Table ronde Situation économique : redressement ou déflation Université d’Automne A.Montebourg Laudun-l’Ardoise 5 octobre 2014 observatoire français des conjonctures économiques centre de recherche en économie de Sciences Po www.ofce.sciences-po.fr [email protected] Produit intérieur brut (indice 100 en 2008) Source : Eurostat, comptes nationaux trimestriels 108 107 106 Eclatement de Faillite de 105 la bulle des subprimes Lehman Brothers Période de relance budgétaire Période d'austérité budgétaire 104 103 102 101 Etats-Unis Niveau d'activité depuis début 2008 : + 7,5 points de PIB aux Etats-Unis - 2,5 points de PIB dans la Zone Euro 100 Niveau d'activité depuis début 2011 : + 7,5 points de PIB aux Etats-Unis - 0,5 point de PIB dans la Zone Euro 99 98 97 96 95 94 Zone euro Nombre de chômeurs (en millions) Millions Sources : Eurostat, Bureau of Labour Statistics, moyenne mensuelle 19.5 19.0 18.5 18.0 Eclatement de Faillite de la bulle des Lehman 17.0 subprimes Brothers 17.5 Zone euro Période de relance budgétaire Période d'austérité budgétaire 16.5 16.0 15.5 15.0 Depuis Faillite de Lehman Brothers : + 6,3 millions de chômeurs dans la zone euro + 0,2 million aux Etats-Unis 14.5 14.0 13.5 13.0 12.5 12.0 11.5 11.0 10.5 10.0 9.5 9.0 8.5 8.0 7.5 Etats-Unis Investissement total (indice 100 en 2008) Source : OCDE 105 104 103 102 101 100 99 98 97 96Eclatement de Faillite de 95 la bulle des Lehman 94 subprimes Brothers 93 92 91 90 89 88 87 86 85 84 83 82 81 80 79 78 77 76 75 Période d'austérité budgétaire Période de relance budgétaire Etats-Unis Niveau d'investissement au 2nd trimestre 2014 (par rapport à début 2008): + 2,3 % aux Etats-Unis - 21,1 % dans la Zone Euro (430 Mds d'euros de moins en 2013 par rapport à 2007) Cumul de désinvestissement par rapport à début 2008 2170 Mds d'euros en Zone Euro 1180 Mds d'euros aux Etats-Unis Zone euro Pouvait-on faire autrement ? Niveau de déficit public et de dette publique en 2010: Etats-Unis : 12,2 % du PIB et 94,6 % du PIB Royaume-Uni : 10 % du PIB et 81,7 % du PIB Japon : 8,3 % du PIB et 193,3 % du PIB Zone euro : 6,2 % du PIB et 93,9 % du PIB Traités européens imposent un retour rapide en-dessous des 3 % du PIB d’où l’ampleur des plans d’austérité quelque soient les pays. Pas de prêteur en dernier ressort dans la zone euro (rôle de la Banque Centrale) a renforcé cette stratégie Pas de bouclier pour les Etats de la zone euro face aux agences de notation et à la spéculation sur les marchés de dette. Défiance rapide des marchés pour les pays les plus fragiles qui a renforcé les plans d’austérité des pays attaqués Traités européens centrés sur les équilibres budgétaires peuvent fonctionner en temps normal En temps normal, multiplicateur budgétaire faible (0,5) : 100 euros économisés ou prélevés => 50 euros d’activité (PIB) en moins => 75 euros de réduction du déficit public Dysfonctionnent avec des multiplicateurs élevés (supérieurs à l’unité), en temps anormal Multiplicateur 1,5 : 100 euros économisés ou prélevés => 150 euros de PIB en moins => 25 euros de réduction du déficit public (Avec un multiplicateur à 2, plus de baisse du déficit) Multiplicateurs budgétaires très élevés dans la zone euro depuis la crise des dettes souveraines Synchronisation des politiques d’austérité dans la zone euro (perte de demande interne pas compensée par plus d’activité chez les partenaires commerciaux) Pas de marge de manœuvre sur les taux d’intérêts (politique monétaire conventionnelle ne peut pas compenser les effets de l’austérité budgétaire) Pas d’ajustement par les taux de change Ajustement privilégiés par les dépenses publiques (multiplicateurs à court terme plus élevés sur la dépense publique que sur les prélèvements obligatoires) Effets de seuil en bas de cycle amplifient le multiplicateur : chômage de masse, entreprises en situation de fragilité financière Réformes structurelles et politiques de compétitivité amplifient l’effet déflationniste des politiques d’austérité restriction budgétaire moins de croissance non respect des engagements restriction budgétaire Des politiques monétaires différentes Impact des politiques monétaires Réaction différentiée sur les taux de refinancement Taux directeurs de la Fed à 0,25 % dès la fin 2008 Taux directeurs de la BCE à 0,25 % fin 2013 Gonflement différentiée des bilans des Banques Centrales depuis faillite Lehman Brothers + 3000 Milliards d’euros d’actifs supplémentaires au bilan de la Fed +500 Milliards d’euros d’actifs supplémentaires au bilan de la BCE Positions institutionnelles différentes Mandat BCE vs Mandat de la Fed Hiérarchisation des objectifs pour la BCE : stabilité des prix, puis stabilité de la production Pas de hiérarchie des objectifs pour la Fed : cibles simultanées Rôle du prêteur en dernier ressort Lien organique entre Etat et sa monnaie aux Etats-Unis : rôle de prêteur en dernier ressort de la Fed vis-à-vis de la dette publique US Incomplétude de l’Euro (cf M. Aglietta) . Un Etat peut faire défaut dans la Zone euro. Mise en place de l’OMT pour remédier en partie à ce problème. Effet immédiat sur les taux souverains Jamais utilisé mais difficultés potentielles à le mobiliser Taux d’intérêt souverains sur les obligations à 10 ans 8 7 Espagne France 6 Allemagne Discours de M.Draghi à Londres le 26 juillet 2012 « Whatever it takes... » Le président de la BCE s'engageait à tout faire pour sauver l'euro et mise en place de l'OMT, dispositif consistant à racheter de la dette sur le marché secondaire. Italie 5 4 3 2 1 0 oct.-09 janv.-10 avr.-10 juil.-10 oct.-10 janv.-11 avr.-11 juil.-11 oct.-11 janv.-12 avr.-12 juil.-12 oct.-12 janv.-13 avr.-13 juil.-13 oct.-13 janv.-14 avr.-14 juil.-14 oct.-14 Risque déflationniste Peut-on écarter le risque déflationniste ? Discours de Mario Draghi à Jackson Hole en août 2014 « Il serait utile que la politique budgétaire joue un plus grand rôle, aux côtés de la politique monétaire. La zone euro a subi les conséquences d'une politique budgétaire moins efficace, si on la compare avec d'autres économies avancées, où les banques centrales peuvent jouer les filets de sécurité... En outre, une coordination renforcée entre les politiques budgétaires nationales devrait en principe faciliter la mise en place d'une politique budgétaire globale propice à la croissance au sein de la zone euro.» Faible flexibilité des règles budgétaires européennes Incertitude sur le plan Juncker de 300 Mds d’euros : financement, montée en charge, contenu Pas ou peu de relance prévue en Allemagne et incertitude sur les hausses de salaires à venir Déflation salariale entamée dans certains pays et politiques de compétitivité généralisées dans la zone euro Pour écarter le risque d’entrée en déflation, il faudrait des décisions rapides, massives et concrètes Achat massif de titres publics sur le marché secondaire par la BCE Forte baisse des taux de change Question de la mutualisation d’une partie des dettes publiques doit se poser Assouplissement massif et temporaire des règles budgétaires dans la zone euro en raison des circonstances exceptionnelles (déflation) et relance budgétaire et hausse de salaires dans les pays qui ont des marges de manœuvre Inflation (en %, en glissement annuel) Sources : Eurostat, Bureau of Labor Statistics 7.0 6.5 6.0 5.5 Eclatement de Faillite de 5.0 la bulle des subprimes Lehman Brothers Période de relance budgétaire Période d'austérité budgétaire 4.5 4.0 3.5 3.0 2.5 Zone euro 2.0 1.5 1.0 Etats-Unis 0.5 0.0 -0.5 -1.0 -1.5 -2.0 -2.5 -3.0 -3.5 Inflation en septembre 2014 Zone Euro : +0,3 % Etats-Unis : +1,7 % Au niveau de la France Comment mener de front le redressement rapide des comptes publics et celui de la compétitivité sans casser la croissance, augmenter le chômage et risquer de tomber en déflation Incompatibilité temporelle qui n’est pas neutre sur le PIB : Effets négatifs immédiats de la consolidation budgétaire et du financement des mesures de compétitivité Effets positifs à moyen long terme des politiques d’offre et du rétablissement des comptes publics. Caractère naturellement déflationniste des politiques budgétaires restrictives et des réformes visant à accroitre la compétitivité. Le CICE, le Pacte de Responsabilité, CIR, 34 plans…traitent le problème d’offre de l’économie française. Laisser le temps de leur montée en charge pour produire des résultats Mais il faut traiter à court-moyen terme le déficit de demande dont souffre l’économie française pour avoir un redémarrage rapide de la croissance et une baisse du chômage Risque politique avec la montée du chômage, de la précarité et la déflation salariale pour certaines catégories de salariés Effet négatif sur l’offre, entame l’avenir et la croissance potentielle : sousinvestissement en capital physique-humain-environnemental, déqualification avec hausse du chômage et du sous emploi Signaux liés au déficit de demande La France ne peut pas compter uniquement sur la demande externe pour tirer sa croissance Seulement 12 % des entreprises en France déclarent un chiffre d’affaire à l’export 88 % des entreprises en France sont donc dépendantes de la demande interne De plus, très forte concentration de l’appareil exportateur en France : 10 % premiers exportateurs assurent 94 % du CA à l’export Enquêtes auprès des chefs d’entreprises révèlent avant tout des problèmes de demande (source : Insee, enquêtes dans l’industrie) 90 80 90 ... difficultés de demande 80 70 70 60 60 50 50 40 40 30 30 20 20 10 ... difficultés d'offre 0 10 0 91 92 93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 Taux d’utilisation des capacités de production inférieure à sa moyenne de long terme ce qui correspond à une sous utilisation des machines Niveau historiquement élevé des faillites d’entreprises des TPE : les plus dépendantes de la demande locale Austérité et pouvoir d’achat Austérité budgétaire ne commence pas en 2015 Austérité fiscale de 2011 à 2013 : 70 Mds d’euros (3,5 points de PIB) réparties 18 Mds d’euros en 2011 22 Mds d’euros en 2012 29 Mds d’euros en 2013 Taux de prélèvements obligatoires (en % du PIB) Pouvoir d’achat par ménage (en euros de 2013) 49400 49200 49000 48800 48600 48400 48200 Variation du pouvoir d'achat par ménage de 2011 à 2014 (en euros de 2013) : - 1650 euros par ménage dont - 1020 euros de charges fiscales et sociales - 760 euros de revenus du travail - 250 euros de revenus du capital - 60 euros d'autres revenus + 440 euros de prestations sociales 48000 47800 47600 47400 47200 47000 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 Austérité et pouvoir d’achat De 2014 à 2017, transfert de 40 Mds d’euros de revenu des ménages en direction des entreprises pour financer le CICE et le Pacte de Responsabilité auxquels doit s’ajouter les efforts de consolidation budgétaire 50 Mds d’économies attendues sur la dépense publique impactent en priorité le revenu des ménages (transferts sociaux, salaires et emplois des fonctionnaires…) Hausse de certains prélèvements : TVA, cotisations retraites, Contribution Climat Energie, fiscalité locale… Une demande durablement affaiblie en raison de la contraction du pouvoir d’achat pénalise également les nouvelles mesures visant à améliorer la compétitivité et redresser l’investissement Comment seront utilisées les marges des entreprises si les carnet de commande ne se remplissent pas ? Déséquilibre entre l’offre et la demande empêche une reprise rapide de l’activité et d’enclencher une trajectoire durable de baisse du chômage Quelle issue ? Pour retrouver rapidement de la croissance et faire baisser significativement le chômage : Réduire la vitesse d’ajustement budgétaire et redéployer une plus grande partie des efforts budgétaires en soutenant le revenu des ménages modestes et des classes moyennes. 50 Mds d’économies sur la période 2015-17 15 Mds d’euros de baisse des Prélèvements obligatoires y compris CICE et Pacte de Responsabilité et de Solidarité Règle des trois tiers : il faudrait redéployer environ 17 Mds vers les ménages sur la période 2015-17 Cette stratégie permettrait de Maintenir les dispositifs fiscaux déjà votés en faveur de la compétitivité (CICE, Pacte de Responsabilité) Rééquilibrer l’offre et la demande sans faire de relance Renouer rapidement avec une croissance suffisamment dynamique pour faire baisser le chômage Réduire les déficits sans casser la croissance