Qui sont les personnes vulnérables ? Qui sont les personnes maltraitantes ? Journée thématique du département infirmier CHR de Namur, 27 novembre 2014 Dr Albert Fox Interniste-urgentiste (er) Collaborateur Scientifique Université de Namur Centre Interfacultaire Droit, Ethique, Sciences de la Santé Avant-propos •Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l'homme de l’UNESCO (2005) • Art 1 : • 1. La présente Déclaration traite des questions d’éthique posées par la médecine, les sciences de la vie et les technologies qui leur sont associées, appliquées aux êtres humains, en tenant compte de leurs dimensions sociale, juridique et environnementale. • Art 8 :Dans l’application et l’avancement des connaissances scientifiques, de la pratique médicale et des technologies qui leur sont associées, la vulnérabilité humaine devrait être prise en compte. Les individus et les groupes particulièrement vulnérables devraient être protégés et l’intégrité personnelle des individus concernés devrait être respectée. Vulnérabilité •Définition • Vulnus : la blessure , Vulnerare : blesser • Vulnerabilis : qui peut être blessé •Fragilité : frangere = briser, fractus = brisé • La vulnérabilité est la susceptibilité à être vulnérable, fragile, blessé. Elle peut être en relation avec une faiblesse particulière préexistante ou une défaillance imprévue (accident ou maladie). •Notion de gradient individuel de vulnérabilité • • Naturelle Acquise Vulnérabilité •Ben Wisner (2004) définit la vulnérabilité comme les caractéristiques d'un individu ou d'un groupe et les situations qui influencent leurs capacités à anticiper, réagir, résister et récupérer après le contact avec un danger naturel ou un processus agressif, c’est donc facilement applicable à un accident ou une maladie aiguë. •Jacques Theys (1987) écrit : le mot (vulnérabilité) lui-même souffre d'un trop plein sémantique puisqu'il évoque aussi bien la dépendance ou la fragilité que l'insécurité, la centralité, la complexité, l'absence de régulations efficaces ou la faible résilience – et ce ne sont là que quelques exemples, Risque = menace X vulnérabilité résilience Notions de Vulnérabilité •Santé : maladies, accidents •Circulation : piétons, motards •Économie : dette souveraine, précarité •Défense : talon d’Achille, défaut de la cuirasse •Intellectuelle : déficience, niveau de formation, âge •Société : inégalité, cohésion sociale faible, exclusion •Climatologique : catastrophes naturelles, réchauffement climatique •Informatique : virus, trojan, bugs, panne matérielle •Sécurité : alimentaire, protection individuelle & collective •Environnement : risques technologiques, Industrie SEVESO Vulnérabilités particulières,… •Catégories vulnérables • • • • • • • • • • • • • Jeunes enfants Femmes enceintes Gens âgés Malades mentaux Pauvres Étrangers, barrière de la langue Parents d’enfants malades Handicapés physiques Malades chroniques Illettrés / déficients intellectuels Illégaux SDF Admissions aux urgences Facteurs de vulnérabilité •Santé physique : perte d'autonomie ou altération des sens •Santé ou déficience mentale : capacité de compréhension •Déficit cognitif : âge ou maladie •Influence médicamenteuse : ex. sédatif ou psychotropes •Isolement : manque ou perte de lien sociaux •États dépressifs : perte ou manque de motivation •Refus de soins : religion ou ignorance •Agisme : discrimination ou préjugés lié à l'âge •Urgence : situation imprévue et déstabilisante Vulnérabilité en matière de santé •La vulnérabilité, c’est le risque encouru par tout individu d'être lésé dans son intégrité physique et mentale, elle est un élément propre à la condition humaine. •Vulnérabilité : objet du risque (prédisposition particulière d’un individu) •Le risque est la vulnérabilité (état connu qui constitue le risque) •Vulnérabilité : conséquence du risque (affection débilitante rendant fragile) La vulnérabilité de la famille •Liée à la pathologie du parent : • Pronostic vital ou dépendance grave • Séquelles possibles ou prévisibles •Questionnement douloureux • Difficulté liée à l'information • • Insuffisante ou mal comprise Brutale •A la prise de décision sollicitée/imposée • • Culpabilisation suite au choix à faire Frustration suite au non-choix • Avis pas pris ou non-suivi Vulnérabilité sociale • La précarité et à fortiori la grande précarité sont généralement reconnues comme particulièrement vulnérables. « ils sont hommes et à cause de leur chute ont honte de la vue des hommes: ils désirent se cacher dans des lieux inaccessibles ou des forêts […] et pourtant ils sont partout. » • Grégoire de Nazianze (329-390) La Vulnérabilité du soignant •Le Stress professionnel • • • • • • • • • • Pouvoir/impuissance face à l’attente du soigné (ou de la famille) Responsabilité de la décision grave, non-transférable ou non-différable Risque d’erreur / d’échec : culpabilité ou frustration Compte à rendre si sentiment ou impression : • • Abandon thérapeutique Acharnement thérapeutique Devoir affronter la violence Demandes injustifiées Revendications Menaces de représailles Refus de soins Devoir affronter la mort (patients, familles, pairs, supérieurs) •Le syndrome John Wayne : ce concept a été avancé pour expliquer des comportements liés au stress et à la surcharge de travail (Burn out)] • Cynisme : réaction opposée au PTSD (refus/négation de ses émotions) • • • • Acharnement : jusqu'au boutisme Violence pour imposer ses vues Isolement : refus de concertation Méfiance vis-à-vis des autres •Burn-out : sentiment de n'être "plus bon à rien" • Le risque d'autolyse •La souffrance psychique / PTSD (Stress post traumatique) Maltraitance et violence •Maltraitance mot qui serait apparu en 1987 (selon le petit Robert) • Mal = mauvais, pas bien • Traitance du latin tractare = tirer durement, trainer violemment, toucher souvent, caresser, prendre soin traiter • Maltraiter = traiter durement traiter avec violence •Violence du latin violens = violent , vis = la vigueur, la force en action force brutale exercée contre autrui •Souvent employée l'une pour l'autre Maltraitance et Violence •Définition : maltraitance, en 1992, le Conseil de l’Europe en a adopté la définition suivante : « tout acte ou omission commis par une personne s’il porte atteinte à la vie, à l’intégrité corporelle ou psychique ou à la liberté d’une autre personne ou compromet gravement le développement de sa personnalité et/ou nuit à sa sécurité financière ». •En 2002, l’organisation mondiale de la santé (OMS) définit la violence comme : “ l’usage délibéré ou la menace d’usage délibéré de la force physique ou de la puissance contre soi-même, contre une autre personne ou contre un groupe ou une communauté qui entraîne un risque fort d’entraîner un traumatisme, un décès, un dommage moral, un mal-développement ou une carence ” Formes de maltraitance •Maltraitance physique •Maltraitance psychologique •Maltraitance financière. •Maltraitance institutionnelle Volontaire ou involontaire souvent méconnues de l'auteur donc difficile à éliminer Extorsion de fond, héritage anticipé, facturation excessive manque de personnel, surcharge de travail, erreur et maltraitance : souvent liée aux moyens disponibles. Aussi tout fait de maltraitance en institution qu'il soit lié au personnel ou aux résidents. • Maltraitance "ordinaire" : elle a plus souvent trait au fonctionnement des organisations qui privilégient l’institution par rapport à l’intérêt et aux besoins des personnes, le manque d'écoute et d’empathie et le plus grand risque de la « maltraitance ordinaire » est sa banalisation, en effet elles sont courantes, acceptées de manière passive et nourries du silence des intervenants. Avec le temps, elles deviennent presque invisibles. •Atteintes au droits des personnes : droit de vivre, droit de s'exprimer, … •Négligences : privations de soins ou de nourriture, repas servi froids Formes de violences •Le Conseil de l’Europe a également proposé la classification suivante : • violences physiques : coups, brûlures; ligotages, soins brusques sans information ou préparation, non-satisfaction des demandes pour des besoins physiologiques, violences sexuelles, meurtres (dont euthanasie non-demandée), mesures de contentions excessives, … • violences psychiques ou morales : langage irrespectueux ou dévalorisant, absence de considération, chantage, abus d’autorité, comportements d’infantilisation, non-respect de l’intimité, … • violences matérielles et financières : vols, exigence de pourboires, escroqueries diverses, locaux inadaptés, facturation excessive, supplément d'honoraire en liquide, … • violences médicales ou médicamenteuses : manque de soins de base, non-information sur les traitements ou les soins, abus de traitements sédatifs ou neuroleptiques, défaut de soins de rééducation, non prise en compte ou minimisation de la douleur, … • négligences actives : toutes formes de sévices, abus, abandons, manquements pratiqués avec la conscience de nuire, abandon thérapeutique, … • négligences passives : négligences relevant de l’ignorance, de l’inattention de l’entourage, • privation ou violation de droits : limitation de la liberté de la personne, privation de l’exercice des droits civiques, d’une pratique religieuse, … Violence institutionnelle •violence institutionnelle toute action commise dans et par une institution, ou toute absence d’action qui donne prééminence aux intérêts de l’institution sur les intérêts du patient. •Facteurs liés au règlement : horaire imposé : température, lever, repas, visites, coucher. •Facteurs liés aux traitements : excès de sédatifs (neuroleptique ou tranquillisants), manque de coordination entre intervenants •Insuffisance de moyens --{ surcharge et erreur •Manque de communication avec patients et/ou famille Maltraitance liées au comportement des soignants •Le patient réifié : le fémur du 421, l'infarctus de la 3, l'abcès du … •Le patient ignoré : entrer sans frapper, faire les soins sans expliquer ni avertir, discussion entre soignant au chevet du malade •Le patient culpabilisé : à cause de lui, le personnel est surchargé de travail. •Le patient frustré : qui attend son calmant et entend le personnel qui rigole juste à coté •Le patient non-écouté : dont on ignore l'avis parce qu'on sait mieux que lui ce qui est bon pour lui. •Le patient otage : sonnette éloignée, la famille mise en cause, aide à l'alimentation La maltraitance liée à des facteurs institutionnels •Manque de temps •Pression du groupe sur l'individu •Rythme des soins •Manque de synchronisation : examen , transferts, attente •Le bruit : chariot sur les pavés, TV en chambre commune, •Examen reporté sans explication •Sortie mal préparée : décision tardive, papier pas faits, ordonnance oubliée, attente du médecin pour documents de sortie •Qualité de l'hôtellerie: repas, boissons, respect des horaires, … Personnes maltraitantes •Famille : violence intrafamiliale, exigences ou revendications •Les intervenants de l'institution, chacun à leur niveau • Entretien, soins, services •Personnes morales • Institutions • Société via accès aux soins, • financement et disponibilité des moyens, • remboursement des soins, • … Maltraitance vs Bientraitance •Poser la question de la maltraitance c'est de facto évoquer la bientraitance. •Absence ou prévention de la maltraitance •Respect de la personne et de sa subjectivité •C'est une manière d’être, d’agir et de dire, • soucieuse de l’autre, • réactive à ses besoins et à ses demandes, • respectueuse de ses choix et de ses refus. La bientraitance •Principe fondamental : replacer l'individu au centre de la relation de soin. • Adapter au mieux les soins à l'individu • Mettre en valeur : • l'écoute, le patient n'est-il pas souvent celui qui connaît le mieux sa maladie • la considération, donner suffisamment d'information dans un langage accessible • le respect, le traiter en humain et pas en objet • l'empathie, essayer de comprendre ce qu'il ressent •Reconnaître la vulnérabilité comme un état et un droit •Donner les meilleurs soins en veillant à prendre soin (Cure & Care) EBM = Evidence Based Medicine Subjectivité du soigné/soignant EBM (Ethics Based Medicine) EBM (Empathy Based Medicine !) En guise de conclusion •Assurer la protection des groupes et des individus porteurs de vulnérabilité particulière, en traitant le contexte et les causes de celle-ci, est la plus grande mise à l’épreuve de notre capacité et de notre volonté de promouvoir l'idée d’égalité des droits et de dignité de chaque être humain. (Rapport du Comité International de Bioéthique, Paris juin 2011) Epilogue •« Agis de telle sorte que tu traites l’humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre toujours en même temps comme une fin, et jamais seulement comme un moyen ». E. Kant, 1724-1804 Merci de votre attention Avez-vous des questions ou des commentaires?