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Chirurgie cardiovasculaire O Goëau-brissonniere, M Coggia, I Di centa
ANEVRISMES ARTERIELS
PHYSIOPATHOLOGIE
Définitions
Anévrisme artériel
Un anévrisme artériel est une dilatation permanente, irréversible et localisée d’une artère, dont le
diamètre est supérieur d’au moins 50 % au calibre normal de l’artère considérée.
On distingue trois types morphologiques : les anévrismes sacciformes, fusiformes et disséquants.
L’anévrisme est sacciforme si la dilatation est asymétrique, aux dépens d’une partie seulement de la
circonférence artérielle. Il communique alors avec la lumière vasculaire par un collet étroit. Il s’agit
le plus souvent d’anévrismes congénitaux ou infectieux.
L’anévrisme est fusiforme en cas de dilatation symétrique, englobant l’ensemble de la
circonférence artérielle. Il communique alors largement par ses deux extrémités avec la lumière
artérielle. C’est le type le plus fréquent et l’étiologie athéromateuse est prédominante.
Un anévrisme disséquant représente une complication évolutive des dissections artérielles. Il s’agit
d’une dilatation progressive de la paroi artérielle disséquée. Les parois de l’anévrisme sont
caractérisées par un clivage longitudinal dans le plan de la média secondaire à une infiltration
hématique à partir d’une effraction de l’intima.
Faux anévrisme
Il s’agit d’un hématome périvasculaire circulant, apparu après effraction vasculaire et contenu par
les tissus adjacents. Il n’est pas limité par une paroi vasculaire mais enveloppé par une capsule
fibreuse.
Ectasie vasculaire
On désigne sous ce terme une dilatation régulière d’un vaisseaux, non expansive et inférieure à
50% du calibre normal du vaisseaux considéré.
Artériomégalie ou méga-dolicho-artère
Il s’agit d’un allongement global et d’une dilatation vasculaire régulière sans perte de parallélisme
des parois (méga : dilatation, dolicho : allongement).
Lorsqu’elle est due à une anomalie congénitale du collagène, son association avec des anévrismes
multiples, synchrones ou métachrones, constitue la maladie polyanévrismale ou polydystrophie
ectasiante.
Athérosclérose, athérome, artériosclérose
L’O.M.S. définit l’athérosclérose comme étant l’association variable de remaniements de l’intima
des grosses et moyennes artères consistant en une accumulation focale de lipides, glucides
complexes, sang, produits sanguins, tissu fibreux et dépôts calciques, le tout accompagné de
modifications de la média.
L’artériosclérose est un processus diffus purement scléreux atteignant les tuniques vasculaires. Elle
aboutit à des lésions d’épaississement de l’intima artérielle, associées à un amincissement fibreux
d’une média souvent calcifiée. C’est un procédé normal de vieillissement des artères, accéléré par
le tabagisme, le diabète et l’insuffisance rénale. Dans les artères de petit calibre, l’épaississement
fibreux conduit à l’occlusion vasculaire. Sur les artères de plus gros calibre, l’amincissement de la
média favorise la dilatation et l’allongement (aspect tortueux) des artères remaniées.
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L’athérome est une lésion artérielle intimale nécrotique riche en lipides, circonscrite par une zone
de sclérose, la média étant préservée.
Loi de Laplace
Elle explique la tendance naturelle de la dilatation progressive de l’anévrisme.
En effet, elle stipule que la tension pariétale s’exerçant sur les vaisseaux est égale au produit de la
pression artérielle par le rayon des vaisseaux. La dilatation elle-même augmente la tension exercée
par la pression sanguine sur la paroi, ce qui entretient la croissance de l’anévrisme.
Mécanisme de constitution des anévrismes artériels
Composition de la paroi vasculaire
La paroi artérielle est constituée de trois tuniques concentriques :
- l’intima, la plus interne, contenant une couche de cellules endothéliales et une tunique interne
- la média, principalement composée de cellules musculaires lisses disposées au sein de fibres
d’élastine et de collagène. Les fibres d’élastine sont réunies pour former la limitante élastique
interne et externe.
- l’adventice, la plus externe, contenant des fibroblastes et des adipocytes, vascularisée par les vasa-
vasorum.
Constitution de l’anévrisme
La paroi vasculaire est en équilibre permanent entre des forces d’allongement (par pression
artérielle exerçant une tension pariétale) et des forces de rétraction (élasticité pariétale).
Dans les grosses artères, la résistance pariétale provient des fibres de collagène et d’élastine de la
média. Dans les artères de petit calibre interviennent également l’adventice et la limitante élastique
interne.
Toutes les atteintes de la média, congénitales ou athéroscléreuses, peuvent être à l’origine
d’anévrismes.
Ils se développent le plus souvent sur des lésions d’athérome préexistante fragilisant la paroi.
L’examen histologique retrouve un amincissement pariétal lié à la disparition des fibres de
collagène et d’élastine.
Les anévrismes post-sténotiques répondent à une origine hémodynamique. Les turbulences en aval
de la sténose sont responsables d’une distension des fibres élastiques et conjonctives de la paroi
artérielle. Il s’agit notamment des anévrismes sous- claviers et des anévrismes poplités en aval
d’une compression par l’anneau du troisième adducteur.
L’évolution naturelle se fait vers l’expansion. Elle dépend des facteurs hémodynamiques régis par
la loi de Laplace et par l’affaiblissement progressif des parois des vaisseaux.
Mécanismes des complications
Rupture
L’amincissement de la média fragilise la paroi et mène à la rupture lorsque les contraintes de
distension dépassent celles de rétraction.
Complications thromboemboliques
Les modifications du régime circulatoire intra-anévrismal, devenu turbulent et ralenti, aboutissent à
la thrombose pariétale. Elle est favorisée par la morphologie fusiforme des anévrismes
athéromateux. C’est la complication la plus fréquente des anévrismes des membres.
Celle-ci peut être à l’origine d’une ischémie aiguë par occlusion brutale de l’anévrisme. Le
thrombus intra-anévrismal peut également se fractionner et migrer en distalité. Cette «pluie
d’emboles » peut provoquer une détérioration progressive du lit artériel d’aval (thrombose
chronique) ou des épisodes d’ischémie aiguë plus ou moins distale.
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GENERALITES
Etiologies
Anévrismes athéromateux
La maladie athéromateuse est l’étiologie la plus fréquente de la dégénérescence pariétale.
Il s’agit de sujets masculins (sex ratio de 10/1), âgés de plus de 60 ans. Un bilan des facteurs de
risque d’athérosclérose s’impose à la recherche d’une hypertension artérielle, d’un diabète, d’une
hypercholestérolémie, d’une obésité, d’un tabagisme, d’un contexte de stress, d’une sédentarité ou
de la prise d’une contraception orale.
L’examen doit s’attacher à mettre en évidence d’autres localisations athéroscléreuses : lésions
coronariennes ou des artères des membres inférieurs, bilan vasculaires des troncs supra-aortiques,
autres anévrismes.
Anévrismes non athéromateux
Anévrismes liés à une anomalie pariétale
L’anomalie de la média peut être d’origine congénitale. Il s’agit des dysplasies héréditaires
conjonctivo-élastiques : syndrome d’Ehlers-Danlos, maladie de Marfan, neurofibromatose de
Recklinghausen. Ils apparaissent chez l’enfant ou l’adulte jeune.
La paroi peut être atteinte par des processus inflammatoires au cours des maladies de Kawasaki,
Takayashu ou de la péri-artérite noueuse.
Des anévrismes infectieux peuvent se développer par diffusion pariétale d’infections intra- ou
extra-vasculaires. Les contaminations intra-vasculaires surviennent sur des anévrismes préexistants
au décours d’un décharge septique (infections dues aux salmonelles). Elles compliquent parfois les
endocardites bactériennes (à staphylocoques, entérobacter ou protéus). Les infections extra-
vasculaires sont dues à une effraction pariétale septique iatrogène ou par proximité d’un foyer
septique (abcès). Les risques évolutifs principaux sont alors la rupture et la dissémination septique
métastatique.
Anévrismes d’origine mécanique
Les perturbations hémodynamiques en aval d’une sténose artérielle serrée sont à l’origine
d’anévrismes post-sténotiques.
Des faux-anévrismes artériels peuvent se révéler à distance de traumatismes pariétaux, iatrogènes
(ponctions artérielles) ou accidentels (traumatismes ostéo-artériels, plaies vasculaires).
Par ailleurs, il existe des faux-anévrismes anastomotiques prothéto-artériels.
Anévrismes associés à des anomalies anatomiques
Ils se développent notamment sur une artère sciatique persistante ou sur une artère sous-clavière
droite rétro-oesophagienne.
Localisation
Les anévrismes extra-aortiques isolés sont rares. Ils siègent dans 15 à 18 % des cas sur les membres
inférieurs. Ils sont en général symétriques.
Anévrismes poplités
Ce sont les plus fréquents : 70 % des anévrismes périphériques.
L’étiologie athéromateuse est la plus fréquente. Ils sont bilatéraux dans 40 % des cas et associés à
une localisation anévrismale aortique dans 35 % des cas, ilio-femorale dans 35 % des cas. Les
complications thromboemboliques sont fréquentes (30 à 70 % des cas).
D’autres causes plus rares sont possibles : compressions artérielles musculo-tendineuses du creux
poplité (artère poplitée piégée, anneau du 3ème adducteur), anévrismes infectieux.
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Anévrismes fémoraux
Situés le plus souvent sur l’artère fémorale commune, ils constituent 30 % des anévrismes
périphériques. L’artère fémorale profonde est plus rarement atteinte (0,5 % des anévrismes
périphériques).
Ils sont associés à des anévrismes aorto-iliaques dans 95 % des cas et à des anévrismes poplités
dans 44 % des cas.
Les faux-anévrismes anastomotiques ou post-traumatiques sont fréquents à cet étage.
Anévrismes iliaques
Le plus souvent, ils accompagnent un anévrisme aortique. Seulement 1, 5 % des anévrismes
iliaques sont isolés.
Anévrismes axillo-sous-claviers
Les anévrismes axillo-sous-claviers sont rares (1% des anévrismes périphériques). Ils sont souvent
la conséquence d’un syndrome du défilé cervico-thoracique.
Anévrismes des artères digestives
Ils sont peu fréquents, le plus souvent d’origine congénitale (fibrodysplasie), plus rarement
athéroscléreux ou infectieux.
Les anévrismes de l’artère splénique sont les 3ème anévrismes artériels abdominaux en fréquence
après ceux de l’aorte abdominale et des artères iliaques. Ils atteignent avec prédilection la femme
enceinte et le risque de rupture est élevé (40 % des cas).
DIAGNOSTIC
Examen clinique
Les signes cliniques dépendent de la localisation anévrismale.
Nous prendrons comme exemple de description les anévrismes poplités. L’examen clinique est
bilatéral et comparatif. L’interrogatoire recherche les principaux antécédents du patient et les
circonstances d’apparition de la masse anévrismale.
Signes fonctionnels
Les anévrismes poplités sont le plus souvent asymptomatiques, découverts fortuitement ou lors
d’un bilan clinique systématique du sujet athéromateux.
L’existence d’une masse pulsatile est parfois notée par le patient. Son caractère douloureux doit
faire rechercher une complication inaugurale (infection, thrombose aiguë, ischémie aiguë), souvent
révélatrice.
Les signes de compression dominent parfois le tableau. Phlébites ou œdème du membre inférieur
évoquent une compression veineuse poplitée. L’atteinte du nerf tibial postérieur est responsable de
paresthésies de la face postérieure de la jambe. Les anévrismes volumineux peuvent être
responsables de signes de compression du nerf sciatique poplité externe.
Signes cliniques
L’examen clinique retrouve une masse battante, d’expansion systolique associée à un souffle dans
le creux poplité. L’absence de pulsatilité traduit une thrombose anévrismale.
La palpation du creux poplité controlatéral et la recherche d’autres localisations anévrismales sont
systématiques.
La complication la plus fréquente est la thrombose aiguë, mode de découverte fréquent. Sa gravité
dépend du niveau d’occlusion et de l’existence d’une circulation collatérale de suppléance.
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Dans 50 % des cas, il existe un tableau de thrombose chronique révélé par une claudication
intermittente ou des troubles trophiques distaux en rapport avec la dégradation progressive du lit
d’aval (embolies chroniques silencieuses).
La rupture d’anévrisme poplité est rare (2 à 3% des formes inaugurales). Au stade de fissuration,
l’examen retrouve un hématome pulsatile, devenu douloureux, une suffusion hémorragique sous-
cutanée associée à des signes ischémiques d’aval.
Particularités cliniques des autres localisations anévrismales
Anévrismes des artères iliaques
Le risque principal est la rupture (50 à 80 % des cas), parfois dans la veine iliaque adjacente (FAV
ilio-iliaque). La localisation profonde de ces anévrismes rend difficile leur dépistage par l’examen
clinique.
L’atteinte hypogastrique est de diagnostic difficile et tardif. S’il s’agit d’anévrismes volumineux,
des signes de compression pelvienne peuvent être au premier plan (veines, nerfs, uretères, rectum).
Le toucher rectal peut retrouver la masse battante à bout de doigt.
Anévrismes des troncs supra-aortiques
La symptomatologie dépend de leur localisation. Elle est dominée par la compression des organes
de voisinage et les complications emboliques (accidents vasculaires cérébraux, ischémie des
membres supérieurs).
Anévrismes des artères digestives
Ils sont le plus souvent asymptomatique mais des tableaux d’ischémie ou d’hémorragie digestive
mènent parfois au diagnostic.
Examens complémentaires
Radiographie sans préparation
Elle peut mettre en évidence des calcifications pariétales qui évoque la dilatation artérielle.
Echo-Döppler artériel
Il renseigne sur la taille de l’anévrisme, la présence de complications (thrombus, occlusion) et l’état
du réseau artériel (artériomégalie, perméabilité du lit d’aval).
Angioscanner
Son intérêt principal est de renseigner sur la morphologie de l’anévrisme et ses rapports avec les
organes voisins. Il permet d’apprécier les dimensions et les limites de l’anévrisme, notamment par
rapport aux collatérales artérielles importantes. Les reconstructions en 3D sont utiles lorsqu’on doit
envisager un traitement endoluminal.
Artériographie
En urgence, elle ne doit pas retarder la prise en charge de l’anévrisme. Par contre, elle est
indispensable avant toute intervention élective, chirurgicale ou endovasculaire. Elle confirme le
diagnostic et renseigne sur l’état du réseau artériel d’amont et d’aval. Ces paramètres sont
importants pour choisir le traitement qui sera le plus adapté. Elle permet également le bilan des
autres localisations athéroscléreuses ou anévrismales. Par contre, elle sous-estime le volume
anévrismal en raison de la thrombose pariétale.
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