Confusion mentale et cancer : souffrances des patients et de leur

publicité
Confusion mentale et cancer
souffrances des patients et de leur entourage,
difficultés des soins
Dr Isabelle PIOLLET psychiatre
Institut Sainte Catherine Avignon
La confusion mentale
• Un syndrome fréquent, parfois flou et mal connu
• Un référentiel de bonnes pratiques ( RRC-AFSOS)
depuis décembre 2010
• Axes de réflexion :
– Importance de la précocité du diagnostic
(sensibilisation des soignants )
– Souffrances engendrées justifiant d’un traitement
– Importance de l’approche environnementale
• Pas seulement en soins palliatifs
Les fausses idées sur la confusion
C’est un problème de sevrage / surdosage de médicaments !!
OUI
car ce sont des facteurs de risque +++
NON
car affecte aussi les patients dans de nombreuses autres circonstances
C’est un problème psychiatrique !!
OUI
NON
car il y a une souffrance psychologique
intense pour le patient et les proches
et les symptômes sont influencés par
le contexte émotionnel
car même si les symptômes de la confusion sont de nature psychiatrique et les
traitements recommandés communs avec ceux des psychoses, le déterminisme en est
totalement différent
C’est un problème de sénilité !!
OUI
car le grand âge et l’existence d’une
démence sont des facteurs de risque
importants de confusion mentale
NON
car la confusion mentale survient brutalement, peut être réversible, et entraîne une
altération de la conscience. Elle n’est pas forcément associée à une détérioration
organique cérébrale définitive
C’est le problème des médecins !!
OUI
car c’est une urgence médicale
nécessitant un diagnostic et une
thérapeutique rapides
NON
car les manifestations cliniques varient selon le moment et le contexte et donc le
repérage et l’évaluation des symptômes doit impliquer tous les soignants, surtout
ceux de proximité!
Le dépistage et la prise en charge dépendent nécessairement d’un travail en interdisciplinarité.
Définitions et formes cliniques
Dysfonctionnement cérébral global, non spécifique, souvent transitoire et réversible, témoignant
d’une souffrance cérébrale secondaire à des processus organiques .
La Confusion mentale est un syndrome où plusieurs fonctions neuropsychiques sont affectées, et qui
s’exprime avec un polymorphisme clinique qui contribue à la grande difficulté d’un diagnostic
précoce .
Principales catégories de symptômes ( CIM-10)
-Troubles de la vigilance et de l’attention (obnubilation)
-Troubles cognitifs ( mémoire, idées, désorientation temporo-spatiale)
-Troubles du comportement qui vont se manifester selon 3 formes cliniques:
 soit agitation, agressivité : forme agitée
soit apathie, somnolence : forme ralentie
soit forme mixte ( alternance de forme agitée et ralentie)
-Troubles du sommeil : insomnie, inversion du cycle nycthéméral, cauchemars et onirisme
(hallucinations, illusions, fausses reconnaissances, délire)
-Intensité des troubles très fluctuante et très sensible aux conditions de l’environnement
(stimulation)
Données épidémiologiques en cancérologie
 C’est un syndrome dont la fréquence est SOUS- ESTIMEE dans la pratique quotidienne en
cancérologie;
 1/3 à 2/3 des cas de confusion sont : sous diagnostiqués, détectés tardivement ou même non
détectés
 Pourtant le syndrome confusionnel concerne : près de 80% des patients en phase terminale de
cancer et 8 à 40 % des patients hospitalisés en cancérologie
 La forme
 La forme ralentie est la plus fréquente surtout dans un contexte de soins palliatifs,
entre 50 % à 86%
 La forme agitée représente une minorité des formes cliniques (13 à 46% en phase
palliative) mais c’est paradoxalement la forme la plus souvent diagnostiquée (car la
plus bruyante).
•
•
Dans un contexte de soins palliatifs : le syndrome confusionnel est un facteur prédictif de décès
Hors contexte de soins palliatifs : le syndrome confusionnel est un facteur pronostic de gravité
Le devenir des formes somnolentes est plus sévère que celui des formes agitées +++
Intérêt du dépistage
• Quelque soit le contexte, le syndrome confusionnel doit
faire l’objet d’un diagnostic précoce et le traitement doit être
considéré comme une urgence (même s’il est différent dans
ses objectifs et moyens selon l’étape de la maladie)
• Si les actions de prévention ont un impact modeste, les
actions de dépistage permettent un recours moindre aux
neuroleptiques
Démarche diagnostique précoce
La précocité du diagnostic est fondamentale ( ne pas attendre la
survenue d’une phase d’agitation!!!) car :
Certaines causes sont aisément curables
Entraîne une souffrance psychologique intense chez le patient et
ses proches
Engendre des risques ( fugue, chute, violence, suicide)
Augmente d’autres symptômes (douleur) et la mortalité
Perturbe toutes les relations avec et autour du patient
Complique tous les soins
Mobilisation principalement dans le cas des formes agitées ( car elles sont
bruyantes)
Les formes ralenties sont souvent négligées ou restent inaperçues, elles sont
pourtant souvent de mauvais pronostic
Dépistage/les alertes
Des paroles qui devraient alerter
Des soignants et des proches perplexes et pas toujours d’accord…
Les mots souvent utilisés pour décrire la confusion :
«il est « perdu » , elle « plane »… »
«il ne sait pas ce qu’il veut ! »
«il somnole l’après midi »
«il a fugué »
«il est dangereux et agressif »
«il est insomniaque et s’agite la nuit »
«l’équipe de nuit ne le supporte plus mais avec nous il est gentil !!! »
«pendant la toilette, avec moi, il est bien… »
Des « explications » fréquemment données du syndrome confusionnel :
«il est déprimé, il est dément »
«il fait un délire paranoïaque »
«il devrait être « en » psychiatrie »
«il ne tolère pas les antalgiques »
«il ne veut plus rester à l’hôpital… »
«son mari ne la supporte pas à la maison! »
«cela s’arrangera chez lui … »
Lorsqu’un symptôme est fluctuant on peut affirmer sa présence et non son absence.
Confusion mentale
Facteurs de susceptibilité ou de risque
Facteurs démographiques
AGE > 65ans
Inactivité,
immobilité
Sexe
masculin
+++ ATCD de confusion
Tr. cognitifs
préexistants
ATCD
d’ addictions
Risque de
confusion
augmenté
Changements de
lieux de soins
Hospitalisation de
longue durée
Psychopathologies
Poly médications
(corticoïdes +opioïdes+ BZD)
Comorbidités sévères
(HTA, diabète…)
Emotions,
conflits
Evolutions métastatiques,
douleur non contrôlée
Post opératoire
Déshydratation
Etapes d’un dépistage systématisé
Population à risque en cancérologie
- Personnes âgées
- Phases évoluées de la maladie cancéreuse
- Traitements (opioïdes, corticoïdes,…) et sevrage
Autres populations
Personnes âgées
EDD
Consultation gériatrique
EDD
EDD
Échelle de dépistage du delirium
EDD (échelle de dépistage du delirium)
Caractéristiques et description
Intensité des symptômes (0-2)
Jour
Symptômes
Désorientation : Manifestations verbales ou comportementales indicatives d'une mauvaise
orientation dans le temps et/ou l'espace ou d'un mauvais discernement des personnes dans
l'environnement.
Comportement inapproprié : Comportement inapproprié pour l'endroit et/ou pour la personne, par
exemple, arracher ses sondes ou ses pansements, essayer de sortir du lit alors que c'est contreindiqué, être constamment agité, réagir de façon exacerbé aux stimuli.
Communication inappropriée : Communication inappropriée pour l'endroit et/ou pour la personne,
par exemple, incohérence, état d'incommunicabilité, discours inintelligible ou insensé.
Hallucinations/Illusions : Voit ou entend des choses qui n'existent pas, distorsion dans la
perception des objets…
Ralentissement psychomoteurs, en tenant compte des conditions médicales : Temps de réaction
allongé, peu ou pas d'action/de parole spontanées; par exemple lors de l'interaction avec le patient,
celui-ci réagit toujours après un laps de temps et/ou il est difficile à stimuler et /ou réveiller.
Score Total
Coter chacune des 5 manifestations comportementales comme suit :
0 = comportement absent durant la période
1 = comportement présent durant la période, mais peu prononcé, ni en durée ni en intensité
2 = comportement présent durant la période et prononcé, soit en durée, soit en intensité
(toute autre situation que 0 et 1). N.E. = non évaluable*
Inscrire N.E seulement s'il a été impossible d'évaluer le comportement du patient durant toute la
durée de la période de travail; en préciser la raison :
a = sommeil naturel
b = sédation induite par la médication
c = stupeur ou coma
d =autre raison
Probabilité d'un état confusionnel : 86% pour un score supérieur ou égal à 2
19h-8 h
7 h- 12 h
12h-19h
Score
du jour
Traitement d’un syndrome confusionnel : les objectifs
Le traitement étiologique
des facteurs de causalité immédiatement
curables pouvant entraîner la réversibilité du
trouble confusionnel (Toutefois, dans 50% des
cas, on ne trouve pas d’étiologie univoque mais
plutôt l’intrication de plusieurs causes…)
Rechercher les causes somatiques curables de
façon raisonnée, en tenant compte de l’état du
patient, donc savoir prioriser les bilans et
examens (à minima si phase terminale ou
plurifactorialité)
Evoquer les facteurs psychopathologiques
réels ou supposés (lors d’une annonce
traumatique par exemple) comme des co
facteurs émotionnels à prendre en compte dans
une optique de prise en charge globale,
l’élimination formelle de toute étiologie
organique étant impossible.
Le
traitement
environnemental
symptomatique
et
Sécurité et confort du patient, des soignants et
de la famille
Rétablissement des fonctions cognitives
garantes de la dignité du patient
Diminution de la souffrance pour tous
Prévention du risque de maltraitance
Evitement de réhospitalisations
Traitement symptomatique de la confusion
Préconisations
Quelle que soit la forme clinique de la confusion (agitée, ralentie ou mixte) :
« Nettoyer la pancarte » : réévaluation des prescriptions en tenant compte de la chronologie
des prescriptions et des fonctions hépatiques et rénales
Diminuer opioïdes ou rotation des opioïdes
Diminuer antidépresseurs et hypnotiques
Diminuer corticoïdes
Surveiller l’hydratation et l’équilibre nutritionnel
En première intention : les neuroleptiques
Bonne efficacité de l’ halopéridol , principalement dans les formes agitées et sur
l’onirisme et les hallucinations (pouvant également être présents dans les formes ralenties)
Eviter les benzodiazépines, sauf dans certaines situations symptomatiques particulières. (DT, ….)
Réévaluation régulière +++
Prise en charge environnementale
De l’ordre du nursing et de l’éducation /information
•Action sur l’environnement
•Soutien des proches
 Éviter la contention si possible mais nécessaire si dangerosité ( voir
recommandations ANAES)
 Donner des repères : lumière, calme, noms des soignants, lieux (les décrire,
les nommer ), temps ( horloge, calendrier…), rituels annoncés ( repas , visite
médicale), objets familiers, présence de la famille
 Stimuler pendant la journée pour conforter le rythme nycthéméral
 Importance de rassurer le patient et sa famille vis-à-vis de la peur de devenir
« fou »
 Explication des troubles, légitimer les comportements (patient et proches)
La fin de l’épisode confusionnel
Sortie de l’état confusionnel ?
•70% des états confusionnels ne sont pas complètement résolus au moment
de la sortie d’hospitalisation du malade lorsqu’il est âgé de plus de 65 ans !!!
•Importance de la communication dans l’après confusion avec le patient et
ses proches (risque de malentendus) : souvent souvenir traumatique de
l’épisode ++
•Importance de cette communication si décès ( prévention des deuils
pathologiques)
Bibliographie
Alici-Evcimen Y, Breitbart W. An update on the use of anti- psychotics in the treatment of delirium. Palliat Support Care 2008;6:177-182.
Bond S. Delirium Resolution in hospitalised older patients with cancer. Cancer Nursing 2008; 31 (6) :444-50
Boyle D. Delirium in Older Adults with Cancer : implications for Practice and Research. Oncology Nursing Forum 2006; 33(1): 61-78
Breitbart W Alici Y. Agitation and delirium at the end of life « We could not manage him » Jama 2008; 300 (24): 2898 – 2910
Breitbart W, Bruera E, Chochinov H, Lynch M.Neuropsychiatric syndromes and psychological symptoms in patients with advanced cancer. JPain symptom manage 1995;10
(2)131-141
Bush S.H., Bruera E. The Assessment and Management of Delirium in Cancer Patients. The Oncologist 2009;14:1039–1049
Caraceni A, Grassi L. Delirium : Acute confusional states in palliative medicine. Oxford University Press, New York, 2003;259 p
Dyer CB, Ashton CM, Teasdale TA. Postoperative delirium. A review of 80 primary data-collection studies. Arch Intern Med 1995;155:461-465
Elie D, Gagnon P, Gagnon B, Giguère A. Using psychostimulants in end-of-life patients with hypoactive delirium and cognitive disorders : a literature review. Can J Psychiatry
2010;55(6):386-393
Gagnon B, Low G, Schreier G. Methylphenidate hydrochloride improves cognitive function in patients with advanced cancer and hypoactive delirium : a prospective clinical
study. Rev Psychiatr Neurosci 2005;30(2):100-107
Gagnon P. Treatment of delirium in supportive and palliative cancer. Curr Opin Support Palliat care. 2008; 2(1):60 –6
Gaudreau JD, Gagnon P, Tremblay A. Psychoactive medication and risk of delirium in hospitalized cancer patients. J Clin Onc 2005; 23 ( 27): 6712_8
Hildebrand J. and Brada M.; Differential diagnosis in neurooncology; Oxford University Press 2001
Inouye SK. A Multicomponent Intervention to Prevention. NEJM 1999; 340 ( 9): 669-76
Inouye SK. The dilemma of delirium : clinical and research controversies regarding diagnosis and evaluation of delirium in hospitalized elderly medical patients. Am J Med
1994;97:205-207.
Leonard M, Agar M, Mason C, Lawlor P. Delirium issues in palliative care settings. J Psychosom Res 2008;65:289-298.
Liptzin B, Levkoff SE. An empirical study of delirium subtypes. Br J Psychiatry 1992;161:843-845
Lonergan E, Britton AM. Antipsychotics for delirium Cochrane Database System Rev. 2009 (2) CDOO5594
Posner JB.; Neurologic complications of cancer; FA Davis Company Philadelphia 1995
Reich M et al. Quelles prises en charge de la confusion mentale en soins palliatifs ? Médecine palliative; Soins de support ; Accompagnement; Éthique (2010);
doi:10.1016/j.medpal.2010.05.006
Ross CA, Peyser CE, Shapiro I, Folstein MF. Delirium : phenomenologic and etiologic subtypes. Int Psychogeriatr 1991;3(2):135-147
Schoevaerts D, Cornette P. Le delirium : un syndrome gériatrique fréquent. La Revue de Gériatrie 2010; 35 ( 2): 111 -120
Sieber FE. Postoperative delirium in the elderly surgical patient. Anesthesiol Clin 2009;27(3):451-464
Schiff D. and Wen P.; Cancer Neurology in clinical practice, Humana Press Totowa New Jersey 2003
Spiller JA, Keen JC. Hypoactive delirium : assessing the extent of the problem for inpatients specialist palliative care. Palliat Med 2006;20(1):17-23
Stagno D, Gibson C, Breitbart W. The delirium subtypes: A review of prevalence, phenomenology, pathophysiology, and treatment response. Palliat Support Care 2004; 2:171-9
Téléchargement