Myéline, Neuroimmunologie, Sclérose en Plaques Pierre Bourque, MD, FRCP Myéline • Substance blanche, formée de membranes cellulaires enroulées et juxtaposées, sans cytoplasme SNP: 1 cellule de Schwann / internode d’un seul axone SNC: 1 oligodendrocyte / 4-12 internodes (différents axones) Composition de la myéline 70 % lipides (riche en phospholipides et cholesterol) 30 % protéines SNC SNP Proteine protéolipidique (50%) P0 Proteine basique de la myéline (30%) Proteine basique de la myéline (10%) Glycoproteine associée à la myéline (1%) Autres (PMP 22, etc) Plusieurs autres protéines en faible quantité NB: les différences antigéniques de la myéline du SNC / SNP expliquent que les maladies auto-immunitaires soient assez spécifiques. Exemple: SNP: attaque immunitaire des c. de Schwann: syndrome de Guillain-Barré SNC: attaque immunitaire des Oligos: sclérose en plaques Potentiel d’action Fibres myélinisées • Diamètre 5-15 microns, vitesse 20-100 m/s • Potentiel d’action au noeud de Ranvier, transmission rapide du courant au cœur de l’axone jusqu’au noeud suivant; la résistance de la gaine myélinique empêche une trop forte perte de courant • Regénération d’un potentiel d’action au noeud de Ranvier suivant : conduction saltatoire Démyélinisation: conséquences • Ralentissement de conduction • Bloc de conduction (le PA n’est plus transmis) • Également: membrane instable, qui peut parfois générer des potentiels d’action spontanés « ectopiques » (ex: paresthésies) Sclérose en plaques: Définition • Maladie auto-immunitaire chronique progressive du SNC: Nerf optique, cerveau, tronc, moelle épinière • Caracterisée pathologiquement par: infiltrats inflammatoires, démyelinisation, perte d’oligodendrocytes et axones • Apparition et accumulation de déficits neurologiques successifs dans “le temps et l’espace” Pathologie • Microscopie optique: Infiltration de cellules mononucléaires autour d’une vénule Vaisseau • Microscopie optique, coloration pour la myéline (foncé): Zone de démyélinisation périvasculaire Zone démyélinisée Bien que la lésion `classique`est démyélinisante (réversible), il y a aussi des pertes axonales (irréversibles) avec le temps Ventricule Plaques périventriculaires • Des régions plus importantes de démyélinisation sont visibles à l’œil nu (coloration pour la myéline, méthode de Heidenhain, section du lobe occipital) Plaques visibles à l’œil nu – coloration Luxol bleu pour la myéline •Plaques démyélinisées typiques (flèches vertes) •Plaques “fantômes” (shadow plaques) : régions re-myélinisées (rouge) Pathophysiologie • lymphocytes T auto-réactifs apparaissent hors du SNC (Ex: infection virale ? Génétique favorable) • traversent la barrière-hémato-encéphalique • intéraction avec complexe antigène-MHC classe 2-macrophage • Cytokines, anticorps, complément, macrophages : démyélinisation etc. Épidémiologie • Cause principale d’invalidité neurologique chez les < 40 ans • Prévalence 1/ 500 (Canada) • Rapport femme / homme > 2:1 • Début de la maladie: 25 ans, typiquement 15-50 ans – Aussi chez l’enfant – Cas symptomatiques ou diagnostiqués en fin de vie • Rare dans les régions tropicales • La prévalence augmente plus on s’éloigne de l’équateur (sauf pour les régions polaires) • Etudes de migration: – Le risque est lié au lieu géographique de résidence en bas âge (~ < 15 ans) Facteurs génétiques raciaux • Prévalence élevée chez les caucasiens: – Europe: Ecosse, îles Orkney – EU et Canada • Prévalence faible chez les africains, asiatiques, amérindiens. Génétique familiale et SEP • Population générale (risque à vie): 0.2 % – Parent au 1er degré: 3-4 % – Jumeaux dizygotiques: 3-4 % – Jumeaux monozygotiques: 38 % • Plusieurs gènes candidats: MHC (HLA), cytokines, complément, récepteurs cellules T, composantes de la myéline, etc • La génétique n’est qu’un facteur de risque Evénement déclencheur ? • Infection virale soupçonnée, jamais prouvée – Influenza, VHH6, VEB, maladie de Carré (canine distemper) • Etudes de l’effet de migration: risque acquis avant la puberté. Facteurs étiologiques EXCLUS par les recherches épidémiologiques • • • • • Transmission entre individus Transmission par un réservoir animal Intoxication Vaccination (la SEP existait avant Pasteur !) Effet diététique important (graisse animale) – Une exception: importance préventive de la vitamine D Manifestations cliniques • Sensation: atteinte la plus fréquente; distribution variée (tête, tronc, membres), engourdissement et paresthésies. • Névrite optique: éventuellement chez 50 % • Motricité: faiblesse, spasticité, incoordination • Fréquence / urgence urinaire, incontinence et dysfonction sexuelle • Fatigue • Manifestations parfois paroxistiques (spasmes musculaires, névralgies) • Atteinte cognitive (40 %, tardive), épilepsie (10 %) Manifestations cliniques • Signe de l’Hermitte: paresthésies provoquées par la flexion de la nuque (phénomène non-spécifique, qui indique une pathologie des cordons postérieurs: SEP, def Vit B12, spondylose cervicale, etc) • Phénomène de Uhthoff: aggravation du déficit visuel à l’effort ou à la chaleur. – Chaleur: accélération des processus moléculaires, y compris ouverture/fermeture des canaux Na, donc Vitesse de conduction , mais amplitude des PA , donc risque accru de bloc de conduction dans les régions démyélinisées Evolution clinique • Exacerbante – rémittante (au départ: 85%) – 5-20% forme bénigne – 80-90% évolution vers une forme `secondaire progressive’ • Primaire Progressive 15% Inflammation suivie de perte axonale Stade Tôt Tard Pathologie Inflammation / démyélinisation Atrophie, perte axonale Effet clinique Récidives Invalidité Échelle EDSS : progression vers l’invalidité Capacité de marche 10,0 = Décès attribuable à la SEP 9,0 à 9,5 = Complètement dépendant Confiné à un fauteuil roulant ou au lit 8,0 à 8,5 = Dépendant pour son entretien personnel 7,0 à 7,5 = Confiné au fauteuil roulant Marche avec appui (< 5 mètres) 6,0 à 6,5 = A besoin d’aide à la marche Marche avec appui (20 à 100 mètres ou plus) 5,0 à 5,5 = Diminution de la capacité de marche Marche sans appui (100 à 200 mètres ou plus) 4,0 à 4,5 = Incapacité modérée Marche sans appui (300 à 500 mètres ou plus) 3,0 à 3,5 = Incapacité légère ou modérée 2,0 à 2,5 = Incapacité minimale 1,0 à 1,5 = Aucune incapacité 0 = Examen neurologique normal Kurtzke JF. Neurology. 1983;33:1444-1452. Complètement ambulatoire Progression S Début Après 10 ans 85% 4045% 15% 15% 4045% RRMS PPMS SPMS Adapted from Weinshenker BG et al. Brain. 1989;112:133-146. (* Similar finding but at almost 19 yrs according to Tremlett H et al. Multiple Sclerosis 2008; 14(3):314-324.) Pronostic – évolution naturelle de la SEP sans traitement • 15 ans après le début de la maladie: – 20% n’ont encore que des atteintes légères (EDSS < 3) – 50% ont besoin d’une cane (EDSS 6) – 10% sont confinés au fauteuil roulant (EDSS 8) • Facteurs favorables pour le pronostic: – Début précoce – Sexe féminin – Manifestations sensitives – Peu d’invalidité à cinq ans – Forme exacerbante-rémittante Diagnostic de la SEP • Les critères cliniques (symptômes d’une poussée, signes localisateurs) demeurent essentiels • Dissémination dans le temps et l’espace • Laboratoire – IRM (95%) – LCR (~ 90%) – Potentiels évoqués (~ 30-70%) … de moins en moins utilisés Résumé des critères du diagnostic • SEP (“definite”, certaine) – règle de 4: – 2 poussées symptomatiques, signes cliniques de 2 lésions – 2 poussées, signe clinique d’une lésion et support paraclinique pour une autre lésion (IRM, potentiels évoqués) • SEP Probable: – 2 poussées + 1 lésion ou 1 poussée + 2 lésions • Traditionnellement, le terme “laboratory supported” est employé dans les cas ou le LCR est positif. IRM et SEP • L’ IRM montre des hyperintensités multifocales de la substance blanche dans 95% des cas de SEP définie – Asymétrique – Forme irrégulière, ovoide ou ronde – Localisations: périventriculaire, corps calleux, cervelet, tronc Dr. Heather MacLean, MD, BSc, FRCPC Neurology IRM IRM Forme plus avancée de SEP:régions confluentes de démyélinisation Lésions périventriculaires hyperintenses (blanches) Lésion hyperintense au niveau du tronc cérébral (pont) CT: très peu sensible IRM: coupes axiales et sagittales SEP: l’imagerie pourrait rarement être confondue avec un processus tumoral (une seule grande région d’œdème) Liquide Céphalo-rachidien et SEP • Proteines, glucose, GR: normaux • GB: légère pléocytose lymphocytaire (5-20/ mm3) • Présence de bandes oligoclonales: production intrathécale d’anticorps par un processus immunitaire dans le SNC (lymphocytes B activés) – Dans 90% des cas SEP définie – Attention: autres maladies inflammatoires et certains sujets normaux (5%) Potentiels évoqués • Enregistrement au niveau du Cerveau (électrodes EEG) • Stimulation répétitive , signal averaging • PE Visuel – Le sujet regarde un motif de damier alternant. C’est un examen très sensible si il y a une histoire de névrite optique (positif > 90%) • PE Auditif (tonalités répétitives) – peu sensible • PE Somatosomesthésique (chocs électriques) Principes du Traitement • Traiter les poussées • Traiter divers symptômes • Prévention Poussée de SEP • Apparition rapide, durée jours-semaines (minimum 24 heures, max 12 mois), résolution semaines-mois (typique: 4-6 semaines) • Faiblesse • Engourdissements • Diplopie, embrouillement • Vertiges, ataxie RRMS : IRM mensuel avec Gadolinium NB: la grande majorité de ces petits foyers d’inflammation seront aymptomatiques Traitement de la poussée • Solumédrol 1000mg IV x 3-5 jours, suivi de prednisone PO pour 10 jours • Administration entièrement orale possible (1250 mg pred x 3-5 jours !) • Accélère la rémission, ne change pas le résultat clinique à 1 an Traitement symptomatique • Etre attentif aux besoins du patient • Grand éventail de symptômes , variant d’un patient à l’autre • Évolution des besoins dans les différents stades de la maladie Exemples de traitements symptomatiques fatigue Repos ! Aussi: ISRS, amantadine, modafinil paresthésies Antidépresseurs tricycliques, carbamazepine Urgence urinaire Anticholinergiques, consultation urologique Impuissance Viagra, etc. Spasticité Benzodiazepines, tizanidine, baclofen Certains patients bénéficieront de consultations en ergothérapie et physiothérapie: • orthèses, cane , marchette, fauteuil roulant • Evalutation du domicile: barres d’appui, siège de toilette relevé, passerelle pour fauteuil roulant etc. Traitement préventif • Pour les formes actives récidivantes/rémittantes – – – • Au moins une attaque dans la dernière année IRM qui démontre de nouvelles lésions Généralement pas pour les formes progressives primaires ou secondaires 4 agents de première ligne par injection: – Glatiramer (analogue de la proteine basique de la myéline) – 3 formes synthétiques d’interféron-béta (Betaseron,avonex,rebif) • Effets indésirables: • • • • Coût ($ 16 - 24 000 / an) – (assurance privée, certains régimes provinciaux) Inconfort , réactions cutanées Syndrome grippal Efficacités comparables : réduction des poussées de 30% SEP – Le futur à notre porte ! • Centres d’injections pour traitements immunomodulateurs (agents biologiques. Ex tysabri = natalizumab) • Apparition de médicaments préventifs par voie orale (fingolimod) – surtout en seconde intention • Greffe de moelle osseuse (remise à jour du système immunitaire): toujours à l’état expérimental Le postulat du Dr Zamboni … • Engorgement veineux et reflux, traités par prothèse endovasculaire veineuse: « procédure de libération » • Théorie en voie de disparition ! Clinique de sclérose en plaques • approche multidisciplinaire – Infirmière spécialisée, TS, Physio/Ergo, groupe de support, etc • expertise locale • recherche clinique • coordination des soins entre les différents intervenants