercices actifs. L'intérêt d'un recentrage de l'articulation scapulo-humérale est d'améliorer la fonction de l'épaule douloureuse, notamment par l'augmentation des amplitudes et une diminution des douleurs. Une large revue de littérature a été effectuée sur la base de données Medline avec les mots clés « decentering and shoulder », « centering and shoulder ». Sur les 37 réponses de la base de données, 5 sont des études biomécaniques in vivo ou informatiques [11–13], 3 concernent un essai clinique contrôlé randomisé [14,15] les autres ne sont pas pertinentes (article de chirurgie, de traumatologie ou de psychologie). Une recherche sur la base de données PEDro donne 3 résultats dont 1 non pertinent et 2 des essais référencés sur Medline. Une recherche sur la base de données Kinédoc avec les mots clés « décentrage » et « épaule » donne 10 résultats dont 1 non pertinent, 3 études de cas après chirurgie, 2 avis d'expert, 3 séries de cas [8,9], et 1 essai non randomisé [10]. Un seul essai contrôlé randomisé est disponible (Beaudreuil, 2011) [14]. Cette étude compare un protocole de traitement par centrage dynamique avec un groupe traité par des exercices non spécifiques. Au suivi à 3 mois, les patients ayant suivi le traitement par centrage dynamique ont rapporté moins de douleur et un moindre recourt à la médication antalgique, Figure 1. Représentation schématique des décentrages. Épaule gauche ; vue supérieure. par rapport à ceux ayant eu des exercices non spécifiques. Il n'y a pas d'autres différences entre les groupes. Lors du suivi à 12 mois, aucune différence n'est constatée, tous critères confondus. Une analyse stratifiée postérieure des résultats de cette même étude montre une tendance, pour les patients ayant un test de Neer positif, à une meilleure efficacité du protocole de centrage dynamique comparé au protocole de mobilisation non spécifique sur les critères de douleur et de fonction du score de Constant (Beaudreuil et al. et Charles et Neer) [15,16]. Cette analyse révèle l'existence d'un sousgroupe de patients répondeurs au protocole de recentrage. Si les tests de décentrage permettent d'identifier ce sousgroupe de patients répondeurs, leur importance clinique est déterminante. Suivant les résultats, le diagnostic mécanique sera différent, de même que le pronostic et le traitement préconisé. La pertinence de l'intervention thérapeutique dépend de la justesse de ces tests diagnostiques. Or, la fiabilité de cette classe de test clinique est mise en question par la revue de littérature de May et al. (2010) [17]. Aucun test clinique comparable n'a un niveau de concordance inter-évaluateur très bon (kappa 0,81). Les tests de décentrage n'ont pas fait l'objet d'étude spécifique de leurs qualités métrologiques. L'objectif de cette étude est d'évaluer la reproductibilité interexaminateur de la procédure de test de décentrage. MÉTHODE Schéma d'étude L'étude effectuée est transversale et monocentrique. C'est une étude de fiabilité diagnostique, d'évaluation de la reproductibilité inter-examinateur. Le schéma d'étude transversale est la méthode de choix pour une étude de reproductibilité interexaminateur afin de minimiser le temps entre deux évaluations et d'éviter le biais d'évolution spontanée de la présentation clinique du patient. Cette étude suit les recommandations disponibles pour la conduite d'étude de reproductibilité [18]. Population Les sujets éligibles étaient les patients consécutifs de plus de 18 ans se présentant avec une prescription médicale à notre cabinet pour des soins de kinésithérapie. Ce cabinet situé à Paris regroupe huit kinésithérapeutes dont environ un quart à un tiers de la patientèle consulte pour une pathologie d'épaule. 17 S. Peterlongo Savoirs / Contribution originale L'évaluation d'inclusion avait lieu lors de la première consultation de kinésithérapie. Le critère d'inclusion était une plainte de la région deltoïdienne (douleur et/ou difficulté fonctionnelle). Les critères de non-inclusion étaient une pathologie neurologique centrale ou périphérique concernant la région scapulaire et deltoïdienne, des antécédents chirurgicaux, de fracture, de luxation, une pathologie rhumatologique chronique, un syndrome douloureux régional complexe, des lésions cutanées de la région deltoïdienne, un tableau hyperalgique (douleur instantanée 8/10) et un refus de participation. Ces présentations cliniques ont été écartées, car dans ces conditions les résultats des tests de décentrage présentent peu d'intérêt dans l'établissement du diagnostic mécanique. Ces éléments peuvent aussi perturber ou interdire la bonne réalisation des tests. La taille de l'échantillon nécessaire est de 25 doubles évaluations. Le nombre de patients à inclure a été défini grâce à la table de Sim et Wright [19]. L'objectif est d'écarter l'hypothèse nulle (kappa = 0,0) avec un risque alpha de 0,05, une puissance de 80 %, un coefficient kappa attendu de 0,50 et une prévalence attendue de 70 % (58 à 75 % selon Gerardi et Vittori) [8,9]. Procédure La procédure consiste en deux évaluations consécutives du même patient par deux kinésithérapeutes différents. Les paires d'évaluateurs sont formées de façon spontanée et l'ordre de passage est aléatoire. Lors de la première consultation, le kinésithérapeute traitant propose à son patient de participer à l'étude, explique l'objectif et le déroulement de l'étude, recueille son consentement écrit, vérifie les critères d'inclusion et de non-inclusion, puis consigne les données du patient. Le recueil de données des patients comprend : l'âge du patient, le sexe, la durée de l'épisode (moins de 6 semaines, 6–12 semaines, plus de 12 semaines), les douleurs instantanées et maximum sur l'épisode évaluées à l'aide d'une échelle numérique verbale cotée sur 10, le diagnostic médical. Ces données sont recueillies avant l'évaluation. Les deux évaluateurs y ont accès avant de pratiquer leur test afin qu'ils aient chacun les mêmes a priori sur la présence possible d'un décentrage. Le kinésithérapeute traitant effectue une première évaluation et note ses résultats. Il transmet à son collègue préalablement absent les données initiales du patient puis quitte la pièce. Le second kinésithérapeute prend connaissance des données du patient puis effectue à son tour son évaluation et note les résultats. Le patient sort de l'étude et le kinésithérapeute traitant reprend le soin habituel. Les événements indésirables, comme la levée d'insu ou autres difficultés rencontrées lors de l'évaluation sont consignés. Afin de limiter un éventuel biais dû à l'échauffement induit par la première évaluation, la seconde évaluation est faite après cinq minutes de repos. Lors d'études de reproductibilité de tests palpatoires comparables [20–22], il est parfois prévu des exercices d'échauffement avant chacune des évaluations. Pour cette étude, il a été préféré un temps de latence de 5 minutes de repos assis. Une évaluation « à froid » est conforme aux recommandations disponibles pour la procédure évaluée. De même, cela se rapproche plus de la pratique réelle des kinésithérapeutes. Il est en effet rare de proposer des exercices « à l'aveugle » avant d'avoir établi un diagnostic. 18 Évaluateurs Six kinésithérapeutes ont été disponibles pour l'étude dont 4 juniors (3 à 5 ans d'expérience) et 2 seniors (10 et 16 ans d'expérience). Tous avaient été formés avant l'étude à la pratique des tests de décentrages en formation initiale de kinésithérapie et durant au minimum deux stages de formation continue. Une session de remise à jour spécifique a été conduite pour l'étude. Le nombre de patients similaires traités par an est d'environ 60 à 200 selon les kinésithérapeutes. Les tests évalués font partie de leur pratique courante. Les évaluateurs sont donc habitués à ces conditions d'évaluations (au minimum une évaluation initiale par semaine, hors suivi des patients). Procédure de test Le patient est assis adossé sur une chaise, détendu, épaule nue. Le kinésithérapeute est debout du côté à évaluer, en fente avant, le buste parallèle à celui du patient pour le test en flexion, de trois-quarts pour le test en abduction (Fig. 2 et 3). La main postérieure du kinésithérapeute est posée sur l'épaule du patient, le pouce le long et en avant de la clavicule, les autres doigts sur l'épine de la scapula, l'éminence thénar en avant de l'articulation acromio-claviculaire. Cette main stabilise la scapula avec une pression d'environ 5 kilogrammes. L'autre main effectue une prise en berceau au niveau du coude. La main antérieure effectue successivement des mouvements passifs de flexion puis d'abduction frontale avec un retour en position neutre avec le bras le long du corps entre les deux tests. Les tests sont effectués en rotation nulle. L'avant-bras du patient reste dans un plan sagittal lors de la flexion, et parallèle à un axe dorso-ventrale lors de l'abduction. Deux ou trois allers-retours d'une trentaine de degrés sont effectués jusqu'à la fin de la course articulaire, c'est-à-dire jusqu'à ce que la poursuite du mouvement soit impossible sans une participation de la scapula. L'évaluation repose sur la sensation de fermeté de la fin de course articulaire ressentie par le thérapeute au niveau de l'éminence thénar de sa main postérieure. On entend par fermeté la vitesse de progression de la résistance lors de la fin de course articulaire. La sensation est ferme lorsque la résistance au mouvement passif est rapidement importante. On note sur une barre de 100 millimètres, allant de très souple à très ferme, la sensation de fermeté lors de la fin de course. Une fermeté anormalement élevée en flexion associée à une perte d'amplitude passive signe un décentrage antéro-supérieur. Une fermeté anormalement élevée en abduction frontale indique un décentrage en rotation médiale. Lors de l'évaluation, le kinésithérapeute coche une des deux cases de décentrage « présent » ou « absent ». La procédure a été revue et confirmée entre praticiens, et les points litigieux ont été éclaircis par observation mutuelle et concertation. Lorsque cela était possible, les évaluations ont été faites devant un étudiant en kinésithérapie en stage dans le cabinet afin qu'il puisse attester du respect du protocole. Analyses statistiques Le coefficient Kappa de Cohen est calculé afin de représenter l'accord inter-évaluateur en dehors de l'accord attribuable au hasard. C'est le critère de jugement principal [23,24]. Fiabilité médiocre des tests de décentrages de l'articulation scapulo-humérale Savoirs / Contribution originale Figure 2. Test du décentrage antéro-supérieur. Figure 3. Test du décentrage antéro-supérieur. 19 S. Peterlongo Savoirs / Contribution originale Tableau I. Données descriptives de la population de l'étude. Catégories Moyenne W écart-type Sexe 19 femmes 10 hommes Âge (années) 53,3 15,0 Côté atteint 19 droites 9 gauches Douleur à l'examen/10 1,5 2,1 Douleur maximum/10 7,0 1,4 Épisode 8 aigus 7 sub-aigus 14 chroniques Diagnostic médical 13 tendinites 2 bursites 2 ruptures de coiffe 1 bec acromial 0 omarthrose 4 calcifications Une analyse secondaire en sous-groupes du coefficient kappa permet d'établir si la concordance est influencée par le diagnostic médical, la durée des symptômes ou l'intensité des douleurs. Les résultats issus de la sensation de fermeté recueillie sur les barres de 100 mm sont analysés par le test des rangs signés de Wilcoxon. Un diagramme de type BlandAltmann permet d'illustrer la concordance entre évaluateurs en fonction de l'importance de la fermeté ressentie. Ce diagramme permet d'objectiver si le diagnostic de décentrage est plus évident lorsque que la sensation de fermeté est extrême (très ferme ou très souple). La corrélation pour un même évaluateur entre les résultats numériques issus de la barre de 100 mm et le diagnostic de décentrage est calculée par une courbe receiver operating characteristics (ROC) et l'aire sous la courbe (AUC). RÉSULTATS Un total de 29 patients (soit 58 évaluations) ont été évalués du 28/02 au 12/07/15. Le nombre médian de patients évalués pour l'étude par praticien a été de 8. Sur les 58 évaluations, il a été diagnostiqué 25 décentrages antéro-supérieurs (43 %) et 35 décentrages en rotation médiale (60 %). Quatre écarts au protocole ont été rapportés : 3 évaluations ont été faites alors que le patient était assis sur la table sans dossier et une rupture d'insu entre évaluateurs a été constatée. Les autres évaluations ont eu lieu conformément au protocole. Les données descriptives de la population étudiée sont présentées dans le Tableau I et Fig. 4. Pour le test de décentrage antéro-supérieur, la concordance brute entre évaluateurs est de 69 % (20 accords sur 29) et le coefficient kappa de 0,37 0,34 (p < 0,05). Pour le test de décentrage en rotation médiale, la concordance brute est de 62 % (18 accords sur 29) et le coefficient kappa de 0,23 0,36 (p > 0,05). Pour le critère de jugement secondaire, c'est-à-dire l'évaluation de la sensation de fermeté notée sur une barre de 20 100 millimètres, le test des rangs signés de Wilcoxon est significatif pour la fermeté en flexion (p < 0,02), mais pas en abduction (p = 0,28). Le calcul a été effectué avec le logiciel stat R. Sur les diagrammes de Bland-Altman (Fig. 5 et 6) il n'apparaît pas de variation significative de l'accord entre évaluateurs en fonction de l'importance de la fermeté ressentie. La sensation de fin de course a été jugée plus ferme lors de la seconde évaluation comparativement à la première dans 26 cas sur 58 (45 %). Pour un même évaluateur, la corrélation entre les sensations de fermeté et la conclusion sur la présence d'un décentrage est très significative (AUC = 0,93). DISCUSSION Les résultats de cette étude peuvent être généralisés à l'ensemble de la pratique libérale par des kinésithérapeutes formés à cette technique. La population de patient inclus est représentative de celle rencontrée en pratique ambulatoire, et le recrutement a été fait de façon aléatoire (patients consécutifs). Le recueil de données a aussi été fait dans des conditions réelles de soin courant. L'évaluation a été réalisée en double insu et l'ordre de passage des évaluateurs était aléatoire. Le protocole d'évaluation suivi était détaillé et conforme aux recommandations et avis d'experts disponibles dans la littérature. Le niveau de concordance des tests de décentrage correspondent à un niveau médiocre (Tableau II). Les données de cette étude font état d'une reproductibilité inter-évaluateur des tests de décentrage trop faible pour permettre de recommander leur usage dans la pratique clinique. D'autres études de plus grande puissance pourraient corroborer ces résultats. La validité d'un test étant bornée par sa fiabilité, la validité des tests de décentrage ne peut pas être supérieure à la fiabilité observée ici. Cette faible fiabilité n'encourage donc pas à entreprendre une étude de validité (une confrontation des tests de décentrage avec un test de référence). En ce qui concerne le test de décentrage en rotation médiale, l'intervalle de confiance à 95 % du coefficient kappa inclut la valeur zéro et p > 0,05. De même, le critère de jugement secondaire de la sensation tactile de fermeté n'est pas significatif (p = 0,28). Il n'est donc pas exclu que la faible concordance observée soit uniquement attribuable au hasard. La concordance inter-évaluateur ne semble pas influencée par les tiers facteurs identifiés (durée des symptômes, diagnostic médical ou douleur à l'examen). Les concordances dans ces sous-groupes sont comprises dans l'intervalle de confiance quel que soit le sous-groupe (Tableau III). Un diagnostic Tableau II. Qualité de la concordance entre observateurs mesurée à partir coefficient Kappa. Niveau de concordance Kappa Très bon > 0,81 Bon 0,80–0,61 Modéré 0,60–0,41 Médiocre 0,40–0,21 Mauvais 0,21–0,00 Très mauvais < 0,00 Savoirs / Contribution originale Fiabilité médiocre des tests de décentrages de l'articulation scapulo-humérale Evalués pour éligibilité (n=59) patients Patients inclus (n=29) Ont été évalués (n=29) Temps moyen entre évaluation (4min 20sec) évaluateurs Évaluateurs (n=6) Nombre de patients évalués /thérapeute (médiane=8,5) [1 ; 24] Analysés (n=29) Analyse Assignation Assignation Enrôlement Non-inclus (n=30) -ne remplissaient pas les critères d’inclusions (n=22) -refus de participation (n=0) -autres (n=8) généralement pas de 2ème évaluateurs disponibles Exclus de l’analyse (n=0) Différence entre évaluations en mm 50 40 30 20 10 0 -10 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 -20 -30 -40 -50 Fermeté de fin de course à l'abduction (mm) Différence entre évaluations (mm) Figure 4. Diagramme de flux. 80 60 40 20 0 -20 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 -40 -60 -80 Fermeté à la flexion (mm) Figure 5. Diagramme de Bland-Altman, différence entre évaluation en fonction de la fermeté à l'abduction. Lecture : chaque point correspond à une paire d'évaluations. En abscisse, la moyenne des deux évaluations, et en ordonnée la différence entre les évaluations. Figure 6. Digramme Bland-Altman, différence entre évaluations en fonction de la fermeté à la flexion. médical précis et écrit étant non disponible dans 12 cas sur 29, cette catégorie n'est pas interprétable. La seule tendance qui se dégage est une meilleure concordance du test de décentrage en rotation médiale lorsque le patient fait état de douleur chronique (kappa 0,70). Cette observation est à nuancer pour trois raisons. Le nombre de patients est faible pour ce sousgroupe (seuls 3 patients suffisent pour expliquer la tendance), cette tendance est inversée par rapport au test de décentrage 21 S. Peterlongo Savoirs / Contribution originale Tableau III. Concordance entre évaluateur des tests de décentrage de l'articulation scapulo-humérale, coefficient kappa. n Antéro-supérieur Rotation médiale 29 0,37 0,34 0,23 0,36 Tendinite 13 0,05 0,09 Autre ou non renseigné 16 0,55 0,65a Aigu, subaiguë 15 0,56 Chronique 14 0,43 0,70a Absente (EVA = 0) 18 0,26 0,54 Présente (EVA 0) 11 0,48 0,22 Ensemble Diagnostic médical Durée des symptômes 0,17a Douleur à l'examen a Écart à la moyenne significatif antéro-supérieur sans raison évidente, et l'on observe une inflation du risque alpha lors de la multiplication des analyses en sous-groupes. Un nombre de patients plus important permettrait de confirmer ou d'infirmer cette tendance. L'hypothèse d'un biais d'évaluation due à l'échauffement induit par la première évaluation est écartée étant donné que la sensation de fermeté est supérieure ou égale lors de la seconde évaluation dans 26 cas sur 58 soit quasiment une fois sur deux. L'analyse graphique des diagrammes de BlandAltman ne permet pas de conclure à une éventuelle relation entre le niveau de fermeté et la concordance. Il n'apparaît pas de relation de type dose-effet ou d'effet plateau. Il existe une grande cohérence dans les résultats d'un même évaluateur. La reproductibilité inter-évaluateur des tests de décentrage est trop faible pour permettre de recommander leur usage dans la pratique clinique. La concordance entre la fermeté rapportée par un évaluateur et ce qu'il en conclut sur la présence d'un décentrage est très significative (AUC = 0,93). Il apparaît très nettement un seuil autour d'une raideur cotée à 30 mm/100 au-delà duquel les évaluateurs concluent à un décentrage et inversement. La principale source de variations entre évaluateurs est l'étape de la perception manuelle de la fermeté. C'est donc à ce niveau que réside le potentiel d'amélioration de la fiabilité des tests de décentrage, par une procédure palpatoire plus précise, par un recueil de données instrumentales, ou par une combinaison avec d'autres signes ou tests cliniques. Déclaration de liens d'intérêts L'auteur déclare ne pas avoir de liens d'intérêts. RÉFÉRENCES [1] Brière J, Fouquet N, Ha C, Imbernon E, Plaine J, Rivière S, et al. Des indicateurs en santé travail. Les troubles musculosquelettiques du membre supérieur en France. Saint-Maurice: Institut de veille sanitaire; 2015 [51 p.]. 22 [2] Pathologies non opérées de la coiffe des rotateurs et massokinésithérapie. ANAES, Service recommandations et références professionnelles; 2001. [3] Sohier R. Kinésithérapie analytique de l'épaule. : Ed. Kiné-Sciences La Louvière; 1959–1985 [4] Sohier R. Kinésithérapie analytique de l'épaule. Kinesither Rev 2010;97:38–48. [5] Marc T, Gaudin T, Teissier J, Bonnel F. Examen clinique de l'épaule douloureuse. 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