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Après l´encyclique Laudato sí et la COP 21:
Comment passer de la conscience à l´action?
Paris, 10 janvier 2016
1. Rétrospective sur Inoï
Je veux commencer avec une rétrospective sur Inoï : Il y a un an, Inoï était pour moi encore
une promesse. Aujourd´hui, c´est une expérience formidable, un souvenir précieux et surtout
une source d´amitié. Les mots suivants de l´évêque brésilien Hélder Câmara résument bien
mon expérience de Inoï: Si quelqu'un rêve seul - cela reste un rêve, si plusieurs rêvent
tous ensemble - cela est le commencement d´une nouvelle réalité.“ Nous nous sommes
inspirés avec Jacques Trublet de la tradition biblique, avec Catherine Schmetzer de la
tradition patristique et de l´encyclique „Laudato sidu pape François, dont j´ai essayé de
transmettre les contenus principaux.!
!
La beauté de la nature de Inoï nous a constamment mis dans l´ambiance de la
contemplation de „la nature comme un splendide livre dans lequel Dieu nous parle et nous
révèle quelque chose de sa beauté et de sa bonté“, proposée par le pape. Dans son sous-
titre l´encyclique exprime aussi la préoccupation „pour la sauvegarde de notre maison
commune“. Le pape traite le changement climatique, la pauvreté et l´inégalité comme les
défis éthiques majeurs du 21e siècle. Il établit un lien intime entre la crise écologique et la
justice. Ceux qui contribuent le plus au changement climatique vivent dans les pays riches.
Ceux qui en subissent le plus les conséquences, vivent dans les pays pauvres. Dans ce
sens le pape parle d´une dette écologique entre le Nord et le Sud. Sa source d´inspiration
est Saint François d´Assise qui a “manifesté une attention particulre envers la cation de
Dieu ainsi qu´envers les pauvres et les abandonnés.”
Le pape adopte dans ses réflexions sur la justice planétaire l´option préférentielle pour les
pauvres: „Dans les conditions actuelles de la société mondiale, où il y a tant d’inégalités et
où sont toujours plus nombreuses les personnes marginalisées, privées des droits humains
fondamentaux, le principe du bien commun devient immédiatement comme conséquence
logique et inéluctable, un appel à la solidarité et à une option préférentielle pour les plus
pauvres.“
Le modèle de production et de consommation qui règne dans les pays riches n´est pas
universalisable : “Qui peut croire sérieusement que le niveau de consommation
d´énergie et de production de gaz à effet de serre des pays développés puisse être
étendu sans dommage à l´ensemble de la planète sans provoquer des catastrophes
climatiques ou écologiques irréversibles et dramatiques ?
Le pape requiert une culture écologique qui devrait être un regard différent, une pensée,
une politique, un programme éducatif, un style de vie et une spiritualité qui constitueraient
une résistance face à l´avancée du paradigme technocratique.“ Nous étions bien conscients
qu´il n´y a pas des solutions faciles. Mais encyclique encourage à prendre un nouveau
chemin et situe la solution de la crise globale aux niveaux de la coopération internationale,
de la politique nationale, des communes, des familles et de l´individu. Un principe
d´orientation pourrait être: „Penser globalement et agir localement“.
Il est évident qu´on a besoin d´un nouveau modèle de civilisation que nous avons appelé
une civilisation de la sobriété partagée“. À Inoï quelque chose de cette nouvelle
civilisation est devenu réalité. Nous nous sommes très bien retrouvés dans ces propos du
pape: „La sobriété, qui est vécue avec liberté et de manière consciente, est libératrice.
Ce n’est pas moins de vie, ce n’est pas une basse intensité de vie mais tout le
contraire ; car, en réalité ceux qui jouissent plus et vivent mieux chaque moment, sont ceux
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qui cessent de picorer ici et là en cherchant toujours ce qu’ils n’ont pas, et qui font
l’expérience de ce qu’est valoriser chaque personne et chaque chose, en apprenant à entrer
en contact et en sachant jouir des choses les plus simples. Ils ont ainsi moins de besoins
insatisfaits, et sont moins fatigués et moins tourmentés. On peut vivre intensément avec peu,
surtout quand on est capable d’apprécier d’autres plaisirs et qu’on trouve satisfaction dans
les rencontres fraternelles, dans le service, dans le déploiement de ses charismes, dans la
musique et l’art, dans le contact avec la nature, dans la prière. Le bonheur requiert de
savoir limiter certains besoins qui nous abrutissent, en nous rendant ainsi
disponibles aux multiples possibilités qu’offre la vie. (LS 223)
2. Le retentissement mondial de Laudato sí
L´encyclique Laudato si a suscitée à travers le monde de surprenantes réactions, bien au-
delà des cercles ecclésiaux. Des politiciens, des scientifiques et des représentants de divers
mouvements sociaux ont répondu à l'invitation du pape à dialoguer sur la conception que
nous avons de l'avenir de la planète. Le président des États-Unis, Barack Obama, encore
avant la COP 21, a salué le message fort de l'encyclique : "À quelques semaines de la
Conférence mondiale sur le changement climatique qui se déroulera à Paris en décembre
prochain, j’espère que tous les dirigeants de la planète et tous les enfants de Dieu
entendront l’appel du pape François à se rassembler pour prendre soin de notre maison
commune." Le Président français, François Hollande, a lui aussi formé le vœu que "la voix
particulière du pape François soit entendue sur tous les continents, au-delà des seuls
croyants". Achim Steiner, directeur exécutif du Programme pour l'environnement des Nations
Unies (PNUE), souligne que la science et l'Église se rejoignent sur un point : "Il faut agir
maintenant."
Mais la grande surprise vient des réactions de la communauté scientifique. Des magazines
scientifiques renommés comme "Nature" et "Science" ont en effet publié des éditoriaux
favorables au message du pape François, aussi bien avant qu'après la publication de
l'encyclique. La rédactrice en chef de Science, Marcia McNutt, a ainsi écrit : "Je salue le
positionnement clair du pape François sur le climat ; il est à l'heure actuelle le défenseur le
plus visible d'une politique de réduction du réchauffement climatique." Dans son édition
d'octobre, le magazine "Nature Climate Change" est même allé jusqu'à consacrer un dossier
spécial de onze pages à l'encyclique. Eu égard à la science du climat, les commentaires des
scientifiques ont largement rappelé que l'encyclique se réfère au Conseil mondial du climat
(GIEC), dont les rapports reflètent l'état des connaissances scientifiques.
L'encyclique a également suscité un vif intérêt à Bruxelles. Aussitôt après sa publication, la
COMECE a organisé une présentation du document portée par l'éco-théologien irlandais
Sean McDonagh et le député européen Philippe Lamberts (Les Verts, Belgique). Une
conférence œcuménique sur le thème du changement climatique et de l'encyclique sur
l´environnement s'est déroulée le 29 septembre au siège du Parlement Européen. Le
métropolite grec orthodoxe Athanasios d’Achaia a salué l'encyclique sur l´environnement du
pape François et son appel à une prise de conscience de l'humanité. L'évêque Luc van
Looy, président de Caritas Europe, a quant à lui rappelé le lien entre le changement
climatique et l'afflux des réfugiés qui se pressent "aux portes de l'Europe". Bernard Pinaud,
directeur CCFD-Terre Solidaire, a rapporté avec enthousiasme l'intérêt que l'encyclique a
suscité auprès de nombreuses organisations de la société civile. Un groupe informel
d'économistes de la Commission européenne s'est également réuni afin d'étudier le
document en détail.
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L´année 2015 était une année de plusieurs sommets internationaux: le G7 en Allemagne en
Bavière au mois de juin, le conférence sur le financement du développement à Addis Abeba
également en juin, le sommet des Nations-Unies sur les objectifs de développement durable
en septembre avec la conférence d´ouverture du pape François, la COP 21 - et le sommet
d´amitié d´Inoï. Le pape a publié son encyclique aussi consciemment en vue de ces réunions
internationales. Laudato si est une encyclique à la fois joyeuse et dramatique.
3. Quelques mots sur la COP 21
Avec raison, le traité qui est issu de la COP 21 a été célébré comme un succès historique.
Pour la première fois la communauté internationale de 195 nations s´est mise d´accord sur
une stratégie commune pour combattre le réchauffement climatique et cela au moins en
partie d´une façon jurdiquement contraignante. C´est dû à l´art de la diplomatie francaise qui
justement est considérée comme la meilleure du monde, et notamment au génie de la
présidence de Laurent Fabius. Mais c´est dû aussi à une conscience croissante que la
situation ne peut pas continuer ainsi, et à la mobilisation de la société civile.
Je vois principalement trois résultats majeurs de la COP 21:
1. 195 nations se sont mises d´accord de limiter l´augmentation de la température moyenne
à 2 degrés et au mieux à 1,5 degrés.
2. Par conséquent, il faut une réduction des émissions de CO2 et même des „émissions
négatives. Il faut arrêter la renaissance globale du charbon et viser à une „décarbonisation
de l´économie“ (concept qui comme tel n´apparaît pas dans le traité de Paris). Ce n´est pas
possible sans une coopération honnête de la communauté des états, et sans une aide
financière des pays riches aux pays pauvres.
3. On s´est mis d´accord sur un réexamen quinquennal des engagements et des ambitions
La traité de Paris n´entrera en vigueur qu’à partir du moment où 55 états qui à eux tous sont
responsables d’au moins de 55% des émissions de gaz à effet de serre l´auront ratifié.
4. Passer de la conscience à l´action
Les changements dans l´histoire ont leurs racines dans des idées. Pour agir autrement il
faut d´abord penser autrement. Nous l´avons vu d´une façon néfaste avec le livre „Mein
Kampf“ dAdolf Hitler qui, pour des raisons juridiques de droits d´auteurs, est publiquement
accessible depuis le début de cette année en Allemagne. C´est dans ce livre quHitler a
développé, déjà en 1924, l´idéologie qui a mené le monde dans une catastrophe sans égale.
Je vois différents niveaux d´action : le niveau individuel, la famille, les communes, les
nations, l´Europe et le niveau mondial. Et je vois différents plans : le plan politique,
économique, social, technologique, scientifique, éthique. J´insiste encore une fois sur le lien
entre le changement climatique, l’injustice et l’exclusion sociale dont sont victimes nos
concitoyens les plus pauvres et les plus vulnérables. Je reviens sur un aspect clé et
innovateur de Laudato sí : le climat est un bien commun, partagé, de tous et pour tous.
(LS 23)L’environnement est un bien collectif, patrimoine de toute l’humanité, sous la
responsabilité de tous.“ (LS 95)
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En me plaçant dans une perspective au-delà des débats autour de l’accord de Paris, je
considère qu’il faut remettre en cause l’actuel paradigme de croissance et de développement
qui se fonde sur des systèmes politiques, économiques et sociaux inégalitaires, sur un accès
et une répartition inégaux des ressources (eau, terre,...) et qui se traduit par des atteintes
aux droits de l’homme, la dégradation de notre environnement, le délitement social et des
conflits.
Tout d´abord, je veux citer une série de propositions concrètes et pratiques que le pape fait
dans l´encyclique : „On peut aussi mentionner une bonne gestion des transports, ou des
formes de construction ou de réfection d’édifices qui réduisent leur consommation
énergétique et leur niveau de pollution. D’autre part, l’action politique locale peut s’orienter
vers la modification de la consommation, le développement d’une économie des déchets et
du recyclage, la protection des espèces et la programmation d’une agriculture diversifiée
avec la rotation des cultures. Il est possible d’encourager l’amélioration agricole de régions
pauvres par les investissements dans des infrastructures rurales, dans l’organisation du
marché local ou national, dans des systèmes d’irrigation, dans le développement de
techniques agricoles durables. On peut faciliter des formes de coopération ou d’organisation
communautaire qui défendent les intérêts des petits producteurs et préservent les
écosystèmes locaux de la déprédation. Il y a tant de choses que l’on peut faire!(LS 180)
Le pape soulige aussi la responsabilité sociale des consommateurs : „Un changement dans
les styles de vie pourrait réussir à exercer une pression saine sur ceux qui détiennent le
pouvoir politique, économique et social. C’est ce qui arrive quand les mouvements de
consommateurs obtiennent qu’on n’achète plus certains produits, et deviennent ainsi
efficaces pour modifier le comportement des entreprises en les forçant à considérer l’impact
environnemental et les modèles de production. C’est un fait, quand les habitudes de la
société affectent le gain des entreprises, celles-ci se trouvent contraintes à produire
autrement. … ‚Acheter est non seulement un acte économique mais toujours aussi un
acte moral. „ (LS 206)
J´ajoute d´autres propositions concrètes pour un changement de style de vie :
1. Participer à la production de denrées dans la mesure de ses moyens (faire son potager si
on a la place / démarrer un petit compost). Ce n’est qu’en cultivant vous-même une partie de
ce que vous mangez que vous prendrez conscience du magnifique cycle d’énergie qui voit la
semence se transformer en fleur, puis en fruit ou en légume, puis en matière décomposée
pour nourrir le sol afin de réamorcer le cycle ;
2. Préparer soi-même ses repas. Cela vous permettra aussi de manger à moindre coût et
d’exercer un « contrôle de la qualité » : vous aurez une idée assez précise de ce qui a été
ajouté à la nourriture que vous consommez ;
3. Manger local. S’approvisionner en denrées de saison produites localement, c’est l’option
la plus sûre et la plus garante de fraîcheur, qui demande moins d’énergie pour la production,
tout en étant la plus facile à comprendre et à influencer pour les consommateurs locaux.
4. Réduire la consommation d’énergie. Eviter de laisser vos appareils en mode veille,
installer des ampoules basse consommation, choisir les appareils électriques ayant le
meilleur label énergétique (AAA) et isoler votre maison ou installer du double-vitrage ;
5. Supprimer progressivement l’utilisation des combustibles fossiles. Pour limiter le
réchauffement planétaire et ses dangereuses répercussions sociales, nous devrions limiter
notre consommation de gaz, de pétrole et de charbon et favoriser des sources d’énergies
renouvelables telle que le solaire ou l’éolien.
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Le cardinal Pietro Parolin met la COP 21 dans une perspective plus large: „La COP 21 n’est
pas un point d’arrivée ou un point de départ, mais plutôt un passage crucial d’un processus
qui, sans aucun doute, ne se terminera pas en 2015. Mais en même temps on est attrappé
dans une espèce d´aporie : La catastrophe est tellement lente qu´elle ne fait pas
évènement. Vous connaissez probablement ce qu´on appelle le syndrome de la grenouille
: si vous la mettez dans une casserole de 35°C, elle sort d´un bond. Mais si vous la plongez
dans l´eau froide et allumez le feu, elle ne sortira pas et se laissera cuire. Nous devons sortir
de la casserole du système économique dominant et chercher des alternatives. À Inoi, j´ai
essayé d´esquisser une telle alternative que j´ai appelée „une civilisation de la sobriété
partagée“. Jean-Baptiste de Foucauld parle de „l´abondance frugale“.
Nous avons besoin d´une vision d´une nouvelle civilisation globale. Antoine de Saint-
Exupéry donne dans La Citadelle une orientation précieuse sur la manière de réveiller une
vision: „Quand tu veux construire un bateau, ne commence pas par rassembler du
bois, couper des planches et distribuer du travail, mais réveille au sein des hommes le
désir de la mer grande et large.
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