Fiscal Policy

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Octobre 2013
Après la crise, quelle gouvernance
pour la zone euro ?
Catherine Mathieu et
Henri Sterdyniak
Pourquoi la crise ?

La crise des années 2007-2009 a été une crise bancaire et financière, provoquée
par des innovations hasardeuses, dans un contexte de libéralisation et de
globalisation financière non contrôlée. Les marchés financiers se sont révélés
avides, aveugles et instables. La globalisation financière autorise le gonflement de
déséquilibres qui finissent par éclater.

La crise s’explique ainsi par l’explosion de la masse des capitaux cherchant des
placements liquides et rentables. Ces capitaux proviennent des fonds de pension
des pays libéraux, des richesses accumulées par les classes riches des pays
développés et des pays émergents, des excédents des pays néo-mercantilistes
(Chine, Japon, Allemagne, Pays scandinaves) et des pays producteurs de matières
premières

La crise provient aussi des stratégies macroéconomiques insoutenables mises en
œuvre d’un côté par les pays néo-mercantilistes, qui brident leurs salaires et
fondent leur croissance sur l’accumulation d’excédents extérieurs de l’autre par les
pays anglo-saxons, dont les politiques monétaires ont laissé gonfler l’endettement
privé et les bulles financières et immobilières, ce qui permettait de soutenir la
croissance sans distribuer de salaires ou de revenus sociaux.

La mondialisation rend plus rentables les stratégies de recherche de compétitivité
comme celles de concurrence fiscale.

C’est une crise de la mondialisation libérale et de la globalisation financière.
2
Pourquoi la crise ?

La crise ne provient pas de la hausse des dettes et des déficits publics. En 2007, le
solde public de l’ensemble des pays de l’OCDE ne présentait qu’un déficit de 1,3 %
du PIB ; celui de l’ensemble des pays de la zone euro de 0,6 % du PIB, nettement
inférieur au niveau requis pour stabiliser la dette publique en % du PIB. La crise a
cependant provoqué une dégradation sans précédent des finances publiques.

Pour les marchés financiers et les institutions internationales, la question essentielle
est devenue celle des dépenses, des déficits et des dettes publics.

A partir de 2009, les marchés financiers ont prétendu avoir des doutes sur la
soutenabilité des finances publique et ont réclamé de fortes réductions des déficits
budgétaires même si ceux-ci demeuraient nécessaires pour soutenir l’activité.
3
La crise et la zone euro

La situation est particulièrement préoccupante pour la zone euro dont l’organisation
n’est pas satisfaisante.

Le Pacte de Stabilité et de Croissance (PSC) n’a pas de fondement économique.
Les pays membres ne peuvent, ni ne veulent obéir à des règles stupides.

Depuis la création de la zone euro, les divergences s’étaient creusées entre les
pays ‘périphériques’ (Irlande, Grèce, Espagne) dont la forte croissance
s’accompagnait d’un gonflement des déséquilibres (bulles immobilières, déficits
extérieurs) et les pays ‘du Nord’ (Allemagne, Pays-Bas, Autriche) dont la stratégie
de recherche de compétitivité par la stagnation des salaires et de la demande
interne pesait sur leur croissance et celle de l’ensemble de la zone.

Durant cette période, les instances communautaires n’ont pas été capables
d’impulser une stratégie macroéconomique coordonnée : la Commission s’est
polarisée sur le respect du Pacte de stabilité et de croissance (PSC) ; elle a
cherché à imposer des « réformes structurelles », d’inspiration libérale (baisse des
dépenses publiques et sociales, flexibilisation des marchés), qui n’ont pas donné le
coup de fouet attendu à la croissance, sans voir les risques induits par le
développement de la finance.
4
La crise et la zone euro




L’indépendance de la BCE, sa non-obligation de financer les dettes
publiques des Etats-membres, l’absence de solidarité financière entre les
pays de la zone deviennent problématiques en période de crise.
Durant la crise, le PSC a volé en éclats ; la quasi-totalité des pays
membres ont franchi la limite de 3 % de déficit public et de 60 % de dette
publique.
Fin 2008, la Commission s’était résignée à préconiser une politique de
relance budgétaire discrétionnaire de l’ordre de 1,5 % du PIB, mais,
depuis le début 2010, elle a multiplié les pressions pour que les pays se
donnent des objectifs contraignants de retour à l’équilibre des finances
publiques, sans tenir compte de la situation macroéconomique.
Elle veut profiter de la crise pour renforcer son influence sur les politiques
budgétaires nationales, pour imposer des baisses des dépenses publiques
et sociales.
5
La crise et la zone euro



À partir de 2010, les marchés financiers ont commencé à s’inquiéter de la
situation des finances publiques de la Grèce, du Portugal, de l’Irlande,
puis de l’Espagne et de l’Italie.
Ces inquiétudes, accentuées par la spéculation, ont été auto-réalisatrices.
Un pays peut avoir des finances publiques soutenables tant qu’il peut
s’endetter à 4 % avec une croissance nominale de 4 % (2 % en prix, 2 %
en volume) ; elles ne le sont plus s’il doit s’endetter à 6 % avec une
croissance nominale réduite à 2 %.
Les instances européennes et les États membres ont été incapables
d’affirmer la solidarité financière suffisante ; ils ont laissé les marchés
financiers spéculer contre des dettes publiques qu’ils affirment garantir.
Compte tenu des déséquilibres accumulés, les pays du Nord ont refusé de
faire confiance aux pays périphériques, malgré les efforts que ceux-ci ont
engagés.
6
La crise et la zone euro




A la mi-2013, le bilan apparaît catastrophique.
La zone euro a connu une baisse de son PIB de 0,6 % en 2012. Celui-ci
devrait connaître une nouvelle baisse de 0,4 % en 2013. Le taux de
chômage de la zone atteint 12,1 %. La crise s’est traduite par une perte de
l’ordre de 9 % du PIB, mais la Commission impose des politiques
d’austérité, qui enfoncent l’Europe dans une récession sans fin.
Quatre des pays membres ont dû faire appel à l’aide européenne et sont
soumis au contrôle de la Troïka (Commission, BCE et FMI). L’Espagne et
l’Italie souffrent de taux d’intérêt excessifs.
La Commission et les dirigeants des États membres ont introduit
aujourd’hui de nouveaux dispositifs : le Pacte budgétaire, le Mécanisme
européen de stabilité, le Pacte de croissance,…, qui s’ajoutent à de
nombreuses directives. Maintenant, l’Union bancaire… Ceci est-il de
nature à sortir la zone euro de l’ornière ?
7
Les péchés originels
La monnaie unique souffre de six péchés originels, auxquels il est difficile de
remédier :
 Selon la théorie économique, il ne peut y avoir de monnaie unique entre
des pays qui ont des situations économiques différentes et qui veulent
garder des politiques économiques autonomes. La monnaie unique
suppose de mettre en place des mécanismes précis de coordination des
politiques économiques, de solidarité, ou de contraintes. Sinon comment
éviter l’apparition et la persistance de situation de déséquilibres où
certains pays sont fortement déficitaires, d’autres fortement
excédentaires ? Comment gérer ces situations ?
 Ces mécanismes ne peuvent consister en des règles numériques rigides
inscrites dans un traité (comme le déficit budgétaire ne doit pas dépasser
3 % ; la dette publique ne doit pas dépasser 60 % ; le solde structurel doit
être équilibré à moyen terme). Ils doivent être à la fois souples (les
objectifs doivent être négociés entre pays compte tenu de la conjoncture)
et contraignants (chacun doit se plier aux décisions prises en commun).
Mais comment aboutir à un accord sur la stratégie de politique
économique entre des gouvernements dont les intérêts et les analyses
diffèrent ?
8
Les péchés originels


Il ne peut y avoir de solidarité entre des pays dont les systèmes
économiques et sociaux diffèrent. Par exemple, les pays du Nord peuvent
refuser d’aider les pays du Sud, leur reprochant de n’avoir pas fait les
réformes nécessaires, d’avoir laissé gonfler leurs déséquilibres, d’être
incapables de tenir leurs engagements.
La BCE n’a pas le droit de financer directement les États (article 123 du
TFUE) ; la solidarité financière entre les États membres est interdite
(article 125 du TFUE). Ainsi, chaque État membre doit se financer sur les
marchés financiers sans recours garanti à une banque centrale « prêteuse
en dernier ressort ». Ceci ouvre la possibilité qu’il ne puisse tenir ses
engagements et fasse défaut. Sa dette n’est plus sans risque. Les
marchés financiers n’en avaient pas pris conscience jusqu’à la mi-2009.
Aujourd’hui, échaudés par le défaut de la Grèce, ils imposent des taux
insoutenables aux pays en difficulté, ce qui augmente encore leurs
problèmes.
9
Les péchés originels


Les pays de la zone euro sont maintenant soumis à l’arbitrage des
marchés financiers et, contrairement aux pays anglo-saxons et au Japon,
ne contrôlent plus leur taux d’intérêt. Or les marchés financiers n’ont pas
de compétence macroéconomique, sont auto-réalisateurs et savent qu’ils
le sont. Pourtant, les pays du Nord refusent que les dettes publiques des
pays membres soient collectivement garanties. Ils estiment que la
discipline imposée par les marchés financiers est nécessaire. Or, la
disparité des taux d’intérêt est d’un coût élevé et arbitraire. À terme, par
exemple, un pays comme l’Italie devrait payer aux marchés financiers un
tribut de l’ordre de 4,5 % de son PIB pour les garantir contre un présumé
risque de défaut.
La crise de 2007-2012 est une crise profonde du capitalisme financier qui
aurait demandé une riposte forte de la part des gouvernements pour
réduire l’importance de la finance et la dépendance à l’endettement public
ou privé, pour élaborer une stratégie macroéconomique de retour au plein
emploi. Or les instances européennes se sont refusées à toute remise en
cause de leur stratégie.
10
Les défis…

En 2013, les pays développés sont confrontés à plusieurs défis :
1) Les pays industrialisés portent encore les séquelles de la crise : la perte de
production par rapport à la tendance d’avant la crise est de l’ordre de 10 % ; le
taux de chômage atteint 12 % dans la zone euro ; 8,0 % au Royaume-Uni, 7,7 %
aux Etats-Unis. Ils ne réussissent pas à trouver une nouvelle dynamique de
croissance.
2) Les déficits et les dettes publics ont fortement augmenté pendant la crise. Les
réduire pèserait fortement sur la croissance.
3) Il faut remettre en cause la globalisation financière et les stratégies de croissance
d’avant la crise en particulier ceux des gagnants de la mondialisation (les pays
anglo-saxons et les pays néo-mercantilistes).
4) La zone euro est fragilisée par la croissance des disparités d’avant la crise, puis
par la crise de la dette publique des pays du Sud. L’éclatement ou la faillite
deviennent possibles. Il faut repenser l’organisation économique de la zone. Il faut
choisir plus de contrainte/l’éclatement/la solidarité.
5) La crise écologique pose la question du changement du mode de production. Ceci
crée une forte incertitude sur l’avenir, mais peut être une chance pour l’Europe.
11
Les séquelles de la crise
En % du PIB, sauf taux de chômage, en %
Perte de
production
2012
-8,5
-9,4
Taux de
chômage
Mi-2013
7,4
3,8
Royaume-Uni
-11,9
Zone euro
Allemagne
France
Italie
Espagne
Pays-Bas
Belgique
Autriche
Grèce
Finlande
Portugal
Irlande
-11,1
-4,0
-8,6
-12,7
-16,1
-10,7
-7,7
-6,9
-32,2
-14,9
-14,9
-18,8
Etats-Unis
Japon
Solde public
Dette au sens de Maastricht
2012
-8,9
-9,9
2007
62,5
188
2012
108
237,5
7,7
-6,3
44,5
90
12,1
5,3
11,0
12,0
26,3
7,0
8,0
4,8
27,6
7,9
16,5
13,8
-3,7
0,2
-4,8
-3,0
-10,6
-4,1
-3,9
-2,5
-10,0
-1,9
-6,4
-7,6
66,5
65
64
103,5
36
45
84
59
107
35
68
25
93
82
90
127
84
71
100
73
157
53
124
118
12
La construction européenne

Deux visions de l’Europe coexistent :
- L’Europe doit défendre un modèle spécifique de société : le Modèle social
européen, un compromis entre le capitalisme et le socialisme, un Modèle
Keynes/Social-démocrate/Corlberto-Ecologiste
- L’Europe doit faire évoluer les pays européens vers le modèle idéal : le Modèle
libéral, le seul adapté à la mondialisation. C’est le TINA : There is no alternative.

L’Europe est actuellement dominée par l’idéologie Fédérale, Libérale, Européenne,
Technocratique.

Il faut priver les Etats Démocratiques de pouvoirs et concentrer ceux-ci dans des
instances Européennes indépendantes (BCE, Pacte Budgétaire) qui feront évoluer
l’Europe vers un modèle libéral.
13
Europe : quelles réformes structurelles ?

Les programmes de réformes structurelles consistent principalement à libéraliser les
marchés des biens, à déréguler les marchés financiers, à affaiblir le droit du travail, à
réduire les dépenses sociales. La Commission fait pression sur les pays membres
pour qu’ils introduisent ces réformes, ce qui permet aux gouvernements nationaux
d’invoquer cette pression pour imposer des réformes impopulaires.

Le respect des principes de la concurrence ou des quatre libertés fondamentales
(droit de circulation des marchandises, des services, des capitaux, des personnes,
liberté d’établissement des entreprises et des personnes) est utilisé pour contraindre
les Etats à libéraliser les marches des biens et du travail, à réduire leur fiscalité. La
Commission est soutenue par les lobbies industriels ou financiers et par la CJUE.

Ainsi, l’Europe souffre d’une contradiction entre le fonctionnement démocratique des
Etats-Nations et la volonté des classes dirigeantes d’utiliser la construction
européenne pour obliger les peuples à accepter ces réformes libérales.

Selon la Commission, les impôts nuisent à l’activité ; les dépenses publiques sont
souvent peu efficaces ; il faut donc réduire les dépenses publiques et transférer ces
activités au secteur privé pour augmenter l’efficacité économique et réduire la
fiscalité. De même, il faut « moderniser la protection sociale ».

La crise a remis en cause la pertinence de ces programmes de réformes. L’Europe
doit-elle garder l’objectif de la libéralisation des marchés financiers ? de substitution
des fonds de pension aux systèmes publics de retraite ? de baisse des impôts ?
14
La construction européenne
.

Ceci s’ajoute à un problème de fond. L’Europe n’est pas un pays ; il n’y a pas de
solidarité européenne comme il y a une solidarité nationale : les allemands ne veulent
pas payer pour les grecs. Les spécificités nationales demeurent et les peuples y sont
attachés. En même temps, elles ne sont pas toutes respectables (exemple : le bas
taux d’activité des femmes dans les pays du Sud).

Il n’y a pas d’accord pour aller vers une Europe sociale, une Europe fiscale,…

L’Europe est en pointe dans la lutte pour la gouvernance économique et contre le
réchauffement climatique. Par contre, durant la crise, elle n’a pas réussi à dégager
une position commune et résolue sur les réformes du système financier.

L’Europe oscille entre un modèle fédéral, que tend à promouvoir la Commission et le
Parlement (qui est plus porteur mais peu démocratique) et un fonctionnement
intergouvernemental (qui est peu porteur et lui-aussi peu démocratique).

Il faut plus d’Europe. En même temps, donner plus de pouvoir à la Commission lui
permet d’imposer des réformes libérales et ne garantit pas qu’une stratégie de
croissance sera mise en œuvre.
15
La zone euro : une organisation défaillante

La crise de 2007-2012 (?) est le premier choc que doit traverser la zone euro. C’est un
test de la solidité de son organisation. Les résultats en sont clairement négatifs.

La zone euro est incapable de mettre en place une stratégie macroéconomique
cohérente pour sortir de la dépression, pour récupérer les 9 points d’activité que la crise
a coûtés à la zone.

Pire, depuis le début de l’année 2009, les marchés financiers spéculent sur la faillite et
sur la sortie de la zone de plusieurs des Etats membres. Quatre Etats membres ont été
mis sous tutelle ; deux autres subissent des taux d’intérêt excessifs.

Incapables de mettre en œuvre la solidarité nécessaire, menacés par les agences
de notation, les Etats membres en sont réduits à s’engager dans des politiques
restrictives, en période d’austérité pour rassurer les marchés financiers.

La zone euro a oublié le triangle d’impossibilité : « Il ne peut y avoir de monnaie
commune entre des pays qui ont des situations économiques différentes et qui veulent
garder des politiques budgétaires autonomes ».

Instaurer une monnaie unique suppose de mettre en place des mécanismes de
coordination des politiques économiques ou de solidarité. Sinon, comment prévenir
l’apparition et la persistance de déséquilibres où certains pays sont fortement
déficitaires, d’autres fortement excédentaires ?
16
La zone euro : une organisation défaillante

La zone euro aurait dû être moins touchée que les Etats-Unis ou le Royaume-Uni par la
crise financière. Les systèmes financiers y sont plus archaïques. Les ménages sont
moins impliqués dans les marchés financiers. La fixité des taux de change entre
monnaies européennes a éliminé un facteur majeur d'instabilité. Pourtant, il n'en a rien
été : l'Europe est plus durement et plus durablement affectée par la crise que le reste
du monde.

En 2011, le déficit public de la zone euro (4,1 % du PIB) était nettement inférieur à
celui des Etats-Unis (10,1 %), du Royaume-Uni (7,8 %) ou du Japon (7,8%).

La hiérarchie est la même pour les dettes, celle de la zone euro (88 % du PIB) était
équivalente à celle du Royaume-Uni (83 % du PIB), et nettement inférieur à celui des
Etats-Unis (101 %), ou du Japon (206 %). Pourtant, l'Europe a été plus affectée par la
crise que le reste du monde.
17
La zone euro : une organisation défaillante

Pourtant, les marchés continuent de spéculer contre certains pays de la zone, leur
imposant des taux d’intérêt insoutenables, malgré la garantie de la BCE, du Fonds
européen de stabilité financière (FESF), puis du MES (Mécanisme Européen de
Stabilité).

La zone euro souffre de dysfonctionnements, qui sont apparus au grand jour pendant la
crise, mais qui étaient déjà présents avant celle-ci.

L’organisation de la politique macroéconomique (indépendance de la BCE ; PSC) est
marquée par la méfiance envers les gouvernements nationaux démocratiquement élus.

Les signataires du traité de Maastricht ont voulu insérer les politiques budgétaires
nationales dans des contraintes rigoureuses.

En même temps, persuadés que les marchés avaient toujours raison, ils ont refusé de
contrôler les institutions financières, les crédits privés et les déséquilibres extérieurs.

La coordination des politiques économiques n’a pas été organisée.

Rien ne garantit l’existence même de la Monnaie unique ; Que se passe-t-il si certains
pays accumulent des déficits, d’autres des excédents et que les premiers ne peuvent
plus se financer ?
18
La zone euro : une organisation défaillante

Le Pacte de stabilité et de croissance (PSC) est mal conçu :
1.
Ses règles numériques (l’interdiction de dépasser 3 % du PIB pour les déficits publics,
60 % du PIB pour les dettes publiques, équilibre du solde structurel à moyen terme, effort
de 0,5 point de PIB par an pour les pays en déficit structurel, interdiction des mesures
discrétionnaires) n’ont pas de fondement économique. Il est justifié de financer les
investissements publics par le déficit public, ce qui autorise un déficit à moyen terme de
l’ordre de 2,5% du PIB.
2.
La Commission peut lancer des Procédures de déficit excessif contre les pays qui
dépassent ces limites, mais ceux-ci sont généralement des pays en situation de
dépression économique.
3.
Le PSC ne permet pas à la Commission d’exercer une influence sur les politiques des
Etats membres dans les périodes économiques favorables, lorsque des efforts budgétaires
pourraient être faits.
4.
Le PSC ne permet pas de mettre en œuvre des mesures à l’encontre des pays qui mènent
des politiques trop restrictives.
5.
Le PSC ne tient pas compte des soldes courants, de la compétitivité, des dettes privées,
des bulles financières et réelles. Ainsi, la Commission est restée impuissante devant le
gonflement des déséquilibres en Irlande ou en Espagne, comme devant la stratégie
allemande de recherche effrénée de compétitivité.
19
La zone euro : une organisation défaillante

Selon le Pacte, les Etats devaient perdre toute possibilité de politique budgétaire
autonome. Ils devaient d’abord faire passer leur solde structurel à l’équilibre, puis,
celui-ci atteint, laisser jouer les seuls stabilisateurs automatiques. La BCE devait
assurer la stabilisation macroéconomique par la politique monétaire. Mais il est
impossible de stabiliser les conjonctures de 17 pays avec un seul taux d’intérêt,
comme de stabiliser la conjoncture avec le seul taux d’intérêt quand la dépression
est trop profonde.

Le Pacte a généré des tensions récurrentes dans la zone de 1999 à 2007.

Durant cette période l’inflation a été faible dans la zone euro. La part des salaires
dans la valeur ajoutée a baissé de 2,6 points. Le solde courant de la zone euro était
excédentaire. Au niveau de la zone, les taux d’intérêt réels ont été égaux au taux de
croissance du PIB nominal, donc relativement bas. Aucun indicateur ne permet de
penser que les politiques budgétaires aient été trop expansionnistes. Les déficits
publics étaient nécessaires pour soutenir l’activité.

Le processus de coordination des politiques économiques (prévu par les articles 121
et 136 du TFUE) est resté purement formel. Les instances européennes n’ont pas
été capables d’impulser une stratégie macroéconomique cohérente dans la zone.
Polarisées sur des objectifs indifférenciés de finances publiques, elles se sont
refusées de prendre en compte les différences de situation entre pays, de mettre en
place des objectifs en termes de croissance, d’emploi, de solde extérieur.
20
Les procédures pour déficit excessif
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
24/9
PDE
11/5
22/6
PDE
PDE
3/6
07/10
PDE
PDE
PDE
PDE
2/4
PDE
PDE
PDE
30/1
18/2
PDE
PDE
PDE
PDE
PDE
PDE
PDE
PDE
16/5
07/10
PDE
PDE
30/05
Pays-Bas
28/4
7/6
07/10
PDE
PDE
PDE
PDE
Grèce
19/5
PDE
PDE
16/5
18/2
PDE
PDE
PDE
PDE
16/6
PDE
PDE
07/10
PDE
PDE
PDE
29/05
Espagne
18/2
PDE
PDE
PDE
PDE
Irlande
18/2
PDE
PDE
PDE
PDE
Belgique
07/10
PDE
PDE
PDE
PDE
Autriche
07/10
PDE
PDE
PDE
PDE
12/05
29/06
Portugal
France
Allemagne
Italie
19/11
3/6
Finlande
Slovaquie
07/10
PDE
PDE
PDE
PDE
Slovénie
07/10
PDE
PDE
PDE
PDE
12/05
PDE
PDE
PDE
Chypre
Malte
21/05
21
Les finances publiques dans la zone euro
En % du PIB, sauf * en taux de croissance
PIB*, en %
Solde public
Charges
d’intérêt
Composante
conjoncturelle
Solde primaire
structurel
1998
2,8
-2,3
4,2
-0,1
2,0
1999
2,9
-1,4
3,7
0,0
2,3
2000
4,0
-1,1
3,5
0,6
1,8
2001
1,9
-1,9
3,3
0,4
1,0
2002
0,9
-2,6
3,1
0,0
0,5
2003
0,8
-3,1
3,0
-0,7
0,6
2004
1,9
-3,0
2,8
-0,8
0,6
2005
1,8
-2,6
2,7
-1,0
0,6
2006
3,1
-1,3
2,6
-0,5
1,8
2007
2,8
-0,6
2,6
-0,1
2,1
2008
0,4
-2,1
2,6
-0,9
1,4
2009
-4,4
-6,4
2,5
-4,1
0,2
2010
2,0
-6,2
2,4
-4,0
0,2
2011
1,4
-4,2
2,6
-4,2
2,6
2012
-0,6
-3,7
2,6
-5,4
4,3
22
La zone euro : une organisation défaillante

L’UEM a vu, depuis 1999, la persistance d’une croissance relativement médiocre et
l’accroissement des divergences entre les États membres en termes de croissance,
d’inflation, de chômage et de déséquilibres extérieurs.

Le cadre de politique économique de la zone euro, qui impose des politiques
macroéconomiques semblables pour des pays dans des situations différentes, a
élargi les disparités de croissance entre les États membres.

Avant la crise, l’UEM avait fait des gagnants (Irlande, Espagne, Grèce) et des
perdants (Allemagne, Italie, Portugal).

Dans la plupart des pays, en particulier les plus grands, l'introduction de l'euro n'a
pas provoqué l’accélération promise de la croissance.

Pour d’autres, l’accélération de la croissance s’est payée de l’accroissement de
déséquilibres difficilement soutenables.
23
Croissance totale (annuelle)
2007/1998
2012/1998
Irlande
69,2 (6,0)
59,3 (3,6)
Suède
34,5 (3,3)
42,1 (2,7)
Espagne
37,9 (3,6)
33,6 (2,3)
Finlande
37,0 (3,6)
33,4 (2,2)
Etats-Unis
28,7 (2,8)
32,5 (2,2)
Autriche
25,4 (2,6)
29,3 (2,0)
Royaume-Uni
32,4 (3,2)
29,2 (2,0)
Belgique
22,7 (2,3)
25,4 (1,8)
Pays-Bas
24,8 (2,5)
24,6 (1,7)
France
21,6 (2,2)
21,9 (1,5)
Allemagne
15,8 (1,6)
20,4 (1,4)
Grèce
43,3 (4,1)
15,8 (1,1)
Japon
12,6 (1,3)
11,7 (0,9)
Portugal
17,0 (1,8)
9,9 (0,7)
Italie
14,8 (1,6)
7,2 (0,5)
24
La zone euro : une organisation défaillante

Avant même la crise, la zone euro connaissait une augmentation des disparités entre
deux groupes de pays conduisant des stratégies macroéconomiques insoutenables :
1.
Les stratégies mercantilistes des pays du Nord (Allemagne, Autriche, Pays-Bas,
Finlande) consistaient à brider leurs salaires et les dépenses sociales afin
d’engranger des gains de compétitivité et d’accumuler de forts excédents courants.
De 2000 à 2007, la part des salaires dans la VA a baissé de 4 points en Allemagne,
de 5 points en Autriche. La faiblesse de la demande intérieure de ces pays comme
leurs gains de compétitivité ont pesé sur la croissance de l’ensemble de leurs
partenaires de la zone euro (les pays du Sud, mais aussi la France ou l’Italie).
2.
Les pays du Sud (Espagne, Grèce, Irlande) ont connu une croissance vigoureuse,
impulsée par des taux d’intérêt bas relativement au taux de croissance, par des
bulles immobilières. S’y ajoute en Irlande une politique de dumping fiscal. Ils ont
accumulé d’importants déficits extérieurs.
25
Traits saillants de la croissance européenne 2000-2007
Croissance 07/00
PIB
DI
Dex
Allemagne
1,2
0,2
1,0
Autriche
2,2
1,5
0,7
Pays-Bas
1,9
1,5
0,4
Belgique
2,0
1,8
0,2
Portugal
0,9
0,8
0,1
Italie
1,1
1,3
-0,2
France
1,9
2,3
-0,5
Espagne
3,4
4,4
-1,0
Royaume-Uni
2,6
3,0
-0,4
Etats-Unis
2,3
2,6
-0,3
Japon
1,5
1,1
0,4
26
Inflation et taux d’intérêt réels
Taux de
croissance
1999-2007
Zone euro
Belgique
Allemagne
Grèce
Espagne
France
Irlande
Italie
Pays-Bas
Autriche
Portugal
Finlande
Royaume-Uni
Etats-Unis
2,2
2,3
1,6
4,1
3,7
2,2
6,5
1,5
2,5
2,5
1,8
3,5
2,8
2,9
Inflation
(déflateur du PIB)
1999-2007
2,0
1,9
0,8
3,2
3,9
1,8
3,5
2,4
2,6
1,5
3,1
1,4
2,4
2,4
Taux d’intérêt réels moins taux de
croissance du PIB
1992-1998
1999-2007
2,5
0,0
1,6
0,25
1,6
1,5
6,7
-2,2
2,1
-2,9
2,9
0,2
-3,5
-5,2
3,9
0,7
0,9
-1,0
1,3
0,5
1,6
-0,1
1,3
-0,7
3,7
-0,5
-0,1
-0,55
27
Part des salaires dans la valeur ajoutée, 1998/2007
Zone euro
Belgique
Allemagne
Grèce
Espagne
France
Irlande
Italie
Pays-Bas
Autriche
Portugal
Finlande
Danemark
Suède
Royaume-Uni
Etats-Unis
Variation en points de pourcentage,
1998-2007
-2,3
-1,9
-3,9
-2,1
-4,3
-0,2
-2,1
-0,5
-2,7
-4,4
-1,6
-0,9
-0,8
-0,1
0,6
-1,9
28
La zone euro : une organisation défaillante

En 2007, plusieurs pays de la zone euro avaient de larges excédents courants :
Pays-Bas (8,1 % du PIB), Allemagne (7,9 %), Finlande (4,9), Belgique (3,5) et
Autriche (3,3), tandis que d’autres avaient de forts déficits : Portugal (-8,5 % du PIB),
Espagne (-9,6 %) et Grèce (-12,5 %).

Ainsi, les 230 milliards d’euros d’excédent des pays du Nord créent et financent les
180 milliards de déficit des pays méditerranéens. Le financement se fait sans
problème via le secteur bancaire.

La relation Pays du Nord/Pays du Sud est la même au niveau de la zone euro que la
relation Chine/Etats-Unis. Elle pose la même question : comment convaincre les pays
vertueux de dépenser plus et d’augmenter leurs taux de change réels afin que les
pays pécheurs puissent réduire leurs déficits extérieurs sans dépression?

Le cadre de politique économique mis en place par le traité de Maastricht a été
incapable d’empêcher le creusement de déséquilibres qui sont devenus
insoutenables avec la crise.

De 1999 à 2007, les marchés ne se sont pas inquiétés du gonflement des disparités
dans la zone. En juin 2007, les taux d’intérêt à 10 ans n’allaient que de 4,5 % en
Allemagne à 4,65 % pour la Grèce et l’Italie.
29
Evolution de la compétitivité-prix
(coûts salariaux unitaires, ensemble de l’économie)
Source : AMECO, Commission européenne
30
Soldes courants en 2007 et 2012
Luxembourg
Pays-Bas
Allemagne
Finlande
Belgique
Autriche
Danemark
Italie
France
Slovénie
Slovaquie
Irlande
Portugal
Espagne
Grèce
Total
En % du PIB
2007
En milliards d’euros
2007
En % du PIB
2012
10,1
8,1
7,9
4,9
3,5
3,3
0,7
-1,7
-2,2
-4,6
-4,7
-5,3
-8,5
-9,6
-12,5
0,4
3,8
48,6
192,1
7,3
12,8
9,1
1,6
-27,7
-43,0
-1,6
-2,8
-10,1
-16,0
-105,1
-33,4
39,4
6,0
8,4
7,0
-1,7
-0,5
2,0
5,3
-0,5
-2,4
2,3
2,3
4,5
-1,5
-1,1
-2,3
1,8
31
Taux d’intérêt publics à 10 ans et CDS
Juin 2007
Allemagne
France
Italie
Espagne
Pays-Bas
Belgique
Autriche
Grèce
Portugal
Finlande
Irlande
Danemark
Royaume-Uni
Suède
Etats-Unis
Japon
Taux à 10 ans
CDS
4,5
4,55
4,65
4,55
4,5
4,55
4,5
4,65
4,6
4,5
4,45
4,45
5,3
4,3
5,0
1,85
0,04
0,07
0,18
0,07
0,02
0,03
0,06
0,20
0,08
n.d.
0,13
0,13
n.a.
0,34
0,13
0,23
32
Dépenses publiques et dettes

Ce ne sont pas les dépenses publiques qui sont responsables de la crise.

La part des dépenses publiques dans le PIB a diminué de 2,9 points de 1997 à 2007.

La plupart des pays ont mis en œuvre des stratégies de baisses d’impôts dans une
situation de concurrence fiscale, l’UE n’ayant pas adopté de politique d’harmonisation
fiscale.

Ce désarmement fiscal a été choisi par les classes dirigeantes afin de tirer prétexte
du déficit ainsi créé pour déclarer inéluctable la baisse des dépenses publiques.

Ainsi, la plupart des pays ont supprimé l’impôt sur le patrimoine des ménages ; le
taux supérieur de l’impôt sur le revenu est passé en moyenne de 50,5 % en 1995 à
42,1 % en 2008 ; le taux moyen de l’IS de 37,5 % à 26 %.

Les pays en difficulté aujourd’hui sont ceux qui avaient les taux de prélèvements les
plus bas de la zone : en 2007, le taux de prélèvement obligatoire était de 40,4 % pour
l’ensemble de la zone euro, de 32,3 % pour la Grèce, de 31,4 % pour l’Irlande, de
37,1% pour l’Espagne.
33
Evolution des finances publiques, 1997/2007
(ajustées des variations conjoncturelles, % du PIB)
Revenus
Charge d’intérêt
Dépenses
primaires
Solde public
Zone euro
-1,5
-1,6
-1,4
+1,5
Allemagne
-2,5
-0,5
-3,7
+1,7
France
-1,6
-0,6
-0,8
-0,2
Italie
-1,0
-3,9
+2,2
+0,7
Espagne
+2,2
-3,1
+0,3
+5,1
Pays-Bas
0,0
-2,6
+0,8
+1,7
Belgique
-0,5
-3,4
+2,3
+1,7
Greece
+1,0
-3.1
+6,5
-2.4
Autriche
-4,6
-1,2
-5,0
+1,5
Portugal
+3,8
-1,0
+3,5
+1,2
Finlande
-2,4
-2,4
-6,4
+6,4
34
Taux d’imposition maximal sur les revenus
Pays
1986
2002
2007
2012
France
65 %
57,8 %
45,8 %
46,8%
Allemagne
53 %
51,2 %
47,5 %
47,5 %
Belgique
72 %
56,4 %
53,7%
53,7 %
Espagne
66 %
48 %
43 %
52 %
Italie
62 %
46,1 %
44,9 %
47,3 %
Pays-Bas
72 %
52 %
52 %
52 %
Suède
61,3%
55,5%
56,4%
56,6%
Royaume-Uni
60 %
40 %
40 %
50 %
35
Crise de la Dette
Taux d’imposition sur les sociétés
Pays
1986
2006
2012
France
45 %
34,3%
36,1%
Allemagne
56 %
38,7%
29,8%
Belgique
45 %
34 %
34%
Irlande
50 %
12,5 %
12,5%
Italie
36 %
37,3 %
31,4%
Pays-Bas
42 %
29,6 %
25%
Royaume-Uni
35 %
30 %
24%
Suède
53%
28 %
26,3%
36
Crise de la Dette
Le coût de la dette …

Le coût de la dette dépend de l’écart entre le taux d’intérêt (r)
croissance nominal (inflation (p) + croissance réelle (y) ).

Dette/PIB = Déficit primaire +(1+r-y-p) (Dette/PIB)-1

La dette est stable si : Solde primaire = (r-y-p) (Dette/PIB)

Si un pays peut s’endetter à 4% alors que son taux de croissance est de 4%, la dette
ne lui coûte rien. Il peut avoir une dette de 60% du PIB, il paye 4% d’intérêt (2,4% du
PIB) ; il peut avoir un déficit de 2,4% à ratio Dette/PIB stable.

La dette diminue d’elle-même quand le taux de croissance est plus élevé que le taux
d’intérêt. C’était le cas avant la crise pour la Grèce, l’Irlande, l’Espagne. Ceci favorise
l’endettement, mais devient dangereux quand la croissance baisse.

Si le taux d’intérêt est égal au taux de croissance, la stabilité de la dette demande
que le solde primaire soit équilibré.
et le taux de
37
De la crise financière à la crise de la zone euro
Le coût de la dette …

La dette fait boule-de-neige quand le taux d’intérêt est plus fort que le taux de
croissance.

En 2011, la Grèce a une dette de 150 % du PIB; son inflation est de 1,0 % ; sa
croissance de -7,1 %. Sa charge d’intérêts est de 7,1%, soit un taux de 4,7 %. La
dette lui coûte 16,2 % de son PIB. Il faudrait un excédent primaire de 16,2 % du PIB
pour stabiliser le ratio dette/PIB.

En 2011, la France a eu une croissance de 1,7 % et une inflation de 1,3 %. La
charge de la dette est de 2,6 % du PIB pour une dette de 82 % du PIB, soit un taux
apparent de 3,2 %. Le coût de la dette est pratiquement nul. Un excédent primaire de
0,16 % suffit à stabiliser le ratio dette/PIB.

Dans une économie financiarisée, il y a en permanence des cycles de la dette. Les
agents s’endettent à bas taux, ont une forte croissance (c’est la lune de miel) ; puis,
les marchés les jugent trop endettés, réclament des taux élevés, les agents voient
leur croissance se briser (c’est la crise de la dette).
38
De la crise financière à la crise de la zone euro
Des dettes soutenables ?

En 2007, la plupart des pays membres avaient un solde public primaire excédentaire,
soit un excédent de 2 % du PIB dans la zone euro.

La France et la Grèce étaient les seuls pays de la zone à avoir un solde primaire
légèrement inférieur au niveau requis pour stabiliser le ratio dette publique/PIB.

En fait, certains pays, comme l’Espagne, la Grèce, et l’Irlande, bénéficiaient de taux
d’intérêt très bas au regard de leur croissance relativement vive. Leurs dettes
publiques étaient stabilisées, mais cet équilibre était fragile, puisqu’il dépendait de
l’écart entre les taux d’intérêt et la croissance.

En 2007, les marchés financiers ne faisaient pas de distinction parmi les dettes
publiques des pays de la zone
39
Les finances publiques en 2007
Allemagne
France
Italie
Espagne
Pays-Bas
Belgique
Autriche
Grèce
Portugal
Finlande
Irlande
Zone euro
Royaume-Uni
Etats-Unis
Japon
Solde public
Solde public
primaire
Dette nette
0,2
-2,7
-1,7
1,9
0,2
-0,2
-0,7
-6,7
-2,3
5,2
0,2
-0,6
-2,7
-2,8
-2,5
2,6
-0,2
3,0
3,0
1,8
3,5
1,3
-3,0
0,6
4,6
0,9
2,0
-0,7
-0,8
-1,9
42,9
34,0
89,6
18,7
28,0
73,4
30,7
80,4
44,1
-71,1
-0,3
43,3
28,8
47,2
80,4
Taux d’intérêt
réel corrigé de
la croissance
du PIB
1,6
0,2
0,9
-3,2
0,3
-0,2
-0,3
-2,9
0,6
-0,3
-3,4
0,1
-0,3
-1,1
0,7
Ecart à la
stabilité**
1,9
-0,3
2,2
3,6
1,7
3,6
1,4
-0,7
0,3
4,4
0,8
2,0
-0,6
-0,3
-2,6
** Ecart entre le solde primaire et le solde qui stabilise la dette (dette nette* taux d’intérêt à long terme corrigé de la croissance
tendancielle).
40
La crise de la zone euro

A partir de la mi-2008, et surtout du début 2010, les marchés se sont rendus compte
d’une faille majeure dans l’organisation de la zone euro. Alors que les
gouvernements des autres pays développés ne peuvent pas faire faillite car ils
peuvent toujours être financés par leur Banque centrale, au besoin par création
monétaire, les pays de la zone euro ont renoncé à cette possibilité.

La BCE n’a pas le droit de financer directement les Etats (article 123 du TFUE) ; la
solidarité financière entre les Etats membres est interdite (article 125 du TFUE).
Ainsi, chaque Etat doit financer sa dette publique sur les marchés financiers. Aussi,
son financement n’est-il pas assuré. Les pays membres ont perdu leur souveraineté
monétaire.

Depuis 1945, aucun pays développé ayant conservé sa souveraineté monétaire
(pouvant recourir à la création monétaire de sa Banque centrale et s’endettant dans
sa monnaie) n’a fait défaut sur sa dette.
41
Ecart des taux publics à 10 ans vis-à-vis du taux allemand
En points
42
Sources : Marchés financiers, Datastream.
La crise de la zone euro

La spéculation financière actuelle se nourrit des défaillances de la construction
européenne.

Hors zone euro, les pays développés, capables de s’endetter dans leur propre
monnaie, ne peuvent faire défaut sur leur dette souveraine et les marchés ne
peuvent spéculer sur leur faillite. Si un pays souffre d’une demande privée
insuffisante, la Banque centrale abaisse son taux directeur et le gouvernement
accepte un certain déficit public. Les taux d’intérêt à long terme sont
automatiquement faibles, ce qui soutient l’activité et limite la hausse de la dette
publique. Si nécessaire, la Banque centrale intervient pour financer le déficit public.
En régime de change flexible, ces politiques font baisser le taux de change, ce qui
soutient l’activité. Des mécanismes stabilisateurs existent et le risque de défaut est
nul. C’est ainsi que fonctionnent, par exemple, les Etats-Unis.

Dans la zone euro, ces mécanismes ont été supprimés puisqu’un pays frappé d’une
crise spécifique, ou plus déprimé que ses partenaires, ne peut diminuer son taux
d’intérêt ou laisser sa monnaie se déprécier. Ils n’ont pas été remplacés par des
mécanismes de solidarité entre pays. Le risque est que demain, un pays de la zone
euro ne puisse plus augmenter son déficit, de crainte que les marchés ne
provoquent une hausse des taux d’intérêt, sous prétexte de prime de risque. Cette
hausse rendrait impuissante la politique budgétaire.
43
La crise de la zone euro

La spéculation a été facilitée par le jeu des agences de notation, qui ont déclaré risquées
les dettes des pays du Sud de la zone alors même que le scénario où un pays de la zone
euro ferait défaut n’avait a priori qu’une probabilité très faible.

Ce sont les agences de notation elles-mêmes qui ont renforcé cette probabilité.
L’évaluation financière n’est pas neutre : elle affecte l’objet mesuré, elle construit le futur
qu’elle imagine. Les notations sont auto-réalisatrices.

Ainsi les agences de notation financières contribuent largement à déterminer les taux
d’intérêt sur les marchés obligataires en attribuant des notes empreintes d’une grande
subjectivité – voire de la volonté d’alimenter l’instabilité –, source de profits spéculatifs.

Lorsque les agences de notation dégradent la notation d’un Etat, elles obligent un certain
nombre d’investisseurs institutionnels à ne plus détenir la dette de cet Etat, ou à se
couvrir sur le marché des CDS (credit default swaps) : cela augmente le taux d’intérêt sur
les titres de la dette publique de cet Etat, et augmente par là-même le risque de faillite
que les agences ont annoncé.

Un pays peut avoir une dette publique soutenable tant que les marchés acceptent de lui
prêter à un taux d’intérêt de 3 % ; mais la dette devient insoutenable si les marchés
demandent 7 %, car le pays doit dégager un fort excédent primaire, en baissant ses
dépenses publiques et en augmentant ses impôts. Les taux d’intérêt demandés aux
entreprises augmentent. Tout ceci fait chuter sa croissance, réduit ses rentrées fiscales et
peut paradoxalement conduire à une hausse du ratio dette publique / PIB.
44
La crise de la zone euro

La spéculation a aussi été facilitée par le développement du marché des CDS, qui
permettent de spéculer sur les dettes publiques et privées.

Les institutions financières ont trouvé une nouvelle source de profit en créant le
marché des CDS sur les dettes souveraines des grands pays, qui est un marché
spéculatif, parasitaire et déstabilisant. Cela permet de dynamiser le marché des titres
publics, qui jadis était inerte, donc sans intérêt pour les spéculateurs. Il devient
possible de spéculer à la faillite des Etats.

En semant le doute sur la capacité des pays à tenir leurs engagements, les fonds
spéculatifs obligent les fonds de placement à se couvrir (ce qui leur permet de leur
vendre des CDS).
45
De la crise financière à la crise de la zone euro
La crise de la zone euro

Le marché des CDS permet à certains opérateurs de gagner de l’argent en vendant
des protections. Il est ainsi possible d’acheter des protections contre une faillite de
l’Etat grec même si l’on ne détient pas de titres grecs. Les fonds spéculent alors, soit à
la hausse du risque, soit à la faillite effective ; soit pour d’autres à la baisse du risque ;
soit même à la non-faillite..

Les perdants dans l’opération sont l’Etat grec, qui doit payer plus cher son
endettement, ce qui fragilise plus encore sa situation budgétaire et les fonds qui
détenaient déjà des titres grecs (qui doivent dévaloriser leur créance).

Considérons un fonds d'investissement qui avait acheté 100 millions d’euros de titres
grecs à 10 ans en juin 2007 à un taux de 4,65 %. En janvier 2011, le taux des titres
grecs était de 11,5 %, la valeur de marché de sa créance n’était plus que de 77,6
millions. Le fonds a du enregistrer une perte de 22,4 millions.

Les fonds qui ont perdu de l’argent sur les titres grecs, irlandais ou portugais sont
échaudés ; ils se dépêchent de vendre leurs titres espagnols voire même italiens,
belges ou français. La crise est contagieuse.
46
De la crise financière à la crise de la zone euro
La crise de la zone euro

Durant la crise, les instances européenne ont été incapables de mettre en place des
réponses vigoureuses. Leurs réactions ont été timorées, hésitantes, contradictoires.
Leur (absence de) stratégie n’est pas compatible avec le fonctionnement des marchés
financiers ; elles ont nourri la méfiance et la spéculation.

Ils ont proclamé qu’ils voulaient éviter que les pays laxistes, assurés que l’UE viendrait
toujours à leur secours, puissent avoir la tentation d’accumuler sans limites les déficits
et de retarder les réformes.

L’Allemagne a réclamé que soit mis sur pied un mécanisme de faillite ordonnée d’un
Etat membre, prévoyant la mise à contribution des créanciers privés, de sorte que les
dettes publiques soient en permanence soumises à l’appréciation des marchés.

Ces réticences ont renforcé la conviction des marchés financiers que les dettes
publiques des pays de la zone euro ne sont pas garanties ; qu’il est donc légitime de
demander des primes de risque pour les détenir et qu’il peut être rentable de spéculer
sur leur faillite.

Certains fonds extra-européens refusent maintenir de détenir des obligations des pays
de la zone euro, en raison de la trop grande volatilité de leur valeur et des risques
perçus de déclassement par les agences de notation.
47
La crise de la zone euro

Le risque est qu’à l’avenir les dettes publiques, n’étant plus considérées comme sans
risque, soient plus coûteuses et que les pays soient en permanence soumis à
l’appréciation des marchés financiers.

Les marchés financiers ont longtemps refusé de renoncer à un scénario d’éclatement
de la zone euro : les mesures d’austérité entraîneront une faible croissance et des
troubles sociaux, de sorte que les pays du Sud finiraient par préférer quitter la zone.
Sa crédibilité est renforcée par la faiblesse de la réaction des Etats Membres et des
instances européennes, qui sont incapables de dire que leur solidarité est totale et
qu’ils mettront en œuvre une stratégie macroéconomique cohérente dans la zone.

La Grèce est coupable d’avoir triché sur ses comptes et de tolérer la fraude fiscale.
L’Irlande maintient des taux d’imposition trop bas et, comme l’Espagne, a laissé la
bulle immobilière se développer. Les pays du Sud (Grèce, Portugal, Espagne, Italie)
souffrent de corruption. Mais il faut quand même les sauver si on veut sauver la zone
euro…

Il aurait fallu dire clairement que la dette publique grecque était garantie par l’ensemble
des pays de la zone euro et de l’UE, et que les problèmes de finances publiques
grecques étaient une affaire interne de la zone, qu’elle s’engageait à résoudre
collectivement. Mais le manque de solidarité et de confiance entre les pays de la zone
euro ne l’a pas permis.
48
La crise de la zone euro : un historique

Fin 2009, le gouvernement grec a fortement révisé à la hausse les chiffres de déficit
public annoncés par le gouvernement précédent, cela a donné le départ à une crise de
défiance contre la dette grecque.

Durant les 4 premiers mois de l’année 2010, les instances européennes et les autres
pays membres ont tardé à réagir, puis n’ont fait preuve que d’une solidarité limitée et
ambiguë, ne voulant pas donner l’impression que les pays membres avaient droit à un
soutien sans limite de leurs partenaires et voulant sanctionner la Grèce, coupable de
n’avoir jamais respecté le PSC et d'avoir masqué l'ampleur de ses déficits.
49
De la crise financière à la crise de la zone euro
La crise de la zone euro : un historique

Le 10 mai 2010, les pays de la zone ont créé dans l’urgence un Mécanisme Européen
de Stabilisation (MES), capable de lever 750 milliards d’euros, pour venir en aide aux
pays menacés, soit 60 milliards empruntés par la Commission, 440 milliards levés par
un Fonds européen de stabilisation financière (FESF), créé à cet effet, garantis par
les Etats membres, 250 milliards fournis par le Fonds Monétaire International (FMI).
Mais il a été indiqué que ce fonds n’était créé que pour trois ans, que l’aide apportée
serait conditionnée à la mise en œuvre de plans drastiques de réduction des déficits
publics et que les taux pratiqués incorporeraient une prime de risque.

Il a été demandé au Fonds Monétaire International (FMI) de contribuer à ce plan, pour
bien montrer que les conditions imposées à la Grèce seraient aussi sévères que
celles du FMI. Mais cet appel marque bien la faillite politique de la zone ; il a fallu
proclamer que la « zone euro » n’existait pas, que seuls les Etats existaient, pour le
FMI comme pour les marchés financiers.

Ce plan n’a rassuré les marchés que pendant un court laps de temps. En juin 2010,
l’écart de taux d’intérêt à 10 ans entre la Grèce et l’Allemagne est vite remonté à près
de 8 points.
50
De la crise financière à la crise de la zone euro
La crise de la zone euro : un historique



A partir de mai 2010, la BCE lance un programme d’achat de titres publics sur le
marché secondaire, ce qui lui permet de soutenir des dettes des pays en difficulté
(programme SMP, security market programme). Fin novembre 2011, elle avait ainsi
accumulé 205 milliards de titres publics. Ce programme n’est guère conforme à
l’orthodoxie monétaire, ni à l’esprit du traité. Mais il est indispensable. Il a suscité la
réprobation publique, puis la démission, d’Axel Weber, le président de la Bundesbank
puis de Jürgen Stark, l’économiste en chef de la BCE.
En novembre 2010, éclate la crise irlandaise. L’Irlande, qui était naguère le meilleur
élève de la classe libérale, avec le plus bas taux de dépenses publiques des pays de
la zone, le plus bas taux d’imposition, avec un excédent budgétaire de 2,5 % du PIB
en 2006, avec une croissance particulièrement vigoureuse a subi de plein fouet la crise
financière.
Son système bancaire hypertrophié s’est retrouvé en faillite. Ses finances publiques
ont été mises à mal par la crise (qui a entraîné une perte de croissance du PIB de
22 % par rapport à la tendance d’avant la crise) mais l’Irlande a choisi de garantir
toutes les créances de ses banques et de gonfler son déficit public de 2010 de 13,4 %
à 32,3 % (un niveau sans précédent pour un pays développé en temps de paix), afin
de recapitaliser ses banques.
51
De la crise financière à la crise de la zone euro
La crise de la zone euro : un historique





En avril 2011, le Portugal est obligé de demander l'aide du FESF.
Donc 3 pays membres (Grèce, Portugal et Irlande) sont placés sous la supervision
de la Troïka (CE, BCE, FMI) ; deux autres (Italie, Espagne) souffrent de taux
d'intérêt trop élevés, en raison d'attaques spéculatives. Ce n'est pas un succès
pour la zone euro.
La Grèce, l’Irlande, le Portugal, puis l’Italie et l’Espagne doivent entreprendre
d'énormes plans budgétaires restrictifs.
Les marchés financiers ne sont pas rassurés par ces plans, qui provoquent une
croissance négative du PIB et des perspectives de plusieurs années de stagnation.
Les objectifs de finances publiques ne sont pas tenus. Les plans induisent des
troubles sociaux et des crises politiques. Les doutes sur les marchés financiers
sont auto-réalisateurs, car ils induisent des taux d'intérêt élevés.
Le FESF n’a été créé que pour une période de 3 ans, soit jusqu’à juin 2013.
L’Allemagne a réclamé des conditions drastiques pour accepter sa prolongation.
Elle exigeait que les pays fautifs puissent se voir priver de leur droit de vote dans
les instances européennes et puissent se voir priver des fonds d’aide structurels.
Surtout, elle demandait que soit mis sur pied un mécanisme de faillite ordonnée
d’un Etat membre, prévoyant la mise à contribution des créanciers privés.
52
De la crise financière à la crise de la zone euro
La crise de la zone euro : l’accord du 21 juillet 2011

Une nouvelle attaque spéculative contre la Grèce a lieu en Juillet 2011. La Grèce n’a
pas atteint ses objectifs en matière de réduction du déficit public (9 % en 2011 au lieu
de 7,5 %). Le FMI est réticente à lui prêter davantage. L’Allemagne veut lui imposer un
rétablissement plus rapide de son solde public et veut que le secteur privé participe au
sauvetage. Ceci nourrit la spéculation.

La Grèce reçoit 109 milliards. Elle doit renforcer son programme d’austérité et faire 50
milliards de privatisation.

Le FESF pourra racheter la dette publique ou bancaire sur le marché secondaire

Le taux d’intérêt de ses prêts passeront à 3,5 % et leur maturité à 15 ans.

La participation du secteur privée est volontaire, exceptionnelle, réservée au seul cas
grec (???)

Les banques peuvent choisir entre réinvestir à 30 ans les obligations grecques venant
à échéance, allonger la durée des prêts (à un taux de 4 à 5 %), vendre les titres avec
une décote de 21%. Est-ce un événement de crédit ?
53
De la crise financière à la crise de la zone euro
La crise de la zone euro : la crise d’octobre 2011.

Nouveau psychodrame début octobre. La troïka refuse de verser les 8 milliards promis
car la Grèce ne tient pas les objectifs de privatisation et de solde. La Finlande veut des
garanties particulières. Comité d’experts en Grèce qui met le pays sous tutelle. Décote
volontaire de 50 % de la dette grecque (elle passerait de 165 à 120 % du PIB). Les
CDS ne jouent pas. Les autres dettes publiques seront honorées (?).

L’Italie est attaquée bien que sa situation soit stabilisée car les marchés estiment que
l’Europe ne pourra pas la sauver, si nécessaire, compte tenu de sa taille. De même
pour l’Espagne. La spéculation joue de son caractère auto-validant.

La BCE impose à l’Espagne et à l’Italie des réformes structurelles pour les aider
(flexibilisation du marché du travail, réforme des retraites).

Pas d’euro-obligations. Pas de financement du FESF par la BCE.

En décembre 2011, les pays s’engagent dans un nouveau pacte budgétaire (qui les
contraint à aller vers l’équilibre du solde public). Il s’agit de convaincre la BCE
d’intervenir pour acheter les dettes publiques, de convaincre l’Allemagne d’être plus
conciliante, mais ni la BCE et ni l’Allemagne ne prennent d’engagement.

Cependant, la BCE refinance massivement les banques (500 milliards le 22/12/2011
puis de nouveau le 1/3/2012), ce qui entraîne une légère baisse des spreads.
54
De la crise financière à la crise de la zone euro
La crise de la zone euro : un historique

Nouveau psychodrame début février 2012. Toujours la Grèce. Elle ne peut présenter
une stratégie macroéconomique évitant le gonflement de sa dette publique.

Début mars, les banques acceptent un décote de 54% sur 206 milliards de titres.

Un titre de valeur 100 est remplacé par un titre de 15 émis par le FESF et de 31,5 de
nouveaux titres grecs (dont la décote est de 72%). La perte est de 53,5 % ou de 74%.

Les CDS sont actionnés.

C’est la première faillite d’un pays développé depuis la Seconde Guerre Mondiale.

Ceci fragilise la zone euro.
55
De la crise financière à la crise de la zone euro
6 septembre 2012, la BCE intervient






En juillet 2012, les marchés spéculent contre l’Italie et l’Espagne. Le spread par
rapport à l’Allemagne est de 5,5 points pour l’Espagne, de 4,5 points pour l’Italie.
La crainte des marchés est auto-réalisatrice : ils craignent que l’Espagne fasse défaut ;
aussi, ils refusent de prêter à l’Espagne ou lui imposent des taux élevés, ce qui
renforce les risques de faillite. Comme ces taux s’imposent aussi aux entreprises, ceci
contribue à enfoncer les pays dans la récession
La BCE refuse de garantir sans limites les dettes publiques (le bazooka) ; les pays du
Nord refusent les Euro-obligations.
Toutefois, le 26 juillet, Mario Draghi déclare : « La BCE est prête à faire tout ce qui est
nécessaire pour préserver l'euro. Et croyez-moi, ce sera suffisant. »
Le 6 septembre, la BCE annonce un programme d’achat sur le marché secondaire des
bons de court terme, des pays en difficulté, d’une maturité entre 1 et 3 ans (OMT,
opérations monétaires sur titre). Elle ne fixe pas de limites quantitatives à ces achats.
Elle n’indique pas d’objectif en termes d’écart de taux d’intérêt tolérable. Pour montrer
qu’elle prend les mêmes risques que les créditeurs privés, elle renonce à son statut de
créancier privilégié pour ces titres.
Par contre, ces interventions seront soumises à une stricte conditionnalité. Les pays
devront négocier un programme d’ajustement avec la Commission et le FESF, ce
programme devrait être contrôlé par le FMI. Le MES devra en parallèle aider le pays
par des achats sur le marché primaire. Les pays aidés devront prendre des
engagements en matière d’ajustement budgétaire et de réformes structurelles. Comme
il s’agit de titres à court terme, la BCE pourra arrêter ces achats si les pays aidés ne
respectent pas leurs engagements.
56
6 septembre 2012, la BCE intervient




En ne mettant pas de limite à ces interventions, la BCE peut rassurer les marchés sur
les risques de défaut de ces pays, sur les risques d’éclatement de la zone. Elle peut
briser les anticipations auto-réalisatrices, de sorte qu’elle n’aura pas besoin d’intervenir
massivement. La baisse des taux peut contribuer à relancer l’activité.
En sens inverse, les pays devront maintenir des politiques d’austérité rigoureuses. La
BCE impose ses vues quant à la stratégie économique à suivre. Elle réclame des
réformes structurelles des marchés du travail et des biens ; le strict respect des
objectifs de solde public, malgré la récession ; la mise en application rapide du pacte
budgétaire. Le risque est que cette austérité généralisée enfonce durablement toute la
zone dans la crise. L’euro sera sauvé mais les Etats membres seront morts
La Bundesbank (et Jens Weidmann) s’est opposée au projet car elle craint que les
pays aidés n’effectuent pas les efforts demandés.
L’OMT sauve l’Euro, sans être mise en œuvre effectivement. Les craintes des
marchés diminuent et les spreads baissent.
57
La crise de la zone euro

En février 2013, les taux imposés par les marchés pour les titres à 10 ans étaient de
1,6 % pour l’Allemagne, 1,9 % pour la Finlande et les Pays-Bas, 2 % pour l’Autriche;
de 2,25 % pour la France, de 2,3 % pour la Belgique, de 4,1 % pour l’Irlande, 4,3 %
pour l’Italie, 5,2 % pour l’Espagne ; 6,1 % pour le Portugal, 10,6 % pour la Grèce.

Les taux étaient de 0,8 % pour le Japon, de 2 % pour les Etats-Unis, de 2,1 % pour le
Royaume-Uni.

La zone euro bénéficiait d’une certaine accalmie par rapport à février ou août 2012,
mais celle-ci demeure fragile.

Les taux ont baissé jusqu’en mai (en raison des mauvaises perspectives de
croissance) ; ils ont remonté depuis (en raison de meilleures perspectives).

L’existence de la zone euro reste jugée fragile par les marchés.

En 2011, être dans la zone apparaissait pénalisant en terme de taux d’intérêt.

Le spread devient le critère de jugement des gouvernements.

Actuellement, les taux d’intérêt italiens ou espagnols restent trop élevés de 2 points
par rapport aux taux de la France et des Pays-Bas. L’Italie devrait payer à terme 2,6
points de PIB aux marchés, l’Espagne 2 points.
58
Taux d’intérêt publics à 10 ans
Février 2012 Février 2013
Mai 2013
Septembre
2013
Grèce
40.8
11.1
9.6
10.5
Portugal
12.3
6.9
5.5
6.7
Espagne
5.05
5.15
4.2
4.45
Italie
5.5
4.45
3.9
4.35
Irlande
7.8
3.1
3.45
4.15
Belgique
3.65
2.3
2.05
2.8
France
2.95
2.2
1.85
2.5
Royaume-Uni
2.1
2.1
1.9
2.8
Suède
1.8
2.0
1.8
2.5
Etats-Unis
2.0
1.95
1.85
2.8
Autriche
2.85
1.9
1.7
2.35
Pays-Bas
2.2
1.8
1.6
2.3
Finlande
2.3
1.8
1.5
2.2
Allemagne
1.9
1.6
1.35
1.9
Japon
1.0
0.7
0.6
0.75
59
Indicateurs macro-économiques en 2011 et taux à 10 ans
Finlande
-0.6
Solde
public
% du
PIB
-0.9
49
Taux de
croissance
moyen
2011-12
1.9
17.5
Taux à
10 ans
2011T4
2.5
Allemagne
5.7
-1.0
81
2.2
17.5
1.9
Autriche
1.9
-2.6
72
1.9
16.1
3.1
Pays-Bas
9.2
-4.6
65
0.4
15.4
2.4
Belgique
-0.8
-3.9
98
1.2
12.5
4.4
France
-2.1
-5.2
86
1.2
10.7
3.2
Etats-Unis
-3.1
-9.7
103
2.1
9.6
2.0
RU
-1.9
-8.4
83
0.6
9.6
2.3
Espagne
-3.5
-8.5
69
-0.5
8.6
5.7
Japon
2.6
-9.5
206
0.7
8.2
1.0
Irlande
0.1
-13.0
108
0.7
7.5
8.7
Italie
-3.1
-3.8
120
-0.6
7.5
6.6
Portugal
-6.4
-4.2
108
-2.4
6.4
12.2
Grèce
-9.8
-9.2
165
-6.1
2.9
19.0
Solde
extérieur
% du PIB
Dette
publique %
du PIB
Note
sur 20
60
En %
Taux d’intérêt publics à 10 ans
61
Sources : Marchés financiers, Datastream.
Une stratégie déficiente

Face à cette crise, la stratégie actuelle de la Commission et des Etats membres
comporte trois éléments :
1. des plans d’austérité budgétaire,
2. la réforme de la gouvernance de la zone euro
3. la mise en place d’un mécanisme de solidarité financière.

Dans ces trois domaines, l’Europe ne tire pas les leçons de la crise, ne prend pas le
bon tournant.
62
Une réduction brutale des déficits publics passant par une baisse
des dépenses…

En 2008-09, le PIB de la zone euro perd 8 points du fait de la crise. La croissance se
rapproche du niveau tendanciel en 2010 (2%). La mise en œuvre de politiques
restrictives aboutit à un ralentissement en 2011 (1,6 %), puis à une croissance
négative (-0,6 % en 2012, -0,4 % en 2013).

Depuis 2009, la demande est nettement insuffisante dans la zone. Les pays du Nord
de l’Europe, qui ont des marges de manœuvre, auraient dû entreprendre des
politiques expansionnistes (budgétaires et salariales) pour compenser les politiques
restrictives des pays du Sud. Des programmes européens d’investissements
écologiques ou de soutien à la reconversion industrielle auraient dû être lancés.

Tant que l’économie européenne ne se rapproche pas à une vitesse satisfaisante du
plein emploi, la politique budgétaire ne devrait pas être globalement restrictive dans
la zone euro.
63
Une réduction brutale des déficits publics passant par une baisse
des dépenses…

Pourtant, sous la pression de la Troïka, les pays du Sud de l’Europe ont dû mettre en
œuvre des plans drastiques de réduction des déficits publics. De 2010 à 2014, l’effort
représenterait 12 % du PIB pour l’Espagne, 14 % pour l’Irlande, 16 % pour le
Portugal, 26 % du PIB pour la Grèce.

Les autres pays, pressés par la Commission de rentrer dans les clous du Pacte de
stabilité et de croissance, craignant de voir leur dette déclassée par les agences de
notation, se résignent à faire des efforts de l’ordre de 1 point de PIB par an, en se
fixant un objectif de déficit inférieur à 3 % en 2012 ou 2013, puis un objectif de solde
équilibré à long terme.
64
Des perspectives médiocres
Perte de production
cumulée en 2012
-8,5
2,8
1,6
2,7
Japon
-9,4
2,0
1,9
1,7
RU
-11,9
0,2
1,0
1,7
Zone euro
-11,1
-0,6
-0,4
0,9
Allemagne
-4,0
0.7
0,5
1,7
France
-8,6
0,0
0.1
0,8
Italie
-12,7
-2.4
-1,7
0,5
Espagne
-16.1
-1,6
-1.4
0,5
Pays-Bas
-10,7
-1,3
-1,2
0,3
Belgique
-7.7
-0.3
-0,1
0,8
Autriche
-6,9
0,9
0.4
1,5
Grèce
-32,2
-6.4
-4.5
-1,0
Finlande
-14,9
-0,8
-0,5
1,3
Portugal
-14.9
-3,2
-2,3
0,1
Irlande
-18,8
0,2
0,3
1,8
Etats-Unis
12
13
14
65
Impulsions budgétaires en 2010-2014
2010
2011
2012
2013
2014
Total
Allemagne
1,3
-1.2
-1,2
-0.2
0,0
-1.3
France
-0,4
-2,2
-1,6
-1,9
-0,8
-7.2
Italie
-1,0
-1,3
-3.0
-2,0
-0,2
-7,5
Espagne
-2,5
-1,7
-4,2
-2,6
-1,0
-12,7
Pays-Bas
-0.4
-1,4
-1,9
-1,8
-0,5
-6,0
Belgique
-1.3
-0.1
-1,8
-0,9
0,0
-4.1
Autriche
0.5
-1,7
-0,1
-1,0
-0,7
-3,0
Portugal
0,5
-6,2
-5,4
-2,1
-2,9
-16,1
Finlande
0.1
-1,8
-0.5
-1,4
-0,8
-4,4
Irlande
-3.8
-2.2
-2,8
-2.6
-3,1
-14,5
Grèce
-8,9
-5.0
-7,0
-3.7
-1,8
-26.4
Zone euro
-0.9
-1.8
-2.4
-1,5
-0,6
-6,2
RU
-2,8
-2.6
-1.6
-1,1
-1,8
-9,9
Etats-Unis
-0.7
-1.7
-1.8
-1,5
-0,7
-6,4
Japon
0,8
-1,9
0,0
2,3
-3,7
-2,4
66
Impact des politiques budgétaires 2010-14
% du PIB
PIB
Solde
public
Dette
publ.
2010
2011
2012
2013
2014
Total
2013
2013
Allemagne
0.9
-1.4
-1.4
-0.5
-0,2
-2,6
0.0
+3,0
France
-0,6
-2,5
-2.1
-2.2
-0,9
-8.3
+1,7
+0,0
Italie
-1.0
-1.6
-3.4
-2,2
-0,4
-8,7
+3,1
-0,3
Espagne
-2,7
-2,3
-4,8
-3,0
-1,2
-14,0
+5,7
-4,9
Pays-Bas
-0.4
-1,2
-1.6
-1.5
-0,5
-5.2
+3,4
-6,0
Belgique
-1.0
-0.5
-1.6
-0,9
-0,2
-4.2
+3,0
-7,2
Autriche
0.4
-1,7
-0,5
-1.0
-0,6
-3.4
+1,3
-0,4
Portugal
0,1
-6,0
-5,6
-2,4
-2,8
-16,7
+8,6
-2,6
Finlande
0,0
-1.7
-0,7
-1.3
-0,8
-4.5
+2,3
-3,8
Irlande
-2.9
-1,9
-2,2
-2.0
-2,4
-11.4
+8.8
-12,0
Grèce
-8.9
-5,3
-7,4
-4.0
-1,9
-27,5
+15,6
-5,3
Zone Euro
-0,7
-1,6
-2.5
-1,7
-0,7
-7,2
+3.6
-4,5
67
Une réduction brutale des déficits publics passant par une baisse
des dépenses…

Au total, les mesures de restrictions budgétaires ont représenté 1,7 % du PIB en
2011, 1,8 % en 2012, 1,5% en 2013, 0,7% en 2014. La croissance en Europe en a
été fortement affectée, environ -1,8% par an. L’effet sur les ratios de dette est très
faible (baisse des rentrées fiscales, baisse du PIB).

Pourtant, la zone souffre d’un taux de chômage de plus de 12 %.

Rien ne justifie une telle politique restrictive en situation de sous-emploi, de bas taux
d’intérêt, de chômage de masse.

Les pays obligés de mettre en œuvre en même temps des politiques très fortement
restrictives, le paieront par une forte chute de l’activité. Dans ces conditions, les
objectifs de déficit public ne pourront être tenus, les pays souffriront d’une baisse des
recettes fiscales, le ratio de dette s’envolera, ce qui justifiera… la mise en œuvre
d’autres mesures restrictives.

Ainsi la Grèce a fait des efforts représentant 25 points de PIB, mais son solde ne
s’est amélioré que de 7 points, les charges d’intérêt ont augmenté de 2 points et le
PIB a perdu 26 points.
68
Une réduction brutale des déficits publics passant par une baisse
des dépenses…

Ces programmes d’austérité mettent en cause le modèle social européen. Dans
tous les pays, ils comportent de fortes réductions des investissements publics, du
nombre de fonctionnaires, ils nuisent à la qualité de l’enseignement, de la santé, des
services publics. Partout, les retraites publiques sont diminuées et l’âge de la retraite
est repoussé. Souvent, les prestations familiales sont réduites. Tous les pays font
pression sur leurs salaires pour gagner de la compétitivité. Dans de nombreux pays
(Royaume-Uni, Portugal, Irlande, Espagne et Grèce), la hausse de la TVA va
réduire le pouvoir d’achat des ménages.

Des politiques visant à réduire le système de protection sociale sont socialement et
économiquement dangereuses. Elles font augmenter les taux d’épargne des
ménages.

Il serait paradoxal que la crise provoquée par les marché financiers aboutisse à
obliger les ménages à y avoir recours pour leur retraite et leur assurance maladie.

Il serait catastrophique pour l’Europe que les instances européennes utilisent la
crise et la menace des marchés financiers pour imposer aux peuples des politiques
économiques restrictives, des réformes libérales et des baisses importantes des
dépenses sociales.
69
Une réduction brutale des déficits publics passant par une baisse
des dépenses…

Tout dépend de la valeur du multiplicateur.

Si le multiplicateur d’une baisse généralisée des dépenses publiques en Europe est
de 1, que les pays de l’UE font un effort de 1 point du PIB, la croissance européenne
est réduite de 1 point, les soldes publics sont amélioré de 0,5 point (puisque la baisse
d’activité de 1 point réduit les recettes fiscales de 0,5), et le ratio de dette augmente
(il passe de 100/100=100 % à 99,5/99=100,5 %).

Si le multiplicateur d’une baisse généralisée des dépenses publiques en Europe est
de 2, que les pays de l’UE font un effort de 1 point du PIB, la croissance européenne
sera réduite de 2 points, les soldes publics ne seront pas améliorés, et le ratio de
dette augmente (de 100% à 100/92=102%).

Cette politique serait indispensable, nous dit la Commission, pour rassurer les
marchés, mais une politique qui aboutirait à une longue période de dépression estelle rassurante ?
70
Une réduction brutale des déficits publics passant par une baisse
des dépenses…

Certes, certains économistes ont mis en évidence dans le passé des épisodes où
une politique budgétaire restrictive n’a pas eu d’effet défavorable sur l’activité, mais
cette politique était accompagnée d’éléments qui manquent aujourd’hui, comme une
forte dépréciation du taux de change, une forte baisse des taux d’intérêt, un essor du
crédit privé dû à la dérégulation financière, ou un fort essor de la demande privée dû
à un bouleversement économique (entrée dans l’UE).

Les pays perdent toute autonomie au profit de la Troïka et des marchés.

Le dialogue impossible avec la Grèce ou l’Espagne : on ne vous aidera que si vous
respectez strictement le Programme d’ajustement. Mais ce programme conduit à la
catastrophe économique et sociale.
Seul espoir : la baisse de l’euro ou la hausse des salaires en Allemagne.
La zone euro est devenue le maillon faible de l’économie mondiale.


71
Une réduction brutale des déficits publics passant par une baisse
des dépenses…

La politique d’austérité imposée actuellement par la Commission ne s’explique donc
que par un triple biais idéologique.

Malgré toutes les preuves empiriques, la Commission refuse de voir que le
multiplicateur est de l’ordre de 1,5 dans la zone euro (voir AGS, 2012).

Elle refuse de renoncer à la thèse selon laquelle il faut une consolidation par les
dépenses publiques plutôt que par les dépenses.

Elle refuse de renoncer à la thèse selon laquelle seules les stabilisateurs
automatiques doivent jouer.

Pire, elle refuse de renoncer à la thèse selon laquelle il est possible d’imposer des
normes a priori sur les dettes et les déficits publics.
Si la croissance des dettes et des déficits publics dans les pays développés a été la
réponse au creusement des déséquilibres mondiaux, on ne peut réduire les dettes et
les déficits sans s’attaquer aux causes de ces déséquilibres.
Une économie mondiale plus équilibrée nécessiterait que les pays excédentaires
basent leur croissance sur leurs demandes intérieures et que leurs capitaux prennent
le risque de l’investissement direct. De plus fortes progressions des revenus
salariaux et sociaux, la réduction des inégalités de revenus rendraient moins
nécessaires le gonflement des bulles financières, des dettes des ménages et des
dettes publiques.


72
Une réduction brutale des déficits publics passant par une baisse
des dépenses…


Les déficits et les dettes publics sont des conséquences de la situation
macroéconomique. En situation d’incertitudes économiques, de pessimisme des
entrepreneurs, après un krach financier, la demande privée est insuffisante pour
maintenir un niveau satisfaisant d’activité. La politique optimale consiste à faire
baisser le taux d'intérêt jusqu'à ce que la demande soit suffisamment relancée ; elle a
l’avantage de ne pas augmenter la dette publique, de favoriser l’accumulation du
capital et de réduire le taux de profit exigé par les entreprises pour investir. Toutefois,
elle peut entraîner une accumulation excessive de dettes de la part des entreprises
et des ménages. Elle peut être inefficace, en période de forte dépression, où les
agents privés sont réticents à s’endetter. Elle peut se révéler insuffisante, parce qu'il
y a un plancher à la baisse des taux d'intérêt nominaux, donc réels. Le gouvernement
doit alors accepter un certain déficit budgétaire.
Un tel déficit n’a aucun effet d’éviction des dépenses privées : il ne provoque pas de
hausse du taux d'intérêt, puisque par définition le taux d'intérêt est à son plus bas
niveau possible. Il ne pose pas a priori de problème de soutenabilité : si les agents
augmentent leurs dépenses, l’État doit être prêt à réduire son déficit du montant
nécessaire.
73
Une réduction brutale des déficits publics passant par une baisse
des dépenses…

L’État stabilise l’économie en fournissant la dette publique désirée. La dette publique
n’est pas un poids sur les générations futures puisqu’elle a une contrepartie en
termes d’actifs détenus par les ménages. Ce n’est qu’un moyen de rendre l’économie
plus liquide. L’épargne des ménages a une contrepartie en déficit et dette publics. On
peut certes regretter qu’elle n’ait pas une contrepartie « investissement des
entreprises », le fait est que les entreprises refusent de s’endetter.

Ce schéma idyllique suppose que le gouvernement réduise effectivement le déficit
public quand l’économie se rapprochera du plein emploi des capacités de production.
La règle doit être : il faut réduire le déficit public quand la demande a tendance à
devenir excessive, donc quand l’inflation accélère ou quand la banque centrale doit
augmenter son taux d’intérêt au-dessus du taux de croissance pour ralentir l’inflation.
74
Une réduction brutale des déficits publics passant par une baisse
des dépenses…

Ce schéma peut être bloqué si les ménages deviennent Barro-Ricardiens ou si les
marchés réclament des primes de risques inappropriés. Imaginons que les ménages
augmentent leur taux d’épargne. L’État augmente donc sa dette, mais les ménages
anticipent une future hausse des impôts (à tort, en l’espèce) ; ils augmentent de
nouveau leur épargne, ce qui oblige l’État à augmenter de nouveau son déficit. Autre
cas de figure, les ménages augmentent leur taux d’épargne, l’État augmente son
déficit pour stabiliser l’économie, mais les marchés financiers réclament une prime de
risque pour compenser la hausse de la dette. Là aussi, l’économie entre dans une
spirale infernale : la hausse des taux requis par les marchés oblige l’État à
augmenter sa dette pour maintenir le plein emploi, ce qui inquiète les marchés et fait
augmenter la dette. Dans les deux cas, l’économie n’est pas stabilisable.
75
Le débat sur la croissance à la mi-2013 …

Il n’y a pas d’accord en Europe sur la stratégie à suivre.

Point de vue libéral : Allemagne, pays du Nord, Commission européenne,
Royaume-Uni : consolidation budgétaire, Pacte budgétaire, surveillance des
marchés, réformes structurelles, recherche de compétitivité.

Point de vue social-démocrate : France (?): gouvernance économique,
relance par de grands travaux et la politique industrielle, fin des politiques
d’austérité, dégradation de la compétitivité au Nord. Euro-obligations et
garantie de la BCE.

Comment arbitrer ?
76
Le Pacte pour la croissance et l’emploi…

Le souhait du nouveau gouvernement français de renégocier le TSCG avait
abouti le 29 juin 2012 à un Pacte pour la croissance et pour l’emploi.

Celui-ci n’est pas le symétrique du Pacte budgétaire. Il ne comporte aucun
objectif précis en termes d’emploi ou de croissance.

Pour l’essentiel, il ne fait que reprendre des projets déjà engagés ; la
stratégie Europe 2020, la nécessité de garantir la viabilité des systèmes de
retraite, d’améliorer la qualité des dépenses publiques, d’augmenter
l’emploi des jeunes, de favoriser la mobilité de la main-d’œuvre, d’ouvrir la
concurrence en matière de services, d’énergie, de marchés publics.
77
Le Pacte pour la croissance et l’emploi…


Les mesures de relance à proprement parler sont assez limitées. Il est
question d’un montant de 120 milliards soit 1 % du PIB de la zone, mais
celles-ci portant sur un laps de temps indéfini, alors que les programmes
d’austérité portent sur 240 milliards par an. Ces 120 milliards se
décomposent entre une hausse prévue de 60 milliards de la capacité de
prêt de la BEI grâce à une hausse de 10 milliards d’euros de son capital ;
une émission envisagée de 5 milliards d’obligations de projets destinés à
financer des projets d’infrastructures, enfin l’affectation à « des mesures
destinées à dynamiser la croissance » de 55 milliards de fonds structurels
qui étaient déjà disponibles.
En fait, le Pacte pour la croissance et l'emploi n'a pas été intégré dans les
grandes politiques européennes. La décision du Conseil européen de
janvier 2013 de réduire le budget européen dans les années à venir marque
la fin de tout espoir d'une politique budgétaire active au niveau européen.
78
Les trois déséquilibres

Globalement, la zone euro souffre d’un déficit de croissance : la crise lui a coûté 11
points de PIB (par rapport à la tendance d’avant la crise).

Par contre, elle ne souffre pas de déséquilibre extérieur : sa balance courante
connait un excédent de 2,5% du PIB. Globalement, l’euro n’est pas surévalué.

En 2012, elle a certes un déficit public de 3,7 % du PIB ; mais ce déficit provient pour
5,5 points de la conjoncture ; pour 2,7 points des charges d’intérêt. Le solde primaire
structurel est positif de 5,5 points.

Globalement, il n’y a pas d’effort à réaliser. Il faut récupérer la croissance perdue, il
faut maintenir le taux de long terme en dessous du taux de croissance.

A court terme, la politique économique devrait avant tout viser à réduire l’écart de
production négatif. La zone euro ne peut considérer que la perte d’activité due à la
crise financière est irréversible ; ce serait se résigner à une hausse permanente du
chômage et à une baisse permanente des taux d’activité des jeunes et des seniors.
79
Les finances publiques de la zone euro
En % du PIB sauf * taux de croissance
PIB*
Solde public
Charges d’intérêt nettes
Evaluation de la DG ECFIN
PIB potentiel*
Ecart de production
Solde structurel
Notre évaluation
PIB potentiel*
Ecart de production
Solde conjoncturel
Plans de relance
Sur-réaction recettes fiscales
Solde primaire structurel
Impulsion budgétaire
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2,8
-0,7
2,6
0,4
-2,1
2,6
-4.4
-6.4
2,5
1,9
-6,2
2,5
1,6
-4,2
2,6
-0,6
-3,7
2,7
1,8
2,5
-1,9
1,4
1,6
-2,8
0.6
-3,4
-4,7
0,6
-2,0
-5,2
0,7
-1,3
-3,6
0,3
-2,2
-2,6
2,0
0,0
0,0
2,0
-1,6
-0,8
-0,2
2,0
-11,1
-5,5
1,5
0,6
2,0
-8,1
-4,0
-0,8
-0,3
1,4
0,1
2,0
-8,5
-4,2
1,9
0,0
2,0
-8,0
-4,0
-1,2
-0,6
1,9
0,6
2,6
-2,0
4,5
-1,9
80
Les trois déséquilibres

Certains pays souffrent certes d’importants déséquilibres, mais la résorption de ces
déséquilibres nécessite une stratégie commune. On ne peut demander aux pays
déficitaires de faire tout l’effort sans demander aux pays excédentaires de remettre
en cause leurs stratégies. Une stratégie borgne creuserait le déséquilibre global de
croissance.

Au niveau des soldes publics, imaginons que la zone puisse effectivement augmenter
son activité de 6 %, que chaque pays puisse s’endetter à un taux proche de son taux
de croissance, que les pays dont la dette nette dépasse 60 % du PIB se donne
comment objectif de revenir à ce niveau en 20 ans. En 2011, certains pays avaient
des marges de manœuvre : l’Allemagne, l’Autriche, l’Italie, la Belgique. Devaient faire
des efforts : l’Espagne (4,0 points), la Grèce (2,7 points), l’Irlande (5,8 points).
Globalement, il restait une marge disponible.

Les déséquilibres de soldes courants se sont réduits, en partie du fait de la forte
récession des pays du Sud. Ils demandent une stratégie à deux lames : les pays
excédentaires (Allemagne, Autriche, Pays-Bas) doivent envisager une hausse de
leurs demandes intérieures et de leurs salaires. De 1999 à 2007, la croissance de
l’Allemagne (1,6 % par an en moyenne) a reposé pour 0,65 point sur sa demande
interne, pour 0,95 point sur son solde extérieur. Ce n’est pas soutenable. Ce doit être
l’inverse pour les pays en déficit (Espagne, Grèce, Portugal).
81
Les déséquilibres dans la zone, en 2011
Solde
budgétaire
Solde
budgétaire
Structurel
(CE)
Solde
Primaire
structurel
(+6%)
Solde Primaire
structurel
Objectif
Marge ou
effort à
réaliser
Allemagne
-1,0
-0,9
3,0
0,0
3,0
France
-5,2
-4,3
0,3
0,1
0,2
Italie
-3,8
-3,0
3,9
1,7
2,2
Espagne
-8,5
-7,6
-3,5
0,0
-3,5
Pays-Bas
-4,6
-3,5
-0,2
0,0
-0,2
Belgique
-3,9
-3,6
2,3
1,0
1,3
Autriche
-2,6
-2,5
2,5
0,0
2,5
Portugal
-4,2
-3,2
2,4
1,0
1,4
Finlande
-0,9
0,3
2,0
0,0
2,0
Irlande
-9,1
-12,1
-4,1
1,0
-5,1
Grèce
-9,2
-5,1
0,6
2,7
-2,1
Zone euro
-4,1
-3,4
1,6
0,1
1,5
82
Les déséquilibres courants (en % du PIB)
2007
2012
2012
PE
Allemagne
7,5
6,4
7,3
Pays-Bas
6,7
8,2
7,7
Finlande
4,1
-1,6
-2,3
Autriche
3,5
3,0
3,5
Belgique
1,7
0,9
1,1
France
-1,0
-1,8
-1,9
Italie
-2,4
-0,5
-1,3
Irlande
-5,3
5,0
3,0
Espagne
-10,0
-0,9
-2,5
Portugal
-10,1
-1,9
-3,3
Grèce
-14,6
-5,3
-10,0
0,2
1,8
1,3
Zone euro
83
Une nouvelle gouvernance dans la zone euro ?

Les instances européennes veulent utiliser la crise grecque pour faire oublier la crise
financière et la période horrible où elles ont dû accepter de mettre le PSC sous le
boisseau. Le risque est que le maintien de la zone euro soit payé par une longue
période d’austérité budgétaire qui maintiendra la zone en récession et le
renforcement de règles absurdes.

Le 30 juin 2010, la Commission a proposé d’introduire un premier « semestre
européen », durant lequel les Etats membres présenteraient leurs politiques
budgétaire, ainsi que leurs projets de réformes structurelles, à la Commission et au
Conseil européen, qui donneraient leur avis avant le vote des parlements nationaux,
au second semestre. Certes, un tel processus pourrait être utile s’il s’agissait de
définir une stratégie économique concertée, mais le risque de ce « semestre » est
d’augmenter les pressions en faveur de politiques d'austérité budgétaire et de
réformes libérales.
84
Le deuxième premier semestre

En 2012, les axes retenus étaient :
1)
la poursuite de la consolidation budgétaire de façon différenciée, les pays en difficulté
devant atteindre leurs objectifs de déficit, quelque soit l’évolution économique, les
pays excédentaires pouvant laisser jouer les stabilisateurs automatiques. La
Commission persiste à penser qu’il faut réduire les dépenses plutôt qu’augmenter les
impôts.
2)
la restauration de conditions normales du crédit ;
3)
promouvoir la croissance et la compétitivité (toujours par des réformes libérales)
4)
combattre le chômage (en supprimant les indexations des salaires sur les prix, en
favorisant la mobilité des travailleurs, en supprimant les préretraites, toutefois, le
texte reconnaît la nécessité de créer des emplois verts et blancs),
5)
favoriser l’emploi des jeunes (par la formation et l’apprentissage, mais aussi en
allégeant le droit du travail trop protecteur pour les salariés en place), protéger les
plus vulnérables ;
6)
la modernisation de l’administration.

L’ensemble n’est pas à la hauteur de la situation conjoncturelle (la croissance est
négative en 2012) ou des défis structurels. Les mêmes axes sont retenus pour 2013.
85
Vers un renforcement du Pacte de Stabilité ?

Le 29 septembre 2010, la Commission a présenté un ensemble de Six directives visant
à renforcer la gouvernance économique (en fait le respect du PSC), the six-packs.
1.
Les pays pourront être sanctionnés si les dépenses publiques augmentent plus vite
que le taux de croissance prudent du PIB (sauf si ceci est compensé par des hausses
de recettes ou si le pays est en excédent budgétaire). Cela interdirait les mesures de
soutien par la hausse des dépenses publiques. En période de dépression économique,
avons-nous vraiment besoin de prudence ? Que se passerait-il si, par prudence, les
ménages renonçaient à consommer et les entreprises à investir ?
2. Les pays dont la dette dépasse 60 % du PIB seraient soumis à une procédure de
déficit excessif si le ratio de dette n’a pas diminué d’au moins un vingtième par an de
l’écart avec 60 % Mais il est pratiquement impossible d’éviter la croissance du ratio de
dette en période de ralentissement économique. Cette nouvelle règle est pro-cyclique :
elle renforce la contrainte sur le déficit en période de faible croissance. Pour un pays
ayant une dette de 90 % du PIB et une inflation de 2 % par an, le déficit public ne
devra pas dépasser 2 % du PIB si sa croissance est de 2 % : il devra être limité à
seulement 1 % si sa croissance ne dépasse pas 1 %.
86
Vers un renforcement du Pacte de Stabilité ?
3. Les pays dont les dépenses publiques augmentent trop vite ou ceux soumis à une PDE
devront faire un dépôt de 0,2% à 0,5% du PIB, qui pourra être confisqué si les mesures
requises ne sont pas mises en œuvre. Ils pourront se voir priver de fonds structurels;
4. Le projet maintient la limite de déficit budgétaire de 3 % du PIB, l’objectif d’équilibre à
moyen terme et la contrainte pour les pays ayant un déficit structurel de réduire leur
déficit structurel d’au moins 0,5 % par an,
5. La Commission veut imposer aux pays d’intégrer dans leurs cadres budgétaires les
règles européennes (les limites de 3 et de 60 %, l’objectif d’équilibre à moyen terme) et
de mettre en place un contrôle du respect de ces règles par une « institution budgétaire
indépendante ».
6 Il faudra désormais la majorité qualifiée au Conseil pour s’opposer aux mesures et aux
sanctions que la Commission préconise, cela devant assurer l’automaticité des
sanctions.
 Le projet de la Commission met en cause l’autonomie des Etats membres ; les oblige
au strict respect de règles sans signification économique et nuit à leur capacité à
stabiliser leur économie. Il augmentera encore les tensions entre la Commission et les
Etats membres.
87
La surveillance des déséquilibres macroéconomiques

La Commission se propose de surveiller les déséquilibres macroéconomiques
excessifs en suivant un tableau de bord des variables pertinentes (compétitivité,
déficit extérieur, dettes publiques et privées).

Une procédure de déséquilibres excessifs (PDM) a été mise en place. Des
recommandations sont envoyées aux pays en situation de déséquilibre. Des
amendes pourront être décidées.

Mais rien n’indique que la surveillance sera symétrique, ni que l’on sanctionnera les
pays qui pèsent sur les autres par des politiques budgétaire et salariale trop
restrictives.

Rien n’indique que la Commission préconisera une stratégie coordonnée pour lutter
contre les déséquilibres.

Les premiers exercices ont été formels: la Commission a fait remarquer à certains
pays qu’ils perdaient des parts de marchés ou avaient de forts déficits publics ou
extérieurs.
88
La gouvernance de l’euro

Le projet (les 6 propositions) a été voté par le Parlement Européen dans le silence
des médias et donc un totale indifférence des peuples.

Le Parlement a aggravé le texte : la Commission peut sanctionner automatiquement
un pays qui ne respecte pas la trajectoire prévue de déficit.

Il a cependant fait préciser qu’un pays avec trop d’excédent extérieur pourra être
sanctionné.
89
Les deux directives

Le 23 novembre 2011, la Commission poursuit avec obstination son travail
de mise sous tutelle des politiques nationales. Elle propose deux nouvelles
directives, the two-packs (qui furent votées par le Parlement en mars 2013).

Selon la première, la Commission pourrait critiquer les budgets des pays de
la zone et demander publiquement qu’ils soient revus. Le contrôle sera
continu pour les pays soumis à une PDE. Les pays devraient mettre en
place des Comités Budgétaires Indépendants ; les budgets devraient être
basés sur des prévisions macroéconomiques indépendantes.

Selon la deuxième, la Commission pourrait placer un pays sous
surveillance renforcée et le Conseil pourrait imposer à un pays de solliciter
une assistance financière.
90
Le pacte pour l’euro plus

Sous l’impulsion allemande et française, le Conseil de la zone euro du 11 mars 2011 a adopté un
« Pacte pour l’Euro plus ».

Les Pays membres devront prendre des engagements précis devant leurs pairs et devant la
Commission, qui veilleront au respect de ces engagements. On reste dans la problématique où
chaque pays doit s’engager à renforcer sa compétitivité ou à introduire des réformes libérales ; il n’y
a pas de coordination pour la croissance.

Les pays doivent améliorer leur compétitivité en surveillant l’évolution des coûts unitaire de main
d’œuvre ; il leur faut revoir les mécanismes d’indexation des salaires (mais dans le respect de
l’autonomie des partenaires sociaux) ; reste que rien n’indique que les salaires devront, au moins,
suivre la productivité et qu’un rattrapage devrait être effectué en Allemagne ou en Autriche où les
salaires ont moins progressé que la productivité. Les salariés de chaque pays devront se combattre
pour être plus compétitifs en acceptant des baisses de salaires et de protection sociale.

Ils doivent améliorer la productivité : libéralisation du commerces et des services ;

La promotion de l’emploi passe par des réformes du marché du travail, par le renforcement de
l’attraction du travail, pas par des mesures macroéconomiques ou par la politique industrielle.

Il faut améliorer la viabilité des finances publiques par des réformes du système de santé, par la
limitation des régimes de préretraites et l’ajustement de l’âge de la retraite sur l’espérance de vie,

Il faut renforcer la stabilité financière.

Il faut introduire dans la Constitution les règles du PSC.

Ce pacte permettrait aux instances européennes d’intervenir directement dans deux domaines qui
étaient jusqu’à présent des prérogatives nationales : la protection sociale et les négociations
salariales.
91
Le Pacte Budgétaire (Traité pour la stabilité, la coordination et la
gouvernance)




Le 9 décembre 2011, le Conseil Européen adopte un Pacte Budgétaire, qui
a été ratifié le 2 mars 2012.
Ce Pacte budgétaire marque une nouvelle étape de deux offensives, celle
des libéraux contre la pratique keynésienne de la politique économique,
celle des instances européennes contre l’autonomie des politiques
budgétaires nationales.
L’objectif du Traité est bien de réaliser le rêve de toujours des libéraux :
paralyser totalement les politiques budgétaires, imposer coûte que coûte
l’équilibre budgétaire. Il tourne le dos aux enseignements de 75 ans de
Théorie macroéconomique.
Il ne s’attaque pas aux causes de la crise de la zone euro : l’absence d’une
réelle coordination des politiques économiques ayant l’emploi comme
objectif, le déséquilibre induit par la recherche d’excédent des pays du
Nord, l’interdiction inscrite dans la Constitution Européenne de financement
des Etats par la BCE, ce qui permet à la spéculation de se déclencher alors
qu’elle est impuissante contre les Etats-Unis, le Japon, le Royaume-Uni
pourtant plus endettés que la zone euro.
92
Le Pacte Budgétaire (Traité pour la stabilité, la coordination et la
gouvernance)


Selon l’article 1, les règles sont « destinées à renforcer la coordination des
politiques économiques ». Mais des contraintes numériques sur les dettes
et déficits publics, qui ne tiennent pas compte de la situation économique,
ne peuvent être considérées comme une coordination des politiques
économiques.
Selon l’article 3.1 : « La situation budgétaire des administrations publiques
est en équilibre ou en excédent ; cette règle est considérée comme
respectée si le déficit structurel des administrations publiques est inférieur à
0,5 % du PIB. Les pays veillent à assurer une convergence rapide vers cet
objectif. Le calendrier de cette convergence sera proposé par la
Commission. Les pays ne peuvent s’écarter de leur objectif ou de leur
trajectoire d’ajustement qu’en cas de circonstances exceptionnelles. Un
mécanisme de correction est déclenché automatiquement si des écarts
importants par rapport à la trajectoire d’ajustements sont constatés ; il
comporte l’obligation de mettre en œuvre des mesures visant à corriger ces
écarts sur une période déterminée ».
93
Le Pacte Budgétaire (Traité pour la stabilité, la coordination et la
gouvernance)

Ainsi, le quasi-équilibre des finances publiques est inscrit dans le traité alors qu’il n’a
aucune justification économique.

La vraie « règle d’or des finances publiques », énoncée par Leroy-Baulieu en 1891,
justifie, au contraire que les investissements publics soient financés par
l’endettement, dans la mesure où ils sont utilisés pendant de nombreuses années ;
dans le cas de la France, ceci autorise un déficit public structurel de l’ordre de 2,4 %
du PIB.

Par ailleurs, des ménages, des sociétés d’assurances, des institutions financières
désirent détenir de la dette publique. Si la dette désirée est de l’ordre de 60 % du PIB
et le taux de croissance tendanciel de l’ordre de 4 % (en valeur, soit 2 % en volume
et 2 % en prix), il est légitime d’avoir un déficit public de l’ordre, là-aussi, de 2,4 % du
PIB.

Ensuite, un solde public doit être considéré comme nécessaire quand il permet un
niveau de demande satisfaisant induisant un niveau de production ne provoquant ni
chômage de masse, ni accélération de l’inflation. Rien ne garantit que ce solde public
souhaitable corresponde à l’équilibre. Dans la mesure où les pays ne contrôlent plus
ni le taux d’intérêt, ni le taux de change, ils ont besoin d’avoir des degrés de liberté
quant à leur politique budgétaire.
94
Le Pacte Budgétaire (Traité pour la stabilité, la coordination et la
gouvernance)


Le traité impose aux pays une convergence rapide vers cet objectif,
convergence qui serait définie par la Commission, sans tenir compte de la
situation conjoncturelle. Les pays perdraient donc toute liberté d’action. Si
un pays a, par exemple, un déficit structurel de 3 points de PIB, il devra
avoir l’année suivante un déficit structurel limité à 2 points, donc faire des
efforts d’1 point de PIB, quelque soit l’évolution économique. Un pays
frappé d’un ralentissement économique n’aurait pas le droit de faire une
politique spécifique de soutien. Le traité mettrait fin à toute possibilité de
politiques budgétaires keynésiennes.
Certes, comme pour le PSC, un écart temporaire serait possible en cas de
circonstances exceptionnelles, si « le dépassement de la valeur de
référence résulte d'un taux de croissance négatif ou de la baisse cumulative
de la production pendant une période prolongée de croissance très faible
par rapport au potentiel de croissance », mais des mesures correctrices
devront être rapidement prévues. Mais, la Commission se refuse à
reconnaître que la plupart des pays de la zone euro sont dans ce cas de
figure depuis 2009 et persiste à vouloir leur imposer des politiques de
réduction rapide de leur déficit.
95
Le Pacte Budgétaire (Traité pour la stabilité, la coordination et la
gouvernance)



Le Traité est basé sur la notion de solde structurel, c’est-à-dire le « solde
corrigé du solde conjoncturel, déduction faite des mesures ponctuelles et
temporaires ». Mais la mesure de ce déficit est plus que problématique. Il
faut séparer le PIB en une partie « production potentielle » et une partie
« écart conjoncturel ». Mais cela est délicat, particulièrement dans les
périodes de forts chocs macroéconomiques.
En fait, ce sont les chiffres et la méthode de la Commission qui devront
obligatoirement être utilisés
Or ces estimations ont deux défauts : elles sont toujours proches de la
production effective, puisque cette méthode considère comme structurelle
la baisse du capital due à la chute de l’investissement durant une crise :
ceci sous-estime le déficit conjoncturel et obligera à faire des politiques
contra-cycliques. Elles varient fortement au cours du temps, ainsi, les
estimations de production potentielle faite pour 2006 ont été fortement
abaissées en 2008. La politique économique peut-elle être dépendre de
telles estimations ?
96
Le Pacte Budgétaire (Traité pour la stabilité, la coordination et la
gouvernance)


Au printemps 2007, la Commission estimait que l’écart de production pour
la France en 2006 était négatif de 1 % : l’économie française fonctionnait en
dessous de son potentiel. La France n’avait pas encore rejoint sa
production potentielle après le ralentissement des années 2002-2005. La
croissance potentielle estimée pour 2008 était de 2,3 %. À l’automne 2011,
la Commission estimait que la France avait en 2006 un écart de production
nettement positif de 2,3% ; sa croissance potentielle en 2008 était de 1,6 %.
La France était donc à un sommet d’activité. L’estimation de la production
potentielle pour 2006 a ainsi diminué de 3,3 %.
Début 2008, la Commission fournit une estimation de la croissance
potentielle pour l’Irlande en 2009 : 3,8 % ; aujourd’hui, son estimation est
passée à -1,5 %. Pour la Grèce, l’estimation est passée de 3,7 % à 0,1 % ;
pour l’Espagne, de 4,7 % à 1,3 %. Peut-on inscrire un concept si flou dans
un traité international ?
97
Evaluation du solde structurel de la zone euro par la Commission
* 2011-T4
2005
2006
2007
2008
2009
2010
** 2008-T2
2011
2012
PIB (croissance en %)
1,8
3,2
2,8
0,3
-4,4
1,9
1,6
-0,6
Solde public
-2,5
-1,3
-0,7
-2,1
-6,4
-6,2
-4,2
-3,7
1,8
1,7
1,4
0,6
0,6
0,7
0,3
1,9
2,0
2,1
2,0
1,9
(1,9)
(1,9)
(1,9)
Ecart de production*
0,0
1,4
2,5
1,6
-3,4
-2,0
-1,3
-2,2
**
-0,9
-0,2
0,2
-1,2
-7,3
-7,3
-7,6
-10,0
Solde structurel*
-2,5
-2,0
-1,9
-2,9
-4,7
-5,2
-3,6
-2,6
**
-2,0
-1,2
-0,7
-1,4
-2,7
-2,5
-0,4
1,3
Croissance potentielle* 1,6
**
98
Le Pacte Budgétaire (Traité pour la stabilité, la coordination et la
gouvernance)

Le paragraphe 3 d précise que l’objectif de déficit structurel pourra être
abaissé à 1 % si la dette est en dessous de 60 % du PIB. Considérons un
pays qui a en moyenne une croissance de 2 % l’an et une inflation de 2 %,
s’il maintient indéfiniment un déficit de 1 % du PIB, sa dette convergera vers
25 % du PIB. Or rien ne garantit que l’équilibre macroéconomique peut être
assuré avec des valeurs posées a priori : dette = 25 % du PIB ; déficit = 1 %
du PIB. Inscrire ceci dans la Constitution est aussi fondé que d’écrire : les
hommes devront chausser du 42, les femmes du 40.
99
Le Pacte Budgétaire (Traité pour la stabilité, la coordination et la
gouvernance)


Selon l’article 3.2, les États membres doivent inscrire la règle d’équilibre
budgétaire et le mécanisme de correction automatique dans leur
Constitution, ou si cela est impossible, dans un dispositif contraignant et
permanent. Le mécanisme de correction doit être basé sur des principes
proposés par la Commission. Ainsi, des dispositifs inapplicables, flous et
sans fondement économique, seraient inscrits dans le Marbre
constitutionnel.
Les pays membres devront mettre en place des institutions indépendantes
chargées de vérifier le respect de la règle d’équilibre budgétaire et de la
trajectoire d’ajustement. C’est un pas supplémentaire vers la
technocratisation complète de la politique budgétaire. Ces institutions
indépendantes auront-elles le droit de remettre en cause la règle ou la
trajectoire d’ajustement si celle-ci ne correspond pas aux nécessités de la
conjoncture ?
100
Le Pacte Budgétaire (Traité pour la stabilité, la coordination et la
gouvernance).




Les pays ayant une dette supérieure à 60% du PIB devront la faire baisser de 1/20 de
l’écart chaque année. Mais est-ce économiquement possible ?
Ceci suppose qu’un ratio de 60% est un chiffre optimal réalisable par tous les pays.
Or, en Europe, des pays comme l’Italie ou la Belgique, ont depuis longtemps des
dettes publiques de 100% du PIB (sans parler du Japon où elle atteint 200%), sans
déséquilibre car ces dettes correspondent à des forts taux d’épargne des ménages.
Ceci oblige les pays à pratiquer des politiques pro-cycliques. Considérons un pays
qui a une dette de 100% du PIB ; il devra la faire baisser à 98% l’année suivante. Si
ce pays à une croissance nominale de 4%, ceci est compatible avec un déficit de 2%
du PIB ; par contre, si sa croissance nominale est de 2 % (soit 0 en volume et 2 en
prix), il devra avoir un déficit nul. La contrainte est d’autant plus forte que la
croissance est faible.
Les rédacteurs du Traité ne considèrent jamais les effets sur l’activité des politiques
envisagées. Considérons un pays dont le PIB vaut 100, le ratio de dette est de 100
%, la croissance est de 4 %, le déficit de 4 % du PIB. Le ratio de dette est stable. Le
pays est obligé pour réduire son ratio de dette de réduire de 2 les dépenses
publiques, l’activité baisse à 98 (on suppose un multiplicateur égal à 1), les recettes
fiscales baissent de 1, le déficit, donc la dette, est réduit de 1. Ex post, le PIB vaut
98 ; la dette vaut 99 ; le ratio de dette est monté à 101%. La direction du ratio de
dette par des politiques d’austérité ne va donc pas de soi.
101
Le Pacte Budgétaire (Traité pour la stabilité, la coordination et la
gouvernance)


Selon l’article 5, un pays soumis à une Procédure de Déficit Excessif devra
soumettre son budget et un programme de réformes structurelles à la
Commission et au Conseil, qui devront l’approuver et en suivre la mise en
place. C’est cet article qui oblige la France, comme beaucoup de pays de
l’UE, à tout faire pour atteindre les 3 % de déficit en 2013, quelque soit
l’évolution économique, puisque, en cas de PDE, la contrainte porte sur le
solde effectif et non sur le solde structurel.
Cet article est une nouvelle arme pour permettre d’imposer aux peuples des
réformes libérales. Aujourd’hui, la quasi-totalité des pays de l’UE (23 sur 27)
sont soumis à des PDE ; ils n’ont pas besoin de réformes libérales, mais de
croissance. A moins que par réforme structurelle, le Traité n’entende des
mesures visant à briser la domination des marchés financiers, à augmenter
l’imposition sur les plus riches et les grandes entreprises, à financer la
transition écologique.
102
Le Pacte Budgétaire (Traité pour la stabilité, la coordination et la
gouvernance)


Selon l’article 7, les propositions de la Commission seront automatiquement
adoptés sauf si se dégagent contre elles une majorité qualifiée, le pays en
question ne votant pas. Ainsi, en pratique, la Commission aura toujours le
dernier mot.
Considérons, par exemple, une résolution concernant l’Italie. Les droits de
vote dans la zone euro sont de 213, dont 27 pour l’Italie. La majorité
qualifiée est des 3/5. Il suffit donc que la Commission soit soutenue par 74
voix (2/5 *(213-27), le tiers des votants pour imposer sa volonté. Plaisante
démocratie…
103
Le Pacte Budgétaire (Traité pour la stabilité, la coordination et la
gouvernance)


Les articles 9 à 11 portent enfin sur la coordination des politiques
économiques. Ils ne comportent aucun engagement chiffré en matière de
chômage ou de solde extérieur. Les pays devront débattre de leurs grandes
réformes de politique économique. La promotion de la croissance ne doit se
faire que grâce « au renforcement de la convergence et de la
compétitivité ». Les grands objectifs sont « le renforcement de la
compétitivité, la promotion de l’emploi, une meilleur contribution à la
soutenabilité des finances publiques et un renforcement de la stabilité
financière »
Il n’est nulle part question dans le traité d’une vraie coordination des
politiques économiques, c’est-à-dire d’une stratégie économique utilisant la
politique monétaire, les politiques budgétaires, fiscales, sociales et
salariales pour rapprocher les pays du plein emploi. Il ne se donne pas
d’objectifs en termes de croissance ou de chômage et n’organise pas une
stratégie économique concertée, impulsant la croissance, corrigeant les
déséquilibres entre pays, organisant la mobilisation pour la transition
écologique.
104
Le Pacte Budgétaire (Traité pour la stabilité, la coordination et la
gouvernance)


L’article 12 porte sur la gouvernance de la zone euro. C’est un chef d’œuvre
de construction technocratique. L’Europe est actuellement dirigée par un
Conseil de l’Union Européenne (qui a un président), par une présidence
nationale tournante, par des Conseils européens (avec une formation
Affaires Economiques et Financières présidée par le Ministre du pays
président), par la Commission (qui a un président) et une direction des
Affaires Economiques et Financières. La zone euro est dirigée par la BCE
et par l’Eurogroupe (qui regroupe les ministres de l’Economie) et qui a un
président.
Le Traité y rajoute des sommets de la zone euro (entre les chefs d’Etats ou
de gouvernements des pays membres (sommets qui auront un président),
auxquels pourront être invités les chefs d’Etat et de gouvernement des pays
non membres. Le président de la BCE participera à ces réunions. Celui de
l’Eurogroupe pourra être invité (nuance subtile). Le président du Parlement
pourra être invité à être entendu (encore plus subtil) Ces sommets seront
préparés à la fois par le président du sommet et par l’Eurogroupe. Bref, une
construction pléthorique et peu efficace.
105
Le Pacte Budgétaire (Traité pour la stabilité, la coordination et la
gouvernance)



Ce projet impose une règle arbitraire de déficit public et des politiques
budgétaires quasi-automatiques, il interdit toute politique discrétionnaire. Or
celles-ci sont indispensables pour permettre une stabilisation complète.
Supposons que le taux de prélèvement obligatoire soit de 50 % et la
propension à dépenser de 1. Le multiplicateur est alors de 2. Une chute ex
ante de 10 des dépenses privées, sans politique budgétaire active, induit
une baisse de 20 de l’activité et un déficit public de 10. Une politique
expansionniste active, qui augmente de 10 les dépenses publiques, aboutit
au même déficit, mais permet d’éviter la baisse de la production. Elle serait
interdite selon le traité.
Celui-ci est basé sur une théorie implicite fausse : il faut laisser jouer les
stabilisateurs automatiques, mais il faut interdire les politiques budgétaires
discrétionnaires de soutien de l’activité.
Fin 2008, le FMI, le G20 et la Commission européenne ont demandé aux
pays d’entreprendre de telles politiques discrétionnaires. Faut-il les interdire
quatre ans après ?
106
Le Pacte Budgétaire (Traité pour la stabilité, la coordination et la
gouvernance)

Selon le Traité, chaque pays doit prendre isolément des mesures restrictives sans
tenir compte de sa situation conjoncturelle et des politiques des partenaires. Le Traité
fait l’hypothèse implicite que le multiplicateur keynésien est nul, que les politiques
budgétaires restrictives n’ont pas d’impact sur l’activité. En 2012-13, ceci implique
que la plupart des pays pratiquent des politiques d’austérité alors que la cause des
déficits publics est globalement un niveau insuffisant de production due à
l’éclatement de la bulle financière.

Le Traité n’instaure pas une vraie coordination des politiques économiques, c’est-à-
dire une stratégie économique utilisant la politique monétaire, les politiques
budgétaires, fiscales, sociales et salariales pour rapprocher les pays du plein emploi.

Les Etats-membres peuvent-ils se résoudre à un Traité qui paralyse, à jamais, leurs
politiques budgétaires pour convaincre aujourd’hui les marchés et les pays du Nord
de leur future discipline budgétaire ?
107
Le Pacte Budgétaire : les articles manquants




Article 0 : le Traité ne se donne pas d’objectifs en termes de croissance ou de
chômage et n’organise pas une stratégie économique concertée, impulsant la
croissance et corrigeant les déséquilibres entre pays.
Article 00 : le Traité ne met pas en place de mécanismes permettant de rétablir l’unité
et le caractère sans risque des dettes publiques en Europe que ce soit par la garantie
de la BCE ou l’émission d’Euro-obligations. Actuellement, l’Italie supporte des taux
supérieur de 3,5 points au taux allemands, ce qui peut lui couter à terme 4 % du PIB.
Est-ce acceptable ?
Article 000 : Le Traité n’organise pas de d’harmonisation fiscale permettant aux pays
de lutter contre les paradis fiscaux, l’évasion et la fraude fiscale, évitant la
concurrence fiscale. Aussi, ne permet-il pas aux pays de réduire les déficits en
augmentant les impôts sur les riches, sur les 1% qui ont bénéficié de la globalisation
(financiers, dirigeants d’entreprises, etc..), sur les entreprises multinationales, sur les
rentiers. Il impose donc des politiques restrictives en matière de dépenses publiques
et sociales, politiques qui mettent en cause le modèle social européen et la cohésion
sociale.
Article 0000 : Il prétend soutenir la croissance par des réformes structurelles, c’est-àdire la mise en cause du droit du travail, par la compétitivité, c’est-à-dire la baisse
des salaires et des dépenses sociales, par la libéralisation des marchés, c’est-à-dire
la mise en cause des services publiques. Par contre, les nécessités de réduire la
domination de la finance comme celles d’une mobilisation pour la transition
écologique sont oubliées.
108
Quatre mécanismes

Ainsi, quatre mécanismes ont été introduits qui vont dans le même sens mais qui font
quadruple emploi : le semestre européen, la surveillance des déséquilibres
macroéconomiques, le Pacte pour l’Euro plus, le Pacte budgétaire. Elles s’ajoutent à la
stratégie Europe2020, aux lignes directrices intégrées. Ceci génère une intense
activité bureaucratique.

La coordination ne visera pas à améliorer la croissance ou l’emploi, mais à réduire les
salaires, les dépenses publiques et sociales.

Il n’y a toujours pas de stratégies macroéconomiques, ni de stratégies industrielles.
109
L’union bancaire






La crise de la zone euro a mis en évidence un néfaste effet de résonance entre la
situation des finances publiques d’un pays et celle de ces banques. Une dégradation
de la notation de la dette publique fragilise les banques nationales, qui en détiennent
beaucoup ; elles subissent des pertes et la qualité de leur bilan est détériorée. En
retour, les marchés considèrent qu’il y a un risque que l’Etat doive venir au secours
de son système bancaire, ce qui justifie une nouvelle dégradation. Les pays en
difficulté souffrent de taux élevés ce qui augmentent leurs difficultés. La récession fait
baisser les rentrées fiscales et augmenter les prêts douteux.
Les petits pays (Irlande, Chypre) ont du mal à sauver des systèmes bancaires
disproportionnés.
Le sommet européen du 29 juin a lancé un nouveau projet : l’Union bancaire. Est-ce
un complément obligé de l’Union monétaire ou est-ce une nouvelle fuite en avant ?
L’Union bancaire reposerait sur trois piliers : une autorité européenne chargée d’une
surveillance centralisée des banques (le MSU sous l’égide de la BCE, qui s’ajouterait
à l’ABE et au CERS), un schéma commun de résolution des crises bancaire, (MRU),
un fonds européen de garantie des dépôts.
Mais les obstacles sont nombreux, certains liés à la complexité du fonctionnement de
l’UE, d’autres liés à des choix structurels à faire quant au fonctionnement du système
bancaire européen.
Le projet avance sans réel débat en Europe.
110
L’union bancaire : le MSU



A partir du 1er avril 2014, la supervision bancaire s’effectuera par un Mécanisme de
Surveillance Unique (MSU) géré par le BCE (pour les plus grandes) ou les BCN. La
participation au MSU sera facultative pour les pays n’appartenant pas à la zone euro
(le RU, la Suède, la Tchéquie ne participeront pas).
Le MSU sera géré par un Comité de Surveillance (avec les gouverneurs des pays
non membres de la ZE). Mais, le conseil des gouverneurs de la BCE aura un droit de
veto sur les décisions du Comité.
L’Agence Bancaire Européenne fixera le règlement. Elle aura autorité sur toutes les
banques des pays de l’UE. Elle ne pourra prendre ses décisions qu’à la double
majorité (groupe des pays soumis au MSU, groupe des pays non-soumis), ce qui
donne un droit de véto au RU.
111
L’union bancaire : le MSU





Une supervision européenne suppose une vision commune sur la réglementation du
système bancaire. Il faut s’accorder sur des questions cruciales comme : faut-il
séparer les banques de dépôt des banques d’affaires ? Faut-il interdire aux banques
d’intervenir sur les marchés financiers pour leur compte propre ? Faut-il favoriser le
développement de banques publiques, mutualistes ou régionales ou au contraire celui
de grandes banques internationales ?
Le risque est grand que confier le contrôle des banques à la BCE soit un nouveau
pas vers la dépolitisation de l’Europe et la financiarisation des économies. Les
gouvernements perdront la capacité à influencer la distribution de crédit par les
banques, ce qui, pour certains, est souhaitable (pas d’interférence politique dans le
crédit), mais pour nous est dangereux (les gouvernements perdront un outil potentiel
de politique industrielle, quid de la Banque Publique d’Investissement ?).
Peut-on contrôler de façon centralisée des systèmes bancaires hétérogènes ?
L’Union bancaire théoriquement permettrait de briser la corrélation entre crise
souveraine et crise bancaire. Les banques nationales seraient invitées à se diversifier.
Ne risque-t-elle pas d’accroître encore la dépendance des Etats envers les marchés
financiers ?
Peut-on assurer des conditions de financement équivalente entre des pays différents ?
112
L’union bancaire : le MRU

-


Les banques seront soumises à un Mécanisme Unique de résolution des crises
bancaires :
les banques devront préparer des schémas de résolution.
avoir assez de capitaux propres et de créances seniors.
en cas de difficulté, intervention précoce: remplacement des dirigeants,
la banque peut être démembrée (bad-bank, revente par lots, banque saine).
Seront mis à contribution les actionnaires, les créances seniors, les créances juniors,
les dépôts au dessus de 100 000 euros (problème : PME, personnes physiques) et
des fonds de résolution nationaux.
La MES pourra intervenir pour recapitaliser directement les banques européennes en
difficulté, sans passer par les budgets nationaux. Mais comment gèrerait-il ensuite
les banques ?
La Commission propose un Conseil de Résolution Unique qui prendrait les décisions
; un fonds de résolution bancaire unique serait mis en place ; mais les Etats
membres sont réticents
113
L’union bancaire : le MRU

La participation des actionnaires et des créanciers risque de fragiliser les banques et
d’augmenter le coût du crédit, tout en en réduisant la quantité.

La solvabilité des banques dépendra avant tout de leur capacité à obtenir des fonds
propres et à émettre des titres donc de leur rentabilité et de l’appréciation des
marchés.

Le MSU et le MRU justifient la dénationalisation des banques.

On aurait pu envisager la stratégie inverse : une restructuration du secteur bancaire,
où les banques de dépôts se concentreraient sur leur cœur de métier (le crédit de
proximité aux entreprises, aux ménages et collectivités locales, à l’Etat de leur pays),
où leur solvabilité serait garantie par l’interdiction de procéder à certaines opérations
risquées ou spéculatives et par la garantie du pays d’origine.

L’Union bancaire poussera-t-elle à la financiarisation ou marquera-t-elle un salutaire
retour vers le modèle Rhénan ?
114
L’union bancaire : la garantie des dépôts





La garantie des dépôts (100 000 euros par déposant/banque) serait assurée par un
Fonds de Garantie
Cependant, il faudrait accumuler des sommes importantes pour pouvoir garantir tous
les dépôts.
Il est préférable que cette garantie soit implicitement fournie par la BCE, le MES ou
les Etats-membres. Le fonds de garantie peut alors être de taille limitée.
A court terme, la question est : la garantie des dépôts porte-t-elle sur les dépôts en
euros des banques grecques ou espagnoles? Les pays du Nord sont réticents.
La garantie commune suppose que soit écarté tout risque de sortie de la zone euro.
115
L’union bancaire : trois projets (?).

Rapport Liikanen (UE)
Séparation des banques de détail et des banques de marchés.
La Taxation des transactions financières :
Une coopération renforcée sans les Anglais…

La lutte contre les paradis fiscaux et réglementaires, l’obligation de déclaration



116
Vers le fédéralisme ?




Des économistes européens, et même des ministres, allemands ou néerlandais, ont
réclamé qu’un pays qui ne respecterait pas le PSC puisse être condamné par la
CJUE. La politique budgétaire serait soumise au pouvoir judiciaire.
Le président de la BCE avait proposé qu’un Commissaire européen soit responsable
des finances des pays de la zone euro et puisse contrôler les budgets des Etats
membres.
Nous assistons au renforcement de règles budgétaires, contraignantes et absurdes,
incompatibles avec les nécessités de la gouvernance macroéconomique. C’est la
faille de la construction européenne actuelle : une meilleure coordination des
politiques économiques est indispensable, mais le contrôle tatillon du niveau des
déficits publics n’est pas une coordination des politiques économiques et va en sens
inverse de ce qui serait nécessaire.
La Commission, la BCE, certains Etats membres poussent à plus de fédéralisme,
c’est-à-dire en fait, aujourd’hui, à donner plus de pouvoir à la Commission, mais ce
fédéralisme ne respecterait pas la démocratie : le pouvoir passerait aux mains de
technocrates non-élus qui imposeraient aux peuples la seule politique possible selon
eux. Faut-il payer ce prix pour la survie de la zone euro ? C’est toute l’ambiguïté de la
montée du projet de fédéralisme en Europe. Le fédéralisme pour quoi faire ? Imposer
des politiques d’austérité et des réformes libérales aux peuples européens ?
117
Vers une véritable union économique et monétaire ?
Le projet présenté en juin 2012 par le Président du Conseil Herman van Rompuy
comporte :
1) l’Union bancaire aboutissant à un cadre financier intégré. Elle ne peut être envisagée
sans « une discipline budgétaire plus efficace ».
2) Un cadre budgétaire intégré : vote des « 2-directives », politiques budgétaires saines,
renforcement de la surveillance, coordination ex ante (mais après le TSCG, que
reste-t-il à coordonner ?).
Doter l’UEM d’une capacité budgétaire pour absorber les chocs asymétriques
(comique après avoir privé les Etats de la capacité d’agir) et soutenir les réformes
structurelles, ceci dans le cadre de la règle d’or (?).
Mutualiser la dette de court terme.
Créer un fonds d’amortissement de la dette
3) Un cadre de politique économique intégré : Aucune autocritique
- meilleure visibilité du premier semestre, du pacte pour l’euro plus, de la surveillance
des déséquilibres macroéconomiques
- accord entre chaque pays et l’UE sur les réformes structurelles avec récompense
financière
- politique macroprudentielle (CERS)
118
Pour une union économique et monétaire véritable et approfondie
(Commission-Novembre 2012)




Pas d’autocritique sur le PSC ; toutefois le manque de coordination des politiques
économiques est signalé ; regret sur l’absence de discipline imposée par les marchés
et l’absence d’union bancaire.
« Toutes les grandes mesures économiques et budgétaires prises par un Etat
membre devront faire l’objet d’un processus approfondi de coordination,
d’approbation et de surveillance à l’échelle de l’UE ». Le problème des divergences
de stratégie est oublié.
A court terme, discipline budgétaire, MSU, création d’un « instrument de
convergence et de compétitivité, ICC » pour soutenir les réformes structurelles,
coordination des réformes d’importance majeure, refus de la vraie règle d’or, siège
unique au FMI (là aussi, comique après l’épisode Plans d’ajustement).
A moyen terme, obligation pour un pays de revoir son budget si l’UE lui demande, de
revenir sur certaines décisions, ressources propres à la zone euro, fonds
d’amortissement de la dette avec une stricte conditionnalité (qui s’ajouterait à celle du
Pacte budgétaire, très compliquée, les pays devraient prendre des engagements
impossibles à tenir), Bons du Trésor de court terme (Trésor européen).
119
Pour une union économique et monétaire véritable et approfondie
(Commission-Novembre 2012)





A long terme :
Union bancaire complète : selon quelle régulation ? Quelles diversités possibles ?
Quelle intervention publique ?
UEM complète : « qui imposerait des décisions budgétaires et économiques à ses
membres », un outil de stabilisation à l’échelle de l’UEM, favorisant les réformes
structurelles, avec des ressources autonomes, pouvant émettre de la dette
souveraine.
Renforcer le rôle du vice président de la commission chargé des affaires
économiques et financières et de l’Euro ; créer une commission Euro au sein du
Parlement ; renforcer l’Eurogroupe.
Faut-il renforcer les pouvoirs de l’Europe telle qu’elle fonctionne actuellement ?
120
Feuille de route pour l’achèvement de l’UEM (Conseil-Décembre
2012)



1)
2)
3)
4)
Poursuite de politiques budgétaires saines, différenciées, axées sur la croissance.
Mettre en place les nouvelles règles de gouvernance et l’Union bancaire.
Le reste est plus vague et reporté en juin 2013.
Coordination des réformes nationales
Dimension sociale
Contrats de compétitivité et de croissance
Pas de budget zone Euro, ni de supercommissaire.
121
Une solidarité financière limitée

La crise de la zone euro a provoqué un élargissement des taux d’intérêt sur les
dettes publiques des différents pays européens. Les pays du Sud de la zone ne
peuvent plus se financer à des taux d’intérêt soutenables.

Les pays de la zone euro subissent en tant que tels une pénalité en termes de taux
d’intérêt.

L’augmentation des dettes publiques augmente le risque d'un contrôle des finances
publiques par les marchés financiers. Mais ce contrôle n'est pas satisfaisant : les
marchés financiers n'ont pas de compétence macroéconomique, ils sont procycliques (ils imposeront les efforts dans les mauvais moments) et leurs opinions
sont auto-réalisatrices. Ils ont leur propre point de vue sur la politique économique
nécessaire, qui n’est pas obligatoirement le bon. Peut-on laisser aux marchés
financiers évaluer la soutenabilité de la dette publique et l'utilité des déficits publics ?
.
122
Une solidarité financière limitée : 3 projets

Certains ont proposé de créer, sous des formes diverses, une Agence européenne
de la dette (AED) qui émettrait une dette commune aux pays de la zone, des euroobligations. Cette dette serait garantie par tous les pays de la zone. Le Conseil de
l’AED contrôlerait les politiques budgétaires nationales et aurait le droit de refuser de
financer les pays trop laxistes, qui devraient alors avoir recours au marché.

L’AED poserait les mêmes problèmes que le Pacte actuel. Comment ce Conseil
déciderait-il qu’un déficit est trop important quand le pays membre estime que le
déficit est nécessaire au soutien de l’activité (comme l’Allemagne et la France en
2002-2005) ou pour sauver ses banques ? Aurait-il des règles rigides (un pays aurait
droit à des prêts de l’AED pour 60 % de son PIB ou s’il n’est pas soumis à une
procédure pour déficit excessif) ? Dans ce cas, l’AED ne bénéficierait pas aux pays
en difficulté qui devraient émettre de la dette nationale, sans aucune garantie
européenne, sans aucune possibilité de financement par la BCE, ce qui en ferait un
actif risqué, à fort taux d’intérêt. Ces pays seraient à la merci des marchés financiers.

L’AED n’a de sens que si elle accepte de financer toutes les dettes publiques, sans
normes a priori, mais beaucoup de pays refusent actuellement un projet qui ne leur
donne aucune garantie contre les pays laxistes.
123
Une solidarité financière limitée : deux projets

Certains économistes ont proposé de créer un fonds de rédemption des dettes
publiques. Celui-ci financerait le part des dettes publiques supérieures à 60%. En
échange, les pays s’engageraient à aller très vite vers l’équilibre budgétaire et
attribueraient au fonds des ressources fiscales lui permettant de résorber l’excès de
dette en 25 ans. Exemple : la France a une dette de 95% du PIB. Le Fonds reprend
35% du PIB et la France lui donne des ressources fiscales pour 1,4% du PIB pour le
rachat + 0,9% pour la charge d’intérêt : 2,3% du PIB. Est-ce compatible avec
l’équilibre macroéconomique ?

Certains proposent de créer des mécanismes de transferts plus ou moins
automatiques entre pays.
-
Soit structurels : un impôt européen financerait un RMI européen.
-
Soit conjoncturels : les pays ayant un fort taux de chômage recevraient des transferts
des pays à faible taux de chômage. Refus des pays du Nord : ce serait financer les
pays qui n’ont pas fait les efforts requis
124
Une solidarité financière limitée

Actuellement, la solidarité financière passe par Target2, le système de transfert entre
Banques Centrales de l’UE.

Les pays déficitaires peuvent se financer automatiquement auprès des pays
excédentaires.

Ceci joue pour les déficits courants et surtout aujourd’hui pour les transferts de
capitaux. Ainsi, les banques allemandes reversent automatiquement aux banques
grecques, les fonds que les Grecs placent en Allemagne.

Les dépôts ont baissé de 80 milliards d’euros en Grèce, de 20 milliards en Irlande, de
50 milliards en Espagne.

Mais, le système est fragile : que se passera-t-il si une banque fait faillite ? Si un
pays sort de la zone euro ? Les Allemands sont de plus en plus réticents à ce
financement automatique.
125
126
Une solidarité financière limitée

Le Fonds européen de stabilisation financière (FESF) n’avait été créé que pour une
période de 3 ans.

Il sera prolongé sous le nom de Mécanisme européen de stabilité, MES, doté de la
même capacité d’emprunt de 500 milliards.

L’Allemagne a réclamé des conditions drastiques pour accepter sa prolongation, en
particulier que les limites de la solidarité entre pays figurent explicitement dans le
Traité.

Le Conseil européen a donc proposé une réforme du TFUE qui s’est faite a minima et
a constitué à rajouter à l’article 136 : « Les Etats membres dont la monnaie est l’euro
peuvent instituer un mécanisme de stabilité qui sera activé si cela est indispensable
pour préserver la stabilité de la zone euro dans son ensemble. L’octroi, au titre du
mécanisme, de toute assistance financière nécessaire, sera subordonné à une stricte
conditionnalité. ».
127
Une solidarité financière limitée

Le Mécanisme Européen de Stabilité introduit certes une certaine solidarité financière
entre les pays membres, mais celle-ci est limitée et très chèrement payée.

Pour bénéficier du MES, les pays devront avoir adhéré au Pacte budgétaire et l’avoir
respecté. L’aide sera conditionnelle : un pays pour être aidé devra s’engager à
respecter un plan d’ajustement drastique imposé par la Troïka et donc perdre toute
autonomie budgétaire, accepter une longue période d’austérité. L’exemple grec
montre bien que ce type de plan ne permet pas de sortir de la crise.

La créance du MES sera prioritaire par rapport aux créances privées. Les émissions
d’obligations publiques devraient comporter une clause d’action collective, c’est-à-dire
que, en cas d’insolvabilité, proclamé par la Commission et le FMI, le pays pourra
négocier avec ses créanciers une modification des conditions de paiement, l’accord
s’appliquant à tous si une majorité qualifiée de créanciers l’acceptent. La dette des
pays de la zone euro deviendra spéculative comme l’étaient celles des pays en
développement ; elle ne serait plus regardée comme sans risque par les institutions
financières. Les taux d’intérêt sur la dette publique seront plus élevés, plus volatils,
moins contrôlables. Fallait-il construire la zone euro pour en arriver là ?
128
Une solidarité financière limitée

Le Conseil écrit : « Nous réaffirmons que toute participation du secteur privé sur la
base des conditions ci-dessus ne sera pas effective avant la mi-2013 ». Les marchés
financiers ont estimé que les pays du Sud de l’Europe auront le plus grand mal à se
financer dans les trois ans avec ces règles de fonctionnement du MES. Or le
remboursement des dettes actuelles repose sur la capacité des pays à avoir accès
aux marchés financiers dans les années à venir. La dette des pays du Sud a donc
été fragilisée par ce projet.

Les pays du Nord ont refusé les euro-obligations et la garantie totale de la BCE.
Le 29 juin, il a été acté dans le cas de l’aide à l’Espagne que le MES pourra intervenir
pour recapitaliser les Banques, qu’il pourra renoncer à ce statut de créancier
privilégié; qu’il pourra aider un pays qui a fait les efforts nécessaires, mais que les
marchés continuent d’attaquer, par un simple « mémorandum » d’accord.

129
6 septembre 2012, la BCE intervient



Le 6 septembre 2012, la BCE annonce un programme d’achat sur le marché
secondaire des bons de court terme, des pays en difficulté, d’une maturité entre 1 et 3
ans (OMT). Elle ne fixe pas de limites quantitatives à ces achats. Elle n’indique pas
d’objectif en termes d’écart de taux d’intérêt tolérable. Pour montrer qu’elle prend les
mêmes risques que les créditeurs privés, elle renonce à son statut de créancier
privilégié pour ces titres.
Par contre, ces interventions seront soumises à une stricte conditionnalité. Les pays
devront négocier un programme d’ajustement avec la Commission et le Mécanisme
Européen de Stabilité, programme devrait être contrôlé par le FMI. Le MES devra en
parallèle aider le pays par des achats sur le marché primaire. Les pays aidés devront
prendre des engagements en matière d’ajustement budgétaire et de réformes
structurelles. Comme il s’agit de titres à court terme, la BCE pourra arrêter ces achats
si les pays aidés ne respectent pas leurs engagements.
La Bundesbank (et Jens Weidmann) s’est opposée au projet car elle craint que les
pays aidés n’effectuent pas les efforts demandés.
130
6 septembre 2012, la BCE intervient



La crainte des marchés est auto-réalisatrice : ils craignent que l’Espagne fasse défaut ;
aussi, ils refusent de prêter à l’Espagne ou lui imposent des taux élevés, ce qui
renforce les risques de faillite. Comme ces taux s’imposent aussi aux entreprises, ceci
contribue à enfoncer les pays dans la récession. En ne mettant pas de limite à ces
interventions, la BCE rassure les marchés sur les risques de défauts de ces pays, sur
les risques d’éclatement de la zone. Elle brise les anticipations auto-réalisatrices, de
sorte qu’elle n’a pas besoin d’intervenir effectivement. La baisse des taux contribue à
relancer l’activité.
En sens inverse, les pays devront maintenir des politiques d’austérité rigoureuses. La
BCE impose ses vues quant à la stratégie économique à suivre. Elle réclame des
réformes structurelles des marchés du travail et des biens ; le strict respect des
objectifs de solde public ; la mise en application rapide du pacte budgétaire. Le risque
est que cette austérité généralisée enfonce durablement toute la zone dans la crise.
L’euro sera sauvé mais les Etats membres seront morts. Il aurait fallu baisser le taux
d’intérêt directeur ; il faudrait surtout des mesures de soutien à l’activité (car le Pacte
de Croissance est nettement insuffisant).
Ainsi, la crise permet à la technocratie européenne de réaliser son rêve : mettre les
gouvernements sous tutelle, leur imposer des réformes structurelles libérales, leur
imposer des privatisations et la réduction des services publiques, leur imposer la
réduction des dépenses publiques et sociales...…alors même que ces mesures ne
s’attaquent pas aux causes de la crise, ne facilitent pas la sortie de crise.
131
Une solidarité financière limitée

Les pays européens ne se donnent pas les moyens de briser la spéculation et
d’assurer la pérennité de la zone euro. Ils laissent les marchés financiers imposer
des taux d’intérêt insoutenables à des dettes publiques, qu’ils assurent par ailleurs
garantir. Une stratégie timorée et floue ne peut permettre de sortir de la crise.

La période d’avant la crise, comme la crise, a bien montré que la zone euro souffre
de défauts rédhibitoires. Ceux-ci nourrissent maintenant la spéculation des marchés
financiers sur l’éclatement de la zone.

Il est difficile pour des pays qui ont des conjonctures, des évolutions structurelles et
des stratégies économiques différentes de partager la même politique monétaire, le
même taux d’intérêt, le même taux de change.

Chaque pays souhaite conserver l’autonomie de sa politique budgétaire ; en même
temps, les dettes publiques doivent être garanties pour ne pas permettre la
spéculation financière.

Le fonctionnement de la zone euro n’a pas été pensé au départ, en particulier
l’arbitrage autonomie/solidarité.

Une garantie totale crée un problème d’alea moral puisque chaque pays pourrait
augmenter sa dette sans limite ; une absence de garantie laisse le champ libre aux
jeux des marchés financiers.
132
Une solidarité totale ?




Les pays de la zone euro doivent redevenir des Etats capables d’émettre une dette
publique sans risque, dont le taux d’intérêt doit être contrôlé par la BCE.
La garantie mutuelle des dettes publiques par la BCE ou par l’émission d’euroobligations doit être totale pour les pays qui acceptent de soumettre leur politique
budgétaire à un processus de coordination ; cette coordination doit avoir pour but la
croissance et le plein emploi ; elle doit examiner l’ensemble des variables
macroéconomiques ; le processus doit toujours aboutir à un accord unanime sur une
stratégie coordonnée, mais différenciée : la coordination ne peut consister dans le
respect de règles automatiques (comme celles du PSC) ; elle doit passer par un
processus de négociation entre pays.
Le Traité doit maintenir un dispositif prévoyant le cas où la négociation n’aboutit pas ;
dans ce cas, la nouvelle dette des pays hors accord ne serait plus garantie ; mais ce
cas ne doit jamais survenir.
C’est la seule issue pour que les pays ne soient pas soumis aux diktats des marchés
financiers.
133
Que faire face à la hausse des dettes publiques dues à la crise ?

Fin 2013, les dettes publiques apparaissent particulièrement élevées dans l’ensemble
des pays de l’OCDE. Les dettes nettes dépassent 80 % du PIB au Portugal (81%), en
Belgique (83 %), Irlande (85%), Etats-Unis (90%), Portugal (98%), Italie (116 %),
Grèce (122 %), Japon (145 %).

Il est difficile de déterminer si ces niveaux de dette sont ou non insoutenables : un
pays peut maintenir un niveau de dette élevé s’il peut se financer à 3 % ou 4 % avec
un taux de croissance nominal de l’ordre de 4 %. Mais la dette devient insoutenable
si l’écart grandit entre le taux d’intérêt requis et le taux de croissance, que ce soit par
effondrement de la croissance ou poussée des taux..

Les économistes libéraux estiment que le fait que les pays du Sud ne puissent pas se
refinancer sur les marchés prouve qu’ils sont insolvables. Ils refusent que les pays
vertueux puissent devoir payer pour eux et que la BCE mettent en jeu sa réputation
et la stabilité monétaire en leur venant en aide. Selon eux, ceci encouragerait les
pays du Sud à continuer à pratiquer des politiques budgétaires irresponsables. En
sens inverse, leur faillite montrerait clairement que chaque pays est responsable de
sa dette. Elle éviterait de devoir mettre en place des mécanismes
déresponsabilisants de solidarité entre les pays d'Europe. Cette faillite montrerait
clairement aux marchés financiers que les dettes publiques sont risquées. Ceux-ci
seront à l'avenir beaucoup plus vigilants. Les pays soumis en permanence au
contrôle des marchés devront pratiquer des politiques saines.

Mais ce point de vue oublie que le passé a montré que les marchés sont aveugles ;
rien ne prouve qu’ils ont une quelconque compétence macroéconomique.
134
Que faire face à la hausse des dettes publiques dues à la crise ?




Les dettes publiques doivent continuer à être des actifs sans risques, faiblement
rémunérés mais totalement garantis (par la solidarité européenne et par la BCE), de
sorte que les dettes d'aucun pays de la zone euro ne doivent pas supporter de
primes de risques plus élevées que celles des pays qui ont conservé leur
souveraineté monétaire comme le Japon, les Etats-Unis ou le Royaume-Uni. C'est le
seul moyen de maintenir l'autonomie des politiques budgétaires. Il faut revenir à une
situation où les taux de croissance sont supérieurs aux taux d’intérêt supportés.
Faire un défaut partiel sur une partie des dettes publiques est certes une option
tentante, que proposent certains économistes de gauche pour faire payer les
institutions financières et les classes aisées responsables de la crise. Mais, les dettes
publiques deviendront des actifs risqués, ce qui signifie que les Etats membres
auront à payer des taux d'intérêt plus élevés, que les fonds de pension refuseront de
détenir des dettes publiques, que les banques devront immobiliser du capital pour en
détenir, que l'influence des agences de notation sera plus forte, que les marchés
financiers spéculeront sur les obligations publiques.
Par ailleurs, il est difficile de faire défaut dans la mesure où les créanciers
entreprendront des actions judiciaires contre les Etats qui se déclareraient en faillite.
Ce défaut ne pénaliserait pas les plus riches, mais les épargnants qui se contentaient
d’une rémunération faible. Il pénaliserait les fonds qui ont fait confiance aux pays
menacés et non les spéculateurs qui ont spéculé sur leur défaut.
135
Trois scénarios de sortie : le scénario de la Commission

Tous les pays mettraient en œuvre des politiques budgétaires restrictives pour réduire
leurs déficits publics et pour rassurer les marchés financiers, les pays du Sud mettant en
œuvre les mesures les plus violentes.

Ce programme nuira à la croissance de la zone, mais de plus il sera inefficace pour lutter
contre la crise financière de la zone.

Les pays du Sud seront confrontés à la perspective d’une longue récession, de coupes
claires dans les dépenses sociales, de hausse du chômage, de restrictions salariales
pour rattraper la compétitivité de l’Allemagne (qui elle-même continuera à vouloir
améliorer la sienne) ; la faible croissance augmentera le déficit public, ce qui obligera les
pays à redoubler de mesures restrictives.

Dans cette situation, les pays du Sud auront toujours la tentation de quitter la zone ; du
moins, les marchés leur prêteront en permanence cette intention. De plus, le risque est
grand que la mise en place du MES aboutisse à un système bâtard où les marchés
auront toujours la crainte que les pays en difficulté répudient ou restructurent leurs
dettes. Les marchés continueront donc à spéculer contre les pays du Sud, réclameront
toujours des taux d’intérêt élevés pour leur prêter, ce qui obligera ces pays à redoubler
de rigueur, au risque de les déstabiliser et d’augmenter les craintes des marchés.

De plus en plus de pouvoir seront donnés à des institutions technocratiques qui
imposeront des réformes structurelles impopulaires, qui n’impulseront pas la croissance

Ce scénario est donc peu crédible ; il est dangereux pour les pays du Sud et pour la
construction européenne.
136
Le deuxième scénario est celui de l’éclatement




Les pays du Sud pourraient renoncer à rester dans la zone euro, car l’effort à faire
pour y rester est trop important, tant du point de vue des finances publiques que du
point de vue de la compétitivité. Ceci les condamne à une longue période de
croissance faible et de chômage élevé.
Ces pays peuvent préférer quitter la zone : leurs taux de change baisseraient de
25 % par rapport à l’euro ; ils regagneraient donc la compétitivité qu’ils ont perdue
depuis 1997. Ils restructureraient leurs dettes publiques et privées, en les
convertissant en monnaie nationale, avec un coefficient de réduction important. Ils
pourraient alors repartir sur de nouvelles bases.
En raison de l’inertie des prix, la dévaluation est plus efficace que l’ajustement par
baisse des salaires.
Ce scénario d’éclatement aurait certes une certaine rationalité économique. Il
témoignerait de l’impossibilité de maintenir une monnaie unique entre des zones qui
ont des taux de croissance et d’inflation différents, et qui pratiquent des politiques
économiques différentes. Il mettrait en évidence un « triangle d’impossibilité » : on ne
peut avoir à la fois une monnaie unique, une parfaite liberté des capitaux et des
politiques économiques autonomes et sans solidarité.
137
Le deuxième scénario est celui de l’éclatement




L’euro s’apprécierait contre le dollar mais les marchés seraient incités à spéculer
contre l’Italie et la France. Ces pays devront choisir entre suivre les pays du Sud ou
suivre l’Allemagne et ses satellites. La zone sera fragile en permanence puisque les
spéculateurs auront des raisons objectives pour discriminer entre les dettes libellées
en euros et demander des primes de risque élevées.
Le défaut de paiement des pays du Sud fragiliserait le système financier des pays
européens. Une nouvelle crise financière secouerait l’Europe.
Ce scénario marquerait aussi un échec grave de la construction de l’Europe ; les
peuples européens perdraient toute capacité à influencer l’évolution économique
mondiale, à promouvoir leur modèle social. Le risque est grand que l’éclatement de la
zone soit le signe de toujours plus de concurrence salariale, sociale et fiscale,
auxquelles s’ajouterait la concurrence par les taux de change.
Dans cette optique, cependant, les forces de gauche devraient demander que la sortie
des pays du Sud se fasse avec le plus de douceur possible. L’Europe ne devrait pas
prendre des mesures punitives ; elle devrait accepter une forte décote des dettes des
pays du Sud ; elle devrait accepter que les pays du Sud mettent en œuvre des
politiques non-conventionnelles : limitation de certaines importations, contrôle des
capitaux.
138
Le scénario de la croissance et de la solidarité

Faire vivre l’Europe suppose un profond changement de son fonctionnement. L’Europe
ne doit pas viser à imposer la marche forcée vers le modèle neo-libéral mais à faire vivre
un modèle spécifique de société, le modèle social européen, qu’il faut faire évoluer vers
une croissance soutenable.

Ceci suppose de renoncer aux objectifs de déficits et de dettes publics, aux politiques
d’austérité pour se donner des objectifs d’emplois et des objectifs sociaux. Ceci suppose
plus de solidarité entre les pays, mais aussi une volonté résolue de réduire l’importance
des marchés financiers.

Mesure n°1 : Affranchir les Etats de la tutelle des marchés financiers, en garantissant le
rôle de la BCE, comme prêteur en dernier ressort. Tous les pays doivent pouvoir se
financer à long terme à des taux inférieurs à 2% aujourd’hui, au taux de croissance, de
façon générale.

Les titres publics étant garantis, les taux d’intérêt excessifs de ces deux dernières
années ne se justifient plus.

Mesure n°1 bis : Abaisser les taux d’intérêt exorbitants des titres émis par les pays en
difficulté depuis la crise. Ces titres doivent être rémunérés au même taux que les titres
émis par les pays jugés sans risque par les marchés.

Une partie importante de la dette de certains pays (Irlande, Espagne) provient de l’aide
accordée au secteur bancaire. Les erreurs des banquiers ne doivent pas être payées
par les peuples. Il faut remettre en cause le financement par les finances publiques des
pertes des banques en difficulté, en particulier en Irlande. Il faut faire payer ceux qui ont
bénéficié des bulles financières et immobilières.
139
Le scénario de la croissance et de la solidarité

Mesure n°2 : Faire assumer les pertes des banques en faillite par leurs actionnaires et
leurs créanciers et si nécessaire par la taxation des banques et des institutions
financières (et non plus par les finances publiques). La garantie publique accordée aux
créanciers des banques doit être strictement limitée.

Mesure n°3 : Les agences de notation financière ne doivent pas être autorisées à
peser arbitrairement sur les taux d’intérêt des marchés obligataires en dégradant la
note d’un État : on doit réglementer leur activité en exigeant que cette note résulte d’un
calcul économique transparent : ce calcul ne doit pas incorporer la possibilité d’un
éclatement de la zone euro ; il faut créer des agences de notation publiques.
140
Il faut briser la domination des marchés financiers

A moyen terme, il faut remettre en cause la domination et l’irresponsabilité du système
financier. L’économie mondiale ne peut être gouvernée par les jeux et l’humeur des
marchés financiers. La principale question qui se pose pour les stratégies de sortie de
crise n’est pas celle des dettes publiques, mais celle de la finance spéculative. Les
mesures prises par les sommets du G20 en 2009-2010 ne sont pas allées assez loin.
Non seulement la finance internationale doit être réglementée, mais son poids doit être
fortement réduit pour éviter que l’économie mondiale soit paralysée ou empêchée de
fonctionner par les marchés financiers. il faut faire reculer la globalisation financière,
source d’instabilité économique et de prélèvement excessif de la finance. Le poids des
marchés financiers doit être réduit au profit d’un secteur bancaire contrôlé et consacré
au financement des activités productives. Ceci suppose, en particulier, de développer
des circuits financiers publics pour utiliser l’épargne longue des ménages pour financer
et orienter les investissements des entreprises dans les secteurs innovants et dans
l’économie verte, afin de soutenir l’activité sans faire gonfler les dettes publiques
141
Le scénario de la croissance et de la solidarité

Mesure n°4 : Cloisonner strictement les marchés financiers et les activités des acteurs
financiers pour éviter la propagation des bulles et des krachs. Interdire aux banques
de spéculer pour leur compte propre sur les marchés financiers ; les recentrer sur la
distribution du crédit. Séparer le système bancaire des marchés financiers. Interdire
aux banques de faire crédit aux fonds spéculatifs et de risquer leurs fonds propres sur
les marchés spéculatifs. Séparer les banques de dépôts des banques d’affaires.

Mesure n°5 : Réduire la spéculation déstabilisatrice par des taxes sur les transactions
financières.

Mesure n°6 : Limiter les transactions financières à celles répondant aux besoins de
l'économie réelle (ex. : CDS uniquement pour les détenteurs des titres assurés, etc.).
Vérifier que les innovations financières correspondent bien à un besoin de l’économie.

Mesure n°7 : Réduire fortement la rémunération des traders. pour qu’il corresponde
à l’utilité sociale de leur activité. Créer un salaire maximal ou une taxation confiscatoire
par l’impôt sur le revenu des rémunérations dépassant un certain seuil.
Mesure n°8 : Recentrer les banques sur leur métier. Leur interdire de spéculer ou de
prêter à des spéculateurs. Mettre sur pied un système bancaire et financier public, qui
pourra collecter l’épargne des Européens, et l’utiliser pour financer les investissements
publics et les investissements privés s’engageant dans la transition écologique à des
taux satisfaisants..

142
Pour une contre-contre réforme fiscale

Il faut revenir sur la contre-réforme fiscale libérale.

Mesure n°9 : Redonner un caractère fortement redistributif à la fiscalité directe sur
les revenus (suppression des niches fiscales, augmentation du taux maximum de
l’impôt sur le revenu…) ; créer un taux d’imposition confiscatoire sur les revenus
exorbitants.

Mesure n°10 : Augmenter la taxation des revenus financiers, des plus-values, des
hauts revenus dont le gonflement est une des causes de la crise. A l’échelle
européenne, ceci nécessite une stratégie d’harmonisation fiscale, fixant des taux
d’imposition minimale pour les entreprises, les revenus élevés, les patrimoines,
garantissant à chaque pays la possibilité de taxer ses entreprises et ses résidents.

Mesure n°11 : Mettre en place en Europe un prélèvement exceptionnel sur les
grosses fortunes.

Mesure n°12: S’attaquer frontalement aux paradis, « trous noirs » de la fiscalité et de
la réglementation : En établir une liste rigoureuse ; les pays de l’OCDE doivent
interdire à leurs banques, à leurs institutions financières et à leurs entreprises d’y
localiser leurs opérations et d’y avoir des filiales. Il faut renégocier les conventions
fiscales pour les limiter aux pays qui ont des taux minimaux d’imposition.
143
Défendre et développer l’Europe sociale

Mesure n°13 : Donner explicitement à l’Europe l’objectif de défendre et de
développer l’Europe sociale.

Mesure n°14 : Définir des objectifs sociaux minimaux : salaire minimum et revenu
minimum (en % du revenu médian de chaque pays), taux de pauvreté global et taux
de pauvreté des enfants, taux de remplacement chômage et pension, universalité et
niveau satisfaisant de l’assurance-maladie.

Mesure n°15 : Défendre le droit du travail (conditions de travail, droit du
licenciement), étendre les négociations collectives ; assurer la présence des salariés
dans les conseils d’administrations des entreprises.
144
Impulser la transition écologique

Mesure n°16 : La transition écologique doit permettre à l’Europe de sortir de la crise.
Les politiques européennes doivent soutenir de nouveaux modes de consommation
et de production. L’Europe doit réduire son empreinte écologique et sa
consommation d’énergie et des ressources naturelles Un vaste programme
d’investissement doit favoriser la soutenabilité économique, doit fournir des emplois
de qualité, doit développer les possibilités d’actions, dans de nouveaux domaines
innovants comme au niveau local, en particulier, en ce qui concerne les biens
publics.

Mesure n°17 : Lancer un vaste plan européen, financé par souscription auprès du
public à taux d'intérêt modéré mais garanti, pour engager la reconversion écologique
de l'économie européenne et pour favoriser la convergence des pays du Sud et de
l’Est.
Mesure 18 : construire un véritable budget européen, notamment par une taxe sur
les transactions financières et une fiscalité écologique, afin d’organiser les transferts
de ressources nécessaires à la convergence des économies réelles.

145
Le scénario de la croissance et de la solidarité





La zone euro a besoin de retrouver les 10 points de PIB perdus du fait de la crise. Le
déficit public de la zone serait soutenable si l’activité perdue était retrouvée. Renoncer
à cet objectif signifie accepter le maintien du chômage de masse en Europe. Les
instances européennes devraient présenter un scénario cohérent de sortie de crise,
basé sur la reprise de la demande, de la consommation comme des dépenses
publiques, et sur l’impulsion des investissements porteurs d’avenir, au lieu de se
polariser sur les soldes publics.
Globalement, la demande n’est pas excessive en Europe. Il faut donc résorber les
déséquilibres de façon coordonnée : les pays excédentaires doivent mener des
politiques expansionnistes – hausse des salaires, des dépenses sociales... – pour
compenser les politiques restrictives des pays du Sud, qui doivent être allégées. Les
pays qui ont des marges de manœuvre en matière budgétaire doivent continuer à
soutenir l’activité.
Mesure n° 19 : Mettre fin aux politiques d’austérité. Les conditions drastiques
imposées aux pays recevant des fonds d’urgence européens doivent être radicalement
révisées, afin que les pays membres puissent maintenir leurs dépenses publiques et
sociales.
Mesure n° 20 :Assurer une véritable coordination des politiques macroéconomiques et
une réduction concertée des déséquilibres commerciaux entre pays européens.
Mesure n°21 : Les pays excédentaires doivent financer les pays déficitaires par des
Investissements directs ou des prêts à long terme.
146
Le scénario de la croissance et de la solidarité


Mesure n° 22 : Elaborer de manière démocratique un véritable Traité pour la
coordination des politiques économiques des pays de l’UE. Celui-ci comporterait des
objectifs en matière de convergence réelle des économies, d’emploi et de transition
écologique. Il mettrait en place une stratégie économique utilisant la politique
monétaire, les politiques budgétaires, fiscales, sociales et salariales, ainsi que la
politique de change de la zone euro, pour rapprocher les pays du plein emploi.
La survie de la zone euro suppose que le projet européen redevienne populaire, donc
porteur de croissance, de progrès sociaux et de solidarité. Ce n’est qu’à cette
condition que des progrès institutionnels pourraient être réalisés.
147
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